Chapitre 14 Expression en imagerie des cancers du sein
Mammographie, échographie, IRM
Cancers in situ
Les carcinomes mammaires in situ correspondent à des proliférations épithéliales malignes développées dans les canicules intralobulaires pour les carcinomes lobulaires in situ (CLIS) ou dans les canaux galactophores pour les carcinomes intracanalaires (CCIS) sans effraction de la membrane basale.
Cancer lobulaire in situ (CLIS)
Il ne s’agit pas d’un véritable cancer. En effet, il fait partie d’une entité histologique particulière, les néoplasies lobulaires (fréquence comprise entre 2 et 9 % des lésions opérées) qui sont considérées comme des lésions à risque de cancer du sein (risque relatif compris entre 8 et 10 pour le CLIS).
Les CLIS représentent environ 10 à 15 % des cancers du sein in situ. Ils n’ont pas de traduction radiologique spécifique et sont découverts de manière fortuite lors de l’analyse histologique de lésions bénignes associées (fig. 14.1). Celles-ci se traduisent essentiellement par des microcalcifications (dans environ 95 % des cas), rarement par une masse ronde, une désorganisation architecturale.
Un cas particulier est représenté par le CLIS de type pléomorphe ou LIN 3 qui se rapproche du carcinome canalaire in situ et se traduit le plus souvent par des calcifications intratumorales (fig. 14.2).
Cancer canalaire in situ (CCIS)
Les carcinomes canalaires in situ représentent 85 à 90 % des cancers du sein in situ soit approximativement 15 à 20 % des cancers du sein. Leur incidence est en augmentation du fait de la généralisation du dépistage. Dans environ 5 à 15 % des cas, il n’y a pas d’anomalie mammographique avec comme mode de détection une anomalie clinique (écoulement mamelonnaire uniporique sanglant, maladie de Paget) ou une découverte fortuite lors d’une chirurgie [1].
Mammographie [2–5]
La mammographie est l’examen essentiel pour la détection et le diagnostic des CCIS puisqu’ils se traduisent essentiellement par des microcalcifications isolées, dans 75 à 90 % des cas (tableau 14.1). On rappelle cependant la faible spécificité de la mammographie (environ 50 à 70 % des microcalcifications correspondent à des lésions bénignes) et le diagnostic sera établi par la macrobiopsie stéréotaxique. Ainsi, les foyers de microcalcifications de type II (punctiformes régulières) présentent une VPP comprise entre 2 et 27 %, les calcifications de type III (poussiéreuses, pulvérulentes) une VPP entre 19 et 39 %, les calcifications de type IV (punctiformes irrégulières) une VPP comprise entre 28 et 65 % et les calcifications de type V (vermiculaires) une VPP comprise entre 71 et 95 %.
Signes mammographiques | Fréquence |
---|---|
Microcalcifications | 70 à 90 % |
Masses irrégulières | < 10 % |
Désorganisation architecturale | < 10 % |
Asymétrie de densité | < 10 % |
Masse ronde | < 1 % |
En cas de CCIS avec nécrose, il s’agit essentiellement de microcalcifications de type 4 et 5. Il existe de plus une bonne corrélation entre l’étendue de ces microcalcifications en mammographie et l’étendue du carcinome intracanalaire en anatomopathologie. Les microcalcifications sécrétoires, rondes et pulvérulentes de type 2 et 3 sont plus fréquemment associées à des CCIS sans nécrose (fig. 14.3). La corrélation entre l’examen anatomopathologique et la mammographie est dans ce cas nettement moins bonne. La morphologie des microcalcifications n’est pas spécifique du type histologique de CCIS. Cependant, les calcifications punctiformes régulières ou pulvérulentes sont plutôt associées à des carcinomes de bas grade (fig. 14.4), alors que les calcifications de type 4 et 5 sont plutôt associées à des carcinomes de haut grade (fig. 14.5 et 14.6).
Fig. 14.3 Foyer non rond de microcalcifications punctiformes, pulvérulentes, peu nombreuses, classé ACR 4a.
La forme et la distribution des calcifications (foyer non rond, distribution segmentaire ou linéaire) sont le plus souvent des éléments en faveur de carcinome canalaire in situ (fig. 14.7 et 14.8). Le nombre élevé de calcifications sur une petite surface est également un élément péjoratif, ainsi que le polymorphisme des calcifications. Le polymorphisme doit être recherché sur la taille, les contours, la forme et la densité des calcifications.
