1 Les méridiens principaux et secondaires – jing luo
1.1 Introduction
1.1.1 Deux modèles de circulation du Qi dans les méridiens – Aperçu historique
Il existe essentiellement deux points de vue quant à la circulation du Qi dans les méridiens. Ceux-ci reposent sur une compréhension différente de la circulation du Qi dans les corps (→ Pirog 1995, Manaka 1995/2004). Pour une meilleure compréhension de chaque modèle, il faut imaginer une personne qui lève les bras au ciel (→ Fig. 1.1 et Fig. 1.2).
Modèle de circulation centripète
Le cœur de la cosmologie chinoise traditionnelle, qui décrit les hommes comme étant entre le ciel (Yang) et la terre (Yin), intègre l’interrelation, l’influence et l’interdépendance entre le cosmos et l’homme. En conséquence, des textes très anciens sur les méridiens (→ voir Annexe) décrivent le trajet des 11/12 méridiens comme partant des extrémités, se dirigeant vers le centre du corps et se terminant soit à la tête, soit au torse. C’est le schéma caractéristique du modèle de circulation centripète (→ Fig. 1.1).
Selon ce modèle, on peut comparer la structure des méridiens à une antenne qui reçoit l’influence cosmique et la transmet au corps. La circulation du Qi dans les méridiens va toujours d’une position distale (venant de l’Extérieur et pénétrant dans le corps à ses extrémités) à une position proximale (allant vers le centre, en direction des organes internes). Chaque méridien relie l’homme à différentes parties du cosmos, identifiables dans la structure numérologique. Ainsi, il existe une relation ente les huit merveilleux vaisseaux et les huit trigrammes du Yijing (→ 1.7). Les méridiens principaux reflètent les 12 rameaux terrestres et les 10 troncs célestes. Les textes les plus anciens ne mentionnaient que 11 méridiens (→ Annexe, note 2), à savoir 10 sur le bras et 12 sur la jambe. Plus tard, on a essentiellement associé les 12 méridiens principaux aux 12 rameaux terrestres, les 10 troncs célestes servant plutôt à représenter le cycle des Cinq Éléments (remarque : on peut également inclure les 10 troncs célestes dans ces derniers).
Modèle de circulation autonome
Au cours de l’évolution de la société chinoise moderne, l’idée d’une forte relation entre l’homme et le cosmos (en tant que modèle « ciel-terre-homme ») a régressé. Actuellement, on compare de plus en plus le système des méridiens à des phénomènes créés par l’homme, comme à des canaux et des fossés de drainage. L’importance de la connexion originelle avec le cosmos a décliné alors que celle des relations existant dans la société a progressé. La société chinoise est devenue plus complexe, formant une unité indépendante. De la même façon, le concept de méridien en tant que connexion avec le macrocosme a été partiellement abandonné et la circulation du Qi a été décrite comme indépendante et autonome (→ Fig. 1.2). Selon ce modèle de circulation autonome, le Qi peut s’écouler dans un sens ou dans un autre, aller des extrémités à l’Intérieur du corps, et de l’Intérieur vers l’Extérieur.
Ainsi, le sens de circulation du Qi dans les méridiens principaux peut aller d’une direction proximale à une direction distale, et inversement, selon la polarité Yin ou Yang de chaque méridien, et selon chaque extrémité.
Cette deuxième conception, probablement plus récente, décrit la circulation du Qi comme une circulation continuelle dans le corps (→ Annexe, note 2), allant du thorax à la main, à la tête et au pied, et retournant au thorax. Cette conception reflète l évolution de la civilisation chinoise, de son agriculture et plus particulièrement de la gestion et du stockage de l’eau grâce à des réservoirs, des canaux d’irrigation, des fossés, etc., éléments qui ont grandement contribué à l’élaboration de la théorie des méridiens vus comme des canalisations dans lesquelles circulent le Qi et le Sang. Les connexions entre les méridiens sont considérées comme des anastomoses (→ 1.2.2) qui facilitent la circulation continuelle et circulaire du Qi d’un méridien à l’autre, permettant la circulation du flux de Qi à l’Intérieur.
