Arthropathie microcristalline
Chondrocalcinose articulaire
Il s’agit des manifestations articulaires aiguës ou chroniques liées à la mobilisation intra-articulaire et/ou péri-articulaire de dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium.
Les cristaux se déposent généralement de manière chronique sur le cartilage, le patient pouvant rester longtemps asymptomatique. C’est le passage de fragments de cristaux dans la cavité articulaire qui provoque la réaction synoviale et l’arthrite.
De la même façon, le dépôt calcique chronique sur les tendons peut rester longtemps asymptomatique. Il aboutit parfois à de volumineuses calcifications. La tendinite calcifiante correspond à la mobilisation de petits fragments calciques.
I DIAGNOSTIC CLINIQUE
C Symptômes et signes d’examen
L’expression clinique de la chondrocalcinose articulaire peut être :
• surtout monoarticulaire, parfois polyarticulaire,
• l’articulation est douloureuse, rouge, gonflée, siège d’un épanchement ;
– une arthropathie chronique :
Localisations : la chondrocalcinose articulaire peut toucher toutes les articulations, en nombre variable selon les patients, allant de la monoarthrite à la polyarthrite symétrique. Les localisations suivantes sont le plus fréquemment atteintes et sont à explorer par radiographies pour rechercher les liserés calciques :
– genoux : calcifications méniscales, ou méniscocalcose* ;
– poignets : articulation radiocarpienne, ligament triangulaire du carpe ;
– bassin : coxofémorales, symphyse pubienne ;
– rachis thoracolombaire : calcifications intradiscales ;
– rachis cervical : syndrome de la dent couronnée (dépôts périodontoïdiens donnant des céphalées et/ou des cervicalgies aiguës ou chroniques, voire un syndrome pseudoméningé), calcifications intradiscales.
II EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Examen du liquide articulaire :
– liquide de formule inflammatoire : GB > 1 000/mm3, à prédominance de PNN, stérile ;
– observation au microscope à lumière polarisée de cristaux de pyrophosphate de calcium, à bout carré biréfringents (fig. 194-1 ) pour le diagnostic positif ;
Fig. 194-1 Cristal de pyrophosphate de calcium. (Voir aussi dans le cahier couleur.) (Source : service de rhumatologie de l’hôpital Bichat, Paris.)
– mise en culture pour recherche d’arthrite septique : principal diagnostic différentiel.
NFS, VS, CRP : syndrome inflammatoire fréquent, souvent important.
Recherche d’arguments en faveur d’une chondrocalcinose secondaire : calcémie (hypercalcémie), coefficient de saturation de la transferrine (hémochromatose).
– le dépôt de pyrophosphate de calcium forme un liseré radio-opaque sus-chondral, inconstant, dont l’absence n’élimine pas le diagnostic ;
– l’intérêt des radiographies est de rechercher le liseré calcique, en faveur du diagnostic, ou des érosions* ;
– les radiographies utiles (fig. 194-2) sont celles de :
Fig. 194-2 Chondrocalcinose articulaire : radiographie du genou de face, liseré calcique des compartiments fémorotibiaux interne et externe. (Source : service de rhumatologie de l’hôpital Bichat, Paris.)
• l’articulation symptomatique (clichés bilatéraux comparatifs),
• localisations habituelles souvent asymptomatiques : genoux, symphyse pubienne, poignets, coxofémorales, notamment quand l’articulation n’est pas ponctionnable,
• du rachis cervical centrées sur C1 bouche ouverte pour voir les liserés calciques périodontoïdiens ;
Le scanner cervical avec reconstructions de l’odontoïde permet de voir le liseré calcique couronnant l’odontoïde (syndrome de la dent couronnée).
III DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
A Devant une arthrite aiguë
une arthrite septique ITEM 196 : même contexte fébrile, signes inflammatoires francs, atteinte monoarticulaire fréquente, importance de l’analyse du liquide articulaire ; une arthrite chondrocalcinosique peut se surinfecter ;
une arthrite goutteuse (cf. infra) : contexte fébrile possible, atteinte monoarticulaire fréquente, atteinte du genou fréquente, efficacité de la colchicine ; d’où l’importance de l’analyse du liquide articulaire ;
une spondylarthropathie ITEM 193 : atteinte monoarticulaire fréquente, signes inflammatoires moins francs, sujet plus jeune, recherche de signes typiques de spondylarthrite ankylosante (sacro-iliite) ou d’atteintes extra-articulaires.
IV TRAITEMENT
A Arthrite aiguë
– repos de l’articulation sans immobilisation ;
– vessie de glace sur l’articulation pour diminuer les signes inflammatoires ;
Traitement spécifique de la crise :
– la colchicine est le traitement de référence ;
– même avant la certitude diagnostique, car non contre-indiquée en cas d’arthrite septique éventuelle ;
– les AINS ITEM 326 peuvent être proposés seulement après avoir éliminé une arthrite septique par mise en culture du liquide articulaire, mais sont à éviter au-delà de 65 ans ;
– l’infiltration intra-articulaire de corticoïde sera proposée en cas d’arthrite rebelle à la colchicine (principalement au genou), après avoir éliminé une arthrite septique par mise en culture du liquide articulaire.
Prévention des crises répétées :
V ÉVOLUTION
Dans les formes mono- ou oligoarticulaires :
– l’évolution est favorable, le patient est asymptomatique en dehors des crises ;
– l’atteinte articulaire peut être érosive ;
– ou entraîner l’apparition d’arthrose secondaire avec arthralgies mécaniques chroniques en dehors des crises.
Dans les formes polyarticulaires :
– les poussées douloureuses et l’arthrose secondaire sont plus fréquentes ;
– l’atteinte articulaire peut être érosive ;
– ou entraîner l’apparition d’arthrose ITEM 125 secondaire avec arthralgies mécaniques chroniques en dehors des crises.
La chondrocalcinose articulaire ne donne pas d’atteinte viscérale.
Goutte
La goutte est une maladie articulaire et/ou extra-articulaire résultant de la précipitation de cristaux d’urate dans les articulations et/ou les tissus mous.
Les cristaux d’urate sont formés d’acide urique, issu de la dégradation des bases puriques constituant les protéines.
L’augmentation des taux sanguins d’acide urique résulte d’un excès d’apport ou d’un défaut d’élimination.
L’afflux d’acide urique dans l’articulation provoque une réaction inflammatoire synoviale réalisant la crise de goutte.
En l’absence de normalisation de l’uricémie, les crises se répètent, pouvant entraîner une polyarthrite goutteuse, parfois érosive.
Le dépôt de cristaux d’urate en périarticulaire constitue les tophi goutteux et, dans les urines, provoque des lithiases voire une insuffisance rénale.
Le traitement de la crise de goutte repose sur la colchicine et la prévention secondaire repose sur la normalisation de l’uricémie par un régime alimentaire adapté voire l’allopurinol.