Chapitre 15 Système nerveux périphérique
Item 265 – Neuropathies périphériques Item 122 – Polyradiculonévrites aiguës Item 279 – Radiculalgies et syndromes canalaires
Objectifs pédagogiques
CEN
Connaissances requises
Définir le terme « polyneuropathie » versus « mononeuropathie ».
Situer la contribution de l’électrophysiologie au diagnostic positif et physiopathologique des neuropathies périphériques.
Pour les polyneuropathies longueur-dépendantes (polynévrites) :
Pour la polyradiculonévrite aiguë (Guillain-Barré) :
Pour les mononeuropathies tronculaires :
Objectifs pratiques
Chez un patient réel ou simulé atteint de polyneuropathie sensitivomotrice débutante :
Chez un patient réel ou simulé atteint de mononeuropathie tronculaire (unique ou multiple) :
Sur des cas vidéo, évoquer le diagnostic de :
L’atteinte du système nerveux périphérique est définie par l’ensemble des manifestations cliniques, électriques, biologiques et histologiques résultant d’une atteinte du neurone périphérique.
Le système nerveux périphérique est composé :
• de fibres motrices efférentes : le corps cellulaire est situé dans la corne antérieure de la moelle spinale ; l’axone quitte la moelle par la racine antérieure et chemine jusqu’au muscle strié squelettique où il tient sous sa dépendance une centaine de fibres (unité motrice) ;
• de fibres sensitives afférentes : le corps cellulaire est situé dans le ganglion spinal de la racine postérieure ; leur destinée médullaire les oppose en deux groupes :
• de fibres végétatives (voies efférentes sympathiques et parasympathiques) : le corps cellulaire du neurone préganglionnaire est situé dans le tronc cérébral ou la moelle ; l’axone quitte le système nerveux central par le trajet des nerfs crâniens (III, VII, IX, X) ou des racines antérieures médullaires pour faire un relais avec le neurone postganglionnaire innervant muscles lisses et glandes.
Les fibres nerveuses sont constituées d’axones (cellules nerveuses), de cellules de Schwann (myéline) et de tissus de soutien (vaisseaux et conjonctif). Les lésions élémentaires des fibres nerveuses sont :
• la dégénérescence wallérienne : désintégration progressive myélino-axonale puis bouquets de régénérescence axonale (clusters) ;
• la démyélinisation segmentaire : mise à nu progressive des axones par destruction de la myéline au niveau des nœuds de Ranvier qui s’élargissent anormalement.
Item 265 – Neuropathies périphériques
III. Orientation du diagnostic étiologique
IV. Polyneuropathies axonales longueur-dépendantes
Le diagnostic d’une neuropathie périphérique nécessite une démarche structurée comportant les différentes étapes suivantes.
• 1. Localisation : consistant à déterminer le caractère tronculaire, radiculaire, polyradiculaire ou neuronal (atteinte du corps cellulaire).
• 2. Mécanisme physiopathologique : consistant à déterminer le caractère démyélinisant, axonal, neuronal de la neuropathie.
• 3. Classement électroclinique : synthèse des deux précédentes étapes.
• 4. Recherche de la cause : les causes principales des neuropathies sont relativement limitées à partir de la classification électroclinique.
• 5. Approche thérapeutique : elle dépend de la cause retenue.
L’arbre décisionnel de la figure 15.1 fait la synthèse de cette démarche.
En matière d’introduction, rappelons la classification et la définition des neuropathies périphériques :
• mononeuropathie : atteinte d’un tronc nerveux ;
• mononeuropathie multiple : atteinte de plusieurs troncs nerveux (multinévrite) ;
• polyneuropathie : atteinte de toutes les fibres nerveuses, en fonction de leur longueur (atteinte longueur-dépendante) ;
• polyradiculoneuropathie : atteinte de l’ensemble des racines nerveuses sensitives et motrices et des troncs nerveux (exemple du syndrome de Guillain-Barré) ;
• neuronopathie : atteinte du corps cellulaire du neurone (moteur ou sensitif).
I Diagnostic positif
A Clinique
Le diagnostic repose sur l’association plus ou moins complète de trois ordres de signes.
