3: Ce que le radiologue doit savoir de la pathologie du sein

Chapitre 3 Ce que le radiologue doit savoir de la pathologie du sein



La pathologie de la glande mammaire englobe de très nombreuses lésions, bénignes, malignes mais également réactionnelles, intégrant de multiples variantes qui en déterminent sa complexité alors que leurs signes d’appels et aspects sont très semblables. Le rôle du radiologue est incontournable pour le dépistage des lésions et, grâce aux biopsies, leur diagnostic. Il est aussi essentiel par sa participation à la gestion des fragments biopsiques dont la qualité de prise en charge doit placer le pathologiste dans les meilleures conditions techniques pour déterminer le diagnostic, évaluer l’agressivité des lésions aux plans local et général, et prévoir dans une certaine mesure la sensibilité au traitement. La qualité de conservation des biopsies doit permettre si nécessaire la mise en œuvre de techniques spéciales, notamment de pathologie moléculaire. Enfin, les informations fournies doivent faciliter l’analyse diagnostique et permettre l’évaluation de la représentativité des fragments biopsiques.



Lésions principales


Ne seront détaillées que les lésions les plus fréquentes et celles particulières par leur aspect ou leur évolution. Les lésions bénignes dépassent en nombre les lésions malignes.



Lésions bénignes principales



Mastopathie fibrokystique (MFK)


C’est la lésion bénigne la plus fréquente, décrite sous de multiples appellations (états fibrokystiques, mastose sclérokystique, mastite chronique, maladie de Reclus, etc.). Elle répond à la présence de l’une au moins des lésions microscopiques suivantes : fibrose, adénose, kyste et hyperplasie. Cet ensemble lésionnel est de nature dystrophique et se caractérise par un grand polymorphisme, à la fois en quantité et en qualité, des lésions qui la constituent.


La fibrose, hyaline ou élastosique est d’aspect histologique normal, mais sa répartition dans le tissu mammaire n’est pas harmonieuse. Lorsqu’elle est abondante, elle peut simuler une tumeur.


Les kystes résultent de la distension du lobule mammaire, liée à un obstacle mécanique ou fonctionnel de la lumière du galactophore de drainage. Extrêmement fréquents, leur taille varie de microscopique à de larges formations palpables, mais ils ne sont considérés pathologiques que lorsqu’ils dépassent 1 cm. Ils sont bordés, comme les structures épithéliales mammaires normales, par une double assise cellulaire, myoépithéliale et épithéliale, constituée de cellules régulières, parfois aplaties ou métaplasiques, apocrines voire cylindriques.


L’adénose correspond à une augmentation du nombre des acini d’un ou de plusieurs lobules adjacents et un accroissement de leur tissu de soutien ou palléal. Différentes variétés sont identifiées : lorsque l’augmentation des acini et du tissu palléal est harmonieuse, il s’agit d’une adénose simple qui conserve la forme régulière du lobule normal. Lorsque l’augmentation prédomine sur le tissu palléal, il s’agit d’adénose sclérosante. La fibrose lui confère une forme étoilée à contours irréguliers. La taille de la lésion peut parfois atteindre 1 cm ce qui la rend détectable, correspondant à une adénose nodulaire ou pseudo-tumorale. Les acini sont étirés et déformés par la sclérose, constituant des travées et miment ainsi une lésion maligne (fig. 3.1) mais qui, à la différence du carcinome, comporte une assise myoépithéliale, mieux identifiée par immunomarquage. D’autres formes plus rares d’adénoses, tubuleuse, apocrine, sécrétoire et microglandulaire, sont également décrites.



L’hyperplasie répond à la multiplication des cellules épithéliales tapissant la paroi des canaux (épithéliose) et des lobules. Il s’agit généralement d’une découverte microscopique fortuite. Les cellules distendent la lumière et tendent à s’unir en pont ou cordes (fig. 3.2). L’aspect est très variable tant pour l’intensité de la prolifération (quantité) que pour ses caractéristiques cytologiques et architecturales, notamment la présence d’irrégularités cytonucléaires (qualité). Ceci permet de distinguer deux types de proliférations, l’hyperplasie simple et l’hyperplasie atypique qui sont associées à des niveaux de risque différents de développer ultérieurement un cancer du sein (encadré 3.1) [1, 2].




