Chapitre 2
Anomalies cervicales
2.1
Conduite à tenir devant une masse cervicale
Tératomes (figures 2.3 et 2.4)
La localisation ORL des tératomes représente 3 à 7 % des tératomes. Ils se situent sur la ligne médiane le plus souvent aux dépens de la thyroïde. Ils peuvent se situer dans la zone antérieure ou antéro-latérale du cou généralement asymétrique et unilatéral. Ces tumeurs sont échogènes et souvent mixtes, hétérogènes. La vascularisation est présente à la base de la masse. Elle est de type artériel. La survenue d’un effet shunt dans cette localisation des tératomes est rare mais doit être redoutée. Les tératomes sont mieux limités que les lymphangiomes. Les complications sont les mêmes que celles des tératomes sacro-coccygiens : la croissance, la vascularisation et la différenciation. La compression est la complication la plus fréquente à l’origine d’un hydramnios (plus fréquent que dans les lymphangiomes) ; néanmoins, il faut rechercher un envahissement des tissus adjacents avec en particulier un envahissement médiastinale et/ou vasculaire. Certains cas de tératomes géants peuvent être associés à une hypoplasie pulmonaire qui est responsable du décès de l’enfant même si les voies aériennes sont sécurisées [1].
Figure 2.3 Tératome du cou latéralisé.
Enfant à la naissance et à quelques mois de l’intervention. (Clichés S. Delahaye)
Hémangiomes congénitaux
Ce sont des masses solides hypervascularisées, souvent postérieures occipitales. Dans cette localisation, la mise en évidence d’une zone hyperéchogène localisée au sein de la masse d’aspect granité est assez évocatrice du diagnostic. L’évolution est spontanément favorable. Après une phase de croissance de 3 à 9 mois, l’involution se produit lentement. L’hémangiome a disparu dans 50 % des cas à 5 ans et 50 % des cas à 12 ans. Il peut exister un syndrome de Kasabach-Merritt (thrombopénie) en cas de gros hémangiomes [2].
Sténose trachéale
Il ne s’agit pas précisément d’une masse cervicale, mais son diagnostic doit être fait en prénatal en raison du mauvais pronostic de cette pathologie. Elle est responsable de ce que les Anglo-Saxons appellent le « congenital high airway obstruction syndrome » (CHAOS) qui peut avoir d’autres causes comme une tumeur compressive cervicale. Elle se présente comme la sténose ou l’atrésie laryngée par une augmentation bilatérale de la taille des poumons qui ont un aspect hyperéchogène et la visualisation inhabituelle de l’axe trachéobronchique. Cet aspect est dû à l’augmentation de la quantité de liquide intrapulmonaire sécrété par les pneumocytes II et qui ne peut pas sortir des poumons en raison de l’obstruction. C’est un diagnostic très rare du 2e trimestre de la grossesse. Même isolée, cette pathologie présente un pronostic réservé en raison de l’apparition d’une anasarque in utero et de la difficulté de la prise en charge post-natale. Quelques publications rapportent des traitements in utero consistant en une levée de l’obstruction, mais ces cas restent anecdotiques et éthiquement discutables. La technique EXIT permet la trachéotomie immédiate de ces enfants à la naissance, mais le pronostic fonctionnel pulmonaire n’est pas bon [3].
Prise en charge post-natale
La nécessité de réaliser une technique EXIT est discutée au cas par cas. L’existence d’un hydramnios signe la compression des voies digestives et le plus souvent des voies aériennes mais ne signifie pas qu’il existe un envahissement de ces structures. En cas d’hydramnios important et/ou de signe d’envahissement évident, il est possible d’envisager l’EXIT. C’est une procédure lourde qui nécessite une anésthésie générale pour la mère et comporte des risques d’hémorragie en raison de la nécessité de maintenir une relaxation utérine afin d’éviter le décollement placentaire. Cependant, les cas pour lesquels l’EXIT est envisagée sont souvent les cas de plus mauvais pronostic fonctionnel pour lesquels une IMG est envisageable [4]. Dans les autres cas, la présence d’un ORL en salle de naissance est suffisante à la prise en charge de ces enfants. Pour les tératomes, une exérèse chirurgicale est programmée plus ou moins rapidement après la naissance selon le volume de la masse et sa localisation.
Références
[1] Liechty, K. W., Hedrick, H. L., Hubbard, A. M., Johnson, M. P., Wilson, R. D., Ruchelli, E. D., et al. Severe pulmonary hypoplasia associated with giant cervical teratomas. J Pediatr Surg. 2006; 41:230–233.
[2] Enjolras, O., Wassef, M., Mazoyer, E., Frieden, I. J., Rieu, P. N., Drouet, L., et al. Infants with Kasabach-Merritt syndrome do not have “true” hemangiomas. J Pediatr. 1997; 130:631–640.
[3] Kohl, T., Hering, R., Bauriedel, G., Van de Vondel, P., Heep, A., Keiner, S., et al. Fetoscopic and ultrasound-guided decompression of the fetal trachea in a human fetus with Fraser syndrome and congenital high airway obstruction syndrome (CHAOS) from laryngeal atresia. Ultrasound Obstet Gynecol. 2006; 27:84–88.
[4] Bouchard, S., Johnson, M. P., Flake, A. W., Howell, L. J., Myers, L. B., Adzick, N. S. Crombleholme 426. TM. The EXIT procedure : experience and outcome in 31 cases. J Pediatr Surg. 2002; 37:418.