Chapitre 11 Malformations cérébrales
Les malformations cérébrales sont fréquentes, représentant 9 % des malformations isolées, et sont retrouvées dans 16 % des syndromes polymalformatifs [1]. Les étiologies en sont multiples : constitutionnelles, génétiques ou acquises. La plupart sont diagnostiquées in utero à des stades divers de la grossesse, le plus souvent au 2e trimestre. Le diagnostic des anomalies cérébrales pose trois problèmes : déterminer s’il s’agit d’une malformation isolée ou non, rechercher une étiologie et évaluer le pronostic.
Échographie cérébrale normale
Échographie du 1er trimestre : 11 SA–14 SA
Les coupes axiales par voie abdominale et/ou endovaginale mettent en évidence un écho médian complet séparant deux ventricules latéraux anéchogènes très développés, s’étendant à presque tout l’espace intracrânien et contenant deux plexus choroïdes échogènes volumineux. Le cervelet peut être repérable et mesurable si les conditions d’examen sont favorables.
Échographie du 2e trimestre, dite « morphologique », à 21–23 SA
En coupes axiales, en allant du haut vers le bas
En coupe sagittale médiane
Échographie du 3e trimestre, à 30–32 SA (fig. 11.6 et 11.7)
L’échographie du 3e trimestre permet de vérifier la bonne évolution des structures cérébrales : en particulier l’absence de dilatation ventriculaire, l’évolution normale de la gyration cérébrale avec l’operculisation de la vallée sylvienne, le sillon pariéto-occipital et la visibilité, au moins, des sillons callosomarginal et calcarin (dès 24 SA), central (dès 26 SA), pré- (dès 27 SA) et post-centraux (dès 28 SA), et temporal supérieur (dès 27 SA). La visualisation de ces différents éléments permet d’exclure la majorité des anomalies intracrâniennes. Nous ne détaillerons pas plus l’échographie cérébrale normale, décrite dans d’autres ouvrages.
Anomalies cérébrales
Anomalies cérébrales du 1er trimestre (11–14 SA)
À ce terme précoce, seules sont dépistées quelques anomalies majeures, le plus souvent létales.
Anencéphalie
L’anencéphalie, malformation létale, a une incidence de 0,5/1 000. Le diagnostic échographique est facile : elle est caractérisée par l’absence à la fois de la boîte crânienne (acranie) et de tissu cérébral au-dessus des orbites. En revanche, le reste de la face est normal. L’anencéphalie est souvent isolée mais peut être associée à une anomalie rachidienne ou s’intégrer dans un tableau de polymalformation (malformations cardiaques, intestinales, génito-urinaires, etc.) dans 18 à 46 % des cas. Une IMG est habituellement demandée par le couple, au cours de laquelle sera effectué le caryotype fœtal. Le risque de récurrence est d’environ 2 à 5 %.
Exencéphalie (acranie)
L’exencéphalie, malformation létale, correspond aussi à une acranie mais il existe du tissu cérébral au contact du liquide amniotique, à l’inverse de l’anencéphalie (fig. 11.8).
Méningocèle et encéphalocèle
La méningocèle correspond à une hernie, par un défect osseux, dans le liquide amniotique, d’un sac méningé kystique contenant du liquide céphalorachidien (LCR) alors que l’encéphalocèle, d’aspect mixte, contient du LCR et du tissu cérébral. Ces lésions sont la conséquence d’un défaut de fermeture de la gouttière neurale au niveau de son extrémité céphalique. Elles peuvent être occipitales (le plus souvent), mais parfois fronto-ethmoïdales et alors souvent associées à une autre anomalie de la face. La biométrie est le plus souvent anormale (macro- ou microcéphalie).
