2: Rappels physiopathologiques, cliniques et électriques

Chapitre 2 Rappels physiopathologiques, cliniques et électriques




Généralités


Le cœur pèse environ 300 g chez l’homme adulte, 250 g chez la femme. Sa fonction essentielle est d’être une pompe assurant le transport d’oxygène aux différents tissus. Cette fonction repose sur plusieurs éléments synergiques, les cavités, les valves, le muscle myocardique, des surfaces de glissement. Il a en outre besoin lui-même d’être alimenté par des vaisseaux nourriciers qui assurent la perfusion myocardique (des troncs artériels coronaires à la microcirculation coronarienne). Le cœur est enfin sous le régime d’un contrôle neurohormonal complexe qui permet l’adaptation de la fréquence cardiaque aux différentes conditions de besoin en oxygène.


Le muscle cardiaque est essentiellement développé au niveau des ventricules, qui doivent éjecter le sang dans un système à plus haute pression pour le ventricule gauche (VG) que pour le ventricule droit (VD) afin de le distribuer à l’ensemble des artères de l’organisme (le VG est plus épais que le VD). Le remplissage ventriculaire au cours de la diastole s’accompagne d’un relâchement des fibres en diamètre et en longueur. L’éjection systolique des ventricules est un ensemble de contractions et de raccourcissements du myocarde (fibres entrecroisées). La contraction du VG normal (normokinésie) entraîne trois déformations en systole : un raccourcissement circonférentiel, un épaississement radial et un raccourcissement longitudinal (fig. 2.1). Le raccourcissement circonférentiel est lié à un mouvement de rotation que permet l’orientation différente des fibres myocardiques de l’endocarde à l’épicarde. Les altérations de la cinétique se traduisent par une hypokinésie (diminution de l’amplitude du mouvement), une akinésie (absence de mouvement) ou une dyskinésie (mouvements paradoxaux d’expansion en systole) segmentaire ou régionale.



Les mesures normales des volumes ventriculaires gauches rapportées à la surface corporelle sont résumées dans le tableau 2.1.


Tableau 2-1 Normes ventriculaires.




































Diamètre télédiastolique du VG 56 mm en 4 cavités
60 mm en vertical grand axe (2 cavités)
Volume télédiastolique du VG 52–89 ml/m2
Volume télésystolique du VG 17–37 ml/m2
Volume d’éjection systolique (stroke volume) du VG 50–60 ml/m2
Fraction d’éjection du VG 59–69 %
Fraction de raccourcissement 18–42 %
Fraction d’éjection du VD 51–65 %
Épaisseur du myocarde VG 7–12 mm (sauf pointe ou apex)
Épaisseur du myocarde VD < 4 mm (bord libre)
Épaississement systolique 48 %
Masse du VG 65–92 g/m2 (< 100 chez l’homme, < 95 chez la femme)

Ces normes sont données à titre indicatif ; elles sont dépendantes de nombreux facteurs comme la taille et la surface corporelle (d’où la nécessité de valeurs indexées), mais aussi le sexe (valeurs plus élevées chez l’homme), l’âge (valeurs plus élevées entre 20 et 45 ans qu’après 45 ans), l’ethnie (Africains > Hispaniques > Caucasiens > Asiatiques) et l’entraînement physique (valeurs plus élevées chez l’athlète). À ces facteurs s’ajoutent des facteurs méthodologiques avec des variations selon la méthode d’imagerie par résonance magnétique (IRM) utilisée (privilégier la méthode volumétrique 3D petit axe à la méthode surface-longueur et grand axe). Il y a également des variations entre normes échographiques et IRM, qu’il ne faut pas chercher à comparer. Il faut enfin noter que les mesures sont variables d’un examen à un autre et pour un même observateur, la reproductibilité étant bien meilleure en IRM qu’en échocardiographie (la variabilité en IRM est de 2 % en moyenne, d’un examen de la mesure de la masse du VG à l’autre, alors qu’elle peut atteindre 10 % en échographie).


Le myocarde est représenté par le muscle lui-même (environ 75 %), un tissu conjonctif de soutien (environ 15 %), et le volume sanguin myocardique – artères coronaires et microcirculation (environ 10 %). Le muscle myocardique est formé de cellules distinctes (cardiomyocytes) étroitement connectées les unes aux autres. Les cardiomyocytes, qui comptent pour plus de la moitié du poids du cœur, sont grossièrement cylindriques ; ils mesurent 20 μm de long et moins de 10 μm de large dans les oreillettes, 560 à 140 μm de long et 17 à 25 μm de large dans les ventricules. La fonction contractile de ces cardiomyocytes est principalement assurée par deux protéines contractiles, le fin filament d’actine et l’épais filament de myosine. À cette partie contractile du myocarde s’associe une partie anatomique très réduite, le tissu nodal, qui constitue le lieu d’origine de l’automatisme cardiaque et le système de conduction de l’onde d’activation normale. Examinées au microscope, ces cellules musculaires apparaissent striées et ramifiées. Environ la moitié des myocytes ventriculaires sont constitués de myofibrilles et de un quart à un tiers de mitochondries. La myofibre est un groupe de myocytes maintenus par du tissu conjonctif collagène. Ces fibres de collagène lient les myofibres entres elles de telle sorte que leur excès, comme dans l’hypertrophie ventriculaire gauche, peut être à l’origine d’une dysfonction diastolique.