On peut donc décrire le modèle de circulation autonome de la façon suivante :
En Occident, la tradition de l’acupuncture attache plus d’importance à ce modèle de circulation du Qi, ce qui explique partiellement l’utilisation des numéros plutôt que des noms chinois pour nommer les points d’acupuncture.
Toutefois, la structure de ce nouveau modèle de circulation était probablement trop rigide pour expliquer certains des effets de l’acupuncture. Selon Pirog (1996), c’est peut-être la raison pour laquelle on a intégré les méridiens secondaires, par exemple, les méridiens musculaires (→ 1.4) et les méridiens divergents (→ 1.3), ainsi que leur trajet relativement primitif et naturel, dans le système des méridiens principaux et secondaires (jing luo) selon le modèle de circulation centripète.
Comparaison des deux modèles de circulation
Modèle centripète | Modèle autonome | |
---|---|---|
Sens de circulation du Qi | Toujours de distal à proximal | Soit de proximal à distal, soit l’inverse, en fonction de la polarité (Yin/Yang) du méridien |
Origine du Qi | À partir de l’extérieur du corps. L’extrémité distale du méridien est ouverte de façon à recevoir le Qi du cosmos | Part de l’intérieur du corps. L’extrémité distale des méridiens est reliée au méridien suivant |
Fonction des méridiens | Transporter le Qi du cosmos, qui est à l’extérieur, vers l’Intérieur. Favoriser la relation entre l’homme et la nature (le cosmos) | Circulation du Qi à l’intérieur du corps. Favoriser la relation de l’homme avec lui-même |
(adapté de Pirog 1996)
1.1.2 Brève présentation du système des méridiens principaux et secondaires (système des jing luo)
Au chapitre 11, le Ling Shu dit : « L’homme vit, les maladies surviennent … le maître, qu’il soit débutant ou expérimenté, doit toujours commencer par le système des méridiens principaux et secondaires (jing luo) ».
En médecine chinoise, les méridiens principaux et secondaires (jing luo) sont considérés comme un réseau de méridiens et de vaisseaux dans lesquels circulent le Qi et le Sang (xue). Ils sont en relation avec le système des Viscères (zangfu) et avec « l’eau » de l’organisme tout entier, approvisionnant le corps en Qi et en Sang (xue) à la surface (l’Extérieur) et au plus profond du corps (l’Intérieur), en haut comme en bas.
D’un point de vue fonctionnel, les méridiens principaux et secondaires (jing luo) gouvernent la distribution du Qi et du Sang (xue), régulent le Yin et le Yang, et protègent le corps. Mais ils permettent aussi la diffusion des maladies. Les réactions suscitées par n’importe quelle maladie se manifestent donc sur le trajet des méridiens et peuvent prendre la forme de troubles du méridien même ou de projections externes de troubles des Viscères (zangfu). En pratique clinique, les méridiens principaux et secondaires (jing luo) peuvent servir à envoyer le Qi dans les zones malades du corps (pour une présentation de la classification et de la nomenclature du système des méridiens principaux et secondaires (jing luo), → Fig. 1.3).
1.1.3 Répartition et organisation du système des méridiens principaux et secondaires (système des jing luo)
Selon la loi Extérieur-Intérieur (biao-li), « l’Extérieur » communique avec « l’Intérieur ».
L’Extérieur (biao) correspond à la peau, aux muscles et aux trajets du système superficiel des méridiens principaux et secondaires (système des jing luo). Les trajets profonds des méridiens et du système des Viscères (zangfu) appartiennent à l’Intérieur (li). Une organisation structurelle spécifique est nécessaire au sein du système des méridiens principaux et secondaires (système des jing luo) pour garantir la circulation du Qi et la communication entre l’Extérieur et l’Intérieur. À cet égard, les merveilleux vaisseaux jouent un rôle particulier. Alors que, de façon générale, ils jouent un rôle majeur dans la coordination et la régulation des méridiens principaux et secondaires (jing luo), ils ne relient pas directement l’Extérieur et l’Intérieur. De la même façon, il n’y a pas de connexion directe entre les merveilleux vaisseaux et le système des Viscères (zangfu) (voir → 1.7 et Chapitre 5).