Deux syndromes, récessifs autosomiques, sont à rechercher en priorité : le syndrome de Meckel-Gruber (avec reins dysplasiques kystiques et polydactylie) et le syndrome de Walker-Warburg (voir plus loin « Ventriculomégalie et hydrocéphalie »). L’encéphalocèle existe aussi, occasionnellement, dans la séquence de dysplasie frontonasale (où elle est antérieure), et dans le syndrome oculo-auriculo-vertébral(Goldenhar) (où elle est postérieure), comprenant des anomalies asymétriques de la face, de l’oreille et du rachis. La gravité de ces malformations associée au terme précoce de dépistage amène le plus souvent le couple à formuler une demande d’IMG. Les encéphalocèles et méningocèles céphaliques sont actuellement rarement de découverte plus tardive, au 2e trimestre.
Anomalies cérébrales des 2e et 3e trimestres
Anomalie de la biométrie céphalique
Le périmètre crânien (PC) est le meilleur indicateur de la biométrie céphalique car le diamètre bipariétal (BIP) est sensible aux dolicho- et brachycéphalies évoquant à tort respectivement une micro- ou une macrocéphalie. Devant toute suspicion de risque d’anomalie modérée du PC (se situant à –1,5/–2 DS ou +1,5/+2 DS), le réflexe doit être de mesurer le PC de la mère et du père de l’enfant à naître. Ce geste simple résout souvent une interrogation sur l’étiologie de la mesure du PC fœtal, qui pourrait évoquer une micro- ou macrocéphalie, car la transmission des « grosses têtes » et « petites têtes » est dominante. Il est alors capital d’effectuer un suivi rapproché afin de vérifier la régularité de la croissance, ce qui, avec une évolution normale concomitante des structures cérébrales par échographie et IRM, va conforter la notion d’absence d’anomalie.
Macrocéphalie
La macrocéphalie, définie par un PC supérieur à + 2 à 3 DS (+2 DS = 97,5e percentile) est relativement rare. Le reste de la biométrie est normal, ou non, mais la notion d’un PC normal au 1er trimestre élimine une erreur de terme. En cas de macrocéphalie, soit le cerveau a un aspect normal (on parle alors de mégalencéphalie : augmentation de volume du cerveau), soit il existe une hydrocéphalie ou des malformations cérébrales. Même en cas de cerveau échographiquement normal, la réalisation d’une IRM fœtale vers 32 SA est souhaitable, à la recherche d’anomalies non ou mal décelables à l’échographie : anomalies du ruban cortical (dysplasie corticale), des sillons cérébraux (anomalie de gyration) ou présence d’hétérotopies nodulaires.
La macrocéphalie, exceptionnellement associée à une anomalie chromosomique, peut être :
Microcéphalie
La microcéphalie est définie par une mesure du PC inférieure à –2/–3 DS (–2 DS = 2,5e percentile). Le reste de la biométrie est normal, ou non, mais la notion d’un PC normal au 1er trimestre élimine une erreur de terme. On utilise là aussi le PC et non le BIP pour définir les microcéphalies, le BIP étant artificiellement diminué en cas de dolichocéphalie. En cas de microcéphalie modérée, la certitude diagnostique est difficile et sera confortée par l’évolution, à savoir l’infléchissement de la courbe de croissance céphalique sur un suivi rapproché.
Étiologies
Elles sont multiples : infectieuses, chromosomiques, géniques, polymalformatives et toxiques.
Pronostic
Un retard mental, de modéré à sévère, accompagne 33 à 62 % des cas de microcéphalie modérée à sévère, respectivement [3].
Dans certains cas de microcéphalie, l’IRM peut montrer une gyration simplifiée et n’évoluant pas sur un suivi à 2 semaines, ce qui certifiera le diagnostic de microcéphalie et de gravité [3].
Le cas de la « microcéphalie vera », isolée et sans anomalie cérébrale évidente à l’IRM, doit être mis à part : il s’agit de cas sporadiques ou récessifs autosomiques, pratiquement impossibles à dépister avec fiabilité en prénatal, dans lesquels la microcéphalie est tardive alors qu’elle évoluera vers une microcéphalie sévère en postnatal.
