2: Classes médicamenteuses en ophtalmologie

2 Classes médicamenteuses en ophtalmologie



ANTISEPTIQUES ET ASTRINGENTS


On peut distinguer dans cette catégorie trois types de produits :






ANTISEPTIQUES ET ASTRINGENTS PROPREMENT DITS


Les solutions à base d’acide borique sont d’usage fréquent chez l’homme mais un usage répété chez le chien serait réputé sensibilisant par certains auteurs. Toutefois, un certain nombre de solutions de nettoyage oculaire pour chiens et chats en contiennent, associé à d’autres principes actifs, et peuvent être utilisées en toute sécurité : Biophtal et Cleanocular (acide borique et benzalkonium), Clignox (acide borique, hammamélis et eau de rose), nettoyant physiologique pour les yeux Virbac (acide borique, hammamélis et eau de bleuet), Ocryl (acide borique et borate de sodium dans l’excipient tamponné).


La pommade à l’oxyde jaune de mercure (Pommade Maurice) est encore utilisée comme astringent lors de blépharite (une application journalières sur les paupières).


Les collyres antiseptiques stricts sont essentiellement utilisés en cas de conjonctivite non spécifique : ils sont rarement antiseptiques seuls (chlorhydrate de tétryzoline, Alarm ; benzododécinium Chibret 0,025 %), le plus souvent associés :







CICATRISANTS


C’est un ensemble de médicaments topiques, employés pour contrôler la lyse stromale et promouvoir la cicatrisation épithéliale lors d’ulcères cornéens.





PROMOTEURS DE LA CICATRISATION ÉPITHÉLIALE









ANTIBIOTIQUES





CHOIX D’UN ANTIBIOTIQUE


Il répond à deux critères principaux.



Examen complet des structures oculaires


Il faut d’abord, à la faveur de l’examen clinique, identifier la structure infectée et si possible porter un diagnostic étiologique (examens complémentaires souvent nécessaires : examens bactériologique, cytologique et sérologique ; immunofluorescence directe ; PCR…). L’examen bactériologique avec antibiogramme, contrairement à ce qui est assez souvent mis en œuvre, ne s’impose d’emblée que s’il y a risque pour la fonction visuelle (et il faut dans ce cas mettre en œuvre un traitement antibiotique d’attente avant d’avoir le résultat de l’examen), ou si une affection chronique non résolue le justifie. Avec un peu d’expérience clinique, en fonction de la structure intéressée et de l’aspect de la lésion qui peut être typique (chémosis unilatéral de chlamydophilose, ulcère à collagénases de brachycéphale), un premier choix d’antibiotique peut être fait selon la sensibilité présumée du germe (tableau 2.I). L’antibiogramme permet de déterminer la CMI (concentration minimale inhibitrice) d’une souche bactérienne par un antibiotique : c’est la plus faible concentration d’antibiotique capable de provoquer une inhibition complète de la croissance d’une bactérie donnée, appréciable à l’œil nu après une période d’incubation. Une CMI comprise entre les deux concentrations critiques qualifie la souche bactérienne en cause comme de sensibilité intermédiaire (entre souche sensible et souche résistante), c’est-à-dire que le choix de l’antibiotique testé sera aléatoire quant au résultat clinique in vivo. Les associations d’antibiotiques (framycétine-polymyxine B, néomycine-polymyxine B par exemple) sont élaborées dans les spécialités topiques disponibles de façon à ce que ces dernières soient le moins tributaire possible des limites du spectre antibactérien de chaque antibiotique pris individuellement.


Tableau 2.I Choix d’un antibiotique en fonction de la sensibilité présumée du germe


































































































































Germe Molécule de référence
Cocci Gram positifs Staphylococcus spp néomycine
bacitracine
amoxicilline
céphalosporines
fluoroquinolones
Staphylococcus aureus gentamicine
oxacilline
méthicilline
céphalosporines
fluoroquinolones
Staphylococcus epidermidis néomycine
gentamicine
fluoroquinolones
Streptococcus spp pénicillines
chloramphénicol
amoxicilline
céphalosporines
Cocci Gram négatifs Neisseria spp pénicillines
tétracyclines
sulfonamides (± triméthoprime)
Bacilles Gram positifs Corynebacterium spp pénicillines
tétracyclines
sulfonamides (± triméthoprime)
Bacilles Gram négatifs Pseudomonas aeruginosa polymixine B
gentamicine
tobramycine
amikacine
fluoroquinolones
Escheria coli chloramphénicol
tétracyclines
gentamicine
fluoroquinolones
Enterobacter spp amoxicilline (± streptomycine)
Proteus spp gentamicine
fluoroquinolones
tobramycine
amikacine
chloramphénicol
Hemophilus spp amoxicilline
tétracyclines
  Moraxella spp pénicillines
tétracyclines
Actinomycètes Actinomyces spp pénicillines
tétracyclines
Nocardia spp chloramphénicol (± streptomycine)
Chlamydophila Chlamydia spp doxycycline
tétracyclines
chloramphénicol
Mycoplasmes Mycoplasma spp tétracyclines
chloramphénicol

