Chapitre 16 Bilan avant traitement d’un cancer du sein
La découverte d’un cancer du sein clinique ou par des examens d’imagerie conventionnelle implique la réalisation d’un bilan locorégional et dans certains cas général. En fonction des éléments recherchés les cliniciens pourront proposer une prise en charge initiale adaptée (chirurgie conservatrice ou radicale, exploration axillaire par ganglion sentinelle ou curage, chimiothérapie néoadjuvante). Cependant la multiplication des examens n’est pas toujours nécessaire et peut parfois être nuisible (examens supplémentaires inutiles, allongement des délais et majoration d’une anxiété déjà importante). Le strict respect des recommandations apparaît donc primordial.
Bilan local : éléments nécessaires à la décision thérapeutique
On rappellera qu’un examen clinique complet mammaire et axillaire doit être systématique et s’attacher à rechercher des signes suspects notamment dans les zones mal explorées par les examens d’imagerie (régions sus-mammaires internes et sillons sous-mammaires).
Multifocalité–multicentricité
La présence d’une multifocalité (lésions néoplasiques dans le même quadrant) ou d’une multicentricité (lésions dans des quadrants différents) va potentiellement modifier l’acte chirurgical : l’existence de lésions multiples est un des motifs de proposition d’un geste radical. Cependant en fonction du volume mammaire, de la distance entre les différentes lésions cancéreuses et des possibilités de techniques d’oncoplastie, une chirurgie conservatrice pourra être proposée. Le radiologue doit donc faire le bilan exhaustif des lésions suspectes, définir avec précision la taille et la localisation et apporter la preuve histologique de toute anomalie cotée ACR 3, 4 ou 5.
Imagerie conventionnelle
La mammographie (respectant des critères de qualité stricts) permet dans la majorité des cas de dépister des lésions multiples. Cependant en dehors des seins de densité de type 1 (exclusivement graisseux), une échographie mammaire doit être réalisée de façon systématique. Elle permet de retrouver jusqu’à 15 % de lésions additionnelles principalement dans les seins denses (fig. 16.1 et 16.2) [1].
Fig. 16.1 Patiente de 51 ans adressée pour découverte de microcalcifications du QSI du sein droit.
a à d. Bilan mammographique face et profil (a, b) et agrandissement face et profil (c, d).
e et f. Échographie mammaire (e) et zoom (f).
Place de l’IRM
L’IRM présente des performances supérieures au triplet examen clinique–mammographie–échographie et permet d’approcher les résultats des études anatomopathologiques. La méta-analyse effectuée en 2008 [2] permettait de retrouver 16 % des lésions complémentaires homolatérales occultes engendrant 8 % de conversions vers une mastectomie totale et 11 % de chirurgies élargies mais également de 1 à 3 % de mastectomies par excès (en l’absence de preuve histologique préchirurgicale). En effet, la spécificité de cette technique est moyenne avec une VPP de 66 % ce qui veut dire que pour trois rehaussements suspects découverts, un sera bénin. Toute modification d’une décision thérapeutique devra donc être prise en possession d’une preuve histologique (d’où la nécessité d’un accès aisé à la biopsie sous IRM). De même, l’IRM présente des performances supérieures pour définir la taille et l’extension de la maladie (notamment en ce qui concerne le contingent in situ associé à la composante invasive) mais engendre des sur- et sous-estimations. Elle doit donc être utilisée par des équipes connaissant les limites de la technique ; ainsi la sensibilité limitée de l’IRM dans la détection des lésions de CCIS explique le taux de réintervention supérieur chez les patientes ayant bénéficié d’une IRM préopératoire dans l’étude prospective randomisée MONET [3], étude qui incluait une proportion importante de foyers de microcalcifications. En effet, les chirurgiens, peu habitués à cette technique d’imagerie, avaient spontanément diminué le volume de leurs pièces opératoires lorsque l’IRM était normale entraînant un taux de berges envahies supérieur à celui du bras de femmes opérées sans IRM. Par ailleurs, aucune étude actuelle n’a montré un bénéfice de l’IRM en termes de survie spécifique ou de récidive locale. L’étude prospective randomisée COMICE [4] qui a étudié l’impact de l’IRM sur une population de 1623 patientes (806 patientes avec IRM préopératoire et 817 patientes prises en charge sans IRM) ne montrait pas plus de récidives dans le groupe « sans IRM mammaire ». Cependant ce travail avait pour objectif principal l’étude du taux de réintervention (globalement identique dans les deux bras) et n’avait qu’un recul encore faible.
En France, selon la Haute Autorité de santé [5], la réalisation d’une IRM mammaire dans le bilan d’extension locorégionale homolatérale peut être indiquée :
• en cas de discordance entre la clinique, la mammographie et l’échographie qui pourrait entraîner une modification de la prise en charge thérapeutique ;
• dans le cadre d’un choix thérapeutique difficile : chirurgie oncoplastique, traitement conservateur ou mastectomie, traitement néoadjuvant ;
• chez les femmes de moins de 40 ans ;