11 Syndromes d’hypersensibilité et vascularite
Érythème polymorphe
L’érythème polymorphe est un trouble inflammatoire relativement courant, aigu – souvent récidivant – et caractérisé par des lésions cutanées en forme de cible.
Anamnèse
L’érythème polymorphe est couramment associé à un herpès, une pneumonie à mycoplasme ou une infection respiratoire supérieure.
Dans de rares cas, l’érythème polymorphe est associé aux allergènes de contact, aux médicaments, à des agents physiques, à un traitement par rayons X, à une grossesse ou à des affections malignes.
La cause de l’érythème polymorphe n’est pas identifiée chez au moins la moitié des patients.
Une minorité de patients ayant une récurrence d’herpès développe un érythème polymorphe récidivant.
On pense que l’érythème polymorphe est provoqué par une réaction immunitaire cytotoxique dirigée contre des kératinocytes exprimant des antigènes étrangers d’origine virale ou médicamenteuse.
Manifestations cutanées
Comme l’indique son nom, l’érythème polymorphe comporte de nombreux aspects lésionnels : lésions en cible, macules et papules érythémateuses, lésions urticariennes, vésicules et bulles.
Un diagnostic clinique d’érythème polymorphe doit être posé seulement dans les cas où les patients manifestent des lésions en cible.
Les lésions en cible débutent comme des macules et des papules rouge foncé provoquant des sensations de brûlure et du prurit.
Ces lésions apparaissent soudainement et de manière symétrique sur la paume des mains, la plante des pieds, le dos des mains et les faces d’extension des avant-bras et des jambes. L’érythème polymorphe peut ne pas être suspecté jusqu’au moment où les lésions précoces évoluent en lésions avec aspect de cibles, et ce sur une période de 24 à 48 heures.
La lésion en cible est provoquée par l’extension centrifuge de la maculopapule rouge sur un diamètre de 1 à 3 cm. Le centre de la lésion peut apparaître rouge foncé, purpurique ou vésiculeux. Il est provoqué par une atteinte épidermique aiguë. Cette zone centrale est entourée par une zone cutanée claire et œdémateuse qui est elle-même circonscrite par un cercle érythémateux net et distinct.
Les lésions apparaissent par poussées et disparaissent en 1 à 3 semaines sans laisser de cicatrices.
Des changements pigmentaires postinflammatoires sont courants (hypopigmentation et/ou hyperpigmentation).
Des bulles et des érosions peuvent être présentes dans la cavité buccale.
Les plaques urticariennes qui apparaissent avec l’érythème polymorphe se distinguent
de l’éruption urticarienne en ce qu’elles sont fixes et ne disparaissent pas en 24 heures.
Les lésions d’érythème polymorphe peuvent se manifester dans des régions traumatisées (phénomène de Koebner).
Examens de laboratoire et explorations
Des examens de laboratoire ne sont pas nécessaires en général. Les vésicules ou érosions évoquant un herpès peuvent être confirmées comme herpétiques par culture virale ou par un examen en immunofluorescence directe.
Une biopsie cutanée montre une réaction d’interface avec des kératinocytes nécrotiques. Elle peut être utile si le diagnostic n’est pas certain.
Traitement
La plupart des patients ayant un érythème polymorphe ne nécessitent pas de traitement.
Les bulles et érosions cutanées peuvent être traitées par des moyens locaux tels que des antibiotiques topiques.
L’érythème polymorphe généralisé répond rapidement à un traitement de 1 à 3 semaines par corticoïdes systémiques. Tant que les lésions n’ont pas disparu, on administre la prednisone à 40 à 80 mg par jour, dose diminuée par la suite selon les besoins.
L’herpès récidivant associé à un érythème polymorphe peut être prévenu par l’aciclovir oral ou le valaciclovir.
Syndrome de Stevens-Johnson
Le syndrome de Stevens-Johnson est un syndrome mucocutané bulleux grave qui affecte au moins deux muqueuses.
