Chapitre 11 Opération de Schauta cœliopréparée
L’opération d’hystérectomie vaginale radicale, décrite par Schauta en 1901, modifiée par Stoeckel en 1918 et Amreich en 1943, est connue par peu de chirurgiens car d’apprentissage difficile, mais elle atteint dans des mains entraînées une élégance inégalable. Elle reste une opération de haute spécialité, « millimétrique » : le mauvais plan, qui saigne et qui ne fait pas progresser, est souvent à un millimètre du bon. Aussi radicale que la voie abdominale, elle s’applique essentiellement à des cas non préalablement irradiés. Elle a pour seul inconvénient de ne pas associer la lymphadénectomie et n’a donc repris de nouvelles indications que depuis le développement de la chirurgie endoscopique. La lymphadénectomie cœlioscopique extrapéritonéale a été pratiquée par Dargent dès 1986, et Querleu et Leblanc ont pratiqué la lymphadénectomie cœlioscopique transpéritonéale en 1988 : leur combinaison avec l’opération de Schauta a conduit à un nouveau concept que nous avons défini en 1991 par « opération de Schauta assistée par cœlioscopie ». Par référence au terme français de cœlioscopie pour désigner la laparoscopie, Daniel Dargent a créé en 1992 le terme de « cœlio-Schauta ».
Anatomie
La chirurgie élargie est un traitement des cancers du col utérin n’ayant pas atteint la paroi pelvienne. Elle se définit essentiellement par l’exérèse des paracervix ou ligaments cardinaux, structures vasculonerveuses et lymphatiques dans leur partie distale pariétale, plus fibreuses dans leur partie proximale viscérale. Nous continuerons à nommer ces structures paracervix dans la suite de ce chapitre pour respecter la nomenclature anatomique internationale Nomina Anatomica, en évitant le terme habituel paramètre utilisé à tort par de nombreux auteurs. Toutes les hystérectomies élargies (abdominale, vaginale, cœlioscopique, vaginale cœlio-assistée) reposent sur la connaissance de l’anatomie chirurgicale des fosses paravésicale et pararectale, qui sont séparées par le paracervix dont l’exérèse définit l’hystérectomie élargie (fig. 11.2).
Les rapports de l’artère utérine et de l’uretère sont bien connus pour ce qui concerne la voie abdominale, mais ils sont observés différemment par la voie vaginale. D’une part, l’anatomie est regardée en miroir par rapport à la voie abdominale et, d’autre part, la traction sur le col utérin inhérente au début de l’opération vaginale modifie les rapports en attirant vers le bas l’uretère en un point dénommé « genou », point le plus bas de la descente du conduit (fig. 11.3).
Cœliopréparation
Lymphadénectomie
La lymphadénectomie diagnostique porte sur l’ « aire sentinelle interiliaque » définie par l’aire située entre l’artère iliaque externe et interne. Le concept n’est valable que dans les cancers du col utérin de moins de 4 cm, dans lesquels la probabilité d’une métastase iliaque commune ou aortique en saut est très faible. La réalisation de la lymphadénectomie nécessite l’ouverture de la fosse paravésicale et il est pratique d’ouvrir également la fosse pararectale (fig. 11.4).
Elle sera peut-être remplacée dans l’avenir par le prélèvement du ganglion sentinelle repéré par injection intracervicale de bleu patenté ou de bleu d’isocyanine (ou encore d’un marqueur isotopique), procédé encore en investigation mais probable voie d’avenir (fig. 11.5 et 11.6).
Section de l’artère utérine et de la veine utérine superficielle
L’origine de l’artère utérine est dégagée au cours de la dissection latéropelvienne. Elle est trouvée à la partie ventrale de l’orifice d’entrée dans la fosse pararectale (voirfig. 11.4). Elle est isolée sur 1 à 2 cm, de même que la fréquente veine utérine superficielle qui l’accompagne (voirfig. 11.4). Les deux sont coagulées (coagulation bipolaire) puis sectionnées (fig. 11.7).
À la suite de ce geste, le corps utérin est séparé de la paroi pelvienne, mais le col reste naturellement attaché par le paracervix dont le bord céphalique devient visible (fig. 11.8 et 11.9).
Opération vaginale
Confection de la collerette vaginale
La collerette vaginale est constituée par une incision circulaire portant généralement à 2 cm de l’insertion cervicale du col ou au moins à 2 cm de la lésion. Il convient de prendre garde à ne pas inutilement supprimer trop de vagin, ce qui serait très facile dans le cul-de-sac postérieur toujours plus souple et profond. L’incision antérieure et postérieure est plus facile à exécuter que les incisions latérales, les culs-de-sac latéraux étant peu profonds et d’accès plus difficile. Pour cette raison, on termine toujours par les incisions latérales, soit d’emblée, soit après avoir pris la partie médiane de la collerette dans les pinces de Chroback (voir plus loin), ce qui permet d’effectuer une traction forte exposant les culs-de-sac latéraux. Les valves sont indispensables à tous les stades de l’incision, permettant d’exposer la ligne d’incision.
La paroi vaginale est attirée par un jeu de pinces d’Allis ou de Kocher placées immédiatement en dedans de la ligne d’incision choisie, en six à huit prises disposées circulairement (fig. 11.10). La traction sur les pinces détermine une évagination de la paroi vaginale. On infiltre de la lidocaïne adrénalinée (si l’anesthésiste contre-indique l’adrénaline ou même la lidocaïne, le sérum physiologique est utilisé) au sommet de cette évagination entre les deux couches vaginales ainsi attirées. Le décollement mécanique, complété par l’effet hémostatique, aidera à identifier ce plan au cours de la séparation de la collerette vaginale.