1: Le PHTLS: hier, aujourd’hui et demain

Chapitre 1 Le PHTLS


hier, aujourd’hui et demain





Philosophie du PHTLS


Le PHTLS enseigne des connaissances qui incluent une compréhension de l’anatomie et de la physiologie, des compétences pour soigner les patients, la limitation du temps passé sur les lieux et des pertes de sang, ainsi que la nécessité d’amener le patient vers la salle d’opération le plus rapidement possible. Cette philosophie permet ou, plutôt, exige des intervenants qu’ils utilisent la « réflexion critique » pour prendre et appliquer des décisions qui permettront d’améliorer la survie des patients victimes de traumatismes. Le PHTLS ne forme pas à l’application de protocoles pour soigner les patients. Les protocoles sont une approche robotisée qui ne permet pas d’envisager de meilleures alternatives. Le PHTLS enseigne plutôt la compréhension des soins médicaux et la réflexion critique permettant d’atteindre ces objectifs. Chaque contact entre sauveteur et patient implique un ensemble unique de circonstances. Si l’intervenant comprend la base des soins médicaux et les besoins spécifiques d’un patient particulier, alors des décisions spécifiques au patient peuvent être prises en lui assurant les meilleures chances de survie.


Tout le processus pédagogique du PHTLS repose sur l’idée que les sauveteurs ne sont pas des techniciens médicaux exécutant des instructions venues d’« en haut », mais plutôt qu’ils ont un bon fonds de connaissances, qu’ils peuvent réfléchir de manière critique, et ont les compétences thérapeutiques requises pour assurer des soins de qualité aux patients. Le PHTLS ne « dit » pas aux sauveteurs que faire, mais il leur apporte les connaissances et les compétences appropriées pour réfléchir de façon critique à la meilleure prise en charge possible des patients traumatisés.


Pour un intervenant préhospitalier, les opportunités d’aider une autre personne sont plus nombreuses dans le cadre de la prise en charge de patients traumatisés que dans tout autre type de contact avec des patients. Le nombre de patients traumatisés est plus élevé que la plupart des autres populations de patients, et les chances de survie d’un patient traumatisé ayant reçu des soins de niveau élevé, aussi bien en préhospitalier qu’en intrahospitalier, sont probablement supérieures à celles de tout autre patient gravement malade. L’intervenant préhospitalier peut allonger la durée de vie et les années de productivité du patient traumatisé et en faire bénéficier la société en vertu des soins fournis. Les sauveteurs, au travers d’une prise en charge efficace, ont une influence significative sur la société.


Comprendre, apprendre et pratiquer les principes du PHTLS est plus bénéfique pour les patients que n’importe quel autre programme de formation [1]. Les faits suivants ont conduit à réviser et augmenter le chapitre 2 sur la prévention des blessures dans la nouvelle édition de ce livre.



Le problème


Les traumatismes sont la principale cause de décès chez les personnes âgées de 1 à 44 ans [2]. Environ 80 % des décès d’adolescents et 60 % des décès d’enfants sont liés aux traumatismes. Les traumatismes représentent la septième cause de décès chez les personnes âgées. Chaque année, trois fois plus d’Américains meurent suite à un traumatisme qu’il n’y a eu de morts au cours de la guerre du Vietnam et durant la guerre en Irak jusqu’en 2008. Tous les 10 ans, le nombre d’Américains qui meurent en raison d’un traumatisme est plus important que le nombre total de militaires morts au cours de l’ensemble des conflits dans lesquels les États-Unis ont été engagés. C’est seulement au-delà de l’âge de 50 ans que les cancers et les maladies cardiaques rivalisent avec les traumatismes comme principales causes de décès. Environ 70 fois plus de patients meurent chaque année de traumatismes pénétrants et fermés que de personnes mortes les premières années du conflit en Irak jusqu’en 2008 [3].


La prise en charge préhospitalière ne peut pas faire grand-chose pour améliorer la survie de patients ayant un cancer. Cependant, pour le patient traumatisé, les soins préhospitaliers peuvent souvent faire la différence entre la vie et la mort; entre une incapacité temporaire, sérieuse ou permanente; ou entre une vie productive et une vie de misère et d’aides de toutes sortes. Aux États-Unis, environ 60 millions de blessures surviennent chaque année, 40 millions d’entre elles nécessitant des soins médicaux, 2,5 millions des hospitalisations, et 9 millions de celles-ci étant des lésions invalidantes. Environ 8,7 millions de personnes seront handicapées temporairement, alors que 300 000 souffriront d’un handicap permanent [4,5].