Anamnèse
Le syndrome de Stevens-Johnson se manifeste à tout âge, mais il est plus courant chez les enfants et les jeunes adultes.
Le syndrome ressemble à l’érythème polymorphe. On le soupçonne d’être provoqué par une réponse immunitaire cytotoxique dirigée contre les kératinocytes exprimant des antigènes étrangers d’origine virale ou médicamenteuse.
La pneumonie à mycoplasme est souvent associée au syndrome de Stevens-Johnson.
La phénytoïne, le phénobarbital, la carbamazépine, les sulfamides et les aminopénicillines sont des médicaments fréquemment mis en cause.
Les traitements précédant de moins d’un mois le début de la maladie sont davantage susceptibles de provoquer un syndrome de Stevens-Johnson.
Les patients porteurs d’une infection par le virus de l’immunodéficience humaine, ayant un lupus érythémateux disséminé ou une affection maligne traitée par irradiations, courent un risque accru d’être atteints d’un syndrome de Stevens-Johnson.
Manifestations cutanées
Des papules érythémateuses, des vésicules, du purpura et des lésions en cible apparaissent de façon aiguë.
Les patients se plaignent souvent d’hypersensibilité et de sensation de brûlure cutanée.
Des bulles et des érosions se manifestent sur les muqueuses orales, génitales et anales.
Des croûtes hémorragiques épaisses peuvent recouvrir les lèvres.
Les patients ont une conjonctivite avec risque d’ulcération cornéenne et d’uvéite.
Les lésions cutanées du syndrome de Stevens-Johnson sont réparties principalement sur le visage et le tronc.
Des poussées de lésions apparaissent pendant 10 à 14 jours et disparaissent lentement en 3 à 4 semaines.
Manifestations non cutanées
Durant la phase précoce, 10 à 30 % des patients ont une forte fièvre avec retentissement général.
Les poumons (pneumonie [23 %], bronchite [6 %], bronchiolite oblitérante), les appareils gastro-intestinal (dysphagie, douleurs abdominales, diarrhée), nerveux central (coma, convulsions) et rénal (insuffisance rénale) peuvent être affectés.
Avec des décollements cutanés étendus, les patients ont des besoins liquidiens et nutritifs augmentés et ont des risques infectieux augmentés.
Traitement
Les traitements se concentrent sur l’identification et le traitement des sources d’infection, l’arrêt de l’utilisation des médicaments suspects, la compensation des besoins en liquides et en éléments nutritifs, des soins méticuleux des lésions cutanées.
Les lésions des lèvres sont très douloureuses. Elles peuvent être soulagées en rinçant la bouche fréquemment et en appliquant de la vaseline sur les lèvres. La xylocaïne visqueuse peut être utile.
Les yeux doivent être traités par des applications topiques et fréquentes d’érythromycine afin de prévenir l’adhérence oculaire. Le patient doit être examiné par un ophtalmologiste.
La peau érodée doit être traitée de la même manière qu’une brûlure en la lavant délicatement, en enlevant les tissus nécrosés et en appliquant une pommade neutre.
Le rôle des corticoïdes systémiques reste controversé.
Les narcotiques peuvent être nécessaires pour atténuer la douleur.
L’administration d’immunoglobuline G par voie intraveineuse peut être indiquée.
Syndrome de Lyell toxique (ou nécrolyse bulleuse toxique)
Le syndrome de Lyell toxique est caractérisé par des décollements généralisés de la peau et des muqueuses.
Anamnèse
La plupart des patients (80 à 90 %) étaient sous traitement médicamenteux, 1 à 3 semaines avant l’apparition des lésions. Les médicaments les plus fréquemment associés sont les sulfamides, les antipaludéens, les anticonvulsivants, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’allopurinol.
Les patients ayant une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et certaines maladies auto-immunes telles que le lupus érythémateux disséminé ont davantage de risque de développer le syndrome de Lyell toxique.
