15: Cardiomyopathies et myocardites

Chapitre 15 Cardiomyopathies et myocardites



Le terme « myocardiopathie » est général et regroupe de nombreux processus pathologiques qui n’ont qu’une caractéristique commune : leur capacité à diminuer la fonction myocardique de façon significative. La classification la plus reconnue est celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [World Health Organization (WHO)], pour qui le vocable « myocardiopathie » est réservé aux maladies myocardiques de cause inconnue, les autres étant regroupées sous le terme de « maladies myocardiques spécifiques » (Tableau 15.1) [1]. Néanmoins, et compte tenu de leur présentation clinique similaire, le terme de « myocardiopathies secondaires » est souvent utilisé dans ce dernier cas, incluant les myocardiopathies associées à l’ischémie, la dysfonction valvulaire, l’hypertension, les myocardites, les maladies métaboliques, les maladies systémiques, les dystrophies musculaires, les pathologies neuromusculaires, d’origine toxique, et liées au post-partum. À côté de ces formes chroniques, il existe également des cardiomyopathies aiguës, essentiellement représentées par les myopéricardites.


Tableau 15-1 Principales causes de myocardiopathies spécifiques.



























Infectieuses : virales (VIH), bactériennes, rickettsiennes, fungiques, parasitaires…
Inflammatoires non infectieuses : collagénoses, granulomatoses
Métaboliques : nutritionnelles (thiamine, carnitine, sélénium, vitamine D, obésité), endocriniennes (acromégalie, thyrotoxicose, myxœdème, Cushing, phéochromocytome), trouble métabolique (oxalose, goutte) et électrolytique
Toxiques : cobalt, alcool, adriamycine, mercure, paracétamol, cocaïne, lithium…
Agents physiques : brûlure, hypothermie, irradiation…
Infiltratives : amylose, hémochromatose, sarcoïdose, néoplasie, mucopolysaccharidoses
Fibreuses : fibrose endomyocardique, Loffler, carcinoïde
Hématologiques : leucémie, purpura thrombopénique
Hypersensibilité : pénicilline, tétracyclines, phénylbutazone, antituberculeux, myocardite à cellules géantes, rejet de greffe
Génétiques : myocardiopathie hypertrophique, maladies neuromusculaires (Steinert, Duchenne, Friedreich…)
Diverses acquises : postpartum, obésité
Idiopathiques :




Quatre catégories sont définies sur des bases morphologiques et hémodynamiques : la myocardiopathie hypertrophique, la myocardiopathie dilatée, la myocardiopathie restrictive, et une forme particulière d’atteinte ventriculaire droite, la myocardiopathie ventriculaire droite arythmogène (fig. 15.1). En pratique, la cardiomyopathie est actuellement volontiers classée selon le type de dysfonction : les cardiomyopathies avec dysfonction systolique, parmi lesquelles les cardiopathies ischémiques et postvalvulaires, et les cardiopathies avec dysfonction diastolique liées à un trouble de la compliance myocardique du ventricule gauche (VG), dont font partie les cardiopathies restrictives et hypertrophiques (tableau 15.2). Les principales indications ont été rappelées dans une récente mise à jour (tableau 15.3) publiée par Pohost [2].



Tableau 15-2 Principales étiologies des myocardiopathies.















Classification actuelle Ancienne classification Étiologies
Myocardiopathie avec dysfonction systolique Cardiopathies dilatées Cardiopathies ischémiques et postvalvulaires, cardiopathies hypertensives
Myocardiopathie avec dysfonction diastolique Cardiopathies restrictives et hypertrophiques






Tableau 15-3 Indications de l’IRM.



























Indications Classe
Évaluation fonction VD-VG I
DAVD I
Cardiomyopathie hypertrophique I
Cardiomyopathie dilatée I
Cardiomyopathie restrictive (diagnostic différentiel de péricardite chronique constrictive) I
Myocardites aiguës I
Sarcoïdose et maladies de système I

I : utilité indiscutable ; II : utile mais indication moins bien établie ; IIa : nombreuses données en faveur de l’utilité ; IIb : données insuffisantes.


D’après Pohost (1).


Dans l’exploration des cardiomyopathies non ischémiques, l’échocardiographie est la méthode de base, mais l’imagerie par résonance magnétique (IRM) apporte des informations complémentaires très intéressantes pour le diagnostic initial (visualisation du péricarde, recherche d’une inflammation ou d’une infiltration myocardique, mise en évidence des formes focales d’hypertrophie…) et le suivi (précision et reproductibilité des mesures de volumes et de masse). Le scanner multicoupe a surtout pour intérêt d’éliminer une origine coronarienne à une cardiopathie dilatée lorsque le coroscanner est normal, mais d’autres indications émergent, comme la recherche de prise de contraste iodée tardive épicardique, en faveur d’une myocardite.



