15: Plaies des tendons fléchisseurs

Chapitre 15 Plaies des tendons fléchisseurs



Les lésions des tendons fléchisseurs de la main sont fréquentes et exigeantes sur le plan de la chirurgie, de l’appareillage et de la rééducation. Elles nécessitent de bonnes connaissances anatomiques et une collaboration étroite entre le chirurgien et les kinésithérapeutes pour déterminer le meilleur protocole de rééducation, compte tenu des éventuelles lésions associées et de la nature même des lésions. La qualité de l’appareillage postopératoire doit assurer la protection des sutures tendineuses pour obtenir une bonne cicatrisation tout en évitant l’enraidissement des chaînes digitales.


Convenablement appareillées et rééduquées, les plaies franches des tendons fléchisseurs autorisent une reprise du travail entre les 7e et 9e semaines postopératoires.


En revanche, l’échec d’une réparation primaire entraîne une incapacité de longue durée variant de 6 mois à 1 an, nécessitant de multiples reprises chirurgicales allant de la simple ténolyse à la téno-arthrolyse et à la greffe en deux temps, voire à l’amputation.


L’enjeu fonctionnel et les incidences socio-économiques imposent que l’appareillage et la rééducation soient confiés à des orthésistes et kinésithérapeutes éduqués et entraînés.



Anatomie – Biomécanique et nutrition des tendons fléchisseurs des doigts



Anatomie topographique


Les tendons fléchisseurs des doigts font partie du système musculo-tendineux qualifié d’extrinsèque car insérés à l’avant-bras, par opposition aux muscles « intrinsèques », tous situés dans la main.


La connaissance de l’anatomie des tendons fléchisseurs conduit à définir des zones topographiques qui modifient sensiblement la thérapeutique selon le niveau lésionnel.


C’est la classification de la Fédération internationale des Sociétés de chirurgie de la main (IFSSH) qui est adoptée, elle divise les doigts longs en cinq zones et le pouce en trois (fig. 15-1).




Fléchisseurs des doigts longs











Examen clinique


Le fléchisseur profond est testé (fig. 15-5A) en maintenant en extension MP et IPP et en demandant au patient de fléchir l’interphalangienne distale, seul le fléchisseur profond est capable, lorsqu’il est en continuité, d’activer la flexion.



Le test du fléchisseur superficiel exige que tous les doigts soient maintenus en extension, sauf le doigt examiné. Il est alors demandé au patient de fléchir ce doigt, seul le fléchisseur superficiel peut fléchir l’interphalangienne proximale (fig. 15-5B). Dans un tiers des cas, ce test est négatif au niveau de l’auriculaire, car le tendon superficiel est soit déficient, soit absent.


Le test clinique permettant d’évaluer la flexion active du long fléchisseur du pouce est simple (fig. 15-5C). Il consiste à demander au patient de plier l’IP du pouce. Cependant, si le long fléchisseur est rompu au niveau de P2 et si la vincula courte reste attachée à la plaque palmaire, il est possible d’obtenir une flexion sans force mais effective de l’interphalangienne. C’est pour cela que le test clinique du long fléchisseur du pouce doit s’effectuer contre la résistance du doigt de l’examinateur.


Lorsque les poulies ont été lésées, en particulier A2 et A4, apparaît un effet de corde à arc que les Anglo-Saxons appellent « bowstringing » [7]. Il est dû au déplacement du fléchisseur profond qui n’est plus au contact des phalanges. Après réparation des poulies, il convient de mobiliser les patients en appliquant un contre-appui au niveau de celles-ci.





Pansement et techniques de mobilisation protégée



Prise en charge postopératoire après chirurgie des tendons fléchisseurs de l’adulte


Durant les trois premiers jours postopératoires, le pansement doit être compressif afin d’éviter l’hématome qui est une des complications les plus redoutables de la chirurgie de la main. Une attelle est incorporée au pansement et protège les sutures. Cette attelle plâtrée est dorsale, elle fléchit le poignet à 30° et fixe les métacarpo-phalangiennes à 40° et les IP à 30° de flexion. C’est la position de détente pour l’appareil fléchisseur.


Au 3e jour, le pansement est enlevé et si l’état cutané et l’œdème de la main l’autorisent, l’attelle plâtrée laisse place à une orthèse en matériau thermoformable adaptée à l’anatomie dorsale de la main et du poignet pour protéger les sutures tendineuses et leur cicatrisation tout en autorisant la réalisation des techniques de mobilisation protégée selon le principe de Duran [1] (voir chapitre 6fig. 6-406-416-42 et 6-44) de Kleinert [5, 6], de Strickland [9] ou Elliot [3] (voir chapitre 7). Mais, autant il est possible de réaliser un protocole de Kleinert, Strickland ou Elliot, lorsque les lésions associées vasculo-nerveuses siègent en zones 1, 2 et 3 car la flexion des métacarpo-phalangiennes protège les sutures vasculo-nerveuses d’une tension excessive, en revanche, au niveau du poignet, la mise en flexion de celui-ci peut être nuisible à la réparation nerveuse. Après 4 semaines d’immobilisation en flexion du poignet, lorsque celui-ci se retrouve en position neutre, ou en dorsi-flexion, les tractions exercées au niveau de la suture nerveuse peuvent altérer de manière non négligeable la régénération. C’est pour ces raisons que nous préférons immobiliser le poignet en position neutre pendant 2 semaines pour assurer une cicatrisation nerveuse de qualité et autoriser ensuite une mobilisation protégée.


Les protocoles de rééducation après réparation des tendons fléchisseurs en zones 2, 3 et 4 varient selon les écoles mais surtout en fonction de la nature des plaies, de la compréhension de l’opéré et de la formation du kinésithérapeute. Quatre options sont proposées :



En zone 5, une orthèse de type Duran est mise en place, mais la mobilisation active des chaînes digitales est autorisée.


