10: La médecine nucléaire: Techniques et principales utilisations

Chapitre 10 La médecine nucléaire


Techniques et principales utilisations



La médecine nucléaire est la seule technique d’imagerie fonctionnelle qui est le reflet direct du métabolisme cellulaire ou de voies métaboliques. En imagerie mammaire, si sa place dans le diagnostic des lésions mammaires néoplasiques apparaît limitée, elle a un rôle très important dans le bilan d’extension, la surveillance du traitement et la recherche de récidives. Mais c’est surtout dans l’évaluation de la réponse aux traitements que sa place ne cesse de croître notamment avec la tomographie par émission de positons (TEP) au FDG. Nous vous présentons dans ces quelques pages un instantané des indications actuelles de l’imagerie isotopique en pathologie mammaire néoplasique qui se veut volontairement très pratique et simple. En effet, les indications vont évoluer rapidement en raison du développement de nouvelles molécules pour l’imagerie TEP (permettant d’appréhender encore mieux la réponse tumorale aux traitements) et l’amélioration des matériels de détection : TEP temps de vol entre autre, caméras semi-conducteurs en imagerie scintigraphique monophotonique. Ces nouvelles caméras en plus d’augmenter de façon très significative la résolution spatiale ont une sensibilité accrue ce qui permet de diminuer de façon majeure les doses administrées aux patients donc de réduire l’irradiation de ces derniers.



Mammoscintigraphie (MMS)


Cette technique d’imagerie est apparue dès le milieu des années 1970 pour connaître un véritable essor, avec la parution de nombreux articles durant les années 1990. Elle est née des insuffisances des autres techniques d’imagerie utilisées durant cette période. Dans certaines études, explorant les performances de la mammographie, il était retrouvé des taux de faux négatif variant de 25 à 45 %, et donc une faible spécificité et valeur prédictive positive.


Nous allons passer en revue les différents radio-pharmaceutiques qui ont été utilisés en MMS.



Thallium 201 (Tl201)


Initialement utilisé en cardiologie (marqueur de la perfusion myocardique), il est apparu assez rapidement que ce radio-élément pouvait être utilisé en cancérologie pour la détection de différents types de cancers et dans le diagnostic de tumeurs primitives du sein.





Résultats cliniques


Le premier cas de captation du Tl201 par un cancer du sein a été rapporté par l’équipe de Hisada et al. [1] en 1978 chez deux patientes.


Nous rapporterons ici les résultats des deux plus grosses séries de MMS réalisées dans le diagnostic de cancer primitif du sein.


Cimitan et al. [2] avaient inclu 72 patientes présentant des masses mammaires anormales dépistées en mammographie ou en échographie. La sensibilité et la spécificité de la MMS étaient respectivement de 91 % et 95 %. La sensibilité variait en fonction de la taille de la lésion, 97 % quand la tumeur mesurait plus de 1,5 cm et 80 % pour des lésions de moins de 1,5 cm. La plus petite lésion dépistée mesurait 0,6 cm. La sensibilité dans le dépistage de l’envahissement ganglionnaire était de 27 %. Ces auteurs ont remarqué que l’intensité de la captation du Tl201 était plus dépendante de la taille et de la vascularisation de la tumeur que du grade, du statut hormonal ou de la présence d’emboles lymphatiques ou vasculaires.


Vaxman et al. [3] avaient inclu 81 patientes présentant des masses mammaires anormales palpables. La sensibilité et la spécificité étaient respectivement de 95 % et 91 %. La plus petite lésion dépistée mesurait 0,9 × 1,3 cm. La sensibilité dans le dépistage de l’envahissement ganglionnaire était de 57 %. Ils concluaient en soulignant que la MMS au Tl201 était une méthode efficace dans l’exploration des masses mammaires de plus de 1,5 cm.




MMS au Sestamibi marqué au technétium 99m


Comme le Tl201, le Sestamibi marqué au technétium 99m (99mTc-hexakis-2-méthoxyisobutylisonitrile), 99mTc-Sestamibi a été initialement développé pour la cardiologie nucléaire dans l’exploration de la perfusion myocardique avant d’avoir d’autres applications notamment en cancérologie mammaire. En raison de l’utilisation du 99mTc comme radio-traceur (isotope dont les caractéristiques physiques sont plus favorables pour l’imagerie scintigraphique), la bibliographie concernant la MMS au 99mTc-Sestamibi est très abondante et riche d’études avec des populations étudiées très importantes.