Protocole IRM


Après avoir éliminé une contre-indication et soigneusement expliqué au patient les contraintes de l’examen, lui avoir protégé les oreilles par un casque antibruit, avoir placé une antenne en réseau phasé sur sa poitrine (cardiaque dédiée si possible) et vérifié la qualité de la courbe électrocardiographique (ECG), l’examen peut débuter par une banale séquence de repérage du cœur sans synchronisation. On réalise successivement un plan axial, un plan vertical long axe (VLA), un plan horizontal long axe (HLA) ou quatre cavités. On repère le plan petit axe en plaçant les coupes à la fois sur les plans VLA et HLA. La rigueur dans l’acquisition des plans de coupe est indispensable pour obtenir des IRM de qualité comparable à celle des autres techniques. Cinq types de séquence sont utiles à l’évaluation des patients porteurs de cardiopathies non ischémiques.


Les images morphologiques sont obtenues à partir de séquences en écho de spin rapides pondérées T1 (fast ou turbo spin-écho, single-shot fast spin-écho) et surtout T2 avec temps d’écho (TE) au moins égal à 60 ms (fast spin-écho au mieux avec triple inversion ou short TI triple inversion recovery [STIR]). Ces séquences en sang noir bénéficient de préparations « black blood » par saturation des spins entrant dans le plan de coupe. Les acquisitions T1 pourront être réalisées en axial et VLA et les acquisitions T2 en petit axe et HLA (à adapter au patient et aux séquences disponibles sur chaque appareil).


Les images dynamiques essentielles à l’analyse des paramètres fonctionnels globaux (fraction d’éjection, mesures de volume, d’épaisseur) et segmentaires (score de cinétique segmentaire) sont réalisées en écho de gradient équilibré (steady state free precession [SSFP] : Truefisp™, Fiesta™ ou Balanced FFE™), en petit axe de l’apex au plan valvulaire. Ces acquisitions peuvent être complétées par des images dynamiques acquises avec des bandes ou des grilles de présaturation (tagging) qui permettent de quantifier la fonction contractile.


Les séquences de perfusion premier passage après injection de chélate de gadolinium (séquences écho de gradient/écho planar optimisées en petit axe) sont utiles pour mettre en évidence des zones d’hyperhémie ou de perfusion normale (diagnostic différentiel avec le défect de perfusion de l’ischémie), et aussi pour l’étude de la microcirculation (vascularites).


Les séquences de rehaussement après injection de chélate de gadolinium (séquences T1 en inversion-récupération avec optimisation du temps d’inversion) sont primordiales :




Des séquences en contraste de phase peuvent être utilisées pour mesurer le débit aortique, le débit artériel pulmonaire ou le débit d’une régurgitation valvulaire fréquente dans le cadre des cardiomyopathies dilatées (CMD).



Protocole scanner multicoupe


Il est réalisé une première acquisition en contraste spontané pour rechercher des calcifications myocardiques, puis une acquisition type coroscanner habituel pour l’étude des artères coronaires (voir le chapitre 2). Enfin, on procède à un passage tardif à 5 minutes en baissant les kilovolts (80 kV en dessous de 75 kg et 100 kV au-dessus de 75 kg, par exemple), avec une épaisseur de coupes de 1,5 mm et des reconstructions en 3 mm tous les 1,5 mm, après réinjection de produit de contraste iodé (double dose).



Cardiomyopathie hypertrophique


La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est définie par une hypertrophie myocardique primitive, non expliquée par une cause sous-jacente, comme un rétrécissement aortique ou une hypertension artérielle systémique. Une désorganisation des fibres myocardiques est associée à l’histologie [3,4]. Elle touche 0,2 % des adultes jeunes et représente la première cause de mort subite chez les athlètes. Un déterminisme génétique est présent dans 50 % des cas, avec une transmission autosomique dominante à pénétrance variable. L’histoire naturelle est variable, pouvant parfois aboutir à une mort subite par arythmie. La topographie et l’importance de la zone hypertrophique sont également variables (fig. 15.2 à 15.4).





Rarement, l’hypertrophie est symétrique, touchant alors l’ensemble du VG (voire les deux ventricules), ce qui pose le problème du diagnostic différentiel avec l’hypertrophie du sportif et les hypertrophies secondaires à l’hypertension artérielle ou à un rétrécissement aortique. Le plus souvent, elle est asymétrique, intéressant par ordre de fréquence décroissante le septum, la région médioventriculaire et l’apex. Suivant l’atteinte ou le respect de la chambre de chasse du VG (qui conditionne l’apparition d’un obstacle à l’éjection, donc le retentissement hémodynamique), on distingue les CMH avec (CMO) ou sans obstacle à l’éjection. Elles diffèrent par leur pronostic et surtout par leur traitement.


