Chapitre 17 Fractures des deux os de l’avant-bras
Traitement orthopédique
Les fractures diaphysaires des deux os de l’avant-bras représentent 5 % des fractures de l’enfant. Il convient de séparer ces lésions en trois groupes [1, 2] :
TECHNIQUE
Nous recommandons une réduction au bloc opératoire et sous anesthésie générale. Le symposium de la SOFCOT de 2004 a clairement démontré qu’à ce jour la réduction en service d’urgence donnait un taux de déplacement secondaire bien supérieur à la réduction sous anesthésie générale au bloc opératoire [3].
Réduction
Fractures en bois vert
Elles doivent être transformées en fractures complètes afin d’éviter le risque de survenue d’un déplacement secondaire (récidive du déplacement initial malgré la réduction et la contention). Cela s’obtient en réalisant une hypercorrection « douce » jusqu’à entendre un craquement qui témoigne de la rupture de la seconde corticale, permettant ainsi l’obtention d’une réduction de qualité, avec un risque de déplacement secondaire moindre (figure 17.4).
Fractures complètes
La manœuvre de réduction doit corriger le déplacement de la fracture. Une bonne compréhension de la fracture est indispensable. Il faut faire faire le parcours inverse à chacun des fragments osseux (figure 17.5). Cela est simple lorsque le déplacement se produit dans le plan frontal ou le plan sagittal. Cela est un plus complexe lorsqu’il s’y associe un déplacement dans le plan horizontal. Les formes les plus difficiles à réduire sont celles pour lesquelles les deux traits de fractures ne se situent pas au même niveau pour chaque os. Il s’agit en fait d’un équivalent de fracture spiroïde. Il faut alors reproduire le mouvement de pronation ou de supination inverse à celui qui a eu lieu lors de l’accident. Les circonstances du traumatisme peuvent constituer une bonne indication. Certains utilisent le repère de la tubérosité bicipitale pour connaître la position de l’avantbras dans sa partie proximale et positionner le fragment distal en conséquence [4]. En pratique il n’est pas toujours facile d’obtenir une réduction simultanée du radius et de l’ulna. Pour réduire le chevauchement des fragments, il est parfois utile d’exercer une traction dans l’axe du membre supérieur pendant plusieurs minutes (le faire en supination facilitant éventuellement bien la réduction). On est parfois amené, comme dans les fractures du quart inférieur des deux os de l’avant-bras, à réaliser un geste d’aggravation du déplacement initial afin de « rechausser » le fragment distal sur le fragment proximal (figure 17.6). Avant de passer à l’étape de contention, il est impératif de contrôler la qualité de la réduction par un contrôle radioscopique [5]. Après réduction, la fracture doit remplir trois conditions indispensables : les corticales doivent avoir un « accrochage minimum », les deux os de l’avant-bras ne doivent pas se rapprocher l’un de l’autre et l’espace interosseux ne doit pas être réduit. Pour obtenir ces critères, il peut être nécessaire de faire varier la position de prono-supination, afin de trouver la situation idéale de réduction. Si ces trois conditions ne sont pas remplies, il faut recommencer les manœuvres de réduction. Si l’opérateur n’arrive pas à remplir ces conditions malgré plusieurs tentatives, il s’agit d’une indication de traitement chirurgical.
Contention
C’est l’une des étapes clef de la réussite du traitement orthopédique. Le but est d’immobiliser le membre supérieur dans un plâtre brachio-antébrachio-palmaire. Il existe plusieurs méthodes de confection d’un appareil d’immobilisation. Nous décrirons la méthode que nous utilisons quotidiennement. Le membre supérieur est recouvert à l’aide de deux épaisseurs de jersey. Nous n’utilisons pas de matériau supplémentaire au-dessus des jerseys. Il convient d’éviter les plis. Une gouttière plâtrée brachio-antébrachiopalmaire est réalisée. Celle-ci est appliquée en dorsal si le déplacement initial était dorsal, en palmaire si le déplacement initial était palmaire. Une couche de bande Velpeau recouvre le plâtre. La confection de plâtres circulaires est régulièrement réalisée dans la plupart des équipes. Elle a l’avantage de mouler parfaitement la fracture sous réserve de ménager une chambre antérieure et éviter toute chambre postérieure (figure 17.7). Pour certains, le plâtre circulaire permet également d’obtenir un écartement des deux os en ovalisant le plâtre par un moulage antéro-postérieur. Cette démarche nous semble cependant quelque peu antinomique avec la prévention d’un syndrome des loges. Dans le même ordre d’idée, l’utilisation de la résine comme matériau circulaire d’emblée nous parait peu compliante et nous ne la recommandons pas. La résine reste cependant un excellent outil secondairement en vue de consolider le plâtre.
SURVEILLANCE À COURT ET MOYEN TERME
L’évaluation d’un défaut de réduction acceptable reste un sujet difficile. Une réduction imparfaite se remodèlera d’autant mieux que l’enfant est jeune. Le consensus est de ne pas tolérer une déformation angulaire supérieure à 10° audelà de 10 ans. À l’évidence, cette valeur dépend également du type de fracture et son niveau [6]. On peut retenir avec Gicquel [7] qu’une translation ou un chevauchement ne posent pas de problème s’il reste au moins deux années de croissance et qu’une angulation de 1° à 1,5° peut être corrigée par année de croissance restante. Par exemple, chez une patiente de 10 ans, il reste 3 ans de croissance et environ 4° seront remodelés.