Organisation du système des jing luo en profondeur
Il existe différentes conceptions quant à la profondeur à laquelle se situent les divers méridiens et vaisseaux dans le corps. Le tableau qui suit et la figure 1.4 présentent une adaptation des conceptions que l’on trouve chez Solinas et al. (1998) et chez Deadman et al. (1998). Alors que ces auteurs considèrent les trajets Internes profonds des méridiens principaux et divergents comme étant les structures les plus profondes des méridiens, d’autres attribuent ce rôle aux huit merveilleux vaisseaux (pour les huit merveilleux vaisseaux, voir → 1.7).

Fig. 1.4 Illustration d’une possible organisation du système des méridiens principaux et secondaires (système des jing luo)
Brève présentation de la localisation possible des méridiens principaux et secondaires (jing luo) en fonction de la profondeur:
Niveaux | Système des meridians |
---|---|
Niveaux superficiels (peau et muscles) | |
Niveaux intermédiaires | |
Niveaux profonds (Viscères –zangfu) |
Système des méridiens
Chaque méridien principal, de même que les « méridiens secondaires » qui s’y rattachent, forme une organisation complexe composée de multiples niveaux, autrement dit, un « système ». Ces systèmes comprennent les diverses relations et connexions entre chacun des méridiens, de même qu’entre les méridiens et les huit merveilleux vaisseaux (→ 1.7, chapitre 5). Ils participent à une régulation harmonieuse du corps. Il existe 12 systèmes de méridiens (tai yin de la main, yang ming de la main, etc., chaque système comportant les éléments suivants :
À leur tour, les régions cutanées enveloppent l’ensemble du système des méridiens.
1.1.4 Circulation du Qi et système des méridiens
Qu’est-ce qui circule avec et dans les méridiens ?
Le système des méridiens représente les « voies du Qi ». En acupuncture, de nombreuses écoles ont pour base de travail le Qi Vrai (zhen qi) qui, selon Maciocia (1989) représente le stade final du processus de raffinement et de transformation du Qi : le Qi Complexe (zong qi), sous l’influence du Qi Originel (yuan qi), qui agit comme un catalyseur, devient le Qi Vrai (zhen qi), qui se manifeste sous deux aspects, à savoir le Qi Protecteur (wei qi) et le Qi Nourricier (ying qi). Selon Larre et Rochat de la Vallée (1986), le Qi Vrai est considéré comme la somme de tous les mécanismes du Qi et/ou de toutes les formes de Qi du corps. Autrement dit, si la circulation dans les méridiens est harmonieuse et bien équilibrée, on peut alors l’appeler le Qi Vrai (zhen qi), c’est-à-dire la circulation qui est « ici et maintenant ». La somme totale de toutes les formes de Qi circulant correctement s’appelle le Qi Correct (zheng qi) et constitue l’opposé du Qi Pervers (xie qi), par exemple, les facteurs pathogènes ou la circulation du Qi à contresens.
Formes de Qi
Essence (Qi) (jing qi)
L’Essence (Qi) agit dans l’organisme et, selon certains auteurs, dans une certaine mesure également dans les merveilleux vaisseaux (→ 1.7). Elle représente l’association de l’Essence du Ciel Antérieur héritée des parents, qui, selon de nombreuses écoles, est stockée au Rein et est en relation avec la Porte de la Vie (ming men), et de l’Essence du Ciel Postérieur du Réchauffeur Moyen. Elles s’aident mutuellement et se complètent.
Qi Originel (yuan qi)
Le Qi Originel (yuan qi) est souvent décrit comme la forme active de l’Essence (jing) qui circule dans les méridiens et se diffuse dans l’organisme tout entier avec l’aide du Triple Réchauffeur. Comme un catalyseur, il représente la force dynamique qui éveille et maintient l’activité fonctionnelle de tous les organes et des toutes les structures. Il possède une composante prénatale et une composante post-natale. C’est pourquoi son bon fonctionnement dépend de l’approvisionnement du Qi acquis, dérivé de l’eau et des aliments fournis par le Réchauffeur Moyen. Le Qi Originel est directement accessible et influencé au niveau des points source (yuan) (→ 8.1.1) ou des points RM-17 (danzhong/shanzhong), RM-12 (zhongwan) et RM-6 (qihai).
