12: Polyarthrite rhumatoïde

Chapitre 12 Polyarthrite rhumatoïde




Définition


C’est une maladie inflammatoire chronique du tissu conjonctif, essentiellement synovial, touchant surtout les articulations périphériques mais également le rachis cervical. C’est la plus fréquente des maladies rhumatismales chroniques inflammatoires de l’adulte qui touche 1 à 3 % de la population française, les femmes étant trois fois plus touchées que les hommes. La maladie débute entre 30 et 60 ans et 70 % des patients sont porteurs de l’antigène HLA-DR4. Chez l’enfant, cette affection prend le nom d’arthrite chronique juvénile ou maladie de Still.


Le patient porteur d’une polyarthrite rhumatoïde commence à s’inquiéter lorsque ses chaînes digitales se déforment. Bien souvent, il va tolérer, à tort, douleurs et déformations du poignet en ignorant qu’elles sont à l’origine des déformations des doigts. Tout programme opératoire destiné à corriger la main est précédé par la réaxation du poignet. Le panus synovial a un pouvoir destructeur du cartilage, de l’appareil capsulo-ligamentaire, des tendons fléchisseurs et extenseurs. L’apparition des biothérapies a fortement contribué à minorer ces destructions. Le chirurgien ne peut entreprendre un programme opératoire que si la maladie est stabilisée ou en rémission. Les progrès techniques permettent, en une seule opération, de réaxer le poignet, d’effectuer une synovectomie des tendons extenseurs, des articulations radiocarpienne et médiocarpienne, de rétablir les amplitudes et le confort de la prosupination, de corriger la luxation palmaire des premières phalanges, la déviation cubitale des chaînes digitales, les déformations en col de cygne et surtout la ou les déformations du pouce.


Cette chirurgie est exigeante car elle impose une parfaite collaboration entre le patient, le rhumatologue, le chirurgien, le kinésithérapeute, l’orthésiste et l’ergothérapeute. La prise en charge de ces patients implique pour l’ensemble de cette équipe de bien comprendre les mécanismes de déformation du poignet et des chaînes digitales, les grands principes techniques de réparation, la finalité des orthèses statiques et dynamiques, l’intérêt d’enseigner une économie gestuelle.



Mécanismes de déformation



Au niveau du poignet (fig. 12-1A, B)


La destruction du fibrocartilage radio-ulnaire, associée à la luxation palmaire du cubital postérieur, induit la subluxation dorsale de la tête cubitale.



La luxation palmaire de la colonne interne du carpe place la main en supination par rapport à l’avant-bras. Le premier radial devenant prépondérant, le carpe accentue son inclinaison radiale. À ce stade, par phénomène de compensation, les chaînes digitales amorcent leur déviation cubitale bien que ce mécanisme ne soit pas l’unique étiologie. La translation cubitale du carpe fait migrer le semi-lunaire du radius vers le cubitus.


La rupture ligamentaire scapho-lunaire, l’horizontalisation du scaphoïde, la dislocation en accordéon des rangées du carpe vont entraîner un collapsus affaiblissant les systèmes fléchisseurs et extenseurs extrinsèques et renforcent le système des intrinsèques, qui peut être à l’origine des déformations en col de cygne. Cette dislocation et la luxation palmaire des os du carpe expliquent la profonde modification de l’arche métacarpienne avec la flexion palmaire des 4e et 5e métacarpiens et l’extension des 2e et 3e.



Au niveau des chaînes digitales (fig. 12-2)


Les articulations métacarpo-phalangiennes, sous l’action du panus synovial, vont d’abord présenter une subluxation palmaire de la première phalange par rapport à la tête métacarpienne, puis éventuellement développer une déviation cubitale avec translation de la première phalange.



Lors du développement du panus synovial au niveau de la face dorsale de la tête métacarpienne, dans le cul-de-sac de la plaque palmaire, autour des ligaments collatéraux et de leur insertion métacarpienne, la capsule articulaire va se distendre puis se rompre et entraîner la rupture de l’insertion du tendon extenseur à la base de la première phalange. L’instabilité articulaire va s’aggraver par l’élongation, puis la rupture des ligaments collatéraux. La plaque palmaire infiltrée se décolle de ses attaches métacarpiennes et contribue, par l’intermédiaire de la gaine des fléchisseurs, à aggraver la luxation palmaire de la première phalange. L’élongation sur le versant radial de la sangle des extenseurs va entraîner la luxation cubitale du tendon extenseur dans la vallée intermétacarpienne. Les interosseux cubitaux et plus particulièrement le court abducteur du 5e doigt contribuent non seulement à la flexion MP mais également à la déviation cubitale.