Des signes associés peuvent être présents tels qu’une masse ou une distorsion architecturale.
Les autres anomalies mammographiques sont beaucoup moins fréquentes. Il peut s’agir d’une masse de forme irrégulière (< 10 % des cas ; fig. 14.9), d’une désorganisation architecturale souvent en association avec une cicatrice radiaire, d’une asymétrie focale de densité (< 10 % des cas), voire d’une masse nodulaire circonscrite (< 1 % des cas). À noter qu’une distribution segmentaire de plusieurs masses doit faire évoquer une topographie intragalactophorique.
Échographie [6, 7]
La plupart de CCIS n’ont pas de traduction échographique. Des aspects non spécifiques sont décrits tels que des « spots » hyperéchogènes en rapport avec la présence de microcalcifications, une distension segmentaire d’un galactophore de trajet tortueux, voire une masse échographique (plutôt de contenu hypoéchogène, de contours microlobulés et de grand axe radiaire), correspondant soit à une composante infiltrante, soit à une fibrose (fig. 14.10). En pratique, l’échographie présente un intérêt très limité dans la détection et le diagnostic des CCIS. Dans certains cas peu fréquents, elle peut être utile lorsqu’il existe un écoulement mamelonnaire isolée, à la recherche d’une masse échographique associée au foyer de microcalcifications, dans l’analyse d’une masse avec ou sans microcalcifications.
IRM [1, 8, 9]
Si la sensibilité de l’IRM est intéressante, comprise entre 89 et 92 % avec des résultats meilleurs pour les CCIS de haut grade, sa spécificité est mauvaise avec une valeur prédictive positive de l’ordre de 20 % pour le diagnostic du carcinome canalaire in situ. Ainsi, l’IRM mammaire n’est pas actuellement indiquée pour le diagnostic de CCIS. Elle peut avoir un intérêt dans le bilan d’extension locale en préopératoire d’un CCIS avéré, dans le cas d’une maladie de Paget sans anomalie en imagerie standard, mais ses indications sont encore à évaluer et à confirmer. Toutefois, elle apprécierait mieux la taille tumorale que la mammographie, notamment pour les CCIS de haut grade.
Les aspects morphologiques les plus fréquents sont des rehaussements non-masses, de forme segmentaire, linéaire (fig. 14.11) ou de distribution régionale, pouvant contenir des amas de rehaussements micronodulaires plus ou moins confluents, des rehaussements en motte, hétérogènes, voire des amas de rehaussements annulaires de très petite taille (fig. 14.12). Il peut également s’agir d’un rehaussement en plage non spécifique. La cinétique de la prise de contraste est variable, le plus souvent sous la forme d’une courbe progressive, voire en plateau mais en pratique peu prise en compte. Rarement, il peut s’agir d’un rehaussement masse (fig. 14.13).
Fig. 14.12 Femme avec mutation génétique BRCA1.
a. Mammographie : foyer de microcalcifications, de forme segmentaire, classé ACR5.
Cancers canalaires invasifs
Ce sont des proliférations épithéliales malignes qui représentent 98 % des tumeurs malignes du sein. Les autres tumeurs malignes (lymphome, sarcome, métastase…) et le cancer du sein chez l’homme sont rares.
Modèle de description : le carcinome canalaire infiltrant commun
Mammographie [2, 3, 10]
La mammographie peut être normale dans environ 10 % des cas. Les anomalies mammographiques et leur VPP sont résumées dans le tableau 14.2.
Aspects mammographiques | VPP |
---|---|
Masse stellaire | > 95 % |
Masse ronde | 10 % |
Désorganisation architecturale | 30 % (50 % si microcalcifications associées) |
Asymétrie focale de densité | 10 % |
L’anomalie mammographique la plus fréquente est celle d’une masse irrégulière à contours spiculés. L’image stellaire est formée d’une opacité centrale constituée de cellules tumorales au sein d’un stroma et de spicules qui sont de prolongement à base pyramidale rayonnant à partir du centre tumoral (fig. 14.14 et 14.15). Le nombre, la longueur et l’épaisseur des spicules étant très variables, tous les intermédiaires sont possibles entre l’image stellaire classique et la masse nodulaire à contours partiellement spiculés ou une image stellaire sans centre dense (Fig. 14.16 à 14.18). À noter que la taille radiologique doit comporter d’une part la mesure de la masse centrale et d’autre part la mesure de la totalité de la lésion, spicules compris. Des microcalcifications intratumorales sont retrouvées dans environ 30 à 40 % des cas (fig. 14.19).
