10: Entorses, luxations, raideurs articulaires et arthrolyse

Chapitre 10 Entorses, luxations, raideurs articulaires et arthrolyse



Regrouper dans ce chapitre les entorses-luxations des articulations des chaînes digitales avec les raideurs articulaires, qui peuvent être également la conséquence de tout traumatisme et de toute intervention chirurgicale, est logique car elles concernent l’appareil capsulo-ligamentaire de ces articulations. Ces lésions relèvent toutes d’un traitement orthopédique ou chirurgical et en cas de séquelles de ligamentoplastie ou d’arthrolyse.



Anatomie



Articulation métacarpo-phalangienne du pouce


La fonction du pouce impose une bonne stabilité latérale de l’articulation assurée par les ligaments, la capsule articulaire et les muscles (fig. 10-1A, B).



Les deux ligaments latéraux interne et externe comprennent deux faisceaux (voir chapitre 2, fig. 2-5A, B) :



Les muscles thénariens interne et externe se terminent sur la première phalange et les sésamoïdes, avec des expansions latérales dorsales vers l’appareil extenseur, constituant une véritable dossière. Le court fléchisseur du pouce sur le sésamoïde externe, le faisceau oblique de l’adducteur sur le sésamoïde interne, s’opposent activement à l’hyperextension. L’adducteur du pouce, par son insertion directe sur la première phalange près du ligament latéral interne et par son expansion latérale dorsale, possède une action d’anti-abduction active. Le même mécanisme existe en dehors avec les muscles court abducteur et court fléchisseur du pouce, qui luttent activement contre l’adduction.


La stabilité latérale de l’articulation métacarpo-phalangienne est donc liée à l’action combinée de l’ensemble capsulo-ligamentaire et musculaire, mais les muscles seuls ne peuvent compenser une rupture ligamentaire latérale.



Articulation interphalangienne proximale


La stabilité de l’articulation interphalangienne proximale, qui est de type trochléen, est assurée par la capsule articulaire renforcée par les ligaments latéraux interne et externe, la plaque palmaire et la gaine des fléchisseurs, la bandelette médiane, les bandelettes latérales ainsi que le ligament triangulaire de l’appareil extenseur.


Les ligaments latéraux forment un éventail depuis la tête de la première phalange jusqu’à la base de la deuxième phalange et les bords latéraux de la plaque palmaire (voir chapitre 2, fig. 2-6). Le faisceau principal est tendu entre la première et la deuxième phalange avec une insertion sur l’extrémité distale de la plaque palmaire. Le faisceau accessoire s’étend de la première phalange au bord latéral de la plaque palmaire et à la gaine fibreuse des fléchisseurs. Les ligaments latéraux assurent la stabilité latérale de l’articulation aussi bien en flexion qu’en extension.


La plaque palmaire correspond à l’épaississement de la partie antérieure de la capsule articulaire. Elle s’insère sur la deuxième phalange en distal et sur le col de la première phalange en proximal. Lors de la flexion articulaire, la plaque palmaire glisse sur les condyles et se plicature en proximal. En extension, la mise sous tension de la plaque palmaire évite le recurvatum articulaire.


La gaine des fléchisseurs est en continuité avec les ligaments latéraux et permet de renforcer l’insertion de la plaque palmaire sur la deuxième phalange. La jonction de ces trois éléments, ligaments latéraux, plaque palmaire et gaine fibreuse des fléchisseurs, représente la clé de la stabilité de l’interphalangienne proximale. Si ces trois éléments demeurent intacts, aucune luxation n’est possible.



Entorses et luxations


Les entorses et luxations des doigts sont fréquentes et concernent essentiellement les articulations IPP des doigts longs, l’articulation MP du pouce, plus rarement les articulations MP des doigts longs. C’est une pathologie qui mérite beaucoup d’attention au niveau de l’examen clinique et radiographique [2]. Ces lésions, en l’absence d’instabilité, relèvent le plus souvent d’un traitement orthopédique. Malheureusement, les moyens de contention sont souvent excessifs et immobilisent à tort les articulations voisines qui ne demandent qu’à être sollicitées. Le raffinement des orthèses réalisées sur mesure permet de traiter la plupart des lésions, limitant ainsi le risque de la complication majeure encore trop fréquente : la raideur.