(modifié d’après D. Slatter, Fundamentals of veterinary ophtalmology, 3rd ed., Philadelphia : WB Saunders, 2001).



Connaissance des propriétés pharmacocinétiques et pharmacologiques des principes actifs


La pénétration des antibiotiques est soumise au passage de barrières anatomiques :





L’inflammation endoculaire « ouvre » ces barrières physiologiquement étanches aux protéines plasmatiques et aux antibiotiques qui leur sont liés.


L’usage d’antibiotiques topiques en cas d’inflammation et d’infection mineures doit, autant que possible, faire appel à des antibiotiques qui ne font pas partie de ceux les plus couramment administrés par voie générale pour éviter des effets secondaires indésirables (antibiorésistance et sensibilisation du patient notamment).


Le choix d’un antibiotique suppose un minimum de connaissance sur ses propriétés pharmacologiques . En thérapeutique oculaire, cinq types d’activité sont reconnus :







Chaque famille thérapeutique sera étudiée en respectant cet ordre de présentation et en présentant les principaux antibiotiques utilisés. La rifamycine, qui bloque la synthèse de l’ARN-polymérase ADN dépendante des bactéries, et l’acide fusidique, apparenté tantôt aux macrolides, tantôt aux aminosides, seront présentés séparément.


Des spécialités à base d’associations synergiques d’antibiotiques (néomycine et polymyxine B par exemple) sont disponibles sous forme topique.


Les concentrations en principe(s) actif(s) des différentes spécialités topiques disponibles sont en principe optimales, mais on peut être amené, dans certains cas, à prescrire une préparation magistrale, où la concentration de l’antibiotique choisi sera augmentée pour des raisons d’efficacité sur certains germes (gentamicine par exemple). Le tableau 2.III fournit une synthèse des données utiles en matière de concentration, posologie et voies d’administration des principes actifs.




PÉNICILLINES





CÉPHALOSPORINES









AMINOSIDES





Gentamicine


Son usage fréquent en médecine vétérinaire fait que des antibiorésistances, notamment à Pseudomonas, sont de plus en plus observées. Elle est réputée potentiellement irritante en usage topique, notamment chez le chat. Par voie topique, elle est employée lors de blépharite, conjonctivite, dacryocystite et en traitement initial de l’ulcère cornéen infecté, en collyre à 3 mg/mL (Gentalline collyre, 3 à 8 instillations/ j), ou gel aqueux (Soligental, trois instillations par jour). Elle est également présentée en association avec la bétaméthasone (Béta-septigen collyre, 6 à 8 instillations/j), la dexaméthasone (Tiacil instillé 2 fois/j), et l’indométacine (Indobiotic, 4 instillations/j). Lors d’ulcère à collagénases, kératite bactérienne grave, une solution renforcée (de 9 à 15 mg/mL) doit être préparée et utilisée, éventuellement associée à une céphalosporine lactamase résistante par voie générale.


L’injection intravitréenne de 8 à 20 mg de gentamicine (12 à 15 mg en moyenne) met à profit la toxicité de cette substance (chimiodestruction) pour l’épithélium pigmenté du corps ciliaire et de la rétine ; elle n’est recommandée que lors de glaucome dépassé avec perte de vision : la pression intra-oculaire (PIO) baisse en quelques jours, se stabilise en une à deux semaines. Si besoin, la procédure peut être répétée, mais il faut se méfier de ne pas injecter chez un chien de petit format une dose toxique par voie générale (néphrotoxicité). Chez le chat, l’injection de gentamicine intravitréenne a été décrite comme pouvant induire l’apparition de sarcomes.