Qi Complexe (zong qi)
Selon Larre et Rochat de la Vallée (1986), le Qi Complexe (zong qi) se forme au centre de la poitrine lorsque les essences dérivées de la respiration (Grand Qi, da qi) rencontrent la nourriture (shui gu, dérivé du Qi des Aliments (gu qi) et de l’eau) et sont mises en mouvement grâce à des mécanismes ancestraux par la première respiration post-natale. Comme un « moteur », il règle le rythme et la circulation, il contrôle la respiration et il régule les battements du pouls. Lui-même ne circule pas mais il est comme une « Mer du Qi » qui « se rassemble » au centre de la poitrine, derrière RM-17 (danzhong/shanzhong). Cette mer contient l’eau venue de tous les fleuves (c’est-à-dire les vaisseaux) et ressemble à un réservoir inépuisable qui ne s’écoule pas mais redistribue toutes ses ressources en eau.
Qi Protecteur (wei qi)
Le wei qi est le Qi Protecteur du corps. Ainsi, il défend le corps au niveau de la peau, des fascias et des muscles. Par rapport au Qi Nourricier (ying qi), c’est une forme de Qi plus glissante et moins pure qui circule de façon dynamique et rapide dans le corps, comme un gardien. Ses racines se trouvent dans le Réchauffeur Inférieur, où il est produit par le Feu de ming men (le feu de la Porte de la Vie), de sorte qu’il a une composante génétique ou constitutionnelle importante. L’Essence (jing) et le Qi Originel (yuan qi), qui sont stockés dans le Réchauffeur Inférieur (ou, selon de nombreuses écoles, au Rein) sont impliqués dans la formation du Qi Protecteur (wei qi), jouant ainsi aussi un rôle dans la défense contre les facteurs pathogènes Externes. De plus, le wei qi est constamment réapprovisionné en essence pure extraite de la nourriture par la Rate et l’Estomac, dans le Réchauffeur Moyen. Il est diffusé dans le corps entier grâce au Réchauffeur Supérieur. Le bon fonctionnement du wei qi dépend donc des trois Réchauffeurs.
Qi Nourricier (ying qi)
Le Qi Nourricier (ying qi) est le résultat de la purification et/ou du processus de distillation d’une substance originelle pure et claire. Comparé au Qi Protecteur (wei qi), il est de nature plus Yin. Il nourrit le corps entier et constitue sa « substance constructive » et c’est pourquoi on l’appelle souvent « Qi constructif » ou « énergie constructrice ».
Circulation du Qi Protecteur (wei qi) et du Qi Nourricier (ying qi)
Circulation du Qi Protecteur (wei qi)
Au chapitre 43 du Su Wen, le Qi Protecteur (wei qi) est décrit comme s’écoulant « en dehors des mai » (les méridiens et les vaisseaux). Toutefois, il suit en partie le trajet des méridiens, circulant dans l’espace compris entre la peau et les muscles, cou li.
Les «cou li» (expression souvent traduite de façon impropre par « pores ») sont les stries ou les compartiments situés entre la peau et les muscles. Ils ont pour fonction de servir de portail à l’entrée et à la sortie du Qi et des liquides, et donc de protéger contre l’invasion des facteurs pathogènes Externes. Selon Larre et Rochat de la Vallée (1986), les cou li, en tant qu’enveloppes les plus externes du Triple Réchauffeur, recouvrent le corps entier, mettant en relation la surface du corps et les organes internes. C’est ce qui explique l’efficacité de l’acupuncture et d’autres thérapies manuelles pour traiter les troubles internes, de même que la trace visible, à l’Extérieur du corps, de la présence de maladies des organes internes.
Dans les couches superficielles du corps, le Qi Protecteur (wei qi) circule dans la peau et la musculature superficielle, qu’il réchauffe, nourrit et fortifie. Par ces actions, il aide le corps à se défendre contre les facteurs pathogènes Externes, agissant essentiellement dans le domaine des méridiens musculaires (jing jin) (→ 1.4). Dans les couches profondes du corps, il joue un rôle important dans le fonctionnement du « diaphragme ». Selon Larre et Rochat de la Vallée (1986), celui-ci représente non seulement une barrière membraneuse entre le thorax et l’abdomen, mais on peut aussi le considérer comme un « sac de membranes » incluant et reliant le péritoine, la plèvre et le péricarde. Nielsen (1995) voit ce « réseau de creux » comme l’aspect interne du Triple Réchauffeur qui se relie à son aspect externe, les cou li. Selon cette interprétation, le Qi Protecteur (wei qi) serait aussi impliqué dans la protection du mésentère et dans celle des organes internes.
