CHAPITRE 12 I – SYNDROME DE STRABISME PRÉCOCE Le strabisme précoce, ou plutôt le « syndrome de strabisme précoce », correspond à l’ensemble des signes oculomoteurs et visuels survenant progressivement quand une déviation permanente des axes visuels est présente avant l’apparition des liens binoculaires, en pratique avant l’âge de six mois de vie. Il traduit un dérèglement définitif de l’acquisition de la vision binoculaire, d’autant plus profond que l’apparition est précoce dans la vie. Son identification a permis de s’en servir de borne dans la classification des strabismes [30], séparant deux sortes de strabismes en fonction de ce qu’on peut espérer des résultats du traitement : – les strabismes apparaissant après acquisitions de la vision binoculaire, ou strabismes normosensoriels, pour lesquels le traitement peut faire espérer une guérison motrice et sensorielle ; – les strabismes précoces, apparaissant en cours de ce développement et l’entravant profondément ; le traitement ne peut alors que limiter les conséquences, sans jamais obtenir de guérison. Le terme de « strabisme précoce » (infantile strabismus) est préférable à celui de strabisme congénital, car le strabisme n’est pas toujours présent ou évident dès la naissance [37]. En revanche, le dérèglement oculomoteur et sensoriel initial trouve toujours son origine durant les six premiers mois de vie, phase de maturation fondamentale du système optomoteur, et laissera des séquelles durant toute la vie, quelle que soit la qualité du traitement médico-chirurgical [9]. Le terme « essentiel » — « strabisme essentiel à début précoce » de Hugonnier [17] — est parfois rajouté pour signifier l’absence de cause connue, notamment paralytique, musculaire ou accommodative. – Costenbader (1966) [11], puis Parks [34], puis Stager et Birch [4], fervents partisans de l’intervention précoce, ont montré que celle-ci donne de meilleurs résultats sensoriels, mais sans jamais de guérisons et au prix d’interventions souvent multiples ; – à l’opposé, von Noorden [36], Helveston [16] et plus généralement l’étude des résultats du traitement, aussi précoce soit-il, semblent en faveur d’un déficit sensoriel initial et irrécupérable. Les travaux visant à tenter de normaliser la correspondance rétinienne se sont soldés par des échecs systématiques. Le meilleur résultat sensoriel possible après traitement aussi précoce soit-il est l’obtention d’un microstrabisme, avec fusion et stéréoscopie de bas grade ou « union binoculaire » de Quéré. Le lien entre les éléments cliniques du syndrome s’est fait progressivement : – nystagmus manifeste latent : Faucon, Kestenbaum, Crone (1880 à 1950) ; – divergence verticale dissociée (DVD) : Ohm, Verhage, Anderson, Keiner, Crone (1920 à 1950) ; – réunion des éléments du syndrome, notamment le lien avec l’attraction vers l’adduction : Ciancia (Buenos Aires) en 1962 [10] puis Cüppers et Adelstein (1966) ; – description complète du syndrome par Lang (1967) [18] ; – études des déviations dissociées, du caractère tonique des déviations : Spielmann (1989) [25]. Des études électrophysiologiques étayent certains éléments du syndrome : – études oculomotrices confirmant l’asymétrie du nystagmus optocinétique (Bourron [6], Birch [5]) et décrivant le nystagmus manifeste latent (Quéré [22], Dell’Osso) ; – études montrant l’asymétrie de la transmission des potentiels évoqués visuels (Birch [3]), au profit des voies croisées, ce qui avait déjà été montré en cartographie cérébrale (Thouvenin [29]). Enfin, des études expérimentales animales ont prouvé ce qui était pressenti cliniquement : – travaux fondamentaux de Hubel et Wiesel sur le développement normal et anormal des couches monoculaires et binoculaires corticales et des voies visuelles [38] ; – Tychsen publie les principaux travaux traitant des conséquences corticales de strabismes expérimentaux