Au niveau de l’index et du majeur, la plaque palmaire et les structures avoisinantes qui lui sont rattachées se déplacent sur le bord cubital du doigt sous l’action des fléchisseurs dont le trajet est oblique et cubital par rapport à l’axe de la poulie A1. L’inclinaison radiale du poignet, son collapsus et la flexion des 4e et 5e métacarpiens contribuent à aggraver le coup de vent cubital.


La multiplicité des facteurs qui participent à la luxation palmaire et à la translation cubitale de la première phalange ainsi qu’à sa déviation cubitale implique, de la part du chirurgien, une parfaite analyse des déformations afin d’effectuer un choix technique cohérent qui pourra associer, dans un premier temps, la correction des déformations du poignet avec celles des articulations MP proprement dites.



Principales techniques chirurgicales


Cette chirurgie ne doit être réalisée que si l’équilibre médicamenteux stabilise l’évolution de la maladie. C’est le rhumatologue qui est le mieux placé pour connaître le profil évolutif de la polyarthrite rhumatoïde de ces patients. Il ne faut pas oublier que la plupart de ces patients sont sous traitements immunosuppresseurs, biothérapies, voire cortisone, ce qui les fragilisent sur le plan du risque infectieux et de la qualité des tissus. Le programme chirurgical doit être clairement expliqué au patient et lui démontrer la nécessité de rééquilibrer les grands axes de son poignet avant de corriger les déformations digitales. Opérer les déformations digitales sans corriger au préalable la déviation radiale du carpe est un non-sens.


Nous résumons dans les tableaux 12-1 et 12-2les actes chirurgicaux réalisés sur les tissus mous et le squelette en précisant leur finalité et leurs incidences sur les protocoles de rééducation.


Tableau 12.1 La chirurgie sur les tissus mous du poignet et des chaînes digitales.


















Acte chirurgical sur les tissus mous Finalité
Synovectomie des :

Réparation des ruptures tendineuses par transferts tendineux





ECRB : 2e radial, ECU : cubital postérieur, EPDV : extenseur propre du 5, EDC : extenseur commun des doigts, FDS IV : fléchisseur superficiel du IV, FPL : Long fléchisseur du pouce, EIP : extenseur propre de l’index, EPL : long extenseur du pouce.


Tableau 12.2 La chirurgie ostéo-articulaire du poignet et des chaînes digitales.






























Acte chirurgical sur le squelette Finalité
Émondage (tubercule de Lister – ostéophytose)
Arthroplastie



Arthrodèse partielle



Arthroplastie du poignet
– Abandonnée
Arthroplastie totale du poignet

Arthroplastie MP et IPP (fig. 12-10)










Rééducation et appareillage au stade médical



Phase initiale au stade médical


Elle se caractérise principalement par une action antalgique fondée sur la prévention et orientée autour de l’économie articulaire.


La douleur domine majoritairement ce tableau clinique, car elle survient au moindre geste, lors des activités les plus élémentaires.


L’objectif de la rééducation est donc de lutter contre la douleur et de prévenir les déformations. Son principe repose sur l’information du patient et de son entourage vis-à-vis de la maladie. Il faut dédramatiser le vécu de cette situation en démontrant au patient qu’il lui est possible de gérer en partie sa maladie.


Il doit apprendre à « économiser ses articulations » grâce à une éducation gestuelle précise, à l’utilisation d’aides techniques, et au port d’orthèses adéquates.


Cette économie articulaire a pour but de diminuer les contraintes néfastes lors des activités de la vie courante sur des articulations déjà fragilisées et ainsi de retarder l’apparition des douleurs et des déformations.



Éducation gestuelle


L’éducation gestuelle permet au patient d’apprendre les gestes déconseillés et ceux recommandés.


Il doit éviter les gestes nocifs entraînant des attitudes vicieuses qui faciliteront à long terme l’apparition des déformations articulaires.



Gestes déconseillés (liste non exhaustive)









Aides techniques


Des aides techniques sont proposées au patient afin de faciliter et de compenser certaines fonctions, toujours dans le souci d’éviter le surmenage articulaire.


Elles reposent sur la réalisation de prises digitales globales, au détriment des préhensions fines.


On trouve des aides techniques réalisées de façon artisanale afin d’améliorer le quotidien au niveau de l’hygiène, de l’habillage (enfile bouton, clés), et d’autres commercialisées par des distributeurs spécialisés, à coût financier variable (fig. 12-11C, D).







