18: Infections

Chapitre 18


Infections



18.1


Toxoplasmose



Les seules recommandations nationales sur la toxoplasmose pendant la grossesse sont celles de la Haute Autorité de Santé (HAS) [1], lesquelles sont insuffisamment connues. L’accent est mis sur la prévention primaire et l’information aux femmes enceintes aux différents temps du dépistage (tableaux 18.1 et 18.2). Contrairement à une idée reçue, il n’est pas recommandé de mettre en route un traitement sans avis spécialisé. La HAS souligne qu’on manque de preuve de l’efficacité des traitements prescrits en cas de toxoplasmose maternelle. Toute femme ayant une séroconversion suspectée ou confirmée doit être orientée sans tarder vers une équipe ayant une expertise reconnue, en lien avec un Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN).





Situation actuelle de la toxoplasmose congénitale en France


Grâce à l’hygiène alimentaire, l’incidence de la toxoplasmose congénitale a beaucoup diminué en France. En 2010, seulement 37 % des femmes enceintes avaient une sérologie de toxoplasmose positive, le taux de séroconversion était de l’ordre de 1 pour 1 000 naissances, et les enfants contaminés de 3 pour 10 000 (244 cas).


En cas d’infection primaire chez une femme enceinte, le risque de transmission dépend de l’âge gestationnel (figure 18.1) : 1 % en cas d’infection périconceptionnelle, 10 % au 1er trimestre et dépasse 70 % au 3e trimestre.



Les formes sévères de toxoplasmose congénitale sont les infections disséminées ou des atteintes neurosensorielles et neurologiques avec hydrocéphalie ou microcéphalie. Elles sont peu fréquentes. Le nombre d’IMG pour toxoplasmose est entre 9 et 17 par an selon les déclarations à l’Agence de la Biomédecine, auxquelles il faut rajouter quelques morts fœtales in utero et des formes symptomatiques à la naissance dans 3 % des cas.


La plupart des toxoplasmoses congénitales sont asymptomatiques à la naissance. Les atteintes oculaires peuvent se révéler de façon retardée, dans l’enfance voire à l’adolescence. Le devenir des enfants ayant une toxoplasmose congénitale sans signes majeurs à l’échographie, lorsqu’ils sont bien pris en charge [2], est excellent même en cas de lésions rétiniennes [3].



Diagnostic de l’infection maternelle (figure 18.2)



Interprétation des sérologies


Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une synthèse d’IgG spécifiques. Lorsqu’on dispose d’une sérologie positive antérieure à la grossesse (y compris lors d’une grossesse précédente), il est inutile de prescrire un nouvel examen. Lorsque la sérologie du premier trimestre est positive sans IgM, on peut conclure à une infection antérieure à la grossesse. Lorsque les IgG et IgM sont négatifs, il faut donner des conseils hygiéno-diététiques et suivre la sérologie tous les mois. En cas de sérologie négative pendant toute la grossesse, il est inutile de faire une sérologie au cordon. En revanche, on doit contrôler la sérologie maternelle 1 mois après l’accouchement.



La présence d’IgM est souvent mal interprétée. Lorsque la première sérologie montre la présence d’IgM, il ne faut surtout pas enclencher un traitement intempestif, un discours alarmiste, une amniocentèse inutile. On doit adresser le (même) sérum à un laboratoire spécialisé pour dater l’infection avec un test d’avidité. Si l’avidité est élevée, l’infection est ancienne. Lorsque l’avidité est faible en début de grossesse, une infection récente est suspectée, mais une avidité faible peut persister longtemps. Il faut contrôler le taux des anticorps 3 semaines plus tard. Le biologiste peut conclure à une infection datant de moins de 2 à 3 mois si le taux augmente de façon significative (titre d’anticorps en UI doublé ou plus avec la même technique en parallèle dans le même laboratoire). Lorsque le taux est stable, l’infection est plus ancienne.


En cas d’apparition d’IgM lors de la surveillance chez une femme séronégative, la mise en évidence d’IgG spécifiques de la toxoplasmose est nécessaire pour confirmer la séroconversion. La présence isolée d’IgM peut être non spécifique, par réactions croisées. Les laboratoires spécialisés disposent de techniques qui permettent de conclure sans délai excessif, mais il est parfois nécessaire de faire plusieurs contrôles, espacées de 1 ou 2 semaines.




Diagnostic anténatal


L’amniocentèse, jamais obligatoire, permet un diagnostic fiable. Les performances de la polymerase chain reaction (PCR) sur le liquide amniotique sont excellentes aujourd’hui, avec une valeur prédictive négative dépassant 98 % [4]. Pour éviter les faux négatifs, la ponction est faite au moins 4 semaines après la séroconversion et jamais avant 18 SA. Même lorsque l’amniocentèse n’est pas réalisée, le suivi mensuel par l’échographie reste indispensable.



Que faire si le résultat de l’amniocentèse est positif ?