chez le singe [33], notamment concernant la sévérité de l’atteinte en fonction l’âge d’apparition et l’absence de réversibilité totale malgré la précocité du traitement (disparition des cellules binoculaires de la couche V dans les strabismes permanents [32]). Il évoque toutefois la possibilité de connexions entre colonnes de dominance peu éloignées (4°), expliquant la meilleure binocularité en cas de microstrabisme. Dans les facteurs de gravité, à côté de la précocité d’installation du strabisme, il introduit la notion de durée du strabisme. La ou les causes du syndrome de strabisme précoce n’ont pas été isolées jusqu’ici. Si ce syndrome apparaît dans la grande majorité des cas de manière fortuite, chez 2 % à 5 % de la population, certaines situations sont clairement plus pourvoyeuses de syndrome de strabisme précoce. On parlera donc plus de facteurs de risque [13] que de causes. La présence dans la famille directe d’autres cas de syndrome de strabisme précoce, voire d’anomalies plus frustes du développement de la vision binoculaire (syndrome de déficience fusionnelle de Parks avec neutralisation maculaire monolatérale [21]) est fréquente. Une origine héréditaire a donc été évoquée. Jusqu’ à présent, les études de la transmissibilité du syndrome de strabisme précoce manquent d’homogénéité concernant les strabismes étudiés ; des conclusions claires sur le type de transmission ne sont pas établies. Denis retrouve une prévalence de l’hérédité de 33 % tous strabismes confondus et 20 % pour le seul strabisme précoce. Ce caractère héréditaire justifie une surveillance systématique des enfants dont un parent proche au moins est porteur du syndrome. Le syndrome de strabisme précoce n’est pas toujours inné. Des anomalies oculaires apparues très tôt après la naissance ou présentes à la naissance peuvent le provoquer : dans la cécité congénitale unilatérale (malformation, cataracte unilatérale, etc.), la vision binoculaire ne peut se développer et on voit apparaître un syndrome de strabisme précoce ou plutôt un hémi-syndrome — « syndrome du monophtalme congénital » de Spielmann [24]. Il s’agit d’un strabisme précoce « acquis », preuve que les strabismes précoces ne sont pas tous de cause prénatale [27]. Ils sont non alternants ; mais nous avions montré [28] que le traitement de l’amblyopie le transforme en un syndrome de strabisme précoce alternant classique. L’amétropie est le plus souvent modérée : 40 % d’hypermétropes légers (moins de 2 δ), 40 % d’hypermétropes moyens (2 δ à 5 δ), 10 % de myopes, 10 % d’hypermétropes forts pour Costenbader (in von Noorden [37]), statistiques confirmées ailleurs. Il est en revanche nécessaire de répéter les évaluations sous cycloplégique dans les premières années, un facteur accommodatif pouvant se démasquer secondairement. Une situation doit attirer l’attention car elle est sans doute plus fréquente qu’on ne le pense : un enfant présentant une anomalie précoce mais fruste du développement de la fusion (microstrabisme, syndrome de monofixation) et ayant une hypermétropie peut décompenser ultérieurement un strabisme après deux ans quand il stimule plus son accommodation. L’absence de fusion correcte provoque la décompensation de la déviation. Ces cas sont parfois difficiles à différencier de strabismes normosensoriels tardifs, surtout si une neutralisation profonde voire une amblyopie existent au moment de la décompensation. La mise en place de la correction optique amène au mieux à la situation de microstrabisme ou laisse persister une déviation avec signes évidents de correspondance rétinienne anormale, prouvant l’origine précoce de ce strabisme. Le syndrome de strabisme précoce associe de manière plus ou moins complète les signes sensoriels et oculomoteurs observés tout au long de la vie quand un strabisme permanent est présent ou apparaît durant la phase de