Orthèses


Les orthèses sont indispensables, surtout en période douloureuse et inflammatoire.


Elles sont réalisées sur mesure, en matériaux thermoformables. Elles sont soit globales, soit partielles.


Elles doivent être confortables, légères, faciles à entretenir, à mettre en place et à enlever.


Esthétiques et discrètes, elles seront mieux acceptées, donc portées régulièrement.


Un bilan précis est établi avant toute prescription et réalisation d’appareillage.


Au stade précoce de la maladie, seules les orthèses statiques sont efficaces.



Orthèse globale de repos de la main et du poignet


L’orthèse de base de la main et du poignet rhumatoïdes est une orthèse statique antébrachodigitale palmaire à visée antalgique et préventive des déformations (fig. 12-14A, B).



Elle immobilise la main et le poignet en position de protection articulaire corrigée, permettant un relâchement musculaire qui limite les contraintes articulaires. Elle atténue la douleur et l’inflammation à court terme. Son efficacité sur la prévention des déformations reste discutable.



Description de l’orthèse

Il s’agit d’une orthèse palmaire qui s’étend des deux tiers de l’avant-bras en proximal jusqu’à l’extrémité des doigts en distal.


L’orthèse peut s’arrêter sous P2, dégageant ainsi la pulpe des doigts pour permettre au patient un minimum de préhension, notamment si l’appareillage est bilatéral à port nocturne (par exemple pour remonter les couvertures).


Le poignet est stabilisé en dorsiflexion à 20° si possible, avec une inclinaison neutre ; les doigts sont en légère flexion : MP 50°, IPP 30° à 40°, IPD 10° ou libres.


La supination du carpe sera évitée par un bon appui sous le pisiforme, ainsi que par la précision du moulage des arches de la main.


La déviation cubitale des doigts est prévenue par une butée sur le bord cubital de l’auriculaire.


Il n’y a pas de rebord du côté radial de l’index, laissant ainsi la place à un éventuel œdème ; il faudra, en revanche, aménager un retour du matériau sur le bord radial du 2e métacarpien pour contrecarrer l’inclinaison radiale du poignet. La colonne du pouce est placée en opposition et antépulsion, pour éviter la rétraction de la 1re commissure.


La fermeture dorsale de l’orthèse est assurée par des Velcro®, parfois couplés à des anneaux pour faciliter la pose et le retrait de cette orthèse. Leur localisation et leur direction contribuent à prévenir et corriger la déviation cubitale des doigts longs, ainsi que la déviation radiale du poignet. Ils seront toujours en amont ou en aval des articulations, mais jamais au-dessus afin de ne pas les comprimer en cas de poussée inflammatoire.


En période de poussée inflammatoire, cette orthèse est portée systématiquement durant la nuit (alternativement de chaque côté ou simultanément), et éventuellement quelques heures par jour en période de repos.



Variante de l’orthèse de repos

Au niveau du poignet, la position varie en cas de ténosynovite.


Si les fléchisseurs sont atteints, le poignet sera en rectitude ou en légère flexion avec extension des chaînes digitales pour éviter la rétraction des fléchisseurs.


Si les extenseurs sont atteints, on préférera une extension du poignet à 20°.


Au niveau des chaînes digitales, on cherchera à corriger les déformations en col de cygne, en boutonnière, et en coup de vent cubital, par des appuis plus marqués. Lorsque le coup de vent cubital est trop important, il suffit d’ajouter des butées dans chaque espace interdigital.


Le thérapeute doit être très attentif au fait que l’orthèse doit rester avant tout une orthèse de repos et ne pas se transformer en appareillage de torture qui voudrait corriger une déformation installée. Il est préférable que la correction soit moindre, mais que l’orthèse soit tolérée donc portée.


NB : Lors des consultations pluridisciplinaires, nous avons constaté que certains patients avaient bénéficié de la mise en place d’orthèses de séries de stabilisation du poignet. En regardant ces orthèses, nous avons remarqué que le renfort métallique interne était placé à la face palmaire du poignet dans la majorité des cas. Ce système de maintien est inapproprié pour un patient atteint de polyarthrite rhumatoïde, car le processus de déformation va dans le sens d’une inclinaison radiale de cette articulation. Il est essentiel de stabiliser parfaitement le poignet par des maintiens latéraux. Une orthèse fabriquée aux mesures du patient offrira un positionnement plus adéquat, et surtout un meilleur confort.

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May 26, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 12: Polyarthrite rhumatoïde

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