1 Signes moteurs
Les signes moteurs associent :
• une paralysie, ou parésie, par atteinte de la motricité volontaire, réflexe et automatique par souffrance de la voie finale commune (motoneurone alpha) ; plus ou moins précédée d’une fatigabilité, elle peut être complète, flasque et hypotonique ; elle est cotée de 0 à 5 (testing musculaire)3 ;
• une amyotrophie retardée de 3 semaines par rapport à la lésion nerveuse ;
• des fasciculations (spontanées ou provoquées par la percussion ou l’exposition au froid) ; traduisant l’activité spontanée d’une unité motrice, elles sont en faveur d’une lésion proche de la corne antérieure (motoneurone, racine) ;
• une diminution ou une abolition des réflexes ostéotendineux.
2 Signes sensitifs
Les signes sensitifs sont souvent les premiers à apparaître.
Signes subjectifs
• Ces sensations anormales sont :
• L’origine des douleurs peut être radiculaire ou tronculaire :
Atteinte sensitive objective
Les troubles concernent les sensibilités superficielle (au tact, ou sensibilité épicritique ; à la température et à la piqûre, ou sensibilité thermoalgique) et proprioceptive (altération du sens vibratoire, du sens de position des segments de membre, avec ataxie et signe de Romberg).
3 Signes neurovégétatifs
Il s’agit des signes vasomoteurs (œdème, cyanose), des troubles trophiques (peau sèche, squameuse et atrophique) et des phanères (chute de poils, ongles cassants), d’une hypotension orthostatique, d’une impuissance, d’une incontinence urinaire.
B Examens complémentaires
Stratégie d’utilisation des examens complémentaires
Exploration neurophysiologique
Elle est indispensable à la caractérisation de la neuropathie et à la détermination de son mécanisme.
Examen du liquide cérébrospinal
Il donne des arguments pour le caractère proximal (radiculaire ou neuronal) de l’atteinte neuropathique. On l’utilisera dans les polyradiculonévrites et les neuronopathies sensitives principalement
Biopsie neuromusculaire
Le muscle donne des informations sur le retentissement d’une atteinte motrice. Le nerf biopsié est toujours un nerf sensitif.
La biopsie est principalement utilisée en cas de suspicion de vascularite, en cas de doute diagnostique devant une neuropathie périphérique évolutive sans cause trouvée, ou devant une polyneuropathie inflammatoire démyélinisant chronique.
1 Électrophysiologie neuromusculaire (ou électroneuromyographie)
L’électroneuromyographie (ENMG) confirme la nature neurogène du trouble. Elle détermine le mécanisme démyélinisant, axonal ou neuronal. L’examen comporte deux temps distincts.
Électromyogramme (détection)
L’électromyogramme (analyse à l’aiguille des tracés de repos et de contraction des différents muscles) montre le caractère neurogène des anomalies : potentiels de fibrillation au repos, appauvrissement en unités motrices, accélération de la fréquence des potentiels individualisés (sommation temporelle) et, au maximum, potentiel à fréquence élevée (tracé simple) lors de la contraction (fig. 15.2).

Fig. 15.2 Tracé de dénervation chronique potentiel polyphasique se répétant à une fréquence élevée (sommation temporelle).
Il donne une indication topographique (tronculaire, radiculaire, diffuse) en fonction des muscles touchés et confirme l’absence de signes myogènes (richesse exagérée des tracés pour un faible effort de contraction, potentiels de faible amplitude très polyphasiques).
Mesure des vitesses de conduction (stimulo-détection)
La mesure des vitesses de conduction reflète le processus histopathologique :
• neuropathies démyélinisantes :

Fig. 15.3 Vitesse de conduction ralentie (CV à 18 m/s) et allongement de la latence distale (Lat A1 = 14,7 ms) dans le nerf fibulaire.
2 Liquide cérébrospinal
Hyperprotéinorachie isolée dans les polyradiculonévrites, le diabète, certaines affections néoplasiques, paranéoplasiques et hématologiques.
II Diagnostic différentiel
Il est développé au chapitre 1, Item 301 – Déficit moteur et/ou sensitif des membres, et au chapitre 3, Item 306 – Douleur des membres et des extrémités.