Entorses du pouce


Ces lésions sont fréquentes en traumatologie sportive, notamment le ski et les sports de ballon, mais aussi plus récemment le développement de la marche nordique avec des bâtons. Les entorses de l’articulation métacarpo-phalangienne du pouce exposent à de graves séquelles fonctionnelles liées à l’instabilité de la pince pollicidigitale.



Entorses du ligament latéral interne


Le mécanisme chez le skieur est double : soit une chute avec le pouce « planté » dans la neige, soit une chute avec choc du bâton sur la première phalange. Cette lésion se rencontre également dans les sports de ballon : volley-ball, football, handball. Dans tous les cas, l’abduction violente ou valgus de la métacarpo-phalangienne entraîne une distension ou une rupture du complexe capsulo-ligamentaire ulnaire au niveau de son attache distale sur la première phalange dans 90 % des cas.


Le problème essentiel de l’entorse du ligament latéral interne est l’absence de cicatrisation spontanée en cas de rupture complète de ce ligament, en raison de l’effet Stener (fig. 10-2A). Le muscle adducteur, en plus de ses insertions sur la base de la première phalange et sur le sésamoïde interne, présente une expansion fibreuse qui rejoint l’appareil extenseur du pouce en recouvrant le ligament latéral interne. En cas de rupture du ligament, sa partie proximale se rétracte et passe au-dessus de l’expansion de l’adducteur. Cette expansion s’interpose entre les deux parties du ligament rompu et empêche toute cicatrisation spontanée, même si le pouce est immobilisé. Seule la chirurgie peut rétablir le trajet initial du ligament sous l’expansion.



Le tableau clinique de l’entorse est évocateur : douleur diffuse ou localisée sur le versant interne de l’articulation, œdème, hématome et impotence fonctionnelle de la colonne du pouce (fig. 10-2B).


Des clichés radiographiques simples recherchent un éventuel arrachement osseux. Dans ce cas, toute mobilisation articulaire doit être évitée. Le traitement comprend l’immobilisation pendant 4 semaines, permettant la consolidation osseuse et la stabilité du ligament latéral interne qui lui est solidaire. En revanche, il convient de renoncer à la stricte immobilisation plâtrée lorsque le fragment osseux est, même faiblement, déplacé (moins de 2 mm), car il y a toujours une rotation de celui-ci (fig. 10-3). La pseudarthose est une des complications qui altère le résultat fonctionnel, il est donc préférable de fixer chirurgicalement ce fragment. La difficulté essentielle réside dans le diagnostic de gravité de l’entorse, c’est-à-dire l’évaluation de la laxité articulaire. L’examen clinique recherche cette laxité de manière bilatérale, comparative, en portant l’articulation métacarpo-phalangienne en valgus. Cette manœuvre étant très douloureuse, une anesthésie locale est habituellement nécessaire. Le test est réalisé en flexion pour détendre le ligament collatéral accessoire et tester le faisceau principal du ligament latéral interne. Une déviation latérale supérieure à 30° par rapport au côté controlatéral signe la rupture ligamentaire (fig. 10-4). Si l’articulation est instable aussi en extension, le ligament latéral accessoire est également lésé. Par ailleurs, une subluxation spontanée palmaire signe la déchirure de la capsule articulaire dorsale.




Que le traitement soit orthopédique ou chirurgical, il doit être instauré dans les premières heures ou au plus tard dans les tous premiers jours.