Selon le chapitre 75 du Ling Shu, la circulation du Qi Protecteur (wei qi) est cyclique, changeant entre le jour et la nuit, et inversement. A l’aube, lorsque le Yin est épuisé, le Yang Qi afflue aux yeux et les yeux s’ouvrent. De ce fait, le wei qi monte du talon, via le vaisseau (Yin) du Talon (yin qiao mai) vers les yeux, au point V-1 (jingming), et s’écoule dans le corps entier comme une cascade, en suivant les six grands méridiens Yang ; « il circule 25 fois dans le Yang ». Au crépuscule, lorsque le Yang Qi est épuisé, le wei qi pénètre dans l’Intérieur du corps et circule « 25 fois dans le Yin », selon le cycle de domination (cycle ke → 8.2.5) : du Rein, il va au Cœur, du Cœur il va au Poumon, du Poumon il va au Foie, du Foie il va à la Rate, puis il retourne au Rein. Voilà pourquoi le wei qi est en relation avec le cycle sommeil-veille : pendant le sommeil, il se retire plus profondément dans le corps, et pendant le jour, il circule dans les couches superficielles du corps. Deux merveilleux vaisseaux, le vaisseau Yin du Talon (yin qiao mai) et le vaisseau Yang du Talon (yang qiao mai) jouent un rôle important (→ 1.7, → chapitre 5) dans ce cadre. Si leur cycle est interrompu, la circulation du wei qi est bloquée et les troubles apparaissent. Le vaisseau Yin du Talon (yin qiao mai) monte, alors que le vaisseau Yang du Talon (yang qiao mai) descend, les deux se rencontrant aux yeux, au point V-1 (jingming) et formant un cycle semblable à celui du petit cycle céleste du vaisseau Conception (ren mai) et du vaisseau Gouverneur (du mai). Dans les méridiens, si le Yang Qi est en excès, il est drainé et entraîné dans le vaisseau Yang du Talon (yang qiao mai), alors « les yeux ne peuvent pas se fermer » et l’insomnie survient. Si le Yin Qi est en excès, il est drainé et entraîné dans le vaisseau Yin du Talon (yin qiao mai), alors « les yeux ne peuvent pas s’ouvrir » et la somnolence survient. Dans ces deux cas, il y a un déséquilibre relatif entre ces deux vaisseaux antagonistes.
Circulation du Qi Nourricier (ying qi)
Le Qi Nourricier (ying qi) circule dans les «mai». Les «mai» comprennent à la fois les méridiens principaux (jing mai) et les méridiens secondaires comme les méridiens de communication (luo mai, sun mai), les méridiens divergents (jing bie), les merveilleux vaisseaux et les Vaisseaux Sanguins. Partout où il y a des méridiens et des vaisseaux, le ying qi circule. Selon les chapitres 16 et 18 du Ling Shu, le ying qi circule constamment et continuellement.
Premier circuit du ying qi (→ Fig. 1.5)
Le premier circuit du ying qi englobe les 12 méridiens principaux. Le cycle commence au méridien principal du Poumon et se termine au méridien principal du Foie qui, à son tour, se relie au méridien principal du Poumon, fermant ainsi la boucle (→ Fig. 1.5). C’est le Réchauffeur Moyen qui fournit le ying qi et le distribue dans le corps entier. Selon certains textes classiques, le Qi des Aliments (gu qi) dérivé de la nourriture est transformé en Qi Nourricier (ying qi) exclusivement dans le Poumon, et non pas dans le Réchauffeur Moyen. Comme le trajet interne du méridien principal du Poumon prend naissance dans le Réchauffeur Moyen, ces deux positions ne sont pas contradictoires.
Les changements de polarisation Yin/Yang (le passage d’un méridien Yin à un méridien Yang et inversement) s’effectuent toujours au niveau de la main ou du pied (voir aussi → 1.2.2). Par exemple, l’énergie potentielle Yang monte du méridien Yin vers le méridien Yang, puis descend ensuite du méridien Yang vers le méridien Yin (→ Fig. 1.6).
