17: Transferts tendineux

Chapitre 17 Transferts tendineux



Le devenir d’une réparation des plaies des nerfs périphériques est aléatoire et, dans de nombreux cas, le déficit musculaire et sensitif handicape lourdement le blessé. Dans plus de 40 % des cas, ces patients peuvent bénéficier d’une chirurgie secondaire par transfert tendineux, ce qui va transformer leurs capacités fonctionnelles. Cette chirurgie est d’autant plus performante que le patient a récupéré au moins une sensibilité de protection, d’où l’importance de le faire bénéficier des protocoles de rééducation de la sensibilité, comme cela a été développé au chapitre 16.


Durant toute la période de paralysie motrice, le patient doit être en permanence rééduqué et appareillé afin qu’il préserve passivement ses amplitudes articulaires au niveau de la main et du poignet. Ce ne sont pas le ou les transferts tendineux qui, une fois en place, vont résoudre le problème des raideurs.


Ces techniques sont destinées à des patients motivés car elles exigent une parfaite collaboration et compréhension de l’opéré qui doit préparer son membre supérieur à une telle intervention et assumer une rééducation au long cours qui activera une nouvelle organisation biomécanique de la main.


Cette chirurgie est réputée difficile car elle demande une bonne connaissance anatomique et biomécanique du membre supérieur mais aussi de l’expérience et de l’imagination.



Principes biomécaniques des transferts tendineux


Le transfert tendineux consiste à déplacer l’insertion d’origine d’un tendon vers celle d’un autre tendon ou sur le squelette dans le but de réhabiliter une fonction altérée par une paralysie, une avulsion ou une rupture musculo-tendineuse. Cette chirurgie nécessite un muscle vascularisé et innervé et un tendon dont on modifie à la fois la trajectoire et l’insertion.


Les changements biomécaniques provoqués par un ou plusieurs transferts vont contribuer à réparer un déficit, mais le site donneur ne doit pas pour autant être le siège de séquelles indésirables qui iraient contre l’ensemble de la fonction.


Plusieurs principes régissent les indications et la réalisation des transferts tendineux [38].





Traitement des paralysies de la main


La main et le poignet sont sous le contrôle de trois nerfs sensitivo-moteurs dits nerfs mixtes : le nerf radial, le nerf médian et le nerf cubital.


Le nerf radial est le nerf de l’extension du poignet et des doigts, le nerf médian est le nerf de la sensibilité des 3 premiers doigts et assure l’opposition. Le nerf cubital est le nerf de la force de serrage et particulièrement de la pince pollici-digitale par l’innervation des interosseux. Il est classique de dire qu’une paralysie du nerf médian rend une main aveugle et qu’une paralysie cubitale est une main sans force.


Il est important que le kinésithérapeute connaisse les techniques les plus utilisées de transferts tendineux qu’il sera amené à rééduquer sur une longue période. Nous rapportons ici les techniques les plus couramment utilisées en Europe.



Paralysie radiale


Il convient de différencier une paralysie radiale haute qui inclut les extenseurs du poignet d’une paralysie basse qui ne touche que l’extension des doigts.


Dans la paralysie haute, tous les muscles extenseurs du poignet, des doigts et du pouce sont paralysés. Plus le poignet est placé passivement en dorsi-flexion, plus le déficit d’extension des doigts s’accroît. Inversement, la flexion active du poignet permet d’étendre les doigts par effet ténodèse.



Correction de la paralysie radiale haute


Elle nécessite un minimum de trois transferts tendineux. L’un pour rétablir l’extension du poignet, le second pour l’extension des doigts et le troisième pour l’extension du pouce.


C’est la technique de Merle d’Aubigné [7]-Tubiana [9] qui est la plus utilisée.


Elle consiste à transférer le rond pronateur sur le deuxième radial, le petit palmaire sur le long extenseur du pouce et le cubital antérieur sur l’extenseur commun des doigts. L’utilisation du cubital antérieur, qui est le tendon le plus puissant du poignet, peut être discutée car il entraîne une perte de force de serrage de la main de 30 % [3] (fig. 17-1A, B, C).



Une alternative proposée par Boyes [1] consiste à restaurer l’extension des doigts par le transfert des tendons fléchisseurs superficiels des 3e et 4e doigts passés à travers la membrane interosseuse. Le superficiel du 3e doigt rétablit la fonction du long extenseur du pouce (EPL) et de l’extenseur propre de l’index, le fléchisseur du 4e doigt active l’extenseur commun du 3e au 5e doigt (EDC) incluant l’extenseur propre du 5 (EDQ) (fig. 17-2).





Orthèse et rééducation



Avant l’intervention


La kinésithérapie a pour but de tonifier les muscles qui seront transférés et d’entretenir les articulations qui sont exceptionnellement raides dans ce type de paralysie. Durant cette période, le patient portera, s’il s’agit de son membre dominant, une orthèse dynamique de suppléance des extenseurs (voir chapitre 7) stabilisant le poignet en extension à 30°. Les MP sont rappelées en extension par le système élastique, les IP sont libres. Pour un membre non dominant, une orthèse statique antébrachio-métacarpienne stabilise le poignet à 30° d’extension. Cette orthèse ne doit pas être portée en permanence car le patient se prive alors des effets ténodèses du poignet qui, en flexion, amènent l’extension des doigts.



En postopératoire


Dès le 3e jour, l’opéré bénéficie d’une orthèse dynamique antébrachio-métacarpienne dorsale de suppléance des extenseurs, sous couvert de laquelle il réalise sa rééducation (fig. 17-3A). Cette orthèse supplée aux manques d’efficacité du transfert tendineux, elle maintient la position de détente des sutures et permet une mobilisation active des doigts en flexion. Cette mobilisation est analytique en flexion des MP contre la résistance des élastiques, c’est-à-dire progressive dans les amplitudes articulaires et surtout non douloureuse. La mobilisation en flexion-extension des IP est libre, les MP étant maintenues en extension. L’enroulement global des MP et IP est à proscrire (fig. 17-3B, C).



Ce protocole est poursuivi durant 1 mois.



À J30


L’orthèse est retirée de manière progressive dans la journée et les transferts tendineux sont sollicités de manière active en extension.


Le kinésithérapeute doit connaître les tendons transférés afin de vérifier leur efficacité lors de leur contraction, mais le patient doit être éduqué pour produire le mouvement final préalablement déficitaire et ne pas chercher le mouvement initial du tendon transplanté.


La progression est la suivante : contraction statique en position de raccourcissement en extension du poignet et des doigts sans et contre pesanteur. Contraction dynamique active aidée puis libre et toujours en course interne. Puis en course externe de façon progressive en utilisant l’effet ténodèse. La flexion active du poignet entraîne un allongement passif des extenseurs et favorisent leur contraction active. L’effet ténodèse est utilisé au départ pour faire comprendre au patient l’action du transfert, puis il doit être contrôlé pour faire place à une contraction du transfert tendineux.


Au niveau de la colonne du pouce, c’est la rétropulsion-abduction et l’extension qui doivent être sollicitées. L’extension active des chaînes digitales doit se faire de manière simultanée en raison du transfert d’un seul tendon sur l’ensemble des extenseurs commun des doigts. Il faut vérifier qu’il ne se développe aucune compensation par les interosseux, ce qui entraînerait des déformations en col de cygne (fig. 17-4A, B, C).





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May 26, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 17: Transferts tendineux

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