FLUOROQUINOLONES


Les fluoroquinolones (ciprofloxacine, enrofloxacine, gatifloxacine, lévofloxacine, marbofloxacine, moxifloxacine, norfloxacine, ofloxacine, orbifloxacine), à structure de type acide nalidixique, empêchent la synthèse de l’ADN durant la réplication bactérienne par inhibition de l’ADN-gyrase. Elles ont un large spectre et sont efficaces contre les germes Gram positifs et Gram négatifs : S. aureus, S. epidermidis, P. aeruginosa et la plupart des germes Gram négatifs. Leur efficacité contre les mycobactéries et les germes anaérobies est assez variable. Citrobacter, Enterobacter, Klebsiella, P. aeruginosa et S. epidrmidis peuvent développer des résistances. L’ofloxacine topique (Exocine collyre à 0,3 % instillé 4 fois/j, 6 à 8 fois les deux premiers jours de traitement en cas d’ulcères à collagénases) passe mieux la barrière cornéenne que la norfloxacine (Chibroxine collyre à 0,3 %, même utilisation que l’Exocine, un peu plus irritante), aux concentrations des spécialités topiques : cette dernière doit être réservée aux infections de surface. La ciprofloxacine est fortement bactéricide par son activité inhibitrice de l’ADN-gyrase bactérienne : de ce fait, il n’existe pas de résistance croisée avec les autres antibactériens, mais il en existe une avec les autres fluoroquinolones. La ciprofloxacine, parfois irritante par voie topique, est disponible en collyre à 0,3 % (Ciloxan collyre) et en pommade (Ciloxan pommade) : pour obtenir une pénétration cornéenne efficace lors d’abcès cornéen, les instillations ou applicatione doivent être fréquentes (collyre : toutes les 15 min pendant 6 h, puis toutes les 30 min pendant une journée, puis toutes les heures le deuxième jour, puis toutes les 4 h ; pommade : toutes les 1 à 2 h les deux premiers jours, puis toutes les 4 h). Ce sont la gatifloxacine et la moxifloxacine avec lesquelles on obtient par usage topique la meilleure pénétration intra-oculaire. La lévofloxacine collyre à 0,5 % (non disponible en spécialité) est plus efficace contre Streptococcus que la ciprofloxacine ou l’ofloxacine. La marbofloxacine (Marbocyl) par voie générale doit être délivrée au double de sa posologie habituelle (4 mg/kg au lieu de 2 mg/kg) pour obtenir une concentration efficace dans l’humeur aqueuse. L’enrofloxacine (Baytril) par voie générale a été identifiée comme responsable de dégénérescences rétiniennes félines, notamment à des doses supérieures à celles prescrites par le fabricant (supérieures à 10 mg/kg).





ANTIVIRAUX




L’usage des antiviraux en ophtalmologie vétérinaire est quasiment réservé en exclusivité au traitement des conjonctivokératites virales du chat liées à l’infection par le virus herpès félin de type 1 (VHF-1) par des virostatiques. Ces produits, toxiques par voie générale, sont utilisés par voie topique, en collyre ou en gel (à l’exception de l’acyclovir), et surtout efficaces en phase initiale de l’infection au niveau épithélial, leur mauvaises hydrosolubilité et rémanence justifiant des applications fréquentes (au moins quatre fois par jour). Après cicatrisation, qui doit survenir en une dizaine de jours, le traitement doit être prolongé d’une semaine au moins.


La plupart des antiviraux sont des analogues aux nucléosides viraux ou à ceux des cellules de l’hôte, modifiés de telle manière qu’ils interviennent dans la synthèse de l’ADN ou de l’ARN viral en bloquant à un stade déterminé la réplication du VHF-1.



VIROSTATIQUES






PRODUITS NON ANALOGUES AUX NUCLÉOSIDES DU VHF-1


Ils sont également présentés au tableau 2.IV.







ANTIFONGIQUES




Les antifongiques sont classés selon leur structure et leur mode d’action :




Chez les carnivores, les azoles (itraconazole : Itrafungol ; ketoconazole : Ketofungol ; fluconazole : Trifucan) et les polyènes (amphotéricine B : Fungizone) sont les plus utilisés.


Deux types de manifestations ophtalmiques des infections mycosiques et leurs traitements doivent être successivement envisagés : les kératites mycosiques, les manifestations oculaires des mycoses systémiques.