En cas d’entorse bénigne, c’est-à-dire de simple distension ligamentaire, sans laxité importante, ni arrachement osseux, une immobilisation de l’articulation métacarpo-phalangienne, soit par plâtre, soit par matériel thermo-malléable (Orfit®), pendant 4 semaines, est suffisante. Le poignet est laissé libre ainsi que l’articulation interphalangienne du pouce et les articulations métacarpo-phalangiennes des doigts longs. La première commissure est laissée ouverte en position fonctionnelle de la main, en prenant garde de ne pas imprimer de mouvement d’abduction à l’articulation métacarpo-phalangienne. Cette immobilisation permet la cicatrisation du ligament et assure la stabilité articulaire (fig. 10-5A, B) (voir chapitre 6 Réalisation des orthèses statiques selon le segment anatomique).



En cas d’entorse grave, c’est-à-dire de laxité importante par rupture du ligament collatéral ulnaire principal, l’indication opératoire est formelle. Le ligament est réinséré à la base de la phalange à l’aide d’une ancre résorbable Mitek (fig. 10-6A, B). Il en est de même en cas d’arrachement osseux (fig. 10-7).




Si, en fin d’intervention, la réparation semble fragile ou la stabilité insuffisante, une arthrodèse temporaire de la métacarpo-phalangienne, fléchie à 10° et en légère adduction, est réalisée à l’aide d’une broche enfouie pour 4 semaines. Ce choix d’immobilisation postopératoire permet une reprise d’activité précoce dès le 15e jour.


Soins postopératoires : Au 2e ou 3e jour postopératoire, une orthèse remplace l’attelle plâtrée mise en place en fin d’intervention. En postopératoire immédiat, la mobilité interphalangienne active est encouragée pour favoriser l’excursion de la sangle des extenseurs.


Les moyens de stabilisation (orthèse, broche) sont enlevés au bout de 4 semaines. La mobilisation articulaire est alors autorisée, aidée par la rééducation de manière à lutter contre l’enraidissement avec limitation constante de la flexion. Nous recommandons le port nocturne de l’orthèse pour 2 semaines supplémentaires, ainsi que lors des activités mettant en charge la suture, pour sa protection et dans un but antalgique. Une orthèse dynamique d’enroulement global du pouce est fréquemment nécessaire pour récupérer des amplitudes complètes (fig. 10-8A).



La reprise d’activité sans restriction a lieu en général après 2 mois.



Entorses du ligament latéral externe


Les entorses du ligament latéral externe sont moins fréquentes que celles du ligament latéral interne, mais négligées ou mal traitées elles conduisent aux mêmes complications : instabilité avec douleur, luxation palmaire, pronation, perte de force puis arthrose.


Le mécanisme lésionnel est l’adduction violente du pouce au niveau de la MP, entraînant la désinsertion du ligament externe sur la base de la première phalange ou sur la tête métacarpienne ou plus rarement en son milieu. La capsule articulaire dorsale est fréquemment déchirée, participant alors à la luxation palmaire de la première phalange. De plus, sous l’influence de l’adducteur du pouce, s’installe une pronation.


L’examen clinique et radiographique sous anesthésie locale permet d’évaluer le degré d’instabilité en adduction et dans le plan antéropostérieur. Ils doivent être comparatifs par rapport au côté sain. Une laxité en adduction supérieure à 30° et associée à une luxation palmaire de plus de 3 mm affirme le diagnostic de rupture totale et impose une intervention chirurgicale.


Le traitement de l’entorse bénigne est confié à une orthèse immobilisant strictement la MP, tout en autorisant la mobilisation active de l’IP.


Le traitement chirurgical : que la rupture du ligament principal soit sur la tête du métacarpien ou sur la première phalange, la réinsertion est assurée par une ancre résorbable Minilock-Mitek. La capsule dorsale est suturée afin de corriger la subluxation palmaire. L’immobilisation postopératoire est confiée à une orthèse statique autorisant la mobilisation de l’IP, plus rarement à une arthrodèse temporaire de la MP à 10 ° de flexion à l’aide d’une broche de Kirchner enfouie pour une période de 4 semaines et qui autorise une reprise de travail dès le 15e jour. Ensuite, le relais est pris par une orthèse statique pour 2 semaines supplémentaires.





