13: Amylose

Chapitre 13


Amylose








Définition: L’amylose à chaîne légère d’immunoglobuline est caractérisée par une population clonale de plasmocytes dans la moelle osseuse qui produit des chaînes légères monoclonales de type κ ou λ, comme molécules intactes ou sous forme de fragments. Les chaînes légères, au lieu de la configuration α-hélicoïdale de la plupart des protéines, ont une structure en feuillet β plissé, qui favorise leur précipitation et leurs dépôts dans les tissus, ce qui finit par perturber la fonction des organes. La configuration en feuillet β plissé est responsable des propriétés tinctoriales ; lorsque la protéine est colorée par le rouge Congo et exposée à une lumière polarisée, une biréfringence vert pomme apparaît et fournit le diagnostic. L’amylose systémique à chaîne légère (AL) doit être distinguée de l’amylose, beaucoup moins fréquente, associée à une infection chronique ou à une arthropathie inflammatoire (secondaire ou AA) ; elle doit l’être également des cardiomyopathies et neuropathies amyloïdes héréditaires (familiales ou AF).



Manifestations cliniques: L’amylose est particulièrement difficile à diagnostiquer et constitue un défi pour les internistes. Les symptômes initiaux peuvent être très larges et ressemblent à des troubles beaucoup plus communs (tableau 13-1). Les signes incluent un épaississement de la langue avec des indentations et des pincements ou un purpura périorbitaire, conséquence de la fragilité vasculaire. Les signes sont spécifiques, mais manquent de sensibilité, en ce sens qu’ils ne sont pas présents chez plus de 20 % des patients. Aucune technique d’imagerie et aucun examen de laboratoire ne fournissent à eux seuls le diagnostic de la maladie. Le clinicien doit donc être conscient de la possibilité d’une amylose, ou bien elle peut lui échapper. Le rein est souvent impliqué dans l’amylose. Le diagnostic doit être évoqué chez tout patient avec une protéinurie de type néphrotique non diabétique. Une augmentation spectaculaire du taux de cholestérol sanguin (médiane de 270 mg/dl) peut être un premier signe chez un tiers des patients atteints d’amylose avec syndrome néphrotique. Aussi, une analyse d’urine pour recherche de protéinurie doit être effectuée chez tout patient dont la cholestérolémie a brusquement augmenté. Si une glomérulopathie à changements minimes était présumée, un patient non diabétique avec protéinurie pourrait recevoir empiriquement une cure de corticoïde. Or, ce traitement retarde le diagnostic d’amylose et permet ainsi que la maladie s’étende à d’autres organes. En cas de syndrome néphrotique non diabétique, 10 % des biopsies rénales s’avèrent par la suite contenir de la substance amyloïde. Dans l’AL, une biopsie rénale transcutanée n’augmente pas l’incidence des saignements.



L’amylose atteint le cœur chez environ 50 % des patients, et le diagnostic est difficile car la fatigue est souvent la seule manifestation. Comme la maladie cardiaque amyloïde entraîne une insuffisance diastolique, les signes typiques de la cardiomyopathie (silhouette cardiaque agrandie à la radiographie thoracique, fraction d’éjection basse à l’échocardiographie et redistribution vasculaire pulmonaire) sont absents. L’effet de l’amylose sur le cœur est un mauvais remplissage pendant la diastole. Les patients ont un faible volume télédiastolique et, par conséquent, un faible volume d’éjection en dépit d’une fraction d’éjection tout à fait normale. Le tracé électrocardiographique ressemble souvent à celui d’un infarctus et peut être interprété comme un signe d’infarctus ischémique silencieux ; cela entraîne une coronarographie, qui est invariablement négative (sauf si le patient est en plus coronarien). L’épaississement des parois cardiaques par l’infiltration amyloïde montré par l’échocardiographie est souvent pris à tort pour une hypertrophie ventriculaire gauche, la cause de l’insuffisance cardiaque étant alors attribuée à une hypertension silencieuse ou, à défaut, à une cardiomyopathie hypertrophique. L’échocardiographie montre fréquemment une insuffisance des valves mitrale et tricuspide. Une cardiomyopathie restrictive a été confondue avec une maladie péricardique, et des patients ont subi une péricardectomie inutile, sans bénéfice clinique. Le classique aspect granuleux ou de verre dépoli à l’échocardiographie n’est pas utile au diagnostic. Les patients atteints d’amylose présentent rarement des symptômes de maladie cardiaque ischémique. En imagerie par résonance magnétique avec gadolinium, le rehaussement est retardé chez 69 % des patients atteints d’amylose cardiaque. Le rehaussement myocardique est associé à une augmentation de la masse ventriculaire et une altération de la fonction systolique du ventricule gauche.