Ces différentes lésions sont le plus souvent intriquées, réalisant des ensembles lésionnels complexes dont certains sont individualisés comme le centre prolifératif d’Aschoff (CPA) et la papillomatose juvénile :



le centre prolifératif d’Aschoff (CPA) ou cicatrice radiaire (complexe sclérosant papillaire) associe un petit centre fibroélastosique vers lequel convergent de longs spicules où s’observent les différentes lésions, kystes, adénose, métaplasie et hyperplasie (fig. 3.3). Le centre très fibreux et parfois induré induit une attraction du tissu de voisinage responsable de la forme étoilée de la lésion qui simule macroscopiquement un cancer infiltrant. En microscopie, les tubes étirés par la fibroélastose centrale sont similaires à ceux du carcinome tubuleux mais s’en distinguent grâce à la présence d’une couche myoépithéliale, absente dans le carcinome. Dans environ 30 % des CPA macroscopiques, il existe des lésions d’hyperplasie atypique, de carcinome in situ voire infiltrant, situées aussi bien au centre, dans les spicules ou à proximité du CPA ;


la papillomatose juvénile correspond à un foyer localisé et circonscrit de mastopathie fibrokystique développée chez la jeune femme, souvent de moins de 30 ans. Elle associe de nombreux canaux ectasiés comportant des foyers d’hyperplasie épithéliale floride papillaire, une métaplasie apocrine diffuse ainsi que de nombreux grands kystes responsables de l’aspect macroscopique caractéristique dit « maladie du fromage suisse ». Si elle peut comporter des plages de comédonécrose et d’hyperplasie atypique, son évolution est encore imparfaitement connue.




Lésions à cellules cylindriques


Ces lésions bénignes, connues sous d’autres appellations, ont été récemment regroupées car elles partagent un aspect cytologique commun fait de cellules cylindriques hautes, à noyau ovalaire situé au pôle basal (fig. 3.4). Cet aspect cytologique s’observe aussi dans des lésions atypiques et malignes in situ et infiltrantes et pourrait ainsi être un des éléments du continuum lésionnel de la cancérogenèse mammaire (encadré 3.2). Ceci justifie l’individualisation de ces lésions cylindriques bénignes, entérinée par l’OMS, dans le but de mieux en évaluer l’évolution et le niveau de risque associé. Trois groupes sont distingués microscopiquement :







Bien d’autres lésions sont constituées par des cellules cylindriques comme le kyste cylindrique, l’adénose cylindrique, certains fibroadénomes (juvénile), les hyperplasies canalaires atypiques, les carcinomes canalaires in situ et certains carcinomes infiltrants comme le carcinome tubuleux. Elles sont très fréquemment intriquées et associées à des calcifications si bien que leur incidence augmente.



Lésions inflammatoires




Galactophorite ectasiante


Lésion fréquente qui se développe principalement durant la ménopause, elle se caractérise par une inflammation, une fibrose péricanalaire ainsi qu’une distension de la lumière des canaux à des degrés variables (fig. 3.7). Les lésions microscopiques sont bien plus fréquentes que le nombre de patientes symptomatiques. C’est une lésion évolutive qui commence au niveau des canaux galactophores principaux, pour s’étendre progressivement à l’ensemble du lobe correspondant. Différents aspects microscopiques peuvent s’observer et se succéder (tableau 3.1).



Tableau 3.1 Différents stades microscopiques de la galactophorite















Stades microscopiques Aspect microscopique
Galactophorite aiguë macrophagique Canaux distendus par un matériel amorphe et des macrophages spumeux
Galactophorite chronique Ectasie marquée. Fibrose et infiltrat lymphocytaire péricanalaire
Galactophorite oblitérante Oblitération plus ou moins complète de la lumière par une fibrose hyaline

Elle peut se compliquer à tout moment d’une rupture de la paroi du canal induisant une inflammation aiguë qui peut évoluer initialement en abcès ou fistule, puis secondairement en réaction granulomateuse.


Parfois secondaire à un obstacle comme un papillome ou une section chirurgicale, elle est souvent primitive mais son origine est incomplètement comprise.





Tumeurs bénignes




Tumeurs fibroépithéliales


Ce groupe de tumeurs associe deux composantes, l’une épithéliale, l’autre mésenchymateuse. Leur proportion respective varie d’une tumeur à l’autre et au sein d’une même tumeur ce qui permet de distinguer deux groupes, les fibroadénomes et les tumeurs phyllodes.


Le fibroadénome, qui serait une hyperplasie d’un lobule et non une tumeur, représente la tumeur du sein la plus fréquente. Elle apparaît chez la femme jeune avant 30 ans et est constituée par une composante mésenchymateuse peu cellulaire et homogène, œdémateuse chez la femme jeune, hyaline après la ménopause et par une composante épithéliale harmonieusement répartie (fig. 3.9). Celle-ci réalise de longs canaux étirés ou de courts tubes, souvent calcifiés. De nombreuses variantes existent. On peut citer la fibroadénomatose formée de multiples fibroadénomes souvent bilatéraux, le fibroadénome cellulaire ou juvénile qui associe une composante conjonctive cellulaire mais homogène et une composante épithéliale hyperplasique, le fibroadénome complexe qui renferme des kystes, de l’adénose sclérosante ou des foyers de métaplasie apocrine.


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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 3: Ce que le radiologue doit savoir de la pathologie du sein

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