16: Plaies des nerfs et rééducation de la sensibilité

Chapitre 16 Plaies des nerfs et rééducation de la sensibilité



La bonne fonction de la main nécessite l’intégrité du système nerveux périphérique. Ce dernier est composé de nerfs mixtes, c’est-à-dire comprenant des fibres nerveuses à destinée musculaires et des fibres spécialisées à fonction sensitive.


La parfaite connexion du système nerveux périphérique avec la moelle épinière et le cerveau font de la main un organe d’une performance exceptionnelle.


Le système nerveux périphérique peut être endommagé par une compression, ce que l’on rencontre classiquement pour le nerf médian au niveau du canal carpien ou le nerf cubital au niveau du coude. L’élongation et l’écrasement sont à l’origine, le plus souvent, de lésions partielles susceptibles de récupérer spontanément mais partiellement. En revanche, la section des nerfs exige une réparation microchirurgicale, de préférence en urgence, en sachant toutefois que la récupération ad integrum est impossible.


Un nerf sectionné subit d’abord une dégénérescence (wallérienne) et ensuite un processus de régénération faisant appel à des mécanismes biologiques complexes. On comprend que, faute d’un tropisme des fibres lors de la régénération nerveuses, les erreurs d’aiguillage soient nombreuses car les fibres motrices peuvent s’égarer vers des capteurs sensitifs et inversement pour les fibres sensitives. Face à ce déficit sensitivo-moteur, le kinésithérapeute va avoir un grand rôle pour accompagner le patient pendant cette longue période de régénération nerveuse. Il devra, en particulier, protéger le système ostéo-articulaire de déformation et d’enraidissement. Le port d’orthèses statiques ou dynamiques contribuera également à la protection de la main. Une période importante sera d’accompagner le patient au moment de la réinnervation des unités musculaires et de même lors de la régénération des fibres sensitives.


Les protocoles de rééducation de la sensibilité vont faciliter la réintégration de la main dans le schéma corporel, tout en insistant sur les techniques de désensibilisation car cette période de régénération peut être douloureuse et inciter le patient à exclure le membre douloureux. Il ne sert à rien de récupérer une fonction motrice si la sensibilité est déficitaire. Cette rééducation de la sensibilité est insuffisamment pratiquée alors qu’elle est absolument nécessaire à l’obtention d’un résultat fonctionnel qualifié d’utile.


Pour que le kinésithérapeute puisse s’investir dans cette rééducation du système nerveux périphérique lésé, il doit nécessairement connaître les bases anatomiques, la physiologie, les mécanismes de dégénérescence et de régénération. Les techniques de rééducation lui apparaîtront alors d’une grande logique, ainsi que le besoin d’appareiller ces patients par des orthèses pour une longue période. Les séquelles fonctionnelles sont parfois importantes et, dans cette situation, il ne faut pas abandonner ces patients car ils peuvent encore bénéficier de transfert tendineux comme nous le développons au chapitre 17.



Anatomie et physiologie


Le nerf a une enveloppe conjonctive périfasciculaire appelée épinèvre (fig. 16-1A, B). Cette structure abondante porte les vaisseaux et est mécaniquement résistante.



L’unité nerveuse accessible à la réparation microchirurgicale est le « groupe fasciculaire ». Sous microscope opératoire, il est relativement aisé de reconnaître dans un nerf médian cinq à six groupes fasciculaires mais une étude histologique à plus fort grossissement permettrait d’individualiser vingt à vingt-cinq fascicules. Chaque fascicule est délimité par une enveloppe périneurale (périnèvre) qui est une véritable barrière entre le milieu intrafasciculaire, qui est l’expansion de l’espace sous-arachnoïdien, et le milieu extrafasciculaire, qui est constitué par le conjonctif épineural. À l’intérieur du périnèvre, se trouvent les fibres nerveuses (axone) myéliniques et amyéliniques au sein d’une matrice conjonctive dénommée endonèvre. L’agencement des fascicules au sein du tronc nerveux est complexe et soumis à d’importantes variations individuelles. Sunderland [14] a montré que les fascicules se divisent ou convergent pour créer un véritable réseau plexiforme de telle manière que, tous les 10 mm, il n’est plus possible de trouver une correspondance entre deux extrémités nerveuses. On comprend qu’une réparation nerveuse négligée en urgence et qui imposera secondairement la résection d’un névrome va altérer considérablement les chances d’une bonne concordance fasciculaire.


Cette organisation plexiforme domine à l’origine du nerf et fait place ensuite à des groupes fasciculaires qui vont s’individualiser pour donner des branches collatérales à destinée sensitive et musculaire. Ainsi, pour le nerf cubital au poignet, il est relativement aisé par microdissection d’individualiser les groupes fasciculaires à destinée sensitive des groupes destinés aux muscles intrinsèques.


