Chapitre 13 Tendon tibial postérieur et spring ligament
Introduction
Le muscle tibial postérieur est fléchisseur plantaire et inverseur du pied. Le tendon tibial postérieur (TTP) est un support dynamique de l ’arche médiale du pied. C’est un des tendons de la cheville le plus souvent lésé, en particulier chez la femme d’âge moyen. L’insuffisance du TTP est une des causes majeures de pied plat acquis chez l’adulte.
Tendon rétromalléolaire
Anatomie
Le TTP est le tendon le plus antérieur et le plus médial des tendons rétro- et inframalléolaire médial (fig. 13-1). Le tendon du muscle long fléchisseur des orteils chemine juste en arrière et présente un calibre deux fois inférieur (fig. 13-2).
Tendinopathie chronique
La femme de plus de 50 ans en surcharge pondérale est particulièrement exposée à des atteintes dégénératives du TTP. Le sportif de haut niveau présente un mécanisme différent : course avec de brusques changements de direction (basket, tennis, football…) [1]. Des ruptures tendineuses ont été décrites sur des fractures fermées basses de la malléole médiale [2].
Une ténosynovite est considérée comme un facteur favorisant dû à un entraînement excessif, une hyperpronation mal compensée ou un traumatisme direct. En cas de persistance des agressions, une fissuration longitudinale du tendon n’est pas rare. Le trajet rétromalléolaire correspond à une zone critique hypovascularisée sans mésotendon du TTP subissant des forces de cisaillement (enroulement contre la malléole médiale) [1].
Plus rarement, le tendon peut présenter une ténosynovite chronique dans le cadre d’une affection inflammatoire systémique (polyarthrite rhumatoïde [PR], lupus, goutte, arthropathies séronégatives). Cette prolifération synoviale ne doit pas prêter à confusion pour une rupture complète du tendon [3].
Cliniquement, la patiente présente un pied plat et un valgus de l’arrière-pied avec une flexion plantaire du talus sur les radiographies. Le caractère rapidement évolutif de l’aplatissement du pied est un signe indirect majeur d’insuffisance du TTP. Johnson et Strom ont proposé une classification du pied plat valgus acquis de l’adulte en quatre stades (tableau 13-1) [4].
Les radiographies à réaliser sont :
Cette déformation doit bénéficier dans un premier temps d’un traitement orthopédique, par exemple des semelles. Des gestes chirurgicaux sur les tissus mous (synovectomie, transfert tendineux) sont souvent proposés au stade initial pour tenter de stopper l’évolution ; ils sont fréquemment associés à un geste osseux dans les stades évolués [5,6]. Le bilan radiographique confirme les déformations cliniques, mais surtout les quantifie en cas de planification chirurgicale. Les techniques vont de l’ostéotomie calcanéenne associée à un transfert tendineux à l’arthrodèse d’une ou plusieurs articulations (sous-talienne, talonaviculaire, calcanéocuboïdienne) [7].
L’imagerie moderne échographique et par résonance magnétique permet d’apprécier au mieux les dégâts des parties molles. L’échographie est guidée par l’examen clinique avec une étude comparative avec doppler puissance et dans les deux plans de l’espace. L’exploration du versant médial de la cheville doit cependant s’intégrer dans un protocole d’exploration systématique des régions antérolatérale, latérale et antérieure de la cheville. Le plan médial est examiné en valgus, le patient se tournant sur le côté homolatéral, ou en décubitus dorsal, avec la hanche en rotation externe et le genou fléchi à 30°, cheville en position neutre, de telle façon que la face médiale de la cheville regarde vers le haut (fig. 13-3). Il n’existe pas de manœuvre de mise en tension du tendon. Le plan axial est essentiel dans le trajet rétromalléolaire.
De nombreuses classifications des tendinopathies tibiales postérieures ont été proposées, dont celle de Rosenberg dès 1988 (fig. 13-4) [8] :
Fig. 13-4 Classification des tendinopathies du tibial postérieur en trois types selon Z.S. Rosenberg [8].
La sémiologie échographique du TTP ne lui est pas spécifique :
Les performances initiales rapportées de l’IRM dans les ruptures du TTP étaient très élevées avec une sensibilité de 95 %, une spécificité de 100 % et une précision de 96 % [8]. Il n’est cependant pas toujours facile de distinguer une tendinose d’une rupture partielle, mais ces deux entités sont-elles vraiment différentes[9] ? Les lésions dégénératives du TTP entraînent peu ou pas d’anomalies de signal, à la différence des fissures. De toute façon, la prise en charge des tendinoses, des ruptures partielles et des ténosynovites est similaire. Les performances comparées de l’échographie et de l’IRM montrent une supériorité de l’échographie avec une meilleure sensibilité ou une meilleure spécificité selon les séries [10–13]. Cela s’explique par la situation superficielle du tendon favorable à l’échographie et la meilleure analyse de sa structure fibrillaire.
Luxation du TTP
La luxation du TTP est beaucoup plus rare que celle des tendons fibulaires. Elle se voit chez le jeune sportif, sur un traumatisme violent ou des microtraumatismes répétés lors de la flexion dorsale forcée avec supination de l’arrière-pied. Le traitement peut être chirurgical, avec repositionnement du TTP et reconstitution d’un rétinaculum efficace.
Une avulsion osseuse corticale malléolaire ou une réaction périostée peut être détectée sur les radiographies ou une échographie. Le tendon est le plus souvent en place au repos, et c’est l’épreuve dynamique échographique qui recherchera une mobilité anormale avec déplacement du TTP en avant de la malléole médiale. Il s’agit d’une flexion dorsale du pied avec inversion contrariée. Le décollement du rétinaculum est associé à une déformation du tendon qui s’étale sur la malléole médiale et, à un stade plus tardif, à une fissuration tendineuse. L’échographie apparaît plus intéressante que l’IRM grâce à cette approche dynamique (fig. 13-10).
Tendon inframalléolaire
Anatomie
Le tendon s’infléchit sous la malléole médiale et chemine contre la face médiale du talus dont il est séparé par le spring ligament (ligament calcanéonaviculaire plantaire) (cf.fig. 13-1). Le diamètre moyen du tendon est de 4 mm dans cette portion avec une échogénicité ou un signal homogène [14]. L’artéfact d’anisotropie et le phénomène de l’angle magique sont prépondérants dans cette portion de trajet oblique du tendon.
Tendinopathie chronique du TTP
Fréquente, elle présente les mêmes caractéristiques que la partie rétromalléolaire. En cas de rupture partielle au niveau de cette portion, le TTP présente volontiers un allongement « en chewing-gum » avec une réduction de calibre du tendon sur les coupes axiales. En IRM, une séquence de forte pondération T2 est utile pour réduire le phénomène de l’angle magique (fig. 13-11).
Lésions du spring ligament
La tête du talus repose sur une surface osseuse concave appelée acetabulum pedis, constituée par l’os naviculaire en avant et le calcanéus en arrière et en dehors. On peut opérer une analogie avec la cavité acétabulaire ou glénoïdienne, où le rôle du labrum est joué par le spring ligament. La partie inféromédiale de l’acetabulum pedis est déhiscente et comblée par les trois faisceaux du spring ligament[15]. Le spring ligament prévient ainsi la flexion plantaire du talus en stabilisant l’articulation talo-calcanéonaviculaire et supporte l’arche médiale du pied. En cas d’association lésionnelle du TTP et du spring ligament, les déformations de l’arrièrepied sont plus évolutives et sévères qu’en cas de lésion isolée du TTP.
Le spring ligament est composé de trois faisceaux ou ligaments (fig. 13-12) [16] :