Le coût de la prise en charge des patients traumatisés est effarant. Des milliards sont dépensés pour la prise en charge des patients traumatisés, ces coûts n’incluant pas les pertes de salaires, les coûts d’assurance, les dommages aux biens, ni les dépenses des employeurs. Le Conseil national de sécurité américain estime que l’impact économique en 2007, aussi bien pour les traumatismes mortels que les non-mortels est d’environ 684 milliards de dollars [6]. La perte de productivité des patients traumatisés invalides est équivalente à 5,1 millions d’années, pour un coût supérieur à 65 milliards de dollars. Pour les patients qui décèdent, 5,3 millions d’années de vie sont perdues (34 ans par personne) pour un coût de plus de 50 milliards. Comparativement, les coûts (mesurés en dollars et en années de vie perdues) pour les cancers et les maladies cardiaques sont nettement moindres, comme illustré dans la figure 1-1. Par exemple, la protection adéquate d’une fracture de la colonne cervicale par un intervenant préhospitalier peut faire la différence entre une tétraplégie définitive et une vie saine, productive et sans contraintes physiques. Les intervenants préhospitaliers rencontrent bien d’autres exemples de ce type presque tous les jours.



Les données suivantes proviennent du projet de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) intitulé Global Burden of Disease (2004) :




L’impact des lésions pouvant être évitées est mondial. Bien que les événements entraînant les blessures ou les décès puissent être d’étiologies différentes suivant les pays, les conséquences ne le sont pas. Les traumatismes sont un problème mondial. Tous ceux qui ont à prendre en charge des traumatismes ont l’obligation envers les patients d’éviter les blessures; il ne s’agit pas simplement d’être capable de les traiter après qu’elles soient survenues.


Une histoire souvent évoquée à propos d’un service de secours illustre ce point. Sur une longue route sinueuse de montagne, il y avait un virage où les véhicules dérapaient souvent pour dévaler 30 mètres plus bas. La commune sur laquelle se trouvait cette route prit la décision de faire stationner une ambulance en bas de cette zone dangereuse pour prendre en charge plus rapidement les patients impliqués. Une meilleure alternative aurait été de placer des glissières de sécurité le long de la route dans le virage afin d’abord et avant tout d’éviter la survenue d’accident.


Les soins aux patients traumatisés sont divisés en trois phases : le préévénement, l’événement et le postévénement. Les intervenants préhospitaliers ont des responsabilités dans chacune de ces trois phases.



Phase préévénementielle


Le traumatisme n’est pas un accident. Un accident est défini comme étant « un événement survenant par hasard ou pour des raisons inconnues », ou bien comme une « circonstance malheureuse résultant de l’imprudence, de l’inconscience ou de l’ignorance ». La plupart des décès et des blessures dus aux traumatismes correspondent à la seconde définition et peuvent être évités. Les accidents traumatiques sont classés en deux catégories : intentionnels et non intentionnels.


La phase préévénementielle implique des circonstances menant à la survenue d’un traumatisme. Dans cette phase, les efforts sont principalement concentrés sur la prévention des blessures. Par l’intermédiaire des mesures de prévention, l’intervenant préhospitalier doit éduquer le public à l’usage de la ceinture de sécurité dans les véhicules, promouvoir la réduction de l’usage d’armes dans les activités criminelles, et promouvoir les résolutions de conflits non violentes. En plus des soins aux patients traumatisés, les membres des équipes de soins ont tous une part de responsabilité dans la réduction du nombre de victimes. Actuellement, aux États-Unis, violence et traumatismes non intentionnels provoquent chaque année plus de décès que toutes les autres maladies combinées. La violence entre en ligne de compte dans plus d’un tiers de ces décès (figure 1-3). Les véhicules motorisés et les armes à feu sont impliqués dans plus de la moitié des décès d’origine traumatique, la plupart de ceux-ci pouvant être évités (figure 1-4) [8].