Diagnostic et prise en charge
Plus elle est sévère plus la microcéphalie est suspectée tôt. Le bilan comprend alors :
La suspicion tardive, seulement au 3e trimestre, de microcéphalie avec cerveau normal à l’échographie et à l’IRM a plus de chances de correspondre à une « petite tête normale », (surtout si l’un des parents a un petit PC), mais il peut aussi s’agir d’une « microcéphalie vera » et il sera impossible d’avoir une certitude en prénatal : cela explique la difficulté de la gestion de ces cas de fin de grossesse [4–6].
Pathologie cérébrale de l’étage sus-tentoriel
Anomalies de la ligne médiane
Holoprosencéphalies
L’holoprosencéphalie (HPE), dont la prévalence est de 1/10 000 naissances, résulte d’une division incomplète du prosencéphale, partie antérieure du cerveau. On peut classer les HPE en trois types de gravité décroissante : alobaire, semi-lobaire et lobaire (fig. 11.9). Les plus graves, alobaires et semi-lobaires, sont de diagnostic facile et plus ou moins associées à des anomalies de la face. En effet « la face prédit le cerveau », et non l’inverse : les anomalies faciales (cyclopie, ethmocéphalie, cébocéphalie, fente médiane, hypotélorisme) s’accompagnent toujours d’HPE alors que toutes les HPE peuvent avoir une face normale. Le taux de malformations associées aux HPE est de 80 % et le taux d’anomalies chromosomiques de 65 % [7].
Échographie
Le seul élément constant dans toutes les HPE est l’absence de cavum du septum pellucidum, ou agénésie septale. Le corps calleux, lui, est absent dans les HPE alobaires et semi-lobaires alors qu’il est présent, mais seulement dans sa partie postérieure, dans les HPE lobaires. Certaines formes d’HPE lobaires peuvent être très difficiles, sinon impossibles, à diagnostiquer en prénatal, à l’échographie comme à l’IRM (et même parfois en postnatal). Les trois types d’HPE (qui se présentent en fait sous la forme d’un continuum) peuvent être reconnus en échographie prénatale (tableau 11.1).
HPE alobaire (la plus évidente, la plus grave) | HPE semi-lobaire | HPE lobaire (la plus difficile à diagnostiquer, fig. 11.10 et 11.11) |
---|---|---|
Ventricule unique antérieur | Ventricule unique antérieur mais présence de deux carrefours ventriculaires distincts en arrière | Deux cornes antérieures présentes mais fusionnées, carrées avec possible ventriculomégalie |
Absence de cavum et de corps calleux | Absence de cavum et de corps calleux | |
Anomalies faciales possibles (cyclopie, hypotélorisme, proboscis, narine unique, fente labiopalatine médiane) | Anomalies de la face possibles | Anomalies de la face possibles |
Fig. 11.10 HPE lobaire.
d’après F.E. Razavi et D. Karles, Pathologie fœtale et placentaire pratique, Sauramps
Le diagnostic différentiel comprend :
Étiologie
Anomalie du corps calleux
Le corps calleux est, avec les commissures antérieure et hippocampique, une des commissures majeures du cerveau. Il est formé par le bec et le genou en avant, suivi du corps, et se termine par le splénium en arrière. La prévalence exacte de l’agénésie du corps calleux (ACC) dans la population générale n’est pas connue mais, sur de grandes séries d’autopsies, la découverte fortuite d’une ACC est de l’ordre de 1/20 000 [9]. Dans les séries actuelles de médecine fœtale, l’ACC représente environ 5 % des malformations du système nerveux central dépistées par échographie, et environ 50 % des anomalies de la ligne médiane [10].
Échographie
Le corps calleux normal est visualisable dès 17–18 SA si les conditions d’examen sont bonnes, sur la coupe cérébrale strictement sagittale (par voie abdominale ou endovaginale), sous la forme d’une bande anéchogène, bien limitée par ses surfaces supérieure et inférieure échogènes. Il est toujours repérable à 22 SA sur la coupe strictement sagittale, passant par le cavum en avant, le vermis cérébelleux et le 4e ventricule en arrière (voir fig. 11.4).
Sur les coupes axiales, on observe (fig. 11.13 et 11.14) :
Sur la coupe sagittale stricte, on observe (fig. 11.15) :