Le principe du traitement est de favoriser la cicatrisation intrinsèque par rapport à la cicatrisation extrinsèque à l’origine des adhérences qui sont cependant nécessaires à la cicatrisation du tendon. Ces principes sont particulièrement valables pour la zone 2 où les tendons fléchisseurs réparés sont accolés l’un à l’autre et où les risques d’adhérences sont plus élevés par rapport aux autres zones. Des études expérimentales [4] démontrent la supériorité de la mobilisation postopératoire précoce, qu’elle soit passive ou active, par rapport à l’immobilisation.


La mobilisation améliore la trophicité et la qualité de la surface de glissement tendineuse, elle diminue les adhérences péritendineuses, augmente la résistance de la suture à la traction, induit une cicatrisation intrinsèque de qualité grâce à la mise en fonction du flux synovial intratendineux. Par ailleurs, elle favorise l’orientation des néo-fibres de collagène au sein de la suture et enfin elle entretient la mobilité articulaire.


Cependant, le risque de rupture tendineuse existe et il convient d’être prudent dans les mobilisations, particulièrement entre le 5e et le 10e jour postopératoire, période où le risque de rupture est maximal par diminution de la résistance à la traction du tendon suturé. Cette fragilité mécanique du tendon persiste pendant les trois premières semaines, c’est une phase de cicatrisation lente.


En fait, le choix de la méthode de rééducation durant les 4 premières semaines postopératoires dépend d’une somme de facteurs que sont : la nature et le siège de la lésion, la technique chirurgicale de suture, les possibilités géographiques de rééducation et la participation du patient.


Notre expérience nous a montré que l’on pouvait combiner les différents protocoles selon l’avancée de la cicatrisation. Ainsi, pour une plaie complexe, on débutera par une mobilisation passive de type Duran, suivie d’une technique de Kleinert ou de mobilisation active précoce (MAP) selon la compréhension du patient.


Notre préférence va à la MAP, qui donne entière satisfaction si les indications et les exigences du traitement sont strictement respectées.


En effet, l’étude du glissement tendineux en zone 2 dans le canal digital montre que celui-ci peut atteindre 9 mm en regard de la poulie A2, que le protocole de rééducation soit actif ou passif. En revanche, l’excursion est nulle en regard de la poulie A4 lorsque la mobilisation est passive ou activo-passive (Kleinert) et limitée à 1 ou 2 mm en regard de la poulie A3 avec ces mêmes protocoles.


Si les mobilisations sont contre-indiquées, en particulier chez l’enfant, ou ne peuvent être exécutées dans de bonnes conditions, nous réalisons une immobilisation postopératoire stricte de 4 semaines.



Rééducation des fléchisseurs de J3 à J30



Protocole de Duran modifié ou mobilisation passive protégée (fig. 15-7)


Les mobilisations passives sous orthèse sont effectuées par le kinésithérapeute et enseignées au patient afin qu’il les réalise quotidiennement. L’orthèse est retirée en respectant l’attitude de protection (poignet, MP et IP en flexion). Le kinésithérapeute mobilise le doigt lésé de manière passive et analytique en flexion-extension, d’abord l’IPD puis l’IPD et l’IPP et en global les doigts sains et le poignet. Selon Duran, cette mobilisation permet le glissement des sutures des tendons l’une par rapport à l’autre et par rapport au canal digital ostéo-fibreux et favorise l’organisation longitudinale des adhérences. En fait, cette approche est plus théorique que pratique car la mobilisation passive n’entraîne pas obligatoirement la zone de suture, le tendon peut se plisser comme un accordéon sans glisser. Lors de la mobilisation en extension des MP et IP, les articulations sus- et sous-jacentes seront maintenues en flexion pour ne pas exercer de traction sur la suture. Il faut insister sur la mobilisation en extension de l’IPP car le flessum est fréquent en raison de l’œdème, des douleurs et de la cicatrisation tendineuse. (exemple : extension de l’IPP en gardant le poignet et la MP en flexion, inversement extension de la MP avec IPP et IPD en flexion).



La mobilisation en flexion se fait d’analytique vers le global avec un écart pulpo-palmaire (EPP) à 0. Les doigts étant maintenus fléchis, on réalise ensuite une mobilisation passive du poignet en extension.


La mobilisation en extension du poignet permet d’atténuer les douleurs et l’œdème de la face dorsale de la main, induits par la position en flexion du poignet, et d’entretenir la mobilité articulaire par l’effet ténodèse.


En maintenant la flexion passive globale des doigts, on associe l’extension du poignet jusqu’à 30° afin de ne pas exercer de tension sur les sutures. Puis, on demande au patient de relâcher le poignet vers la flexion qui doit s’accompagner d’une extension automatique des doigts, cette manœuvre ne doit pas être aidée par la main saine.


Ces exercices de mobilisation passive sont enseignés par le kinésithérapeute au patient qui doit les réaliser à la maison. Pour plus de sécurité, ces exercices doivent se réaliser, sans retirer l’orthèse, à raison de 10 fois par articulation toutes les 2 heures. En dehors des séances de mobilisation, les chaînes digitales sont maintenues en extension contre l’auvent dorsal par la bande élastique.


La mobilisation passive du pouce : la mobilisation analytique en flexion-extension de l’IP et de la MP implique le respect de la position de détente du fléchisseur (poignet en flexion à 30°, 1er métacarpien en antépulsion et abduction). Puis le poignet est mobilisé à 30° d’extension, le pouce étant maintenu en flexion complète sous les doigts longs fléchis.

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May 26, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 15: Plaies des tendons fléchisseurs

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