Le syndrome de Lyell toxique peut être précipité par une immunisation récente (vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos, la rougeole, la poliomyélite, la grippe), une infection virale (cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, herpès, virus varicelle-zona, virus de l’hépatite A), une infection à mycoplasmes, une infection streptococcique, la syphilis, une histoplasmose, une coccidioïdomycose, la tuberculose.
Une réaction aiguë du greffon contre l’hôte peut être associée au syndrome de Lyell toxique.
La cause est inconnue. Les nécroses cutanées marquées peuvent être provoquées par une augmentation de la mort cellulaire programmée des kératinocytes (apoptose), médiée par le récepteur létal de surface (Fas) et son ligand (FasL). Les anticorps anti-Fas de l’immunoglobuline G intraveineuse sont supposés bloquer le récepteur Fas et interrompre la progression de la maladie.
Manifestations cutanées
La plupart des patients ont une peau douloureuse d’un rouge diffus, ressemblant à un état provoqué par un coup de soleil, avec des lésions et des bulles éparpillées sur le corps. Les bulles fusionnent rapidement par nécroses cutanées généralisées.
Une nécrose cutanée de toute l’épaisseur de l’épiderme et un détachement (nécrolyse) exposent une surface suintante, luisante et sensible.
Une pression latérale légère provoque facilement un détachement épidermique.
Des érosions accompagnées de douleurs vives se manifestent sur les muqueuses.
Examens de laboratoire et biopsie
Une biopsie cutanée peut aider à différencier une épidermolyse bulleuse toxique du syndrome staphylococcique des enfants ébouillantés. Les lambeaux cutanés peuvent être « roulés » autour d’un applicateur en bois pour permettre la réalisation de coupes en congélation. Ce test rapide et simple révèle un détachement épidermique superficiel dans le cas du syndrome staphylococcique des enfants ébouillantés et une nécrose cutanée de toute l’épaisseur de l’épiderme dans le cas du syndrome de Lyell toxique.
Une biopsie cutanée avec immunofluorescence directe peut aider à différencier la nécrolyse bulleuse toxique d’une maladie bulleuse auto-immune telle qu’un pemphigus paranéoplasique.
Évolution et pronostic
Comme dans le cas du syndrome de Stevens-Johnson, le syndrome de Lyell toxique est précédé par de la fièvre, des malaises, de la toux et des douleurs abdominales.
Les éléments de mauvais pronostic incluent la vieillesse, des nécroses cutanées généralisés, une neutropénie, une altération de la fonction rénale et des médications multiples.
Globalement, le taux de mortalité suite à une nécrolyse bulleuse toxique est de 30 à 50 %.
Le taux de mortalité suite à une réaction aiguë du greffon contre l’hôte avec une nécrolyse bulleuse toxique est de 100 %.
Traitement
Comme pour le syndrome de Stevens-Johnson, les traitements portent sur le contrôle des douleurs, l’identification et le traitement des sources d’infection, l’arrêt d’utilisation des médicaments en cause, la compensation des besoins en liquides et en éléments nutritifs, les soins méticuleux des lésions cutanées. Si possible, les patients gravement atteints doivent être pris en charge par des services spécialisés.
Les immunoglobulines G par voie intraveineuse à 1 mg/kg pendant 3 ou 5 jours ont été rapportées dans différentes études comme pouvant améliorer les chances de survie quand elles sont administrées aux stades précoces de la nécrolyse bulleuse toxique. Les doses étaient comprises entre 0,2 g/kg par jour et 2 g/kg par jour pendant 1 à 5 jours.
Les corticoïdes systémiques ont été utilisés pendant des années, mais leurs effets ne sont pas entièrement prouvés pour le traitement de la nécrolyse bulleuse toxique. Ils peuvent interrompre la progression, mais ils augmentent le risque d’infection. En cas d’administration de corticoïdes systémiques, ceux-ci doivent être administrés pendant une durée brève et avec une antibiothérapie prophylactique. D’autres immunosuppresseurs comme la ciclosporine et le cyclophosphamide sont souvent recommandés.