11: Données fondamentales: Histoire naturelle, épidémiologie, clinique, TNM et bases des traitements

Chapitre 11 Données fondamentales


Histoire naturelle, épidémiologie, clinique, TNM et bases des traitements



Les progrès de l’imagerie mammaire diagnostique et interventionnelle n’ont fait que renforcer la place du radiologue à tous les stades de la prise en charge du cancer du sein. Cette implication forte de l’imagerie en pathologie sénologique nécessite que le radiologue ait une connaissance approfondie de la pathologie mammaire, ainsi que des conséquences thérapeutiques qu’auront ses conclusions radiologiques.


L’objectif de ce chapitre est de présenter succinctement ce que doit connaître le radiologue de l’histoire naturelle du cancer du sein et de son épidémiologie. Les principes de l’examen clinique et de la classification TNM, ainsi que les bases de la chirurgie, de la radiothérapie et des traitements systémiques (chimiothérapie et thérapies ciblées) seront également abordés.



Histoire naturelle


L’oncogenèse résulte d’une succession d’altérations génétiques et non génétiques induisant un dysfonctionnement des systèmes de régulation de la division cellulaire. Le développement du phénotype malin résulte d’un déséquilibre entre oncogènes, gènes qui confèrent un phénotype tumoral à une cellule saine, et gènes anti-oncogènes, dits suppresseurs de tumeurs qui freinent la division cellulaire ou induisent la mort cellulaire [1]. L’altération d’un allèle de l’oncogène est suffisante pour entraîner une activation anomale du gène, alors que la perte des deux allèles est nécessaire pour une perte d’activité de l’anti-oncogène. D’autres gènes, tels que ceux impliqués dans la réparation de l’ADN (BRCA), jouent également un rôle important dans l’acquisition du phénotype tumoral. Ces anomalies surviennent tôt dans la carcinogenèse. Ainsi, des altérations comme la perte d’hétérozygotie ou des anomalies de nombre de copies de gènes augmentent de manière significative dans la transition de l’hyperplasie canalaire atypique au carcinome canalaire in situ, et encore de manière plus importante au stade de carcinome in situ de haut grade [1].


La plupart des altérations génétiques sont acquises et présentes uniquement dans le tissu tumoral. Des mutations somatiques surviennent dans une lignée tissulaire seulement et ne sont donc pas transmises à la descendance. Dans le cas des mutations germinales, il survient une altération génétique dans un gamète alors que le patrimoine génétique des parents est sain. L’altération est alors transmise à l’embryon et figure dans toutes les cellules de l’organisme ; elle est dite constitutionnelle et devient transmissible à la descendance.


Les techniques d’analyse moléculaire massive de l’expression génétique tumorale ont conduit au développement d’une nouvelle taxonomie de la maladie [2]. Ces techniques permettent d’évaluer rapidement le niveau d’expression de milliers de gènes en une seule exploration.


L’analyse des profils d’expression a permis de classer les cancers du sein en plusieurs groupes au pronostic différent. Cette classification fondée sur des données d’étude génétique peut être approchée de manière satisfaisante en routine clinique par l’immunohistochimie qui permet l’étude sur tissu fixé et inclus en paraffine de l’expression des récepteurs hormonaux, de HER2 (récepteur au facteur de croissance EGFR) et des cytokératines notamment. Ainsi, les tumeurs de phénotype dit « basal » (en raison de leur profil d’expression proche de celui des cellules myoépithéliales, en situation basale dans le tissu mammaire normal) sont constituées le plus souvent de tumeurs dites de forme « triple négative » n’exprimant ni les récepteurs hormonaux aux estrogènes et à la progestérone, ni le récepteur HER2. Cette catégorie de tumeurs aux estrogènes et à la progestérone regroupe la majorité des cancers développés chez les patientes porteuses d’une altération du gène BRCA1. Le phénotype dit « luminal » correspond aux tumeurs présentant une expression proche de celles des cellules bordant la lumière des canaux mammaires normaux, exprimant les récepteurs hormonaux (luminal A, à faible prolifération, de meilleur pronostic ; luminal B, à plus haute prolifération, de moins bon pronostic). Un troisième phénotype regroupe les tumeurs qui présentent une amplification du gène codant pour HER2, quel que soit le statut des récepteurs hormonaux. Ces différents groupes confèrent un pronostic différent, le phénotype basal ayant le pronostic le plus sombre et le profil luminal le pronostic le plus favorable. Cette classification présente en outre un intérêt prédictif. Un facteur pronostique identifie le risque d’évolution spontanée défavorable, alors qu’un facteur prédictif informe sur la probabilité de réponse à un traitement. En effet, la réponse aux thérapeutiques diffère d’un groupe à l’autre, les tumeurs présentant une expression des récepteurs hormonaux, ou HER2 pouvant bénéficier d’une thérapie ciblée, détaillée plus loin. Le groupe basal n’exprimant ni les récepteurs hormonaux ni HER2, il n’existe pas de thérapie ciblée pour ce groupe, mais ces tumeurs sont le plus souvent sensibles à la chimiothérapie, en particulier aux taxanes.



