Chapitre 17 Surveillance après traitement d’un cancer du sein
La nécessité d’une surveillance des femmes traitées pour un cancer du sein ne fait aujourd’hui plus débat, à la différence du suivi systématique général. Ce suivi clinique et radiologique est clairement codifié. Tout radiologue pratiquant la sénologie doit donc avoir des connaissances solides sur les aspects post-thérapeutiques normaux, les signes évocateurs de récidive mais aussi sur des notions cliniques (facteurs de risque de récidive, sémiologie clinique) et thérapeutiques (types de traitements chirurgicaux et médicaux).
Traitement du cancer du sein et risque de récidive
Données générales
Il existe évidemment une nette différence entre mastectomie totale et chirurgie conservatrice puisque le taux estimé de récidive locale à 20 ans dans l’étude de Veronesi et al. [1] était de 10 à 15 % pour les patientes traitées par chirurgie partielle et radiothérapie contre moins de 5 % en cas de mastectomie totale (correspondant souvent à une évolution métastatique cutanée). Elles sont plus fréquentes chez les femmes jeunes (risque deux fois supérieur avant 40 ans) mais quel que soit l’âge, le pic de survenue se situe entre la troisième et la cinquième année (aux alentours de 2 % par an dans cette tranche). Le risque de récidive diminue fortement après 8 ans (estimé entre 0,1 et 0,7 % par an) mais il persiste longtemps notamment dans les tumeurs hormono-sensibles, le site de survenue étant plus souvent à distance du foyer opératoire. Les récidives mammaires sont rarement multicentriques (14 %) ou cutanées (7 %). Après traitement conservateur, les carcinomes canalaires in situ récidivent plus fréquemment que les lésions invasives (14 % versus 9 %), et sur un mode invasif dans 50 à 70 %. La récidive ganglionnaire axillaire est rare après curage et estimée à 2 % pour les tumeurs de petite taille [2–4].
Facteurs de risque de récidive locale
Les facteurs prédictifs de rechute locale (RL) sont bien connus surtout depuis la publication de l’étude de Nottage et al. [4] : l’absence de radiothérapie et une exérèse chirurgicale en marges « non in sano », un âge au diagnostic inférieur à 40 ans, un grade tumoral histopronostique élevé et un contingent intracanalaire extensif sont retrouvés comme significatifs. On peut noter qu’aucun élément morphologique ou d’imagerie n’est retrouvé comme statistiquement significatif.
Le taux d’incidence de cancer controlatéral est estimé à moins de 1 % par an, celui-ci semblant diminuer (en raison probablement de la prescription de traitements hormonaux) [5].
Modalités de découverte
En dépit d’une surveillance mammographique et clinique annuelle bien conduite, plus de 60 % des récidives sont dépistées cliniquement par la patiente ou son médecin en dehors des examens cliniques bisannuels [2].
Intérêt du diagnostic précoce de la récidive locorégionale
La publication en 2009 d’une méta-analyse regroupant plus de 2200 patientes a montré que le diagnostic par mammographie d’une récidive infraclinique améliorait la survie globale (estimée entre 65 et 75 % à 10 ans après chirurgie conservatrice, mais moins de 50 % en cas de récidive après un geste radical). Si toutes les récidives étaient détectées à ce stade cinq à huit décès pourraient être évités pour 1000 femmes [6].
Modalités de surveillance après traitement conservateur
Ces données sont issues des consensus d’experts : RPC–Saint-Paul, SOR, NCNN [7–9]. Seul l’examen clinique semestriel et la mammographie annuelle sont préconisés de façon systématique.
Examen clinique
L’examen clinique mammaire doit être très rigoureux. Il inclut une inspection statique et dynamique, la palpation du sein traité ou de la cicatrice de mastectomie (fig. 17.1), un examen du sein controlatéral et un examen bilatéral des aires ganglionnaires axillaires et sus-claviculaires ainsi que de la paroi thoracique. L’examen clinique est réalisé en station verticale et en décubitus. Il est fondamental de mentionner clairement les constatations cliniques pour les comparer d’une consultation à l’autre. Cette surveillance est semestrielle pendant 5 ans puis annuelle sans limitation de durée.
Mammographie
Cet examen doit être réalisé 6 mois après la fin des traitements locaux, puis de façon annuelle sans limite de durée.
