Chapitre 18. L’amélioration des performances cognitives et la neuroprotection
Introduction200
Les cholinomimétiques dans d’autres utilisations thérapeutiques203
La mémantine203
La gestion des démences vasculaires204
La gestion des démences sous-corticales205
La neuroprotection205
L’amélioration des performances cognitives et les politiques de diagnostic207
Les psychostimulants, les médicaments de l’intelligence ou les bonbons du cerveau («smart drugs »)208
INTRODUCTION
Depuis les années 1960, le débat s’est centré sur des substances cholinomimétiques. Nous ne disposons d’aucune preuve que des altérations des voies cholinergiques seraient une des causes principales des démences de type Alzheimer. En effet, de nombreux autres neurotransmetteurs sont défaillants dans la maladie d’Alzheimer et dans les autres démences. Étant donné les interactions entre les divers systèmes de neurotransmetteurs, il est quasi impossible d’agir sur un neurotransmetteur sans en affecter d’autres. De plus, les substances cholinergiques n’ont jamais semblé spécifiquement utiles dans les démences.
Les recherches actuelles suggèrent que dans la plupart des démences corticales, ce sont les mécanismes de protection cellulaire qui sont perturbés. En temps normal, il existe une série de systèmes régulateurs au sein de la cellule qui ont pour fonction de neutraliser les toxines de toutes sortes et qui participent à la configuration globale du système nerveux [3]. Ceci implique le plus souvent l’intervention d’une protéine qui se fixe à une toxine. Le tout est ensuite reconnu comme un agent nocif et éliminé par un système de dégradation de la cellule. Dans les démences, ce mécanisme semble être stimulé à un point tel que de grandes quantités de ces protéines protectrices sont produites jusqu’à l’empoisonnement de la cellule. La cause de cela reste inconnue. Le phénomène déclenchant pourrait être d’origine génétique, virale, toxique (tel que l’aluminium) ou encore une combinaison de ces différents facteurs. Une autre explication serait que cette accumulation ferait partie du processus normal du vieillissement, certaines personnes étant simplement programmées pour vieillir plus vite que d’autres. Les options thérapeutiques seraient alors de trouver des composés permettant soit de stopper, soit de compenser le processus.
Le fait que de faibles doses d’aspirine semblent réduire la fréquence des démences suggère la possibilité que des composés qui diminuent les réponses inflammatoires en général pourraient également s’avérer utiles.
Historiquement, cependant, le traitement des démences a toujours visé à stimuler le système cholinergique. Dans la pratique clinique, les premières tentatives pour y parvenir furent les suivantes :
• La choline. Il s’agit d’un précurseur d’un neurotransmetteur, l’acétylcholine (Ach). L’hypothèse de départ était qu’en augmentant les apports de choline dans le corps, le cerveau synthétiserait plus d’Ach. Les premières études rapportèrent quelques succès mais qui ne furent pas confirmés par la suite. La choline est aussi présente dans la lécithine, un acide gras essentiel. Des suppléments de lécithine furent également testés dans les démences, mais ont donné peu de bénéfices.
• Le piracétam, l’oxiracétam, l’aniracétam, le pramiracétam. Dans les études sur l’animal, ces substances nootropes libèrent de l’Ach dans le cerveau. Elles semblent légèrement stimulantes chez les humains mais inefficaces en cas de démence. Certains ont affirmé qu’en les associant avec de la lécithine et des anticholinestérases, certains bénéfices pouvaient être obtenus.
• Les inhibiteurs de la cholinestérase. Ces substances bloquent la dégradation de l’Ach dans le corps. Le premier médicament de ce type a été la physostigmine, mais celle-ci a une demi-vie extrêmement courte et les doses qui améliorent les performances chez certaines personnes les détériorent chez d’autres. La tétrahydroaminoacridine (THA) [tacrine] est un inhibiteur de la cholinestérase à longue durée d’action qui a été mis sur le marché aux États-Unis pour le traitement de la démence. Ce type de composé pourrait s’avérer plus utile dans les démences séniles à corps de Lewy que dans les autres types de démence. Cet effet pourrait provenir de l’effet de la tacrine sur les canaux potassium. Si de tels bénéfices existent, ils sont à mettre en balance avec une toxicité hépatique importante.
• Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). Les IEC les plus connus sont le captopril, l’enalapril et le lisinopril. Ils sont utilisés dans le traitement de l’hypertension et de la décompensation cardiaque. Ils sont également responsables de la libération d’Ach dans le cerveau. La publicité pour les IEC insiste lourdement sur le fait que ces médicaments, en plus de faire chuter la pression sanguine, apportent comme « un zeste de vie ». Ces composés auraient, en effet, des propriétés stimulantes et produiraient une légère amélioration des performances. Dans les études chez les rats âgés, les IEC semblent ramener le niveau des performances pour certaines tâches à celui des jeunes rats. Des études suggèrent que ces médicaments pourraient bien être utiles dans certains cas de démences, mais ces résultats ne suffisent pas à garantir l’avenir de ces produits.