Épidémiologie


Le cancer du sein est le premier cancer de la femme en France avec plus de 52 000 nouveaux cas par an en 2010 [3]. Alors que l’incidence des cancers du sein était en augmentation entre 2000 et 2005 (+ 2,1 % par an en moyenne entre 2000 et 2005), l’incidence s’est stabilisée depuis 2008. La survie relative à 5 ans est très bonne, supérieure à 80 %. Il reste la première cause de mortalité par cancer chez la femme avec un peu plus de 11 000 décès par cancer du sein observés en moyenne annuelle sur la période 2003–2007. L’âge moyen au décès sur cette période est de 71 ans. Quarante-trois pour cent des femmes décédées d’un cancer du sein ont entre 50 et 74 ans, 10 % ayant moins de 50 ans. Le taux de mortalité qui restait stable depuis 1980 a amorcé une décroissance de − 0,4 % entre 1980 et 2005, qui est passée à − 1,3 % sur la période 2000–2005. Les évolutions inverses de la mortalité et de l’incidence du cancer du sein sont en partie expliquées par les progrès thérapeutiques et le développement du dépistage, sans que leurs parts respectives puissent être précisées.


Le cancer du sein représente près de 45 % des cas prévalents de cancer de la femme à 5 ans, taux qui atteint 54,5 % pour la tranche d’âge 45 à 64 ans, soit plus d’un cas sur deux (Chiffres INCa).



Examen clinique et TNM


L’interrogatoire recherche le motif de l’examen radiologique et permet le recueil des antécédents et des facteurs de risque potentiels, dont il faudra tenir compte lors de l’interprétation de l’imagerie mammaire (encadré 11.1), ainsi que la période du cycle pour les femmes préménopausées.



L’examen clinique des seins doit s’effectuer dans plusieurs positions, patiente debout ou assise ainsi qu’en position couchée. Il doit être bilatéral et comparatif, en insistant sur les zones qui pourraient ne pas être explorées par l’imagerie (sillon sous-mammaire ; régions parasternales, sus- et sous-claviculaires). L’examen est plus contributif en début de cycle. À l’inspection, les signes cliniques qui peuvent évoquer un cancer sont une asymétrie mammaire récente, une voussure localisée, une anomalie de la plaque aréolomamelonnaire (fig. 11.1) ou cutanée (fig. 11.2). La qualité de l’éclairage est importante, certaines rétractions cutanées étant mieux perceptibles en lumière tangentielle. L’inspection doit également être dynamique ; la levée des bras, le fait de faire pencher la patiente en avant peuvent révéler une anomalie non visible en position neutre. La palpation est réalisée les mains à plat, en utilisant la pulpe des trois doigts médians, par petits mouvements circulaires, en faisant rouler le sein sur le gril costal, selon des degrés de pression adaptés à la zone à explorer : plus léger pour un examen des zones superficielles, plus appuyé pour les zones profondes. Le sein doit être examiné en totalité, quadrant par quadrant, par bandes parallèles, circulaires ou radiaires afin de s’assurer de n’omettre aucune zone du sein, en particulier la région rétro-aréolaire (fig. 11.3). La palpation recherchera un nodule mal limité, de consistance ferme ou dure, peu ou non mobile par rapport aux plans cutané ou profond. La recherche d’une adhérence au plan musculaire profond est potentialisée par les manœuvres dynamiques induisant une contraction du pectoral (patiente en position assise, appui de la main sur la hanche, abduction contrariée du bras). Un nodule bénin se traduit par une tuméfaction bien limitée, ferme mais non dure, mobile et sans anomalie cutanée associée. Un écoulement mamelonnaire unipore provoqué est recherché par pression douce du sein. Les aires ganglionnaires de drainage (axillaires, sus et sous-claviculaires, base du cou) sont examinées. Les données de l’examen clinique sont idéalement rapportées sur un schéma détaillant la localisation des anomalies constatées en indiquant le rayon horaire et la distance au mamelon où se situe la lésion. Ce schéma sera particulièrement utile en cas d’anomalies multiples. La lésion peut ensuite être classée selon la classification cTNM(Tumor, Node, Metastasis) de l’AJCC (American Joint Committee on cancer). La classification TNM distingue le stade clinique préthérapeutique cTNM et le stade anatomopathologique postopératoire pTNM. Le détail de la classification pTNM et la stadification UICC (Union for international cancer control) pourront être consultés sur le site : www.cancerstaging.org/staging/posters/breast8.5×11.pdf


Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 11: Données fondamentales: Histoire naturelle, épidémiologie, clinique, TNM et bases des traitements

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access