Chapitre 15 Chirurgie réparatrice des lèvres
La reconstruction des pertes de substance des lèvres doit aboutir à un minimum de séquelles fonctionnelles et esthétiques : les lèvres doivent être continentes et les sous-unités esthétiques harmonieuses [1].
Rappels morphologiques
La ligne de jonction cutanéomuqueuse entre la lèvre blanche et la lèvre rouge est nette, saillante et bien dessinée. Il faudra toujours la reconstruire avec soin pour éviter les décalages. De même, les différentes sous-unités labiales seront respectées et reconstruites sous peine de séquelles esthétiques [2].
La vascularisation artérielle est sous la dépendance du système carotidien externe par l’intermédiaire des artères faciales qui donnent les artères coronaires (figure 15.1), dont les variations sont nombreuses, et les anastomoses entre les deux côtés ne sont pas constantes. Les artères coronaires se projettent sur la jonction mucovermillonnaire [3] et donnent des branches collatérales verticales qui permettent la prise d’un lambeau de lèvre controlatérale type Abbé-Estlander.
Principales techniques de réparation des lèvres
Pertes de substance superficielles du vermillon de la lèvre inférieure
Les petites pertes de substance muqueuses ou les petites cicatrices peuvent être fermées ou améliorées par des sutures simples (fuseau) ou des plasties locales (H, U ou Z). On s’efforcera d’éviter tout décalage inesthétique au niveau de la jonction lèvre rouge–lèvre blanche.
Vermillonectomie inférieure [4–6]
Pour une perte de substance plus importante du vermillon, on peut réaliser un lambeau d’avancement de muqueuse rétrolabiale en utilisant son élasticité. C’est la vermillonectomie inférieure.
La vermillonectomie a été décrite pour le traitement des états précancéreux (chéilite, leucoplasie étendue) et des épithéliomas in situ, lésions souvent associées et mal limitées. Elle consiste à faire l’ablation de tout le vermillon de la lèvre inférieure (zone de Klein) pour procéder à son étude anatomopathologique complète. La muqueuse enlevée sera remplacée par la muqueuse du vestibule labial (figures 15.2 et 15.3).
Fig. 15.2 Vermillonectomie et fermeture de la perte de substance par lambeau rétrolabial d’avancement.
Fig. 15.3 A, B. Décollement du vermillon. C. Libération du vermillon du muscle orbiculaire. D. Suture finale.
La technique chirurgicale est la suivante ( vidéo 15.1).
Réparation des pertes de substance de la lèvre supérieure
Les pertes de substance de la lèvre supérieure doivent être analysées en fonction de leur siège : lèvre blanche ou lèvre rouge. Ces deux zones sont séparées par la ligne cutanéomuqueuse dont l’altération est toujours disgracieuse.
Réparations de la lèvre blanche supérieure
Lambeaux d’avancement
Ces lambeaux permettent la fermeture des petites pertes de substance.
Si la perte de substance intéresse le tiers latéral de la lèvre blanche, un lambeau d’avancement de joue en permet la fermeture (glissement nasolabial de Webster (figure 15.4) [7,8]. Une excision cutanée périalaire est nécessaire ainsi qu’une excision juxtacommissurale. Un décollement jugal large permet un enroulement de la joue le long de l’aile narinaire et une suture sans tension.
Lambeaux nasogéniens
La réparation à partir d’un lambeau nasogénien à pédicule inférieur permet une réparation assez étendue vers la partie médiane de la lèvre (figure 15.5). La peau est de bonne qualité et donne peu de séquelle cicatricielle au niveau de la joue
Greffes cutanées
Ces greffes sont rarement utilisées en première intention car elles ont une tendance naturelle à la dyschromie et à la rétraction. On les utilise plus en deuxième intention pour corriger une bride ou refaire l’ensemble de l’unité labiale. La peau totale rétroauriculaire et la peau sus-claviculaire donnent le moins de dyschromie et de rétraction. Chez l’homme, les greffons cutanés donnent une peau glabre avec un résultat esthétique médiocre.
Réparation de la lèvre rouge supérieure
En cas de plaie transfixiante, une reconstruction cutanéo-musculo-muqueuse est nécessaire. Comme pour la réparation cutanée, on se doit d’essayer de préserver la symétrie de la lèvre supérieure. On peut sacrifier jusqu’au tiers de la lèvre supérieure avec une fermeture de première intention (règle des tiers), en particulier chez les personnes âgées à grande laxité tissulaire. S’il est impossible de fermer avec suture simple, sans distorsion, on utilisera un lambeau de reconstruction.
Pertes de substance égales au tiers de la lèvre supérieure
Lambeau d’Abbé [9,10] (figures 15.6 et 15.7, cas cliniques e15.1 et e15.2)
Dénommé aussi lambeau tournant de lèvre inférieure, c’est un lambeau de conception ancienne (1897). Il permet de reconstruire jusqu’au tiers de la lèvre supérieure. La lèvre inférieure est toujours assez souple pour donner un quart de sa longueur sans déformation résiduelle. Le lambeau d’Abbé permet une reconstruction cutanéo-musculo-muqueuse en trois couches.