LES CHOLINOMIMÉTIQUES DE SECONDE GÉNÉRATION
Une seconde génération d’agents agissant sur le système cholinergique s’est avérée plus efficace, mais leur usage reste controversé. Les critiques affirment que les essais cliniques ne montrent que des effets positifs à peine perceptibles dans les démences, alors qu’ils sont abondamment prescrits sans discrimination. Les bénéfices très modestes que l’on peut en retirer, sachant que leur coût est très élevé, ne justifieraient pas le trou qu’ils creusent dans nos systèmes de sécurité sociale.
Ces faibles résultats lors des essais cliniques pourraient avoir deux explications. L’une est qu’en effet, ces médicaments ont une efficacité discutable. L’autre est qu’ils fonctionnent plutôt bien chez certaines personnes mais pas du tout chez d’autres. La somme des bons résultats est diluée dans ceux de l’ensemble du groupe, ce qui induit une sous-estimation des bénéfices obtenus chez certains patients. Certains cliniciens défendent cette seconde position. Si tel est le cas, il n’y a pas de raison d’inférer que les effets de stimulation cognitive produits par ces médicaments n’apparaîtraient que chez des patients avec un diagnostic de démence avéré. Les patients ayant des troubles cognitifs suite à un traumatisme crânien ou à toute autre pathologie devraient également pouvoir en bénéficier.
Le donépézil
Cet inhibiteur de la cholinestérase, à des doses de 5 à 10mg, produirait des améliorations cognitives, maintiendrait les capacités fonctionnelles et retarderait l’apparition des symptômes comportementaux chez certains patients atteints de démence légère à modérée (il en serait de même pour la rivastigmine et la galantamine). L’argument principal de vente pour le donépézil est qu’il ne se prend qu’en une seule dose.
La rivastigmine
Cet inhibiteur de la cholinestérase est utilisé à des doses allant de 3 à 12mg par jour. Il a un profil d’effets indésirables comparable et doit être utilisé avec les mêmes précautions que le donépézil.
La galantamine
La galantamine est également un inhibiteur de la cholinestérase prescrit à des doses allant de 16 à 32mg par jour. Il a un profil d’effets indésirables comparables et doit être utilisé avec les mêmes précautions que le donépézil.
LES EFFETS INDESIRABLES DES INHIBITEURS DE LA CHOLINESTERASE
En cas d’intoxication, les symptômes seront des nausées, des vomissements, de la diarrhée, de la confusion, des convulsions et de la dépression cardiaque et respiratoire. Cette situation sera traitée avec de l’atropine.
Pour le moment, tout porte à croire que de nombreux autres effets de ces médicaments sont encore à découvrir, qui se traduiront par des effets indésirables pour les uns et par des effets utiles pour les autres (voir la section 8).
LES CHOLINOMIMETIQUES DANS D’AUTRES UTILISATIONS THERAPEUTIQUES
À côté des bénéfices potentiels dans les démences de type Alzheimer, ces médicaments ont aussi été testés par les cliniciens et par les patients dans une série d’autres pathologies. Il semble actuellement que ces médicaments peuvent améliorer les déficits cognitifs liés à la sclérose en plaque, à la maladie de Parkinson et à la chorée de Huntington. Cela pourrait aussi être le cas pour des troubles cognitifs a minima et des troubles de la mémoire associés à l’âge.
De même, ces médicaments ont donné certains résultats dans le traitement des atteintes cognitives chez les patients schizophrènes ou dépressifs, et sont utilisés pour diminuer les pertes de mémoire consécutives à l’électroconvulsivothérapie.
Une efficacité potentielle dans les dyskinésies tardives [4], dans le syndrome de Gilles de la Tourette et dans le trouble de l’attention avec hyperactivité (TDAH) a été rapportée. Des bénéfices possibles dans l’autisme et le syndrome d’Asperger pourraient être fort intéressants en clinique [5].
Gardons à l’esprit que les inhibiteurs de la cholinestérase ont été mis sur le marché pour l’amélioration de symptômes de la démence. Rappelons-nous que l’imipramine et la chlorpromazine furent utilisées dans d’autres indications avant que leurs effets respectifs sur la dépression et sur la schizophrénie ne soient mis en évidence. Dans le même ordre d’idées, on peut s’attendre à ce que ces inhibiteurs de la cholinestérase s’avèrent dans l’avenir plus utiles pour des troubles qui ne concernent en rien les fonctions cognitives, comme les troubles érectiles par exemple (voir la section 8).
LA MEMANTINE
À la différence des autres médicaments utilisés dans la démence, la mémantine agit sur la neurotransmission du glutamate via les récepteurs N-méthyl-D aspartate (NMDA).