Luxations du pouce


La base de la première phalange du pouce est solidaire du fibrocartilage glénoïdien qui contient les deux os sésamoïdes unis entre eux par la sangle sésamoïdienne. Sur les sésamoïdes, viennent s’insérer les ligaments latéraux accessoires.





Entorses des articulations interphalangiennes proximales des doigts longs




Entorses de la plaque palmaire


Ce sont les plus fréquentes et sont provoquées par un mécanisme d’hyperextension. Les sports de ballon (handball, volley-ball, basket) sont les grands pourvoyeurs de ces lésions.


Le tableau clinique associe hématome, douleur vive et impotence fonctionnelle du doigt. L’hématome, souvent volumineux, diffuse à la face palmaire à partir de l’interphalangienne proximale. L’examen clinique est rendu difficile par la douleur. On peut cependant noter la majoration de celle-ci à l’hyperextension et l’absence de laxité latérale.


Le bilan radiographique retrouve un petit fragment osseux dans 30 à 40 % des cas au niveau de la base de la deuxième phalange, traduisant l’arrachement de la plaque palmaire (fig. 10-13). Exceptionnellement, il s’agit d’un volumineux fragment osseux qui correspond alors à une véritable fracture articulaire dépassant le stade de l’entorse.



L’existence d’un fragment osseux supérieur au tiers de la surface articulaire, avec ou sans subluxation dorsale, impose un traitement chirurgical. L’intervention permet de réinsérer ce fragment, de reconstituer l’intégrité de la surface articulaire et de stabiliser la plaque palmaire qui lui est solidaire. La cicatrisation de la plaque palmaire se fait spontanément avec une tendance à la rétraction, donc un enraidissement de l’interphalangienne proximale en flexion.


Le traitement consiste en une mobilisation précoce qui donne des résultats supérieurs à l’immobilisation stricte de 3 à 4 semaines. Lorsque la radiographie révèle la présence d’un petit arrachement osseux, l’attitude doit rester identique, c’est-à-dire la mobilisation précoce.


La séquence thérapeutique suivante peut être proposée (fig. 10-14A à C) :



un pansement compressif avec une attelle pendant 48 heures, de manière à résorber l’hématome et l’œdème sources de douleur et d’impotence fonctionnelle (fig. 10-14A) ;


puis est mise en place une orthèse statique carpo-digitale palmaire qui place les MP en flexion à 30°, les articulations interphalangiennes sont maintenues en extension contre l’orthèse à l’aide d’une bande de Velcro® (fig. 10-14B). Le doigt lésé est mis en syndactylie avec le doigt voisin sain (fig. 10-12B). Toutes les heures le patient se libère de l’orthèse pour mobiliser activement le doigt en flexion et ceci pendant 3 à 4 semaines. Un doigtier compressif en Lycra® porté 23 h/24 contribuera à réduire l’œdème (fig. 10-14C). La mobilisation est ensuite libre, la pratique du sport pouvant reprendre après 6 semaines.



Même après mobilisation précoce, un défaut d’extension de l’interphalangienne proximale peut apparaître par rétraction de la plaque palmaire. La prise en charge en rééducation est alors indispensable pour ne pas voir s’installer un flexum de l’interphalangienne proximale avec un tableau de pseudo-boutonnière dont le traitement est long, difficile et décevant. La rééducation associe mobilisation passive et active, physiothérapie, orthèse statique digitale des IP (fig. 10-15A), orthèses dynamiques d’extension de l’interphalangienne proximale par lames ou bas-profil (fig. 10-15B) et flexion active interphalangienne distale pour activer les bandelettes latérales. Lors d’un appareillage de longue durée, si celui-ci devient mal supporté, le relais peut être assuré soit par une orthèse de Capener (voir chapitre 7 Réalisation des orthèses dynamiques selon le segment anatomique), soit par une orthèse statique circulaire d’extension progressive (fig. 10-15D, E).


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May 26, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 10: Entorses, luxations, raideurs articulaires et arthrolyse

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