Une PCR toxoplasmose positive suffit pour poser le diagnostic de toxoplasmose congénitale. Un traitement par pyriméthamine/sulfamide est proposé (voir ci-dessous), l’interruption médicale de grossesse étant réservée aux cas de pronostic très péjoratif. Une contamination précoce est un facteur de risque de forme sévère, mais ne constitue pas une indication d’IMG. En cas d’infection maternelle acquise avant 20 semaines, une concentration élevée de parasites dans le liquide amniotique par la PCR quantitative est associée à un risque accru d’atteinte fœtale sévère. Il existe des souches parasitaires plus pathogènes que celle couramment rencontrée en Europe [5]. L’IRM fœtale est moins performante que l’échographie pour estimer le pronostic d’une toxoplasmose fœtale. L’échographie itérative est donc l’examen déterminant pour évaluer le pronostic.


Les lésions cérébrales sont les plus évocatrices d’une toxoplasmose fœtale [6] :



D’autres lésions moins spécifiques et moins fréquentes peuvent être observées : ascite, épanchement pleural ou péricardique, hépatomégalie et hyperdensités intrahépatiques, intestin hyperéchogène, placentomégalie.


L’apparition d’une dilatation ventriculaire cérébrale est de mauvais pronostic, faisant discuter l’interruption de grossesse. En revanche, la normalité de la surveillance échographique est de pronostic favorable même pour des infections maternelles du 1er trimestre [2]. La loi française permet en effet d’éviter l’IMG pour simple doute dans la mesure où elle reste possible même à un terme avancé s’il apparaît des lésions sévères avérées.



Que faire si le résultat de l’amniocentèse est négatif ?


Lorsque le diagnostic est négatif, la surveillance échographique est poursuivie jusqu’à la naissance, car il existe quelques cas de toxoplasmose congénitale après une amniocentèse négative [7]. On peut arrêter la prophylaxie après une amniocentèse négative si l’infection maternelle a eu lieu avant 22 SA. En pratique, la prophylaxie est souvent poursuivie jusqu’à l’accouchement malgré une amniocentèse négative par crainte d’un résultat faussement négatif. Or, un délai d’un mois est largement suffisant pour que la parasitémie maternelle soit négative, et devrait (sans que cela soit démontré) suffire pour supprimer la présence du parasite dans le placenta. En pratique, la valeur prédictive négative d’un résultat de PCR négatif suite à l’amniocentèse est supérieure à 98 % avec les techniques actuelles [4].


Le diagnostic négatif sera confirmé chez l’enfant. La disparition des anticorps maternels peut mettre 6 à 12 mois. Le diagnostic est encore plus délicat lorsqu’une amniocentèse n’a pas été réalisée. Le diagnostic sur le placenta est abandonné pour des raisons économiques, mais aussi parce que sa sensibilité est insuffisante. Divers tests sont faits chez l’enfant dans les laboratoires spécialisés pour distinguer les anticorps spécifiques (IgG, IgM et IgA) synthétisés par l’enfant de ceux d’origine maternelle. Cela permet généralement un diagnostic précoce avant 6 semaines.



Que faire en cas de séroconversion périconceptionnelle ?


La première étape est d’infirmer ou d’affirmer l’infection maternelle. La majorité des sérologies du 1er trimestre positives en IgG et IgM sont en réalité antérieures à la grossesse. Il n’y a pas lieu d’envisager un diagnostic anténtatal ou un traitement et on rassure la mère, car les cas de transmission par réactivation ou réinfection sont exceptionnels et généralement peu graves, hormis des situations de déficit immunitaire.


En revanche, si la datation sérologique est compatible avec une séroconversion au tout début de la grossesse il existe un risque de toxoplasmose congénitale de l’ordre de 1–2 %. Certains considèrent que les cas de contamination donnent lieu à des fausses couches ou à des formes graves aisément repérables à l’échographie (« loi du tout ou rien ») et préconisent un simple suivi échographique. Toutefois, l’amniocentèse permet le diagnostic avant l’apparition de signes échographiques souvent retardés et surtout la possibilité de traitement anténatal [8].



Comment prendre en charge une séroconversion au 3e trimestre ?


Le risque de transmission est très élevé, mais le risque de séquelles graves est proportionnellement plus faible (figure 18.3). Dans l’attente des résultats de l’essai TOXOGEST (actuellement en cours en France), il n’y a pas de données suffisantes pour trancher entre plusieurs attitudes possibles :




Au vu de l’amélioration de la sensibilité de la PCR, on peut envisager d’aborder une séroconversion du 3e trimestre comme au 2e trimestre, avec un traitement prophylactique (qui reste à valider), un diagnostic anténatal, puis un traitement in utero en cas d’infection.



Traitements


Classiquement, le traitement anténatal vise deux objectifs : la prévention de la transmission materno-fœtale, et la réduction des manifestations cliniques chez les enfants infectés.



Traitement prophylactique


Avant d’envisager un traitement, il faut rappeler les conditions pour conclure à la réalité de l’infection maternelle. Le traitement prophylactique le plus courant en France est la spiramycine. Ses effets secondaires sont exceptionnels (troubles gastro-intestinaux, rash cutané).