Résultats cliniques


C’est en 1992, qu’Aktolum et al. [4] ont décrit pour la première fois l’utilisation de la MMS au 99mTc-Sestamibi dans le cancer du sein (étude comparant la MMS au 99mTc-Sestamibi à la MMS au Tl201).


La première série utilisant la MMS au 99mTc-Sestamibi seule dans la détection des cancers du sein est celle de Khalkhali et al. en 1994 [5]. Il s’agissait d’une série de 59 patientes présentant une mammographie et un examen clinique sénologique anormaux. Les résultats de cette étude sont les suivants : sensibilité 96 %, spécificité 87 %, valeur prédictive positive (VPP) 82 %, valeur prédictive négative (VPN) 97 %.


La plus grosse série était une étude multicentrique nord-américaine regroupant plus de 30 centres avec 673 patientes incluses [3]. Parmi les 673 patientes, 286 avaient une tumeur palpable et 387 avaient une tumeur non palpable. Les résultats de cette étude sont les suivants : sensibilité globale 85 %, spécificité globale 81 %; pour les tumeurs palpables : sensibilité 95 %, spécificité 74 %; pour les tumeurs non palpables : sensibilité 72 %, spécificité 86 %.


Les résultats des autres séries présentant une population étudiée de plus de 100 patientes sont présentés dans le tableau 10.1.



Tiling et al. [6] ont comparé la MMS au 99mTc-Sestamibi à l’IRM avec et sans injection dans le dépistage de cancer du sein chez 56 femmes suspectes de cancer. L’IRM est plus sensible que la MMS (91 % versus 88 %) mais moins spécifique (52 % versus 88 %).




Mammoscintigraphie à la tétrofosmine marquée au technétium 99m


Comme le Tl201 et le 99mTc-Sestamibi, la tétrofosmine marquée au technétium 99m – 1,2bis[bis (2éthoxyéthyl)phosphino]éthane –, 99mTc-tétrofosmine, a été initialement développée pour la cardiologie nucléaire dans l’exploration de la perfusion myocardique avant d’être utilisée en cancérologie mammaire.







Mammoscintigraphie au méthylène diphosphonate (MDP) marqué au Technétium 99m


Le 99mTc-MDP est un radio-pharmaceutique utilisé en médecine nucléaire pour la réalisation de scintigraphies osseuses. La biodistribution de ce radio-traceur dans l’organisme, après injection intraveineuse est le reflet de l’activité ostéoblastique squelettique. Toutefois, il peut être constaté des fixations extrasquelettiques (musculaire, myocardique) au niveau d’épanchements (pleuraux, péritonéaux) et des fixations tumorales au niveau de la tumeur primitive ou de ses métastases (hépatique, cérébrale entre notamment). Il peut se concentrer aussi bien dans des tumeurs bénignes que malignes. La première utilisation du 99mTc-MDP dans les cancers du sein remonte à 1973.








Indications de la mammoscintigraphie


Dans les années 1990 et jusqu’au début des années 2000, les indications de la MMS sont nées des insuffisances de la mammographie. La MMS est plus sensible que la mammographie chez les femmes présentant des seins denses ou remaniés après chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie et après mise en place de prothèses. Durant cette période, le rôle de la MMS était surtout de faire le tri entre les lésions mammaires justifiant ou non de biopsies, quand les autres techniques d’imagerie étaient prises en défaut.


Pour la MMS au 99mTc-MDP, par rapport aux MMS utilisant d’autres radio-pharmaceutiques, une indication supplémentaire et intéressante est représentée par l’exploration des lésions mammaires non palpables associées à des microcalcifications. En effet, 25 à 50 % des lésions non palpables du sein présentent des microcalcifications isolées ou en amas, et seulement un tiers de ces lésions est associé à un cancer mammaire. Dans cette situation, la sensibilité et la spécificité de la MMS sont très bonnes.