ANTI-INFLAMMATOIRES





RAPPELS SUR LES MÉCANISMES DE L’INFLAMMATION OCULAIRE


Une lésion de membrane cellulaire se traduit par la libération d’acide arachidonique (AA) membranaire. L’AA est métabolisé par deux voies (fig. 2.1) : celle des cyclo-oxygénases et celle des lipo-oxygénases, actives dans les cellules de la conjonctive, de la cornée et du tractus uvéal. Ces deux voies métaboliques sont initiatrices de la formation de médiateurs chimiques pro-inflammatoires : prostaglandines (PGs) et thromboxanes pour la voie des cyclo-oxygénases (COX), leucotriènes pour la voie des lipooxygénases. Ces molécules ont des effets chimiotactiques pour les cellules de l’inflammation, et les leucotriènes augmentent spécifiquement la perméabilité vasculaire.



Ce sont essentiellement les PGE-2 et PGF-2α que l’on retrouve dans les structures tissulaires lors d’inflammation oculaire : elles ouvrent la barrière hémato-oculaire par action directe sur l’intégrité de l’endothélium vasculaire ; à défaut de traitement, le cycle de l’inflammation est auto-entretenu, avec des conséquences dommageables pour la vision. Les PGs sont évacuées de l’œil à la faveur d’un phénomène de transport actif par le corps ciliaire, et d’une dégradation enzymatique par la PG15-déshydrogénase : le transport actif par le corps ciliaire, sous dépendance d’un système Nadépendant, est rapidement saturé lors d’inflammation endoculaire. À l’inverse d’autres structures, l’œil contient peu de PG15-déshydrogénase.


Note : voir en annexe le diagnostique différentiel des inflammations oculaires, p. 173.



AIS (CORTICOSTÉROÏDES)



Propriétés pharmacocinétiques et pharmacologiques


Les AIS sont des 21-carboprotéines lipophiles dérivées du cholestérol qui se lient aux récepteurs glucocorticoïdes du cytoplasme cellulaire : la liaison avec un AIS modifie la structure tertiaire de ces récepteurs ubiquistes qui sont transférés au noyau, où ils se lient à des séquences d’ADN spécifiques de la réponse à l’administration d’AIS, elle-même matrérialisée par la synthèse d’une enzyme : la lipocortine, inhibitrice de la phospholipase A2 (donc protectrice membranaire), inhibitrice de la PGE-isomérase (donc de la synthèse de PGE) et protectrice de l’endothélium vasculaire (fig. 2.1). Cela se traduit par une diminution de l’exsudation cellulaire et fibrineuse, une inhibition de l’activité fibroblastique et de la synthèse de collagène, un effet stabilisateur sur les membranes lysosomales et la barrière hémato-oculaire.


Lorsqu’un traitement ophtalmique corticoïde est mis en place, l’étiologie, la gravité et le type de structure atteinte doivent être pris en considération, sachant que les AIS ont des effets bénéfiques et d’autres défavorables.




Effets secondaires défavorables


Au niveau cornéen : la régénération endothéliale et la cicatrisation épithéliale sont retardées ; l’administration topique potentialise l’activité des collagénases lors d’ulcère cornéen (l’administration par voie générale est sans effet dans ce domaine) ; une dégénérescence stromale et épithéliale peut être constatée après des années de traitement topique ; à long terme, une irritation et hyperhémie conjonctivale occasionnelles peuvent être constatées lors de traitement topique, plus fréquemment avec la prednisolone qu’avec la dexaméthasone.


Au niveau cristallinien : l’apparition de cataracte a pu être suspectée à long terme chez le chat lors de traitement par voie générale ; une étude expérimentale chez des chats traités par voie topique (acétate de prednisolone à 1 % ou phosphate sodique de dexaméthasone à la concentration de 0,5 % et 1 %) a montré que 28 à 50 % des animaux traités développaient une cataracte, mais ces résultats n’ont pas été confirmés par d’autres observations. Cependant, il ne faut pas considérer l’apparition de cataractes comme un effet secondaire fréquent de traitements corticoïdes au long cours chez les carnivores domestiques.


Systémiques : après injection sous-conjonctivale de corticostéroïdes retard, on peut constater une polyuro-polydipsie ; l’administration topique de prednisolone à 1 % ou de dexaméthasone à 0,1 % peuvent induire à moyen terme un blocage de l’axe adrénohypophysaire réversible avec l’arrêt du traitement, et plus rarement à long terme d’occasionnelles modifications phénotypiques de type Cushing indépendantes de la taille de l’animal et de la fréquence d’administration (1 à 35 % de la dose délivrée par voie topique est systématiquement absorbé par voie générale et sont retrouvés dans le plasma, l’urine, la bile et les glandes surrénales).


Apr 23, 2017 | Posted by in OPHTALMOLOGIE | Comments Off on 2: Classes médicamenteuses en ophtalmologie

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