L’effet protecteur de la spiramycine a été déduit d’études d’observation anciennes [9] qui comportent un biais considérable, car elles ne tiennent pas compte de l’âge gestationnel (figure 18.1). Or, on constate que les femmes étaient plus souvent traitées en cas de séroconversions précoces et à faible risque de transmission qu’en cas de séroconversions tardives, les plus à risque de transmission. Une grande méta-analyse [10] n’a pas démontré d’effet protecteur, ce qui ne prouve pas non plus son inefficacité.


Il est possible que le traitement antiparasitaire soit inefficace pour deux types de raisons :



L’utilisation de la spiramycine ne repose sur aucune recommandation d’une société savante française ou internationale. Au contraire, la HAS [1] a émis des doutes et demandé que des réponses soient apportées dans un délai de 5 ans à certaines interrogations à travers la réalisation d’essais randomisés.


Une telle étude est en cours, TOXOGEST [12]. Il s’agit d’un essai randomisé multicentrique (PHRC national) comparant l’efficacité et la tolérance de deux traitements prénatals, la spiramycine et l’association pyriméthamine-sulfadiazine sur la réduction de transmission materno-fœtale de T. gondii. L’étude est sans insu et ne comporte pas de groupe placebo pour des raisons d’acceptabilité. Le traitement est débuté le plus rapidement possible après le diagnostic de séroconversion. Le suivi échographique et l’amniocentèse sont faits selon les pratiques usuelles.



Place du traitement in utero


Un traitement associant la pyriméthamine avec un sulfamide (sulfadiazine ou sulfadoxine) est proposé jusqu’à la naissance (sauf IMG), puis en post-natal (tableau 18.3). Les principaux effets indésirables sont l’agranulocytose et la toxidermie. Ainsi, il faut surveiller la NFS deux fois par semaine et arrêter le traitement en cas de leucopénie ou de réaction allergique, même si les toxicités semblent peu fréquentes [13].



Il n’y a pas de preuve directe d’efficacité pour diminuer les séquelles de toxoplasmose congénitale, faute d’essai clinique randomisé, mais il existe plusieurs arguments indirects en faveur de ce traitement in utero. Tout d’abord, le traitement post-natal par pyriméthamine et sulfamides semble bien avoir un effet bénéfique [14]. Quelques séries suggèrent que ce traitement en anténatal réduit les séquelles, avec jusqu’à quatre fois moins de signes cérébraux [15]. D’autres indiquent que plus le traitement était précoce, plus il semblait efficace [16, 17]. Toutefois, d’autres études ne montrent pas d’effet bénéfique du traitement anténatal [10, 18].


En cas de toxoplasmose congénitale, l’enfant doit être suivi de façon prolongée et traité par pyritmethamine/sulfamide pour une durée de 3 à 12 mois.




Références



[1] Haute Autorité de Santé (HAS). Recommandation en santé publique : Surveillance serologie toxoplasmose et rubéole durant la grossesse. http://www. has-sante. fr/portail/jcms/c_931379/surveillance-serologique-et-prevention-de-la-toxoplasmose-et-de-la-rubeole-au-cours-de-la-grossesse.


[2] Berrébi, A., Assouline, C., Bessières MH Lathière, M., Cassaing, S., Minville, V., et al. Long-term outcome of children with congenital toxoplasmosis. Am J Obstet Gynecol. 2010; 203:552. e1. [6].


[3] Peyron, F., Garweg, J. G., Wallon, M., Descloux, E., Rolland, M., Barth, J. Long-term impact of treated congenital toxoplasmosis on quality of life and visual performance. Pediatr Infect Dis J. 2011; 30:597–600.


[4] Wallon, M., Franck, J., Thulliez, P., Franck, J., Thulliez, P., Huissoud, C., et al. Accuracy of real-time polymerase chain reaction for Toxoplasma gondii in amniotic fluid. Obstet Gynecol. 2010; 115:727–733.


[5] Delhaes, L., Ajzenberg, D., Sicot, B., Bourgeot, P., Dardé, M. L., Dei-Cas, E., et al. Severe congenital toxoplasmosis due to a Toxoplasma gondii strain with an atypical genotype : case report and review. Prenat Diagn. 2010; 30:902–905.


[6] Hohlfeld, P., MacAleese, J., Capella-Pavlovski, M., Forestier, F., Daffos, F., et al. Fetal toxoplasmosis : ultrasonographic signs. Ultrasound Obstet Gynecol. 1991; 1:241–244.


[7] Villena, I., Bory, J. P., Chemla, C., Hornoy, P., Pinon, J. M. Congenital toxoplasmosis : necessity of clinical and ultrasound follow-up despite negative amniocentesis. Prenat Diagn. 2003; 23:1098–1099.


[8] Garabedian, C., Le Goarant, J., Delhaes, L., Rouland, V., Vaast, P., Valat, A. S., et al. Séroconversion toxoplasmique périconceptionnelle : à propos de 79 cas. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2012 Oct; 41:546–552.


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Aug 1, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 18: Infections

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