Arthrose
Cas général
I ÉPIDÉMIOLOGIE
L’arthrose est une maladie très fréquente et constitue la deuxième cause d’invalidité après les maladies cardiovasculaires.
Les facteurs favorisants sont :
– l’âge, s’agissant d’une pathologie dégénérative ;
– le surpoids, entraînant un excès de contraintes mécaniques sur le cartilage, favorisant son altération ; le surpoids n’est pas une cause nécessaire, l’arthrose pouvant toucher des patients d’IMC normal (genoux, hanches, rachis lombaire) ;
– le sexe féminin, surtout pourvoyeur de gonarthrose (notamment fémorotibiale interne de par la fréquence des attitudes en genu valgum) et d’arthrose digitale ;
– l’hérédité, qui semble incriminée dans l’arthrose digitale.
Causes d’arthrose secondaire :
– altération de la répartition des charges sur le cartilage :
• trouble de la statique : pieds plats ou creux, genu varum (arthrose fémorotibiale externe), genu valgum (arthrose fémorotibiale interne),
• hyperlaxité ligamentaire latérale surtout (source d’attitude vicieuse lors de la marche) ;
– sollicitation articulaire répétée, notamment professionnelle (marteau-piqueur, travailleurs manuels), microtraumatismes (surtout chez les sportifs et dans certaines professions) ;
– fracture osseuse ayant entraîné une pseudarthrose ou un cal vicieux (attitude vicieuse séquellaire), ou articulaire au cours de laquelle le trait de fracture intéressant l’articulation a entraîné une lésion cartilagineuse ou une désaxation de l’articulation résultant en une répartition inharmonieuse des charges ;
– ostéonécrose de la tête (coxarthrose) ou du condyle (gonarthrose) fémoral ou de la tête humérale (omarthrose) : l’aplatissement de la zone nécrosée entraîne une répartition inégale des charges sur cette zone, associée le plus souvent à une souffrance cartilagineuse ; fréquemment, l’ostéonécrose était passée inaperçue et sera découverte fortuitement sur les clichés radiologiques ;
– dysplasie congénitale de hanche (coxarthrose) ou de la patella (arthrose fémoropatellaire), pourvoyeuse d’arthrose par une mauvaise répartition des charges ;
– chirurgie articulaire, telle que la méniscectomie, l’ostéotomie ou la discectomie (peu usitée de nos jours), entraînant parfois une désaxation de l’articulation, pouvant engendrer quelques années plus tard une arthrose localisée, respectivement au genou (fémorotibiale) ou au rachis (discovertébrale) ;
– rhumatismes inflammatoires chroniques anciens érosifs, qui entraînent par leur chronicité une altération cartilagineuse des articulations où a siégé l’inflammation : typiquement, le patient se plaint alors d’arthralgies mécaniques différentes de celles du rhumatisme et généralement non calmées par la corticothérapie et/ou les traitements de fond ; par conséquent, le diagnostic d’une atteinte arthrosique chez un patient rhumatisant est important pour éviter l’escalade thérapeutique inutile des antirhumatismaux ;
– chondrocalcinose et infection articulaire : par le même mécanisme que les arthrites inflammatoires chroniques, elles peuvent être responsables d’arthrose secondaire.
Les diverses localisations de l’arthrose sont :
– les genoux : gonarthrose fémorotibiale interne, externe, fémoropatellaire ou bicompartimentale ;
– le rachis cervical : cervicarthrose intersomatique (entre les corps vertébraux) ou articulaire postérieure, le rétrécissement des trous de conjugaison, ou encore entre les massifs articulaires de l’axis et de l’atlas ;
– le rachis thoracique et lombaire : discarthrose avec discopathie dégénérative, arthrose articulaire postérieure ;
– l’arthrose digitale : rhizarthrose (ou arthrose de la première MCP), des IPD et IPP ;
II DIAGNOSTIC
Le diagnostic d’arthrose est un diagnostic fréquent en pratique quotidienne.
Il repose surtout sur l’interrogatoire, qui permet de spécifier le caractère mécanique prédominant des arthralgies, les examens complémentaires, notamment radiologiques, servant au diagnostic différentiel et à l’évaluation des lésions structurales.