maturation de la vision binoculaire (en pratique avant l’âge de six mois) [31]. Toutefois, plusieurs remarques doivent être faites à ce propos : – le strabisme n’est pas toujours mis en évidence dès son apparition, notamment en cas de microstrabisme : on peut le découvrir tardivement devant une anomalie de la vision monoculaire (amblyopie) ou binoculaire (absence de stéréoscopie) ; – un microstrabisme peut devenir un macrostrabisme tardivement, pour des raisons accommodatives par exemple (cf. supra) ; – certains strabismes, même présents précocement, ne seront examinés que tardivement (délai ou retard d’examen…). – l’absence de correspondance rétinienne normale (CRN) : instrumentalement, on retrouve une correspondance rétinienne anormale (CRA), mais elle ne peut s’expliquer sur le plan cellulaire, sauf dans les microstrabismes (Tychsen [32, 33], cf. supra). Cet état prouve l’origine précoce du strabisme. Il est sans doute pathognomonique du syndrome. Il est possible qu’il existe plusieurs degrés dans l’anomalie en fonction de l’âge de déclenchement du strabisme, les liens binoculaires étant d’autant plus abîmés que le strabisme est apparu tôt dans la vie ; – l’absence de fusion bifovéale : au mieux, il existe une pseudo-fusion, d’origine périphérique, de mauvaise qualité, et ne permettant pas de maintenir une orthotropie si le tonus de vergence est excessif ; – la neutralisation de l’œil dévié (non spécifique du syndrome) : cette neutralisation est bénéfique si le strabisme est alternant, car elle protège de la diplopie. Si le strabisme n’est pas alternant, elle est pourvoyeuse d’amblyopie. Dans le syndrome de strabisme précoce, sur le plan binoculaire, elle doit être respectée et contre-indique toute rééducation pléioptique déneutralisante qui risque de la lever définitivement et provoquer une diplopie intraitable car il n’existe pas de correspondance rétinienne. De manière générale, en cas de strabisme, la rééducation binoculaire n’est indiquée que si on a fait la preuve de la présence d’une correspondance rétinienne normale sous-jacente : ceci n’est jamais le cas dans le syndrome de strabisme précoce ; – la mauvaise qualité de la stéréoscopie : cette qualité dépend directement de l’importance de la déviation (meilleure en microstrabisme) et de la précocité du traitement. Elle n’est jamais normale. Cette déviation est initialement le reflet de l’excès de convergence tonique, habituel chez l’enfant et rendu apparent par l’absence de fusion mais aussi de l’attraction vers l’adduction liée à l’absence de maturation de la vision binoculaire et du contrôle de l’oculomotricité. Elle est donc essentiellement d’origine dystonique et non musculaire, comme le montrent la positivité des signes de détente et la diminution voire l’annulation de l’angle sous anesthésie. L’angle est susceptible de varier dans le temps, le plus souvent vers une diminution de l’ésodéviation et l’augmentation de l’exodéviation. Parfois même une ésotropie initiale peut devenir spontanément une exotropie quelques années plus tard. L’étude ELISSS [23] retrouve près de 20 % d’ésotropies précoces dont l’angle diminue suffisamment dans les deux premières années de vie pour éviter l’intervention. La raison est sans doute liée à la diminution de la vergence tonique avec l’âge. Toutefois, une déviation persistante va finir par s’anatomiser : les droits médiaux se rétractent et la déviation devient fixée. Chez l’adulte et le grand enfant, la plupart des ésotropies opérées gardent un angle quasiment inchangé sous anesthésie, ce qui prouve l’anatomisation de la déviation. L’exotropie précoce est une situation assez rare. Elle est souvent associée à des troubles neurologiques néonataux. Si une IRM cérébrale est réalisée, elle retrouve une anomalie dans plus de 80 % des cas [2]. La constatation d’une exotropie permanente de la petite enfance