Le métabolisme du myocarde est essentiellement aérobie. Environ 80 % de l’énergie est utilisée pour la contractilité, ce qui revient aux mouvements ioniques transmembranaires et au maintien de l’intégrité cellulaire ne représentant que 18 à 20 % de la totalité de l’ATP utilisé par le myocarde. Les métabolites préférentiels employés sont les acides gras (à chaînes longues comme le palmitate, par exemple), dont la dégradation ne se fait qu’à l’intérieur de la mitochondrie, l’oxygène étant l’accepteur ultime des équivalents réducteurs produits par cette dégradation. Le glucose peut devenir le substrat préférentiel dans certaines circonstances (postprandial, ischémie).


Une augmentation des besoins en oxygène du myocarde ne peut être couverte que par une augmentation de la perfusion myocardique. En effet, la majeure partie du métabolisme énergétique myocardique est essentiellement aérobie, et dans les conditions basales, l’extraction myocardique de l’oxygène est déjà pratiquement maximale. Seul un accroissement du débit sanguin permettra d’augmenter les apports en oxygène indispensables à la dégradation aérobie des substrats énergétiques. Le débit sanguin coronaire augmente ainsi linéairement avec les besoins en oxygène du myocarde.



Principales altérations tissulaires et fonctionnelles du myocarde



Bases physiopathologiques


Il a été parfaitement mis en évidence que le myocarde subit des remaniements structurels en réponse aux processus pathologiques qui l’atteignent. Quelle que soit l’étiologie du processus initial, l’atteinte myocardique se caractérise par une diminution de la puissance contractile, puis le myocarde s’adapte pour préserver sa fonction. Cellules hautement différenciées, les myocytes ne peuvent répondre directement à une agression (par exemple liée à une hypertension artérielle). La réponse se limitera à une hypertrophie de ces myocytes (d’où augmentation de la masse du myocarde et hypertrophie pariétale) et à des modifications structurelles du tissu matriciel. L’augmentation des dépôts de collagène et la fibrose sont les meilleurs exemples de ces altérations secondaires. Ce processus de remodelage, qui met en jeu les protéines contractiles et la trame de tissu conjonctif au niveau microvasculaire, comme l’élastine, permet de préserver longtemps la fonction systolique. Un ventricule remodelé et atteint de fibrose peut ne pas répondre à la suppression ou à la correction du facteur déclenchant originel. Le dysfonctionnement systolique ventriculaire, parfois brutal, témoigne de la défaillance de la pompe cardiaque, caractérisée par une diminution de la fraction d’éjection systolique.


Des changements de l’ultrastructure du myocarde (fibrose, dépôts amyloïdes, dépôts ferriques, infiltration tumorale…) peuvent être à l’origine d’une diminution de la distensibilité ventriculaire avec défaut du remplissage diastolique. Le dysfonctionnement diastolique ventriculaire se définit comme l’incapacité du ventricule à atteindre en fin de diastole le volume normal de remplissage, avec une pression de remplissage normale.



Conséquences myocardiques de l’ischémie



Métabolisme du myocarde ischémique


L’ischémie myocardique est le résultat d’un déséquilibre entre l’offre (diminution du débit coronaire) et la demande (augmentation des besoins) en oxygène. Les besoins en oxygène sont sous la dépendance de plusieurs facteurs, au premier rang desquels se trouvent la tension intramyocardique, la contractilité myocardique et la fréquence cardiaque.


Cette ischémie provoque une cascade de perturbations dont le point de départ est une interruption du métabolisme oxydatif, réalisant une sorte de contracture myocardique ischémique. Ce mécanisme peut expliquer le trouble de la fonction contractile (hypoakinésie), mais aussi de la relaxation (diminution de la « compliance »), par une diminution de la concentration en ATP et une augmentation de la concentration cytosolique du calcium.


La possibilité d’une activation de la glycolyse et d’une production d’ATP glycolytique semble avoir un rôle fondamental pour le maintien de la viabilité cellulaire, probablement en préservant indirectement l’activité des pompes ioniques transmembranaires. Si la glycolyse finit par être inhibée, la tension diastolique augmente dans des proportions considérables et la nécrose cellulaire survient rapidement.


La mort des cellules est essentiellement liée à la nécrose ischémique, mais s’y associent également des phénomènes d’apoptose (mort cellulaire dans une zone du myocarde ayant subi une ischémie aiguë qui aurait pu être en partie réversible si certaines de ces cellules n’avaient pas initié ce mécanisme programmé à la suite de l’agression ischémique).



Notion de réserve coronaire


La réserve de débit coronaire représente le quotient entre le débit coronaire au maximum de ses possibilités de dilatation artériolaire coronaire et le débit coronaire à l’état basal. Elle peut être étudiée en utilisant un vasodilatateur coronarien comme le dipyridamole ou l’adénosine.


Plusieurs facteurs influent sur le débit coronaire :





À l’état basal, d’après les données expérimentales, la réduction du débit en aval d’une sténose n’est pas proportionnelle au pourcentage de sténose, mais se manifeste seulement pour des sténoses serrées supérieures à 80 % (voir la courbe de la fig. 2.2). Au contraire, en situation d’hyperhémie (épreuve de stress physique ou pharmacologique), la diminution du débit est plus progressive et débute plus précocement pour des sténoses de 50 %, de sorte qu’il sera plus aisé de mettre en évidence un défaut de perfusion en imagerie avec stress (contraste de perfusion plus élevé entre zones saines et zones en aval d’une sténose modérée).


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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 2: Rappels physiopathologiques, cliniques et électriques

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