Thérapeutiques antalgiques médicamenteuses et non médicamenteuses
I ÉVALUATION DE LA DOULEUR
L’évaluation permet d’adapter le traitement antalgique à proposer en 1re intention et d’évaluer ce traitement.
L’échelle numérique (EN) permet de donner une note entre 0 et 10 : « Pouvez-vous donner une note de 0 à 10 pour situer le niveau de votre douleur ? La note 0 correspond à “Pas de douleur”. La note 10 correspond à la “Douleur maximale imaginable”. »
L’échelle visuelle analogique (EVA) : cette échelle est composée, côté verso d’une ligne horizontale allant de « Pas de douleur » à « Douleur maximale imaginable » (fig. 132-1). Le praticien explique au patient que cette ligne représente « un thermomètre » de la douleur et que le côté gauche correspond à « Pas de douleur », l’extrémité droite correspondant à « Douleur maximale imaginable ». Le praticien demandera par exemple : « Déplacez le curseur à l’endroit où vous situez votre douleur. » Le patient indique, avec le curseur, son niveau de douleur sur la ligne. Le score de la douleur s’affiche sur le recto de l’échelle.
Les douleurs considérées comme légères ont une échelle numérique inférieure à 4/10, les douleurs modérées entre 4 et 7/10 et les douleurs intenses supérieures à 7/10.
Enfants
L’échelle des visages (fig. 132-2) est utilisée chez l’enfant de 4 à 10 ans pour l’autoévaluation. On demande à l’enfant de choisir le visage qui représente non pas ce qu’il fait voir aux autres, mais ce qu’il éprouve tout au fond de lui-même : « Montre-moi le visage qui a mal autant que toi ». Le score de la douleur se lit sur le recto de l’échelle.
Fig. 132-2 Échelle des visages : Faces Pain Scale – Revised (FPS-R). © 2001, International Association for the Study of Pain (IASP). (Source : Hicks CL, von Baeyer CL, Spafford P, van Korlaar I, Goodenough B. The Faces Pain Scale – Revised : Toward a common metric in pediatric pain measurement. Pain 2001 ; 93 : 173–83. Bieri D, Reeve R, Champion GD, Addicoat L, Ziegler J. The Faces Pain Scale for the self-assessment of the severity of pain experienced by children : Development, initial validation and preliminary investigation for ratio scale properties. Pain 1990 ; 41 : 139–50.)
Le score EDIN est une échelle d’hétéroévaluation de la douleur et de l’inconfort pour le prématuré et le nouveau-né (fig. 132-3). Cette grille est remplie après une observation continue ou discontinue prolongée de plusieurs heures.
Fig. 132-3 Échelle de douleur et d’inconfort du nouveau-né (EDIN).
Élaborée et validée pour le nouveau-né à terme ou prématuré, utilisable jusqu’à 6 à 9 mois, pour mesurer un état douloureux prolongé (lié à une maladie ou à une intervention chirurgicale ou à la répétition fréquente de gestes invasifs). Non adaptée à la mesure d’une douleur aiguë comme celle d’un soin isolé.
Score : de 0 à 15. Seuil de traitement : 5. (Source : Debillon T, Sgaggero B, Zupan V, Tres F, Magny J-F, Bouguin M-A, Dehan M. Sémiologie de la douleur chez le prématuré. Arch Pediatr 1994 ; 1 : 1085–92.)
L’échelle DEGR (Douleur Enfant Gustave-Roussy)1 est une échelle d’hétéroévaluation utilisée dans le cas de douleur prolongée de l’enfant de 2 à 6 ans. Elle comprend dix items cotés de 0 à 4 en fonction du comportement observé, divisés en trois groupes. Le diagramme est rempli après une observation prolongée. Un score supérieur à 13/40 signale une douleur intense ; un traitement antalgique doit alors être prescrit ou adapté.
Sujets âgés
L’échelle DOLOPLUS2 est une échelle d’évaluation comportementale. DOLOPLUS est destinée aux sujets âgés présentant des difficultés d’expression, des troubles de la mémoire ou encore des troubles cognitifs. Elle se compose de dix items répartis en trois groupes : retentissement somatique, retentissement psychomoteur, retentissement psychosocial. La cotation de chaque item se situe entre 0 et 3 et le score total est compris entre 0 et 30. Un score de 5 sur 30 manifeste la présence de la douleur.
Douleur neuropathique
Le questionnaire DN4 (fig. 132-4) permet l’évaluation des douleurs neuropathiques : ce questionnaire comporte sept items pour l’interrogatoire du patient et trois items d’examen clinique. Ces dix items sont regroupés dans quatre questions : aux questions 1 et 2, le praticien interroge le patient et remplit le questionnaire ; aux questions 3 et 4, le praticien remplit les données à partir de l’examen clinique. À chaque item, il doit apporter une réponse « Oui » ou « Non ». À la fin du questionnaire, le praticien comptabilise les réponses, 1 pour chaque « Oui » et 0 pour chaque « Non ». La somme obtenue donne le score du patient, noté sur 10. Si le score du patient est égal ou supérieur à 4/10, le test est positif.