Elle doit être bilatérale (sauf en cas de mastectomie totale, même s’il a été effectué un geste de reconstruction mammaire), doit comprendre au moins les quatre incidences mais dans certains centres les incidences de profil sont systématiques. La mammographie analogique et la mammographie numérique ont une efficacité comparable mais cette dernière est préconisée chez les femmes aux seins denses [10]. La comparaison avec les clichés antérieurs est indispensable, de même que la connaissance précise des éléments suivants :
• aspect de la lésion initiale (microcalcifications, masse, désorganisation) et localisation (si possible être en possession du bilan de diagnostic initial) ;
• type histologique et caractéristiques biologiques (grade, récepteurs) de la tumeur ;
• type de traitements locaux et notamment de l’exploration axillaire ;
• traitements adjuvants initiaux (chimiothérapie, radiothérapie) et actuels (hormonothérapie), ces éléments étant des facteurs diminuant le risque de RL.
Échographie
Cette technique est indispensable en complément de la mammographie en cas d’anomalie clinique, radiologique ou pour les seins de densité élevée. Elle permet également l’étude des aires ganglionnaires axillaires, de la paroi thoracique et le guidage en cas de prélèvements. Elle est utilisée seule lors de la phase postopératoire précoce ou pour le diagnostic d’une anomalie clinique sur le site de mastectomie totale.
IRM–scanner mammaire et TEP
Ces examens sont à prescrire en fonction des résultats du bilan classique (mammographie–échographie et biopsie si nécessaire) ou en cas d’anomalie clinique non expliquée par ce bilan (modification cicatricielle ou nodule clinique sans traduction en imagerie). L’IRM (comme le scanner) recherche la néoangiogenèse d’un éventuel processus évolutif. Cette imagerie est très sensible (88–92 %), mais peu spécifique (67–77 %) selon les récents résultats d’une méta-analyse [11]. Néanmoins dans les seins traités ou l’incidence des lésions bénignes est beaucoup plus faible (compte tenu de la radiothérapie), la spécificité augmente et la valeur prédictive négative est proche de 100 %. Elle peut donc être utilisée pour rassurer la patiente et le clinicien en cas de modification clinique ou de découverte d’une image non spécifique et sans signe de suspicion majeur. Elle peut être réalisée rapidement après traitement même si la présence de rehaussements liés à l’inflammation postradique dans les 12 à 18 premiers mois après la fin de la radiothérapie peut masquer des lésions ou engendrer des faux positifs [12].
L’exploration tomodensitométrique n’a d’intérêt qu’en l’absence d’appareil IRM.
La TEP n’a pas d’indications dans le cadre de la surveillance locorégionale du cancer du sein.
Les objectifs de l’imagerie de surveillance du sein traité sont :
• À la phase postopératoire précoce, faire le diagnostic de complications « bénignes » (lymphocèle, hématome) ou de lésions résiduelles.
• Après la première année, rechercher une récidive homolatérale et controlatérale, ceci nécessitant de connaître parfaitement les aspects post-thérapeutiques normaux.
• En cas de récidive, faire un bilan exhaustif d’extension notamment si un deuxième geste conservateur est souhaité, le standard de prise en charge restant la mastectomie [8].
Différentes situations
Recherche de lésions résiduelles après traitement conservateur
Il est préconisé de réaliser une mammographie postopératoire immédiate (avant de débuter la radiothérapie) en cas de prise en charge d’une lésion révélée sous forme de microcalcifications, même en cas de berges saines. Le risque de lésions résiduelles est plus important lors de la prise en charge de CCIS de bas grade en raison du développement souvent discontinu de celui-ci, même si plus de 80 % des anomalies sont retrouvées à moins de 10 mm. Les clichés de face et de profil strict doivent être comparés à la mammographie préopératoire et aux clichés de pièce opératoire. Une attention toute particulière sera portée à l’existence de microcalcifications notamment à distance qui, si elles existent, devront faire l’objet de prélèvements macrobiopsiques afin de pouvoir proposer un geste radical d’emblée en cas de résultat positif.
Dans ce cas, cet examen doit être réalisé vers la fin du premier mois postopératoire comme l’ont montré Frei et al. [13], les phénomènes inflammatoires régressant et la fibrose n’étant pas encore apparue. La spécificité de l’IRM est de 75 % à la quatrième semaine contre 60 % à la deuxième. Les principaux faux positifs sont le granulome postopératoire, la cytostéatonécrose ou la dystrophie fibrokystique [13]. La sémiologie IRM est identique à celle décrite pour les lésions malignes, les anomalies postopératoires ne posant pas de problème diagnostique (collection hématique ou non présentant un rehaussement pariétal fin de moins de 4 mm sans masse associée). Des rehaussements sont retrouvés dans 23 % des cas qui correspondent dans 33 % des cas seulement à des lésions cancéreuses [13]. Une preuve histologique est donc indispensable si la prise de contraste est située à distance des bords de la cavité.