Premier circuit du Qi Nourricier (ying qi) et horloge des Viscères
Le Qi Nourricier (ying qi) circule dans les 12 méridiens principaux selon un rythme circadien de 24 heures (→ Fig. 1.7), chaque heure chinoise, qui porte le nom de l’un des « rameaux terrestres » correspondant à deux heures occidentales (→ horloge détaillée des Viscères, Fig. 1.8).
Chaque créneau de deux heures favorise un méridien spécifique, autrement dit, chaque jour, pendant deux heures (occidentales), le flux d’énergie culmine dans un méridien précis. Durant cette période, le Qi de ce méridien s’accroît, déclinant ensuite au cours des deux heures qui suivent. Ce Qi ne va toutefois pas tomber en dessous d’un certain niveau, de sorte qu’il y a toujours une certaine quantité d’énergie qui s’écoule continuellement dans les méridiens.
Exemple : Le Qi du méridien principal de l’Estomac va commencer à se manifester de façon « plus puissante » lorsque le Qi du méridien du Gros intestin est très fort. C’est pourquoi le « flux » du méridien de l’Estomac se situe entre 5 et 7 heures, son apex entre 7 et 9 heures et son « reflux » entre 9 et 11 heures. Au moment de l’apex du méridien de l’Estomac, le méridien qui est à son opposé sur l’horloge des Viscères est à son point le plus bas (→ Fig. 8.3.7) ; ainsi, lorsque le méridien de l’Estomac atteint son maximum, le méridien du Maître du Cœur atteint son minimum.
La figure 1.8, représentant l’horloge détaillée des Viscères avec le circuit de 24 heures effectué par les 12 méridiens principaux, montre également la relation de ce circuit avec les rameaux terrestres et les hexagrammes du Yijing.
Second circuit du Qi Nourricier (ying qi)
Selon le chapitre 16 du Ling Shu, le Qi Nourricier (ying qi), après avoir circulé dans les 12 méridiens principaux, emprunte un trajet plus profond du méridien du Foie qui prend naissance au point F-14 (qimen), passe par le Poumon, la face postérieure du cou, les voies nasales internes et atteint DM-20 (baihui), puis suit le trajet du vaisseau Gouverneur (du mai) sur le dos et du vaisseau Conception (ren mai) sur la ligne médiane de l’abdomen. À peu près au niveau de RM-22 (tiantu), le ying qi atteint aussi le méridien du Poumon, qui traverse la fosse sus-claviculaire (à proximité de E-12). Ici, au début du méridien principal du Poumon, commence un nouveau circuit du ying qi dans les 12 méridiens principaux.
1.2 Les 12 méridiens principaux (jing zheng)
1.2.1 Contexte général
Synonyme : méridiens primaires, méridiens réguliers ; «zheng», traduit par « essentiel » (méridiens principaux) est également en relation avec les termes de « droit » et de « direct ».
Appellation chinoise des méridiens
Sens (voir aussi Þ 1.2.4, les six grands méridiens (liu jing)
Tai : signifie « plus grand », « plus haut ». L’énergie polarisée (Yang et Yin) évolue et atteint le maximum de son activité dans les méridiens tai yang et tai yin. C’est là qu’ils atteignent le sommet de leur polarité respective avant de commencer à décliner de nouveau.
Shao : signifie « moindre » ou « plus jeune ». L’énergie polarisée (Yang et Yin) est moindre dans les méridiens shao yang et shao yin que dans les méridiens tai yang et tai yin.
Ming : signifie « clair », « brillant », « radieux », « éclatant » (pour plus de détails, voir → 1.2.4, les six grands méridiens).
Jue : signifie « absolu », « terminal », « épuisé » mais également, selon Wiseman, « inversé ». L’énergie polarisée (Yin) du méridien jue yin représente la phase terminale du Yin ; à ce stade, la polarité devient Yang.
Composition du nom des méridiens
En chinois, le nom des méridiens indique :
Ainsi, les méridiens Yin ou Yang qui commencent ou se terminent à la main portent le nom de « méridiens principaux de la main » (shou jing zheng). Les méridiens Yin ou Yang qui commencent ou se terminent au pied portent le nom de « méridiens principaux du pied » (zu jing zheng) (→ Fig. 1.2).