III Orientation du diagnostic étiologique
A Classification électroclinique
• Mononeuropathie : atteinte d’un tronc nerveux.
• Mononeuropathie multiple : atteinte de plusieurs troncs.
B Orientation étiologique
• un examen neurophysiologique (ENMG) ;
• une approche biologique minimale comprenant : NFS, VS-CRP, glycémie à jeun et 2 heures après la prise de 75 g glucose per os, ionogramme, calcémie, bilan hépatique, TP-TCA, immunofixation des immunoglobulines du sérum à la recherche d’une gammapathie monoclonale.
IV Polyneuropathies axonales longueur-dépendantes
Elles résultent d’une atteinte diffuse et symétrique intéressant les extrémités distales des fibres nerveuses.
Cette polyneuropathie débute donc au pied. Lorsqu’elle atteint le genou, les manifestations touchent alors les mains. Lorsqu’elle atteint le coude, les fibres de l’abdomen (plastron) et du scalp sont touchées à leur tour.
A Clinique
1 Troubles sensitifs
Ils sont souvent initiaux, touchant les extrémités des membres inférieurs (paresthésies permanentes, dysesthésies, brûlures). L’atteinte des grosses fibres myélinisées se traduit par des troubles de la sensibilité profonde (ataxie).
2 Troubles moteurs
Au début, le patient rapporte des difficultés à la marche, une fatigabilité anormale. Puis s’installe un steppage (déficit des releveurs du pied). L’atteinte épargne les muscles respiratoires et les nerfs crâniens. Il existe parfois des crampes (mollets, plante des pieds).
3 Troubles végétatifs
Ils sont liés à une atteinte des fibres amyéliniques : hypotension artérielle orthostatique, troubles vésico-sphinctériens, sexuels (impuissance), troubles digestifs (diarrhée, constipation).
4 Examen clinique
Il confirme l’atteinte symétrique, à prédominance distale, des membres inférieurs : abolition des réflexes achilléens, déficit moteur affectant les releveurs du pied, amyotrophie, déficit sensitif qui peut être discret (examen particulièrement attentif), atteinte végétative (peau et phanères, hypotension).
5 Démarche étiologique
Elle dépend de nombreux facteurs :
– l’âge : enfant (rare et héréditaire), adulte (près de deux cents causes), vieillard (recherche souvent infructueuse) ;
– origine, ethnie : lèpre (neuropathie la plus fréquente dans le monde) ; amylose portugaise ;
– circonstances : maladie générale (diabète, insuffisance rénale), médicaments, piqûres d’insectes ;
– mode d’installation : toujours déterminant (aigu, subaigu, chronique).
B Causes des polyneuropathies axonales
Il faut rechercher une cause générale susceptible d’altérer la physiologie de l’axone. On retiendra donc essentiellement les causes métaboliques et toxiques (dont les médicamenteuses).
1 Polyneuropathie diabétique
Le diabète est une des causes les plus fréquentes. L’incidence est difficile à estimer, variant de 5 à 60 %, tenant en grande partie à la difficulté de définir la neuropathie diabétique.
Sa répartition est égale dans les deux sexes.
Plusieurs mécanismes sont en cause : facteurs vasculaires (augmentation de la perméabilité capillaire au niveau du nerf), facteurs métaboliques (accumulation de sorbitol), facteurs immunologiques (infiltrats de lymphocytes et de macrophages dans les fascicules des fibres amyéliniques).
Il existe très probablement un lien entre l’ancienneté de l’hyperglycémie et les neuropathies, qui apparaissent le plus souvent 5 à 10 ans après le début du diabète. De plus, les traitements qui maintiennent une glycémie relativement normale peuvent faire régresser des signes neurologiques (par exemple, douleurs et insuline).
Polyneuropathie sensitivomotrice distale
• Forme la plus souvent observée, associée ou non à une atteinte dysautonomique.
• Survenant généralement chez des patients dont le diabète évolue depuis plus de 5 ans, le début en est généralement lentement progressif, mais un début aigu peut être observé (coma diabétique, stress, infection, chirurgie) ou lors de l’instauration d’un traitement par l’insuline.