doit faire pratiquer un bilan neurologique. Les microstrabismes primitifs restent le plus souvent stables, sans doute en raison de liens binoculaires plus solides. Dans le cadre des strabismes précoces, c’est la seule situation où il existe des connexions binoculaires cérébrales de correspondance rétinienne anormale. Elles expliquent sans doute cette plus grande stabilité. Ce syndrome a été bien étudié par Lang [19]. Il s’agit du stade le plus évolué du syndrome de monofixation de Parks. Les stades mineurs de ce syndrome avec neutralisation maculaire sans déviation sont retrouvés avec une plus grande fréquence chez les ascendants d’enfants présentant un strabisme précoce. La raison de cette décompensation est liée : – soit à un approfondissement de la neutralisation, avec amblyopie surajoutée (souvent dans un contexte d’anisométropie) ; – soit à une hypermétropie importante : dans ce cas, la vergence accommodative déborde les possibilités fusionnelles dès que l’enfant stimule son accommodation de manière régulière, à partir de deux à trois ans. Le torticolis change de direction selon l’œil fixateur. Il s’agit d’une position de meilleur confort visuel que le patient prend spontanément et qu’on observe facilement dans la vision « libre » mais aussi lors de l’examen de l’acuité visuelle en monoculaire ou de l’occlusion alternée. Dans cette position, l’acuité visuelle est souvent meilleure et, s’il existe un nystagmus manifeste latent, celui-ci est moindre voire absent. Il faut respecter ce torticolis lors du traitement médical du strabisme en évitant de priver l’enfant de cette situation de repos moteur. On évitera notamment les secteurs binasaux quand il est présent. Le traitement chirurgical doit le neutraliser (en tout cas ne pas l’aggraver). Ceci explique la nécessité d’opérer de manière bilatérale s’il est présent, afin de redresser aussi la position de fixation de chaque œil (fig. 12-1 et 12-2). Fig. 12-1 Syndrome de strabisme précoce typique chez un nourrisson avec grand angle de déviation en ésotropie, fixation en adduction alternante selon l’œil fixant. Il s’agit d’une forme particulière de nystagmus, spécifique et pathognomonique du syndrome de strabisme précoce. Sa physiopathologie, mais aussi son aspect clinique sont totalement différents de celle des nystagmus congénitaux patents [20]. En effet, dans les nystagmus manifestes latents, le nystagmus est le témoin de la dérive vers l’adduction. Le nystagmus manifeste latent est une pathologie de l’œil fixateur, rendue plus évidente lorsqu’on le prive du soutien pourtant imparfait de l’autre œil. Le nystagmus manifeste latent s’observe et s’analyse assez facilement à l’examen clinique, éventuellement aidé par l’observation au biomicroscope, mais il est au mieux décrit en électro-oculographie (EOG) (Quéré [22]). C’est un nystagmus à ressort dont la phase lente a une vitesse croissante. Caractéristique spécifique, il bat (phase rapide) du côté de l’œil fixant et son sens s’inverse donc selon l’œil fixant. Il est le plus souvent horizontal, mais présente parfois une composante torsionnelle ou verticale, apparaissant ou augmentant lors de l’occlusion (composante latente) . Les deux yeux ouverts, on observe souvent un nystagmus moins important (composante manifeste). Son intensité diminue en adduction et augmente en abduction ; il est d’ailleurs souvent associé au torticolis de fixation en adduction. Le nystagmus manifeste latent est retrouvé à une fréquence variable selon les auteurs dans les strabismes précoces, de 40 % à 90 % des cas. Le nystagmus peut dominer le tableau du syndrome et être suffisamment intense pour provoquer une amblyopie nystagmique. Plus encore que l’amblyopie, il fait toute la gravité potentielle du syndrome de strabisme précoce. Ce signe est moins prononcé et moins fréquent que la fixation en adduction (fig. 12-1 