Si une certaine imperfection dans l’orientation peut être tolérée lorsque les lésions sont proximales, en revanche, la moindre erreur d’approximation d’une plaie distale grèvera de manière notable le résultat fonctionnel en créant des erreurs d’aiguillage aussi bien dans le territoire sensitif que dans le territoire musculaire.


L’excursion d’un nerf doit être prise en compte lorsque la lésion siège en regard ou au voisinage d’une articulation, la course du nerf médian au poignet allant de la flexion totale à l’extension totale est de 15,5 mm.


Si la réparation nerveuse est piégée par un environnement cicatriciel abondant, la mobilité du nerf devient nulle. Une rééducation intempestive, même débutée prudemment à la 3e ou 4e semaine postopératoire, va créer des tensions importantes sur le nerf induisant des phénomènes d’ischémie et de sclérose nuisibles à la régénération nerveuse. Il est donc important en urgence, quelle que soit la nature de la lésion, de réaliser au moins un affrontement des extrémités nerveuses pour éviter une rétraction et de restaurer l’environnement tissulaire pour minimiser les réactions cicatricielles autour du nerf.


L’absence de réparation d’une section d’un nerf va générer à sa partie proximale un névrome qui peut être douloureux lorsqu’il est piégé dans une ambiance cicatricielle défavorable, mais il peut l’être spontanément par le mécanisme de désafférentation qui laisse le passage aux influx douloureux.



Bilan lésionnel



Classification de Sunderland


La nature du traumatisme peut léser partiellement ou totalement le nerf, ainsi une contusion avec un hématome va bloquer la conduction du nerf pendant quelques jours ou quelques semaines mais une récupération spontanée ad integrum surviendra. Plus délicats sont les étirements du nerf qui vont rompre les gaines de myéline et de Schwann avec dégénérescence de l’axone mais qui vont régénérer partiellement grâce aux tubes endoneuraux. Lorsque le traumatisme est plus sévère, la continuité endoneurale est rompue, la régénération nerveuse sera alors limitée et le résultat fonctionnel incomplet. S’il ne subsiste que l’enveloppe épineurale, la capacité de régénération nerveuse est quasiment nulle, empêchée par la formation d’une fibrose cicatricielle. La section totale va induire un processus complet de dégénérescence wallérienne et imposer une réparation microchirurgicale par suture directe ou par greffe. L’examen clinique combiné avec l’étude électromyographique va permettre, dès la troisième semaine, au terme de la dégénérescence wallérienne, de préciser la nature des lésions.


C’est la classification de Sunderland [14] en cinq stades qui rend compte avec précision de la réalité lésionnelle (fig. 16-2).









Principaux tableaux cliniques



Plaies du nerf médian


La paralysie haute est fréquemment associée à des lésions musculaires et vasculaires situées en amont du pli du coude. Elle crée un important déficit moteur et sensitif donnant un aspect de main qui bénit. La pronation de l’avant-bras et la flexion radiale du poignet est impossible. Les fléchisseurs superficiels des doigts longs (FDS) sont paralysés ainsi que les fléchisseurs profonds (FDP) de l’index et du majeur et le long fléchisseur du pouce. Au niveau des muscles intrinsèques, l’opposant (Op) et le court abducteur du pouce (APB) sont inactifs ainsi que le faisceau superficiel du court fléchisseur du pouce (FPB). La perte de la sensibilité concerne la face palmaire du pouce, de l’index, du majeur et de la moitié radiale de l’annulaire et la face dorsale de P2-P3 de l’index et du majeur et la moitié radiale de l’annulaire (fig. 16-3A, B).



La paralysie basse survient le plus souvent au niveau du poignet avec section des fléchisseurs du poignet et des doigts et de l’artère radiale. La perte de la flexion de la métacarpo-phalangienne de l’index et du majeur est due à la paralysie des lombricaux, il faut également noter la paralysie de l’opposant (Op) et du court abducteur du pouce (APB). L’atteinte sensitive est identique à celle d’une paralysie haute. L’aspect de la main prend celui d’une « main de singe » créé par cette atrophie thénarienne et l’absence d’antépulsion-opposition.



Plaies du nerf cubital










Évaluation de la sensibilité


Si le bilan sensitif est aisé dans une plaie totale en identifiant les territoires totalement anesthésiés par un test à l’aiguille dit du « piqué-touché » ; en revanche, une lésion partielle nécessite un bilan méticuleux faisant appel à des test de seuil et des tests fonctionnels. Cette batterie de test sera particulièrement utile pour évaluer la régénération nerveuse et les bénéfices obtenus par la rééducation de la sensibilité.


Pour évaluer la sensibilité cutanée, il convient de séparer la sensibilité de protection de la sensibilité vibrotactile.


May 26, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 16: Plaies des nerfs et rééducation de la sensibilité

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