L’orientation thérapeutique est avant tout guidée par l’intensité de la douleur et du handicap fonctionnel ; l’atteinte radiologique est rarement décisive. En effet, il existe très souvent une dissociation radioclinique : les clichés restant normaux longtemps après le début des douleurs, ils n’éliminent pas le diagnostic. L’altération cartilagineuse est souvent trop peu importante au début pour entraîner un pincement visible sur les clichés standards. De ce fait, il ne faut pas attendre l’apparition d’anomalies radiologiques pour débuter une prise en charge thérapeutique précoce. Inversement, une articulation ayant des signes radiologiques d’arthrose peut demeurer ou redevenir indolore.
A Clinique
– elle évolue le plus souvent par poussées, mais peut être chronique et quotidienne ;
– elle apparaît (ou est aggravée) typiquement à l’effort ou en fin de journée, et est rapidement soulagée par le repos ;
– ne réveillant pas la nuit, sauf aux mouvements et dans certaines poussées importantes « pseudo-inflammatoires » de gonarthrose, où la survenue d’un épanchement intra-articulaire (de formule mécanique) entraîne des douleurs de caractère inflammatoire, par distension articulaire ;
– on note parfois l’existence d’une raideur articulaire matinale (souvent moins de 15 minutes).
– élément majeur à apprécier, il permettra de guider l’attitude thérapeutique et servira de référence pour apprécier l’aggravation de l’arthrose et la décision chirurgicale ;
• par l’interrogatoire détaillé : retentissement sur les activités de la vie quotidienne, les sorties, la pratique sportive, et évaluation des indices algofonctionnels de Lequesne,
• par l’examen clinique : faire marcher le patient, s’accroupir, se relever d’un fauteuil sans l’aide des bras, marcher sans canne, évaluer l’appui monopodal (élément décisif pour suivi et indication chirurgicale).
La raideur articulaire est d’une part signalée par le patient, d’autre part recherchée et évaluée à l’examen clinique, notamment par l’existence d’un flessum ou au contraire d’un blocage en extension.
La poussée congestive d’arthrose :
– il s’agit d’une modalité évolutive souvent source de consultation, parfois inaugurale ;
– elle est aiguë ou subaiguë ;
– un facteur déclenchant (effort inhabituel, chute, prise de poids rapide) est fréquemment retrouvé, mais elle peut être spontanée ;
– elle peut être uni- ou bilatérale, voire polyarticulaire ;
– le patient ressent une majoration douloureuse articulaire, mal calmée par le repos et les antalgiques, parfois nocturne ;
– souvent associée à un épanchement ou un gonflement articulaire, surtout aux articulations superficielles comme le genou, ou les doigts, parfois volumineux :
• l’épanchement des genoux est toujours à ponctionner (sauf s’il est minime) dans un but antalgique si volumineux, et pour le diagnostic différentiel (arthrite microcristalline, arthrite septique, hémarthrose), surtout avant infiltration intra-articulaire de corticoïdes,
• le liquide est souvent visqueux, parfois fluide, citrin, l’analyse est de formule mécanique : GB < 1 000/mm3 et stérile,
• dans le cas où une biologie est pratiquée, elle note l’absence de syndrome inflammatoire.
B Examens complémentaires
La radiographie standard bilatérale comparative sert :
– de référence pour apprécier le pincement articulaire, surtout le long du suivi ;
– à rechercher une cause d’arthrose secondaire : dysplasie, ostéonécrose aseptique, chondrocalcinose.
Mais il n’existe pas de parallélisme radioclinique : un patient douloureux peut avoir des radiographies ne montrant qu’un pincement minime sans autre signe d’arthrose et, inversement, des signes d’arthrose sévère radiologiques peuvent être peu ou pas symptomatiques.
L’image radiologique est donc normale au stade précoce puisque l’atteinte cartilagineuse microscopique peut suffire à être douloureuse sans être détectable à l’œil.
Les radiographies ne sont généralement à répéter qu’en cas d’aggravation de la symptomatologie ou avant une chirurgie.
Les signes typiques d’arthrose sur les clichés standards sont :
– le pincement articulaire localisé : il correspond à la diminution d’épaisseur du cartilage ;
– les géodes, l’ostéosclérose, les ostéophytes : ils traduisent le retentissement de l’amincissement du cartilage sur l’os sous-chondral.