et 12-3). La fixation se fait tête penchée sur l’épaule de l’œil fixateur, afin de compenser une incyclotorsion de fixation. La physiopathologie n’est pas aussi claire que pour l’attraction vers l’adduction ; elle est sans doute liée à celle de la DVD. Elle est la plus connue des déviations dissociées. Il ne s’agit pas d’une simple hyperaction du droit supérieur puisqu’associée à une excyclorotation. Sa physiopathologie n’est pas élucidée. Il est probable qu’il s’agisse en fait d’un trouble autonome de la maturation oculomotrice, même si elle est retrouvée essentiellement dans les strabismes précoces. La DVD ne serait pas un signe spécifique mais une association fréquente des strabismes précoces (von Noorden, Lang). Pour Guyton [15], la DVD serait liée à un mécanisme de compensation des composantes cycloverticales du nystagmus manifeste latent. Pour Brodsky [7], elle serait liée à la persistance d’un réflexe vestigial (réflexe lumineux dorsal) lié à la rupture de développement de la vision binoculaire. • ANOMALIES DE POSITION DES POULIES TÉNONIENNES Suspectées depuis longtemps, analysées depuis peu [12], elles sont sans doute responsables de bon nombre de syndromes alphabétiques associés. Ils sont souvent associés aux strabismes précoces, sans en être spécifiques. Leur mécanisme n’est pas univoque. Pour Gomez de Llano [14], 50 % des syndromes « V » sont associés à des hyperactions des muscles obliques inférieurs, et 75 % des syndromes « A » à une hyperaction des obliques supérieurs. On retrouve classiquement plus de syndrome en « V » chez l’enfant, mais l’évolution spontanée semble montrer une diminution de leur fréquence et une prépondérance des syndromes en « A » chez l’adulte (55 % de syndrome « A » pour 15 % de syndrome « V » dans l’étude de Calcutt [8]). Ceci doit encore une fois rendre prudent quant au traitement systématique des obliques inférieurs dans la petite enfance. Ce syndrome a été décrit depuis plusieurs années. Sa dénomination francophone est due à Spielmann [24]. Toutes les caractéristiques de ce syndrome le rapprochent d’un « demi-syndrome de strabisme précoce », non alternant. Nous avions d’ailleurs montré que le traitement de l’amblyopie, quand il est possible, transforme ce syndrome en syndrome de strabisme précoce classique alternant [27]. – l’acharnement à traiter l’amblyopie si c’est possible : en effet, le nystagmus pouvant à lui seul aggraver le tableau en rendant le bon œil malvoyant, tout ce qui est possible pour récupérer un peu de vision de l’œil initialement amblyope doit être fait ; c’est une motivation majeure du traitement de ces amblyopies mixtes complexes, dont font partie cataractes unilatérales précoces, malformations rétiniennes partielles… ; – l’intervention du strabisme peut aider à traiter le torticolis et stabiliser le nystagmus manifeste latent : il faut pour cela traiter l’œil sain (fig. 12-4), ce qu’il faut bien expliquer au patient et sa famille ; le reste de la déviation est traité sur l’œil amblyope ; en cas de DVD, le geste doit souvent être bilatéral si on ne veut pas aggraver l’hypotropie de l’œil amblyope. Du syndrome aux neurones visuels, l’expérimentation animale [1, 35] a permis d’arriver aux conclusions suivantes : – il existe un profond remaniement des réseaux neuronaux si on interrompt la maturation de la vision binoculaire : une déviation oculaire permanente dans les premiers mois de vie entraîne un profond remaniement de la couche V du cortex visuel primaire strié, d’autant plus important que le strabisme est de survenue précoce ; – l’occlusion alternée (défendue depuis longtemps par M.