• Il s’agit au début de paresthésies (engourdissements, picotements et brûlures) des pieds et plus rarement des mains. L’examen révèle une aréflexie achilléenne et une hypoesthésie affectant la sensibilité thermoalgique « en chaussettes », plus rarement la sensibilité vibratoire. Les douleurs sont fréquentes (pieds et jambes), à type de constriction, de broiement.
• Les manifestations dysautonomiques comportent des troubles cardiovasculaires (hypotension orthostatique, syndrome de dénervation cardiaque), des troubles de la sphère digestive (constipation, douleurs abdominales, nausées, dysphagie, diarrhée et incontinence fécale), des troubles génito-urinaires (impuissance, atonie vésicale), des troubles de la motilité pupillaire et une anhydrose fréquente.
Autres
Neuropathies motrices proximales (ou amyotrophie diabétique)
Elles s’installent de façon subaiguë sur quelques jours à semaines : faiblesse musculaire avec amyotrophie des racines des membres inférieurs asymétrique, qui concerne électivement le psoas, les quadriceps, les adducteurs et les muscles postérieurs de cuisse. Des douleurs sont très souvent présentes dans les territoires concernés, d’intensité variable parfois importante avec une recrudescence nocturne. Les réflexes ostéotendineux sont diminués ou abolis aux membres inférieurs et il n’existe pas de signe sensitif déficitaire.
Neuropathies focales et multifocales
• les atteintes des nerfs crâniens (surtout oculomoteurs, nerf facial) ;
• les atteintes des membres (tous les troncs nerveux, mais surtout le nerf ulnaire, le nerf médian et le nerf fibulaire commun) ;
• l’atteinte du nerf fémoral reste la plus évocatrice : début aigu avec douleurs à type d’écrasement et à recrudescence nocturne, déficit quadricipital amyotrophiant, abolition du réflexe rotulien, déficit sensitif dans le territoire du nerf fémoral (correspondant à une forme d’amyotrophie diabétique tronculaire).
2 Causes médicamenteuses et toxiques
• Les causes médicamenteuses sont les plus fréquentes.
• Il s’agit le plus souvent de polyneuropathies sensitives, parfois douloureuses.
• Les substances le plus souvent incriminées sont les cytostatiques (notamment la vincristine et les platines : neuronopathies), le disulfirame, la chloroquine, le métronidazole, la thalidomide, l’amiodarone, l’izoniazide, la nitrofurantoïne, les antirétroviraux.
• L’ENMG peut être utilisé pour dépister les manifestations infracliniques, notamment pour permettre la poursuite de certaines prescriptions (thalidomide).
• Les causes toxiques sont principalement d’origine industrielle, comme le benzène. Elles sont plus rares et peuvent se révéler de manière aiguë.
3 Polyneuropathie toxique alcoolique
• Deuxième cause de polyneuropathie dans les pays industrialisés après le diabète, elle affecterait plus de 10 % des alcooliques chroniques. Elle est habituellement secondaire à la toxicité directe de l’alcool. L’association à une carence en thiamine (vitamine B1), avec ou sans carence en folates associée, est possible. Elle touche les fibres motrices, sensitives et végétatives. La symptomatologie sensitive est prédominante.
• S’installant de façon insidieuse et lentement progressive, la polyneuropathie liée à l’alcoolisme chronique se traduit au début par des paresthésies à type de fourmillements, des crampes nocturnes des mollets, une faiblesse motrice s’exprimant par une fatigabilité anormale à la marche. Après un certain temps d’évolution, le patient se plaint de douleurs en étau et surtout de brûlures avec paroxysmes en éclair, voire une hyperpathie douloureuse diffuse, surtout nocturne. Des troubles cutanés (dépilation, anhydrose, ongles cassants) sont fréquemment associés.
• L’examen clinique met en évidence une hypoesthésie symétrique, « en chaussettes », concernant de façon variable les différentes sensibilités, moins marquée pour la sensibilité proprioceptive. Il révèle une aréflexie achilléenne, une amyotrophie et un déficit moteur prédominant sur les muscles de la loge antéro-externe de jambe.
• ENMG : les anomalies sont très précoces, axonales.
• L’examen du LCS, habituellement non effectué si le contexte clinique et les données ENMG sont compatibles avec le diagnostic, pourrait montrer une discrète hyperprotéinorachie.

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