1.2.2 Communication et connexions
Principes du système de méridiens principaux
Les 12 méridiens principaux parcourent le corps de façon bilatérale. Chaque méridien a son propre circuit, qui comporte un trajet interne, profond, et un trajet externe, plus superficiel.
On peut faire une distinction entre les méridiens Yin et les méridiens Yang qui sont couplés dans une relation Intérieur-Extérieur. Alors que chaque méridien est en relation avec l’Organe (zang) ou l’Entraille (fu) qui s’y rattache, il est également connecté à l’Organe du méridien avec lequel il est couplé dans la relation Intérieur-Extérieur.
Tous les méridiens Yin de la main commencent dans la région du thorax et se dirigent vers la main. Tous les méridiens Yang de la main commencent à la main et se dirigent vers la tête, où ils rencontrent les méridiens Yang du pied. Ceux-ci descendent vers les orteils, où ils rencontrent les méridiens Yin du pied, qui montent au thorax rencontrer les méridiens Yin de la main.
Pour mieux comprendre ce modèle, il faut imaginer une personne debout qui lève les bras au ciel. Dans cette position, tous les méridiens Yin vont vers le haut (phénomène Yang), tandis que tous les méridiens Yang vont vers le bas (phénomène Yin) (→ Fig. 1.10).
Chaque méridien est associé à des symptômes pathologiques spécifiques, ce qui représente un outil diagnostique important en pratique clinique (pour les pathologies spécifiques des méridiens, voir → chapitre 4).
Communication entre les méridiens et le système des Viscères (zangfu)
Les connexions (anastomoses) entre les méridiens ont pour fonction de permettre la communication entre le système des méridiens, de même qu’entre les méridiens et le système des Viscères. Cette relation Extérieur-Intérieur (biao-li) comporte les aspects suivants :
Communication de l’Intérieur vers l’Extérieur
Communication de l’Extérieur vers l’Intérieur
Chaque méridien Yang de la main commence à la main, se dirige vers la région thoracique, pénètre dans le thorax et se relie à Intérieur du corps à l’Entraille (fu) à laquelle il se rattache et à l’Organe (zang) Yin ou Yang avec lequel il est couplé (→ Fig. 1.11 c).
Chaque méridien Yang du pied commence au pied, pénètre dans l’abdomen et atteint l’Intérieur et l’Organe (zang), de même que l’Entraille (fu) Yin ou Yang auxquels il se rattache (→ Fig. 1.11 d).
Circuits des méridiens
On peut distinguer trois circuits dans le système des méridiens principaux, chacun comprenant quatre méridiens principaux. Deux des méridiens d’un même circuit sont localisés sur le côté Yin du corps, côté le plus antérieur (Intérieur), et deux se trouvent sur le côté Yang, côté le plus postérieur (Extérieur). Le méridien de l’Estomac (yang ming du pied, pour plus de détails → 1.2.3) est une exception à cette règle. Bien que la majeure partie de son trajet se déroule sur la face antérieure du corps, on le considère comme un méridien Yang (→ Fig. 1.12 et Fig. 1.13).
Connexions entre les méridiens principaux
Afin d’assurer une circulation ininterrompue (voir aussi → 1.1.4) à l’intérieur du système des méridiens principaux, il est nécessaire qu’il y ait des connexions entre chacun d’eux. Ces connexions sont présentées sous forme de graphique sur la figure 1.5.
Connexions Yin-Yang
Les connexions (anastomoses) entre les méridiens Yin et les méridiens Yang sont situées sur la main et le pied. Les méridiens se connectent le plus souvent au niveau de leur dernier point mais parfois aussi grâce à des branches qui partent du méridien principal. Ces connexions Yin-Yang sont les endroits où le Qi peut changer de polarité : le Yin Qi devient le Yang Qi et le Yang Qi devient le Yin Qi, ce qui crée un équilibre dynamique et permet une meilleure circulation du Qi. Les connexions Yin-Yang suivent l’ordre de la structure de base du rythme circadien (cycle de 24 heures).

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