Toutefois, l’imagerie mammaire a connu une évolution rapide avec l’amélioration et le développement des techniques de radiologie, mammographie numérisée, tomosynthèse, imagerie de contraste RX, et le développement et l’amélioration des techniques non irradiantes (IRM et échographie). Parallèlement, il y a eu une amélioration et un accès plus simple et plus rapide aux techniques interventionnelles (biopsies et prélèvements guidés) et une amélioration de la prise en charge des prélèvements en anatomopathologie. De même, la standardisation des critères d’interprétation des mammographies, la meilleure formation à la lecture des clichés de mammographie et le développement de contrôles de qualité rigoureux des appareillages ont permis d’augmenter la sensibilité et la spécificité de la mammographie dans le dépistage des cancers du sein. Toutes ces évolutions, expliquent qu’à l’heure actuelle, en France, la MMS est très peu utilisée dans le diagnostic de cancer du sein, alors qu’elle l’est un peu plus en Amérique du Nord, tout en notant que depuis le début des années 2000, ces indications ont clairement diminué.



Lymphoscintigraphie mammaire avec détection du ganglion sentinelle (technique du ganglion sentinelle)



Introduction


En France depuis 1989, date du dépistage systématique du cancer du sein, la maladie est diagnostiquée à un stade de plus en plus précoce, donc la taille tumorale au moment du diagnostic est limitée. Le risque d’envahissement ganglionnaire, étant corrélé à la taille tumorale, est donc faible quand la tumeur est de petite taille. Par ailleurs, le statut ganglionnaire, élément de pronostic majeur sur la survie (spécifique et globale), guide la stratégie thérapeutique. La méta-analyse de Carter et al. en 1989 [10] montrait que 70 % des cancers du sein de moins de 2 cm sont N0. Ces constatations ont conduit à reconsidérer le caractère systématique du curage axillaire, ceci d’autant que l’impact sur la survie du curage axillaire n’est pas démontré, alors qu’il a un rôle très important pour permettre une stadification (TNM). Par ailleurs, le curage axillaire est source d’une morbidité élevée (environ 70 % des personnes ayant eu un curage ont des séquelles).


C’est dans ce contexte que la technique du ganglion sentinelle (GS) a connu un regain d’intérêt. En effet, il s’agit d’un concept ancien introduit en 1977 par Cabanas [11] et appliqué au cancer du sein à partir de 1994 par l’équipe de Giuliano et al. en validant ce principe sur une série de 107 patientes avec un taux d’identification du GS de 94 %.


Le GS est défini comme le premier relais ganglionnaire drainant le territoire de la tumeur selon la notion de progression ordonnée et sans saut de relais ganglionnaire des cellules tumorales. Ainsi, si l’analyse histologique du ou des ganglions sentinelles montre qu’il n’y a pas envahissement métastatique, alors les autres ganglions du territoire de drainage de la tumeur sont indemnes. Le statut ganglionnaire est ainsi défini par l’analyse histologique du GS, l’objectif étant de ne réaliser des curages que chez les patientes N+ (qui ont un GS envahit).


La technique du GS permet par ailleurs, compte tenu du faible nombre de ganglions analysés, la réalisation de coupes fines sériées sur un ganglion analysé en totalité afin de rechercher les micrométastases, en double technique (coloration standard et immunohistochimie).


Le taux de faux négatifs est très faible et son impact est limité car le risque métastatique est également évalué sur d’autres critères (emboles vasculaires, récepteurs hormonaux négatifs, statut HER2…).


Il y a deux techniques de détection du GS, la technique colorimétrique et la technique isotopique, techniques qui sont souvent combinées (améliorant la sensibilité de détection du GS par rapport à la technique isotopique seule).


Toutefois, le bénéfice de la technique combinée diminue avec l’expérience de l’équipe qui pratique la détection du GS.


La technique du GS isotopique consiste dans un premier temps à réaliser une lymphoscintigraphie mammaire qui permet la visualisation du drainage lymphatique du sein grâce à l’injection d’un traceur lymphotrope marqué avec un isotope émetteur γ.

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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 10: La médecine nucléaire: Techniques et principales utilisations

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