-A. Quéré et A. Jampolsky) limite la profondeur des dégâts neuronaux ; – la seule correspondance rétinienne anormale expliquée expérimentalement est celle du microstrabisme : – un neurone d’un champ récepteur central peut se connecter avec celui d’un champ récepteur adelphe adjacent mais plus large (2°). La connexion est de moins bonne qualité, mais réelle. Ceci explique la vision binoculaire subnormale et la stabilité angulaire retrouvée dans les microstrabismes. Ces connexions neuronales anormales survivent sans doute en partie lors du syndrome de strabisme précoce et expliqueraient ainsi la relative stabilité et la meilleure binocularité qu’on retrouve quand un syndrome de strabisme précoce est remis en microtropie ; – aucune connexion stable entre les colonnes de dominance d’une fovéa et celles de champs récepteurs plus périphériques n’a été mise en évidence : la correspondance rétinienne anormale du strabisme précoce n’existe pas sur le plan cellulaire (sauf dans les microstrabismes) ; elle est plutôt une absence de correspondance rétinienne normale ; – deux éléments semblent influencer la qualité finale de la récupération, sans qu’aucun cas de guérison n’ait été obtenu chez l’homme : – la durée de déviation strabique : la réparation partielle des connexions binoculaires est possible en cas de traitement ultraprécoce du strabisme chez le singe (avant trois semaines chez le singe macaque, équivalent à trois mois chez l’enfant) ; cela n’a jamais été le cas chez l’homme malgré des interventions avant trois mois ; – l’angle de déviation postopératoire doit être minime, si possible inférieur à 2° si on veut « réveiller » les connexions de correspondance rétinienne anormale qu’on retrouve dans le microstrabisme. – persistance d’une influence prédominante du système optique accessoire sous-cortical, sans développement suffisant des projections venant du cortex visuel primaire : ceci explique clairement l’asymétrie optocinétique, le nystagmus manifeste latent, l’attraction vers l’adduction, et tout le biais temporo-nasal ; – persistance ou réveil de réflexes visuovestibulaires primitifs, comme le réflexe lumineux dorsal qui pourrait explique la DVD. Il existe plusieurs degrés d’atteinte motrice dans le cadre du syndrome de strabisme précoce : – la forme la plus grave de syndrome de strabisme précoce est celle d’installation très précoce, où on note un strabisme avec limitation de l’abduction et un nystagmus en abduction (Ciancia [10]), la présence du nystagmus manifeste latent, des déviations dissociées ; – à l’opposé, certaines formes, même congénitales, peuvent rester assez simples : l’atteinte est dominée par les anomalies sensorielles. En la recherchant instrumentalement, on retrouvera toutefois l’asymétrie temporo-nasale, par exemple à l’enregistrement EOG, où on retrouvera l’asymétrie optocinétique et souvent un nystagmus manifeste latent fruste. C’est le cas du microstrabisme primitif ; – il existe enfin des formes intermédiaires, ou frontières, dans lesquelles on retrouve les anomalies sensorielles mais beaucoup moins de déséquilibre optomoteur. Ce sont souvent des cas de strabismes apparus après six mois mais avant dix-huit mois ou des strabismes accommodatifs précoces.
Formes cliniques des strabismes
Historique
Facteurs de risque
HÉRÉDITÉ
PRIVATION VISUELLE UNILATÉRALE PRÉCOCE
FACTEURS MINEURS
AMÉTROPIES
Syndrome de strabisme précoce
ÂGE D’APPARITION
ANOMALIE DE LA VISION BINOCULAIRE
ANOMALIE MOTRICE : LE STRABISME
TYPE DE STRABISME
Ésotropies dans 80 % des cas
Exotropies dans 10 % des cas
Microstrabismes dans 10 % des cas
SIGNES SUR L’ŒIL FIXATEUR
Attraction vers l’adduction (fixation en adduction)
Nystagmus manifeste latent
Incyclotorsion de fixation
SIGNES SUR L’ŒIL DÉVIÉ
Déviations « dissociées »
DIVERGENCE VERTICALE DISSOCIÉE (DVD)
DÉVIATIONS CYCLOVERTICALES NON SPéCIFIQUES
ÉLÉVATION EN ADDUCTION
SYNDROMES ALPHABÉTIQUES
Syndrome du monophtalme congénital
SUR L’ŒIL AMBLYOPE
Physiopathologie
ATTEINTE SENSORIELLE DE LA VISION BINOCULAIRE
GRAVITÉ ET PRÉCOCITÉ
DEGRÉS D’ATTEINTE
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