Chapitre 18 Maladie de Dupuytren
Définition
C’est le baron Guillaume Dupuytren [4], chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Paris qui, en 1831, réalise la première aponévrectomie.
Anatomie de l’aponévrose palmo-digitale
Anatomie de l’aponévrose palmaire moyenne
Elle siège dans la paume de la main encadrée par l’aponévrose de recouvrement des masses thénariennes et hypothénariennes. L’ensemble constitue l’aponévrose palmaire superficielle.
De forme triangulaire, l’aponévrose palmaire moyenne a son sommet au niveau du ligament annulaire du carpe, dans le prolongement de l’insertion du petit palmaire, sans qu’il y ait une véritable continuité entre les deux structures [2] (fig. 18-1).
Anatomie des aponévroses digitales
On individualise une lame latérale digitale qui naît à la base du doigt dans l’espace commissural par la réunion des expansions du ligament palmaire interdigital (ligament natatoire) et de la bandelette sagittale issue de la bandelette prétendineuse.
Son bord dorsal est en rapport avec l’appareil extenseur, alors que le bord palmaire est libre.
De la base de la première phalange jusqu’à l’articulation interphalangienne proximale, la lame digitale s’interpose entre le revêtement cutané et le pédicule vasculo-nerveux. Au niveau de l’articulation interphalangienne proximale, la lame digitale émet des fibres qui, pour les profondes, vont s’insérer sur l’appareil capsulo-ligamentaire en arrière du pédicule vasculo-nerveux. Elles forment la bandelette rétrovasculaire de Thomine [9] et le ligament de Cleland [3], qui est une structure indépendante jamais intéressée par la maladie de Dupuytren. Les fibres les plus superficielles passent en avant du pédicule vasculo-nerveux pour se fixer sur la gaine des fléchisseurs. C’est à ce niveau que l’on peut parler de ligament de Grayson.
Au niveau de la phalange moyenne, la lame latérale du doigt s’amincit, les fibres fixées à l’appareil capsulo-ligamentaire de l’IPP gagnent la face latérale de l’articulation interphalangienne distale. Les fibres plus antérieures, fixées sur la gaine des fléchisseurs, gagnent obliquement à 45°, par la face latérale de P2, la terminaison du tendon extenseur réalisant une lame triangulaire individualisée par Landsmeer [6] comme ligament rétinaculaire oblique.
Structures aponévrotiques radiales (pouce et éminence thénar)
Elles sont composées des fibres longitudinales externes de l’aponévrose palmaire superficielle, du ligament palmaire interdigital de la première commissure et du ligament commissural proximal (fig. 18-2).
• Les fibres thénariennes gagnent la première phalange du pouce et se densifient fortement en regard de l’articulation métacarpo-phalangienne.
• Les fibres longitudinales les plus externes de l’aponévrose palmaire superficielle se dirigent vers le pouce. Les plus profondes se fixent sur la gaine du long fléchisseur du pouce et les plus superficielles sur le derme.
• Le ligament palmaire interdigital ou natatoire traverse la première commissure. Il se fixe en partie sur la bandelette rétrovasculaire externe de l’index et sur le pouce de chaque côté de la gaine fibreuse du long fléchisseur.
• Le ligament commissural proximal correspond au ligament transverse de l’aponévrose palmaire superficielle. Certaines de ces fibres s’attachent sur la gaine fibreuse des tendons fléchisseurs de l’index. Sa terminaison externe converge sur le noyau fibreux à la base du pouce rejoignant le ligament natatoire.
• Les structures aponévrotiques digitales du pouce sont voisines de celles des doigts longs et on retrouve les équivalents du ligament de Grayson et Cleland.
Anatomie de la maladie de Dupuytren
Il convient de bien individualiser les nodules qui sont essentiellement palmaires, plus rarement digitaux, des brides ou cordes qui, elles, sont palmaires et digitales (fig. 18-3A à D).
