Chapitre 18 Pathologie du tube digestif
Imagerie normale
Œsophage
En revanche, c’est la bonne connaissance des rapports anatomiques entre ces organes qui permettra à l’échographiste d’affirmer l’existence d’un œsophage normal. Sur une coupe axiale du thorax, l’œsophage est visualisé entre l’aorte en arrière et la paroi postérieure de l’oreillette gauche en avant (fig. 18.1). En coupe sagittale, il peut être visualisé entre la paroi postérieure de la trachée et la paroi antérieure de l’aorte.
Intestin grêle
Les progrès de l’imagerie et l’utilisation des sondes haute fréquence nous permettent de visualiser les anses digestives au 1er trimestre. L’intestin se présente sous la forme d’une masse hétérogène, inhomogène au niveau de la moitié inférieure gauche de l’abdomen (fig. 18.2). Sa limite supérieure est constituée par le foie qui apparaît moins échogène et plus homogène. Les auteurs s’accordent à dire qu’il n’est pas possible de distinguer les parois du contenu avant 24 SA en raison de l’absence de péristaltisme intestinal.
À partir de 21 SA, il est possible d’observer un contenu liquidien dans les anses digestives.
La distinction entre grêle et côlon ne devient certaine qu’au 3e trimestre de la grossesse en raison de la différence de contenu plus échogène du côlon (fig. 18.3).
Pathologie
Œsophage
Atrésie œsophagienne
L’atrésie de l’œsophage est la pathologie œsophagienne la plus fréquente, avec une fréquence de 1 pour 3 000 à 4 000 naissances [1].
La classification de Ladd se fonde sur la présence ou l’absence de fistule trachéo-œsophagienne :
Le dépistage de l’atrésie œsophagienne est difficile échographiquement. Il est souvent suspecté seulement au 3e trimestre devant l’existence d’un hydramnios associé à un estomac de petit volume. Seulement 42 % des atrésies sont dépistées sur ces signes d’appel [2] et 44 % des atrésies suspectées sont confirmées en postnatal [3]. Ce mauvais rendement peut être amélioré par la recherche du « pouch sign » [4], qui correspond à la dilatation du cul-de-sac œsophagien supérieur, associée à des mouvements de régurgitation du fœtus (fig. 18.4).
La visualisation de l’œsophage dans l’espace aorto-carène prend donc ici toute son importance, afin d’assurer un dépistage plus précoce et une meilleure prise en charge pré- et postnatale. Develay-Morice et al. [5] en 2007 ont décrit leur technique de visualisation de l’œsophage fœtal et rapporté leur expérience sur le diagnostic d’atrésie avec fistule trachéo-œsophagienne. Ils prouvent dans cette étude que les atrésies dépistées présentaient une anomalie de l’espace aorto-carène permettant la suspicion d’atrésie dans tous les cas.
Dans le dépistage de l’atrésie de l’œsophage, il peut être intéressant de s’attarder aux signes d’appel simples que sont les anomalies vasculaires. En effet, le champ embryonnaire de l’atrésie de l’œsophage est très proche de celui des veines fœtales et le dépistage simple de la persistance d’une veine cave supérieure gauche, une anomalie de la veine azygos ou la persistance de la veine ombilicale droite sont autant de signes d’appel à la recherche d’une atrésie de l’œsophage justifiant la réalisation d’un examen morphologique de référence [6].
La découverte ou la suspicion d’une atrésie de l’œsophage doit faire l’objet d’un examen morphologique attentif à la recherche d’anomalies associées qui sont fréquentes (30 à 50 %) [7] :
Parmi les associations malformatives, la plus fréquente est l’association VACTERL (7 à 8 %), regroupant des anomalies vertébrales, une malformation anorectale, une atrésie de l’œsophage avec fistule, des anomalies rénales et de membres. Pour retenir ce syndrome, on exige la présence de trois de ces malformations [9].
Prise en charge néonatale
La radiographie pulmonaire précisera le type d’atrésie, la normalité de la silhouette cardiaque et du rachis (fig. 18.5).
Les complications à court terme sont la fuite de l’anastomose, la reperméabilisation de la fistule, et l’infection per- et postopératoire. Les complications à long terme sont la dysmotricité de l’œsophage, le reflux gastro-œsophagien avec micro-inhalation pulmonaire, la trachéomalacie, le retard de croissance et les déformations thoraciques. Ce sont donc les complications pulmonaires qui définissent le pronostic à long terme [10].
Duplication œsophagienne
Il s’agit d’une pathologie rare, représentant 10 % des duplications digestives. Les duplications se forment très tôt dans le développement embryonnaire, entre 6 et 8 SA, parallèlement au développement du tube digestif. La paroi de ces duplications est composée de fibres musculaires et d’une muqueuse. Un tiers des duplications sont associées à d’autres malformations (rachidiennes, vésicales, génito-urinaires).
La duplication œsophagienne se présente comme une structure le plus souvent kystique, parfois tubulaire dans 5 à 10 % des cas, située dans le médiastin postérieur (fig. 18.6). Le diagnostic différentiel avec un kyste bronchogénique ou une origine cardiaque peut être difficile.
Fig. 18.6 Duplication œsophagienne : image tubulaire liquidienne développée dans le médiastin postérieur.
Prise en charge néonatale
Le diagnostic est le plus souvent fait après la naissance, durant la 1re année de vie. Les symptômes sont polymorphes, dominés par des signes digestifs et respiratoires (hémorragie, obstruction, compression trachéobronchique, perforation). Il faut rechercher des anomalies vertébrales et thoraciques fréquemment associées. On réalisera une radiographie pulmonaire avec opacification médiastinale, un scanner thoracique avec injection ou une IRM. On préconise l’exérèse complète de la duplication soit par thoracotomie, soit par thoracoscopie, en prenant soin de ne pas laisser de muqueuse ni à l’inverse de trouer l’œsophage [11].
Estomac
Anomalies de taille
Les cycles de réplétion de l’estomac ont été étudiés à partir de 12 SA, et il apparaît que l’estomac se vide en 30 à 100 minutes avant 24 SA, 40 minutes de 32 à 35 SA et plus de 80 minutes aux alentours du terme [12, 13]. La non-visualisation de l’estomac ou l’existence d’un estomac de petite taille à plusieurs examens successifs et prolongés doivent faire suspecter une pathologie.
À noter qu’il existe des microgastries congénitales dont le diagnostic différentiel avec une atrésie d’œsophage peut être difficile. L’estimation du liquide amniotique peut être une aide au diagnostic, le volume étant habituellement normal en cas de microgastrie, alors qu’il est habituel d’observer un hydramnios dans les atrésies trachéo-œsophagiennes.
La présence d’un estomac de grosse taille avec liquide amniotique normal est habituellement considérée comme variante anatomique de la normale. En revanche, un estomac de grosse taille associé à un hydramnios doit faire suspecter une obstruction sous-jacente (atrésie du pylore, duodénale, jéjunale). L’estomac de grosse taille peut être observé en cas de diabète de façon transitoire, mais également en cas de syndrome mégavessie-microcôlon.