Les signes associés peuvent être un halo clair périphérique correspondant à une hyperclarté inconstante entourant l’opacité centrale et limitée en dehors par les extrémités de la majorité des spicules, un épaississement, une rétraction cutanée, une infiltration du sousderme, un épaississement de la plaque aréolomamelonnaire ou une rétraction du mamelon.
Le carcinome canalaire infiltrant peut également apparaître sous la forme d’images moins typiques telles que des masses nodulaires avec des bords plus ou moins nets (fig. 14.20), parfois discrètement irréguliers, dentelés sur une partie ou la totalité de leur contour (fig. 14.21). Ces cancers de forme nodulaire représentent environ 10 % des cancers du sein et correspondent le plus souvent à des carcinomes canalaires infiltrants de grade 3 ou à des types histologiques particuliers qui sont indiqués ci-dessous (encadré 14.1). L’élément le plus important est l’aspect des contours de la masse. Globalement, 10 % des masses rondes correspondent à des cancers mais leur VPP varie de moins de 2 % environ, lorsque les contours sont nets et bien circonscrits et sans microcalcifications, à 30 % lorsqu’ils sont partiellement nets, voire 50 % lorsque les contours sont partiellement indistincts avec microcalcifications. À noter que les formes stellaires des carcinomes mammaires auraient un meilleur pronostic que les formes nodulaires.
Les autres aspects sont les désorganisations architecturales, les images stellaires sans centre dense (fig. 14.22), les aspects de rétraction du bord antérieur ou postérieur de la glande. Il peut également s’agir d’une asymétrie focale de densité (fig. 14.23), d’un foyer de microcalcifications isolé (fig. 14.24).
Échographie [6, 7, 11]
L’analyse sémiologique va prendre en compte plusieurs éléments qui sont la forme, l’orientation, les contours, les limites ou les zones de transition de la lésion avec le tissu mammaire avoisinant, son échostructure interne, l’aspect du faisceau acoustique postérieur ainsi que l’analyse du tissu environnant.
Les signes en faveur d’une lésion maligne sont une masse de forme irrégulière, une orientation non parallèle au revêtement cutané, c’est-à-dire un grand axe verticalisé par rapport au plan cutané ou un aspect sphérique (fig. 14.25). Les contours sont non circonscrits c’est-à-dire indistincts, anguleux, microlobulés ou spiculés (fig. 14.26 et 14.27). De même, on recherchera une zone de transition sans aucune délimitation brusque, se traduisant sous la forme d’un halo échogène périphérique (fig. 14.28). Il peut s’agir d’une lésion hypoéchogène, avec un fort contraste avec le milieu environnant, ou isoéchogène par rapport à la graisse. Cette échostructure peut être homogène, hétérogène ou complexe avec une composante liquidienne. Le faisceau acoustique peut être atténué soit en arrière de la masse, notamment en cas de lésion très fibreuse ou stellaire à la mammographie (fig. 14.29), soit de manière isolée. En ce qui concerne le tissu environnant, un cancer peut induire une distorsion de l’architecture avec rupture des plans anatomiques normaux.
Fig. 14.25 Masse solide, à grand axe perpendiculaire au plan cutané, à contours spiculés, indistincts.
Fig. 14.26 Masse de forme irrégulière, de contours anguleux avec une couronne hyperéchogène, classée ACR 5.
Fig. 14.27 Masse sphérique, de contenu hétérogène, avec des contours anguleux, spiculés, classée ACR 5.
Fig. 14.28 Deux cas d’une masse avec couronne hyperéchogène.
Histologie : carcinome canalaire infiltrant dans les 2 cas (a et b).
Certains cancers peuvent être de forme pseudo-bénigne apparaissant sous la forme de masse ronde, de contours réguliers (fig. 14.30), souvent franchement hypoéchogène avec un renforcement postérieur, tels les carcinomes de grade 3 (fig. 14.31) ou des types histologiques particuliers (médullaires, mucineux, sarcomes).