En cas de CMO, le patient présente fréquemment une dyspnée, des douleurs angineuses. Les malaises et les syncopes survenant à l’effort sont la conséquence d’un obstacle sévère à l’éjection et constituent des éléments de mauvais pronostic. Parmi les CMO, on peut citer la CMH asymétrique septale, forme fréquente en Europe et aux États-Unis, qui peut être responsable d’une obstruction dynamique de la chambre de chasse du VG (type I : limitée à la partie antérieure du septum ; type II : tout le septum ; type III : septum et paroi antérolatérale ; type IV : autre topographie que septum basal, rarement postérolatérale). Dans les formes sans obstacle à l’éjection, comme par exemple l’hypertrophie apicale, fréquente au Japon, les signes cliniques sont plus frustes. L’IRM peut distinguer les trois sous-types de l’hypertrophie apicale : forme apicale vraie, forme avec atteinte asymétrique des parois ventriculaires, forme avec atteinte symétrique des parois ventriculaires.


L’épaisseur myocardique maximale (systolique et diastolique) et la masse cardiaque sont des paramètres clés dans les CMH, facilement quantifiables en IRM. L’épaisseur myocardique moyenne en télédiastole est augmentée dans les CMH (8 à 10 mm chez le sujet sain, jusqu’à 12 mm chez le sportif, CMH à partir de 13 mm en cas d’antécédents familiaux et de 15 mm en l’absence d’hérédité). Le ratio épaisseur myocarde CMH/épaisseur myocarde sain est en général supérieur à 2. Il a été montré que l’IRM était plus précise et plus reproductible que l’échographie pour évaluer la masse myocardique dans les CMH, en sachant que cette masse peut être normale compte tenu de la distribution segmentaire de l’hypertrophie chez certains patients. L’apparition récente de logiciels automatiques ou semi-automatiques de post-traitement des images IRM (MASS™, Argus™) permet de diminuer la durée de travail sur console et d’assurer la reproductibilité des mesures. L’IRM, grâce à la reproductibilité des mesures de masse et d’épaisseur, autorise un monitorage de la réponse au traitement difficile à assurer en échographie.


Les séquences ciné-IRM segmentées sont indispensables pour évaluer les volumes d’éjection ventriculaire et la fraction d’éjection [5,6]. Dans les CMH, il existe une diminution des volumes ventriculaires télésystolique, télédiastolique et une augmentation fréquente de la fraction d’éjection du VG du fait de l’hypertrophie myocardique. Le rapport épaisseur pariétale/volume diastolique ou masse/volume du VG est un bon indicateur pour distinguer l’hypertrophie du sportif de l’hypertrophie primitive (dilatation ventriculaire chez l’athlète). Ces modifications s’accompagnent d’une dilatation et d’une diminution de la fraction d’éjection de l’oreillette gauche. Le myocarde hypertrophique est également moins compliant, ce qui se traduit par une diminution du pourcentage d’épaississement systolique, du raccourcissement circonférentiel et de la fraction d’épaississement.


Les séquences en écho de gradient peuvent montrer un artéfact de jet sous-aortique systolique dans la chambre de chasse du VG (jet flow), argument en faveur de l’existence d’une CMO. Le flow void est mieux vu sur les séquences classiques en écho de gradient à TE long qu’avec les séquences SSFP à TE court. L’obstruction se définit par un gradient supérieur à 30 mmHg et doit s’explorer en incidence cinq cavités ou LVOT (left ventricle outflow tract) [on recherchera également un mouvement systolique antérieur de la grande valve mitrale (SAM)]. On peut également voir un artéfact de déphasage par insuffisance mitrale, reflet du gradient intraventriculaire gauche responsable d’une fuite mitrale par effet Venturi.


Le « tagging » myocardique peut aider à quantifier des anomalies de la contraction régionale ventriculaire gauche. Le mouvement pariétal et le mouvement de rotation cardiaque sont diminués, tandis que le mouvement de torsion du cœur est augmenté.


L’injection de gadolinium peut amener des informations intéressantes en mettant en évidence des défauts de perfusion dans les zones hypertrophiques, probablement liés à des atteintes ischémiques régionales. L’existence de zones ischémiques est une des hypothèses avancées pour expliquer les morts subites observées chez des patients avec CMH. Surtout, les acquisitions tardives après injection de gadolinium peuvent mettre en évidence des prises de contraste anormales, surtout à la jonction septum et ventricule droit (VD), qui correspondent aux remaniements fibreux et à la désorganisation myofibrillaire [6]. Ces prises de contraste sont en général plutôt éparses, en mottes (patchy), médiopariétales, prédominant dans les régions les plus hypertrophiées, et sans distribution coronaire systématisée. Très fréquentes (7 à 8 fois sur 10), elles sont liées au phénotype (progression de l’hypertrophie) et non au génotype. La valeur pronostique de ces rehaussements tardifs est clairement établie (évolutivité de la maladie, fonction diastolique et systolique, risque de mort subite) et la corrélation entre l’étendue de ces prises de contraste « fibreuses » et la survenue de troubles du rythme a été démontrée par plusieurs auteurs [7].

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 15: Cardiomyopathies et myocardites

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access