II THÉRAPEUTIQUES ANTALGIQUES MÉDICAMENTEUSES
Les traitements antalgiques sont classés en trois groupes :
les antalgiques de palier 1, ou antalgiques périphériques, actuellement disponibles sont le paracétamol, l’acide acétylsalicylique (Aspirine) et les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), tels que l’ibuprofène à dose antalgique ITEM 326 ; ils sont habituellement indiqués dans le traitement symptomatique des douleurs d’intensité légère à modérée ;
les antalgiques de palier 2 sont indiqués dans le traitement symptomatique des douleurs d’intensité modérée à intense ; ils regroupent les opioïdes faibles commercialisés pour la grande majorité en association avec un antalgique périphérique, le plus souvent le paracétamol :
− codéine associée au paracétamol et/ou à l’acide acétylsalicylique ou à l’ibuprofène,
− tramadol seul ou associé au paracétamol,
les antalgiques de palier 3 sont indiqués dans les douleurs intenses et/ou rebelles aux antalgiques de niveau plus faible ; ils regroupent :
A Antalgiques de palier 1
1 Paracétamol
Mode d’administration, posologie
− chez l’adulte : 1 g jusqu’à 4 fois par jour ; sans dépasser 4 g/24 heures ;
− chez l’enfant : quel que soit le mode d’administration (orale, rectale, parentérale) : 15 mg/kg toutes les 6 heures ; sans dépasser 80 mg/kg/24 heures (60 mg/kg/24 heures pour le Perfalgan®), ou 3 g/24 heures à partir de 38 kg ;
− chez le nouveau-né de moins de 10 jours, les posologies préconisées sont de 7,5 mg/kg toutes les 6 heures pour l’administration IV.
Pharmacocinétique et pharmacodynamie
Le paracétamol est un produit dont la toxicité est prévisible. Il est métabolisé essentiellement au niveau du foie. L’élimination se fait principalement sous forme glycuroconjuguée (60 à 80 %) et sulfoconjuguée (20 à 30 %).
Une autre forme mineure, catalysée par le cytochrome P450, est la formation d’un intermédiaire réactif, le N-acétyl-p-benzoquinone imine (NAPQI) qui est rapidement detoxifié. Le NAPQI produit, en quantité infime à dose thérapeutique, est conjugué au glutathion hépatique, donnant lieu à des conjugués de mercaptate avant élimination dans l’urine. À dose « suprathérapeutique », il se produit une saturation des voies de glucuroconjugaison et de sulfoconjugaison, de telle sorte qu’une fraction beaucoup plus importante de paracétamol est dérivée vers la voie du cytochrome P450, donnant lieu à une production accrue de dérivé toxique NAPQI. La concentration de ce métabolite actif dépasse alors les capacités de prise en charge par le glutathion. Le NAPQI, hautement réactif, forme des liaisons covalentes avec le groupe cystéine des protéines hépatocytaires, donnant lieu à des lésions oxydatives et à une nécrose centro-lobulaire.
2 Aspirine (acide acétylsalicylique)
Propriétés : anti-inflammatoire.
Contre-indications
Hypersensibilité à l’aspirine et antécédents d’asthme à l’aspirine ou aux AINS.
Maladies ou risques hémorragiques.
Ulcère gastroduodénal récent ou en cours.
Insuffisance hépatique, rénale ou cardiaque : attention à la personne âgée.
Association avec les anticoagulants oraux :
− en cas de posologies d’aspirine ≥ 1 g par prise ou 3 g par jour ;
− ou en cas d’antécédents d’ulcère gastroduodénal, aux doses ≥ 500 mg par prise ou < 3 g par jour.
Association avec le méthotrexate (dose ≥ 15 mg/semaine).
Surdosage
La concentration plasmatique de salicylés est un élément important de pronostic. Les premiers symptômes apparaissent pour une salicylémie de l’ordre de 500 mg/l. Au-delà de 900 mg/l, il s’agit d’une intoxication sévère ; un risque mortel doit être envisagé pour une salicylémie supérieure à 1 200 mg/l.
Les signes cliniques d’intoxication aux salicylés sont :
B Antalgiques de palier 2 : opioïdes faibles
Douleur d’intensité modérée à intense.
NB : Le dextropropoxyphène a été retiré du marché en 2011.
1 Codéine
Posologie
La codéine est le plus souvent associée au paracétamol.
La posologie usuelle est de 1 comprimé toutes les 6 heures, soit 20 à 30 mg de codéine et 300 à 500 mg de paracétamol par prise.
En cas de réponse insuffisante, la dose peut être augmentée à 2 comprimés par prise et l’intervalle entre les prises peut être diminué jusqu’à 4 heures minimum.
Il est recommandé de diviser les doses par 2 chez le sujet âgé.