Fig. 14.30 Carcinome canalaire de grade 1.
a. Mammographie : masse ronde, de contours partiellement flous.
b. Échographie : masse ronde avec couronne hyperéchogène.
Fig. 14.31 Carcinome canalaire de grade 3.
a. Mammographie : masse de forme ronde, à contours partiellement réguliers.
Histologie : carcinome canalaire infiltrant de grade 3 avec stroma d’allure myxoïde.
Les éléments à forte VPP à rechercher sont la forme irrégulière, les contours spiculés, anguleux ou digitiformes, le halo échogène, l’atténuation postérieure, le grand axe verticalisé et l’hypoéchogénicité marquée (tableau 14.3).
Anomalies échographiques | Sensibilité | VPP |
---|---|---|
Contours spiculés | 36 % | 87 % |
Halo échogène | 35 % | 74 % |
Contours angulaires | 90 % | 59 % |
Grand axe vertical | 48 % | 74 % |
Hypoéchogénicité marquée | 49 % | 64 % |
Atténuation postérieure | 35 % | 62 % |
Contours digitiformes | 44 % | 60 % |
Calcifications | 40 % | 53 % |
Microlobulations | 92 % | 50 % |
Extension canalaire | 49 % | 46 % |
IRM [9, 12, 13]
L’IRM mammaire présente une excellente sensibilité pour le diagnostic de cancer du sein infiltrant avec une sensibilité comprise entre 90 et 100 % et une valeur prédictive négative supérieure à 95 %.
Le principe de l’IRM est la mise en évidence d’une prise de contraste tumorale. La sémiologie repose essentiellement sur l’analyse morphologique du rehaussement, l’analyse du signal sur la séquence pondérée T2 et l’analyse de la courbe de prise de contraste en fonction du temps. Trois catégories de rehaussements sont rencontrées : les masses, les non-masses et le focus (tableau 14.4).
Signes IRM | VPP |
---|---|
Rehaussement masse avec contours irréguliers | 80–91 % |
Rehaussement masse avec contours spiculés | 77–95 % |
Rehaussement en couronne épaisse | 79–84 % |
Rehaussement non-masse linéaire | 26–84 % |
Rehaussement non-masse segmentaire | 67–78 % (le plus souvent in situ) |
Rehaussement non-masse régional | 21–67 % 25 % 53 % 60 % 67 % 96 % |
Les rehaussements masses sont le souvent rencontrés. Les signes en faveur de la malignité sonta leur forme irrégulière avec contours indistincts, spiculés, irréguliers (fig. 14.32). Il ne faut pas oublier que l’analyse des contours va dépendre de la résolution spatiale. Le rehaussement peut être hétérogène, annulaire avec un rehaussement périphérique plus ou moins épais, plus précoce et plus intense que la zone centrale en hyposignal (fig. 14.33), la cinétique de ce rehaussement étant centripète au cours du temps. Les contours peuvent être mieux limités ce qui peut correspondre à des lésions de haut grade mais également à des histologies particulières identiques à celles des formes pseudo-bénignes décrites en imagerie standard (mucineux, médullaire, sarcome, lymphome), sans oublier des faux aspects dus à une résolution spatiale insuffisante. L’absence de rehaussement des septa internes est plutôt en faveur de la bénignité mais doit être confrontée à la morphologie et à la cinétique de prise de contraste, car cet aspect peut se voir dans certaines lésions malignes. Le rehaussement précoce est intense (supérieur à 100 %) et la courbe est de type en plateau ou avec lavage (type 2 et 3), ces aspects étant retrouvés dans environ 50 à 90 % des cancers (fig. 14.34). Un rehaussement lent ou progressif (type 1), c’est-à-dire n’atteignant pas son maximum pendant les trois premières minutes peut être retrouvé dans les lésions malignes dans environ 10 % des cas (fig. 14.35) mais il s’agit, en fait, essentiellement de carcinomes lobulaires infiltrants. Dans ce type de cancer ainsi que dans les carcinomes mucineux, le rehaussement peut être très faible ou même absent. En pondération T2, les cancers sont le plus souvent en hyposignal ou en isosignal par rapport à la glande.
Fig. 14.32 Carcinome canalaire infiltrant.
a. Mammographie : masse irrégulière avec des contours spiculés, ACR 5.
(e) et une courbe de type 2 (f).