Dans la paume de la main, le ligament transverse superficiel, dans sa partie centrale, ainsi que les cloisons de Legueu et Juvara [7] ne sont jamais touchés par la maladie. En revanche, tous les éléments aponévrotiques, à l’exclusion du ligament de Cleland et du ligament rétinaculaire oblique de Landsmeer [6], sont intéressés par la maladie de Dupuytren. Ajoutons à la terminologie, la notion d’ombilication cutanée qui siège essentiellement entre les plis palmaires proximal et distal et les points d’insertions des fibres longitudinales issues des brides. Les distorsions des plis palmaires apparaissent dès le début de la maladie. Quant aux rétractions articulaires, elles touchent essentiellement les articulations MP et IPP, plus rarement l’IPD. L’extension de la maladie de Dupuytren ne se fait pas au hasard, l’affection suit les voies anatomiques des fascia, aussi bien au niveau de la paume de la main, que des chaînes digitales. Au niveau digital, les brides peuvent se présenter sous différentes formes, imposant au chirurgien une dissection minutieuse pour respecter les pédicules vasculo-nerveux et l’appareil fléchisseur (fig. 18-3D).
Classification et évaluation des lésions
Tubiana [10], dans un souci d’efficacité, a proposé en 1996 une cotation chiffrée simplifiée destinée aux chirurgiens et rééducateurs pour évaluer les lésions pré- et postopératoires. Par ailleurs, à l’usage des chirurgiens, chacune des lésions fait l’objet d’une cotation chiffrée qui permet d’évaluer avec précision les gains postopératoires mais également les aggravations par récidive ou extension de la maladie.
Afin de faciliter l’apprentissage pour le lecteur de cette cotation améliorée de Tubiana, nous décrirons les lésions en allant du versant radial au versant cubital, en commençant par l’atteinte de la première commissure (tableau 18-1 et fig. 18-4).
Derrière cette note, suit l’évaluation de la colonne du pouce (tableau 18-1 et fig. 18-5). Elle additionne la rétraction des articulations métacarpo-phalangienne et interphalangienne du pouce, soit un secteur de mobilité qui varie de 0° (extension complète) à 160° (flexion maximale des deux articulations). Les stades gravitent de 1 à 4 et progressent chaque fois de 45°. Chaque stade est détaillé dans le tableau 18-1. La cotation du pouce est suivie de la lettre D. Ainsi, 2D signifie que la rétraction du pouce constitue un flessum de la MP et de l’IP compris entre 45° et 90°.
Les chaînes digitales longues sont évaluées en cinq stades, en additionnant les déformations MP-IPP-IPD. 0 étant l’extension complète et 200, l’enroulement complet de la chaîne digitale (tableau 18-1 et fig. 18-6).
• P : précise que les lésions sont palmaires ;
• P-D : signifiant que les lésions sont palmo-digitales ;
• H : l’hyperextension de l’IP du pouce ou de l’IPD des doigts longs ;
• (+) : signifie que la flexion de la seule IPP est égale ou supérieure à 70°.
L’exemple n°1 (tableau 18-2) indique que la première commissure est le siège de nodule mais sans rétraction et que le pouce a une rétraction MP + IP au stade 1 pouvant atteindre 45°. L’index (0) est indemne de lésion. Le majeur (1) a une rétraction par une corde palmo-digitale qui se situe par addition des déformations MP-IPP-IPD entre 0° et 45°. L’annulaire (2+) signifie que l’IPP à elle seule présente une rétraction égale ou supérieure à 70°. Cette lésion est sévère, de correction chirurgicale difficile et de pronostic fonctionnel incertain.
• R : récidive vraie, c’est-à-dire une résurgence des lésions dans un territoire déjà opéré ;
• E : extension, indique l’apparition de nouvelles lésions en dehors du territoire opéré ;
• F : limitation de la flexion des doigts, raideur postopératoire dont il faudra préciser par ailleurs la localisation et le degré ;