Le foie est impliqué chez 13 % des patients. Les manifestations typiques sont une hépatomégalie et une augmentation du taux de phosphatase alcaline sérique. L’augmentation des transaminases et de la bilirubine est un signe tardif. L’imagerie n’est pas utile, et la capture hépatique est homogène. De nombreux patients subissent des examens ayant pour but la recherche de métastases. Une biopsie du foie n’est pas contre-indiquée en présence d’amylose hépatique, car le risque d’hémorragie n’est pas accru. Chez de rares patients, une rupture spontanée de la rate peut survenir. Une déficience acquise du facteur X de la coagulation est propre à l’AL et peut être responsable d’une grave hémorragie. Le taux remonte avec un traitement efficace parce que la cause est la fixation du facteur aux fibrilles d’amyloïde.


La neuropathie périphérique associée à l’amylose commence dans les extrémités inférieures ; elle est symétrique et généralement sensorielle ou sensorimotrice. Quand une protéine monoclonale est détectée, les diagnostics fréquents sont soit une polyneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique, soit une neuropathie associée à une gammapathie monoclonale de signification indéterminée, car l’amylose n’a pas été prise en compte dans le diagnostic différentiel. Une neuropathie autonome associée se développe chez environ 4 % des patients et peut se manifester par une hypotension orthostatique, qui peut être attribuée par erreur à une insuffisance cardiaque. Des troubles du système autonome intestinal sont des complications fréquentes. Ils peuvent affecter soit la partie supérieure de l’intestin, ce qui entraîne une pseudo- obstruction récurrente et des vomissements, soit la partie inférieure, ce qui provoque une alternance de constipation et d’incontinence fécale. La diarrhée causée par une dysautonomie a été diagnostiquée à tort comme une colite collagène lorsque des dépôts éosinophiles ont été trouvés dans la muqueuse intestinale par coloration à l’hématoxyline-éosine en l’absence de coloration au rouge Congo. Un syndrome du canal carpien survient chez environ 13 % des patients ; il ne peut être distingué cliniquement du syndrome associé à des microtraumatismes répétés, mais souvent la libération chirurgicale ne parvient pas à l’améliorer. Une pneumopathie interstitielle, une pseudoclaudication, des dépôts périarticulaires, une perte de poids inexpliquée sont des manifestations rares.


Une amylose systémique peut être confondue avec un myélome multiple débutant (chapitre 12). Chez des patients qui présentent des symptômes vagues de fatigue et de l’œdème, on trouve une protéine monoclonale dans l’urine, et une biopsie de moelle osseuse révèle une plasmocytose clonale avec une médiane de 5 % de plasmocytes médullaires, mais un quart des patients ont plus de 10 % de plasmocytes dans la moelle osseuse, ce qui est considéré comme un critère diagnostique de myélome multiple. Lorsque le syndrome amyloïde sous-jacent n’est pas détecté, ces patients sont souvent considérés comme atteints d’un myélome multiple atypique. Chez ces patients, si la démarche diagnostique susceptible d’exclure l’amylose n’a pas été effectuée, un diagnostic erroné de rein myélomateux ou de neuropathie démyélinisante risque d’être posé.

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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 13: Amylose

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