Lupus érythémateux systémique. Syndrome des anti-phospholipides
I SIGNES CLINIQUES
A Atteinte rhumatologique
Il s’agit de manifestations très fréquentes (plus de 80 % des cas) avec :
– soit des polyarthralgies* d’horaire inflammatoire ;
– soit une polyarthrite non destructrice pouvant touchant les petites articulations de la main ainsi que les grosses articulations, associée à des ténosynovites des fléchisseurs ;
– soit une arthropathie déformante liée à des lésions capsulo-ligamentaires se traduisant par des subluxations réductibles des doigts, dénommées rhumatisme de Jaccoud (fig. 190-1).
D’autres manifestations rhumatologiques peuvent être rencontrées mais elles sont en général plus tardives ou liées au traitement cortisonique :
– ostéonécrose aseptique des têtes fémorales ou humérales favorisée par le lupus érythémateux systémique lui-même, un syndrome des anti-phospholipides associé ou les corticoïdes ; elle se manifeste par des douleurs à radiographie le plus souvent normale, dont le diagnostic est confirmé par l’IRM ;
– ostéoporose favorisée par la corticothérapie ITEMS 124 326.
B Atteinte cutanéomuqueuse
1 Lésions lupiques dites « spécifiques »
Elles prédominent sur les zones exposées en raison de leur fréquente photosensibilité.
a) Lésions aiguës
Érythème en « ailes de papillon », ou vespertilio (érythème un peu infiltré qui siège de façon symétrique sur les pommettes de part et d’autre des ailes du nez) (fig. 190-2) ; le nom de lupus vient d’ailleurs de cette localisation cutanée qui rappellerait un masque, ou loup (de lupus, « loup »).
Fig. 190-2 Vespertilio : éruption érythématosquameuse en « ailes de papillon ». (Voir aussi dans le cahier couleur.) (Source : Lipsker D, Sibilia J. Lupus érythémateux. Paris : Elsevier-Masson ; 2013.)
c) Lésions chroniques
Fig. 190-3 Lupus discoïde du pavillon de l’oreille. (Voir aussi dans le cahier couleur.) (Source : Lipsker D, Sibilia J. Lupus érythémateux. Paris : Elsevier-Masson ; 2013.)
– le plus fréquent (10 à 20 % des lupus érythémateux systémiques) ;
– plaques bien limitées avec trois lésions élémentaires : érythème parcouru de fines télangiectasies ; squames plus ou moins épaisses ; atrophies cicatricielles définitives, souvent multiples et symétriques, surtout au visage sur l’arête du nez, les pommettes (avec parfois disposition en « ailes de papillon »), les régions temporales et l’ourlet des oreilles, et sur le cuir chevelu avec alopécie cicatricielle définitive ;
– l’atteinte palmoplantaire peut être invalidante ;
Lupus tumidus : placards nettement saillants arrondis ou ovalaires de teinte rouge violacé, à bords nets, de consistance œdémateuse.
Lupus engelure : engelures persistantes au-delà des saisons froides.
Panniculite : nodules ou plaques infiltrées évoluant vers une lipoatrophie.
2 Lésions lupiques non spécifiques
C Atteinte hématologique ITEMS 188, 209
Il s’agit le plus souvent de cytopénies :
– anémie auto-immune* avec présence d’anticorps anti-globules rouges (ou de complément) lysant les hématies, confirmée par le test de Coombs direct érythrocytaire ;
– thrombopénie, souvent modérée, parfois satellite d’un syndrome des anti-phospholipides ; elle est rarement profonde et symptomatique avec complications hémorragiques.
L’association de l’anémie hémolytique auto-immune et de la thrombopénie auto-immune est dénommée syndrome d’Evans.
Il peut s’agir de microangiopathie thrombotique, dont le diagnostic doit être évoqué devant une anémie hémolytique avec la présence de schizocytes, une thrombopénie, une insuffisance rénale aiguë.
Un syndrome d’activation macrophagique peut survenir au cours de la maladie, caractérisé par de la fièvre, une polyadénopathie, parfois une organomégalie, et des signes biologiques associant pancytopénie, élévation de la ferritinémie, des triglycérides et, surtout, des signes d’hémophagocytose sur la moelle (myélogramme ou biopsie médullaire).
D Atteinte des séreuses ITEM 206
L’atteinte pulmonaire la plus fréquente est l’épanchement pleural, révélé par une douleur basithoracique, une toux sèche voire une dyspnée, parfois fébrile (épanchement exsudatif et lymphocytaire). Parfois, il s’agit d’une pleurite sèche. Les autres complications pulmonaires pouvant être rencontrées dans le lupus érythémateux systémique sont l’hypertension artérielle pulmonaire, la pneumopathie interstitielle diffuse chronique.
L’épanchement péricardique se manifeste par une douleur thoracique précordiale rétrosternale s’aggravant en position penchée en avant. Il est confirmé à l’ECG et surtout l’échographie cardiaque.
Les autres tuniques cardiaques peuvent être touchées : le myocarde et les valves cardiaques (endocardite de Libman-Sacks caractérisée par un épaississement des valves aortique ou mitrale et fréquemment associée au syndrome des anti-phospholipides).
L’atteinte coronaire n’est pas rare, surtout favorisée par l’athérosclérose accélérée par la corticothérapie ou le contrôle insuffisant de la maladie.
E Atteinte rénale ITEM 258
L’examen physique s’attardera à rechercher des œdèmes des membres inférieurs, une hypertension artérielle nouvellement installée, une hématurie macroscopique.
Il faut rechercher systématiquement une atteinte rénale à chaque consultation par la bandelette urinaire (BU) : protéinurie d’allure néphrotique faite d’albumine, hématurie microscopique.
Un ECBU et une protéinurie des 24 heures compléteront la BU ainsi qu’un dosage de la créatinine (insuffisance rénale organique).
La ponction-biopsie rénale reste l’examen clé en cas d’anomalie du sédiment urinaire avec la classification en stades OMS de la biopsie (dont les résultats seront demandés en urgence) :