Les lois sur l’obligation du port du casque de moto sont un exemple de l’influence de la législation sur la prévention des blessures. En 1966, le Congrès américain donna au ministère des Transports l’autorisation de rendre obligatoire le port du casque à moto. Le port du casque a alors augmenté de manière substantielle jusqu’à atteindre presque 100 %, diminuant ainsi de façon très importante le taux de mortalité. En 1975, le Congrès abrogea cette loi. Plus de la moitié des États modifièrent la législation existante, ce qui eut pour conséquence d’augmenter le nombre de décès associés. Plus de la moitié des États ont alors annulé ou modifié la législation existante. À mesure que les États abrogeaient ou rétablissaient ces lois, le taux de mortalité changeait. Récemment, d’autres États ont abrogé plutôt qu’institué ces lois, ce qui a entraîné une augmentation du taux de mortalité en 2006 et 2007 [9]. Les décès de motards sont en augmentation alors que les décès d’automobilistes sont en diminution. L’augmentation des décès de motards a été de 11 % en 2006 [10]. La cause la plus probable de cette augmentation spectaculaire de la mortalité est le port moins fréquent du casque. Seuls 20 États sont dotés d’une loi obligeant le port du casque. Dans les États où cette loi existe, le taux de port du casque est de 74 %, alors que dans les États n’ayant pas de lois, ce taux est de 42 % [11]. La diminution du nombre d’États ayant une loi sur le port du casque constitue le principal facteur de la diminution de l’usage du casque de 71 % en 2000 à 51 % en 2006. En août 2008, la Secrétaire d’État aux transports, Mary Peters, a présenté une diminution du nombre de morts en voiture sur les autoroutes et une augmentation simultanée des décès de motards [12].


Un autre exemple de décès traumatique pouvant être prévenu concerne la conduite en état d’ivresse [13]. Du fait de la pression exercée pour modifier les lois sur le taux d’alcoolémie au volant, et au travers d’activités éducatives de certaines organisations comme l’association Mother Against Drunk Drivers, le nombre de conducteurs sous l’effet de l’alcool impliqués dans des accidents mortels a considérablement diminué depuis 1989.


Une autre manière d’éviter les traumatismes réside dans l’usage des sièges de sécurité pour enfants. De nombreux trauma centers, services de police et services de secours mettent en place des programmes pour enseigner aux parents comment installer et employer les sièges de sécurité pour enfants.


L’autre composante de la phase préévénementielle est la préparation des sauveteurs à la gestion des événements qui ne sont pas prévisibles. La préparation repose sur une formation complète et adaptée, avec des informations à jour des dernières connaissances dans le domaine. Il est aussi important de mettre à jour vos connaissances avec les pratiques médicales actuelles que de faire la mise à jour de votre ordinateur ou de votre téléphone portable. Il est également primordial de contrôler l’équipement à chaque prise de garde et de revoir avec vos équipiers les responsabilités individuelles ainsi que les attentes de chacun. Il est tout aussi important de revoir le déroulement de la prise en charge une fois sur place, que de décider qui va rouler avec le véhicule et qui restera dans le compartiment arrière avec le patient.




Phase postévénementielle


Évidemment, le devenir le plus dramatique après un événement traumatique est le décès du patient. Le Dr Donald Trunkey a décrit une catégorisation trimodale des décès d’origine traumatique [14]. La première phase de décès survient dans les premières minutes et jusqu’à une heure après l’accident. Ces décès surviendraient très probablement même avec une intervention médicale rapide. La meilleure façon de combattre ces décès est d’employer des stratégies de prévention et de sécurité. La deuxième phase survient dans les premières heures après l’accident. Ces décès peuvent être évités par une bonne prise en charge préhospitalière et des soins hospitaliers efficaces. La troisième phase apparaît plusieurs jours à plusieurs semaines après l’accident. Ces décès sont généralement dus à un syndrome de défaillance multiviscérale. Nous devons encore apprendre de nombreuses choses sur la façon de prendre en charge et d’éviter le syndrome de défaillance multiviscérale. Cependant, la prise en charge précoce et énergique de l’état de choc peut prévenir certains de ces décès (figure 1-5).



Le Dr R. Adams Cowley, fondateur du Maryland Institute of Emergency Medical Services, l’un des premiers trauma centers aux États-Unis, a décrit et défini ce qu’il a appelé la golden hour (heure d’or) [15]. Se fondant sur ses recherches, Cowley pensait que les patients qui reçoivent des soins définitifs rapidement après leur accident ont un taux de survie plus élevé que ceux pour lesquels ces soins sont retardés. Une des raisons de cette amélioration du taux de survie est la préservation de la capacité du corps à produire de l’énergie pour maintenir le fonctionnement de ses organes. Pour l’intervenant préhospitalier, cela se traduit par le maintien de l’oxygénation et de la perfusion, et par un transport rapide vers une structure équipée pour poursuivre le processus de réanimation en utilisant du sang et des produits plasmatiques et en n’élevant pas artificiellement la pression artérielle (< 90 mmHg) avec de grosses quantités de solutés cristalloïdes.


Un service d’urgence américain a un délai d’intervention moyen de 6 à 8 minutes (de l’alerte jusqu’à l’arrivée sur les lieux). Le délai moyen de transport vers l’hôpital receveur est de 8 à 10 minutes. Entre 15 et 20 minutes de l’heure d’or sont utilisés pour arriver sur les lieux et pour transporter le patient. Si les soins donnés sur les lieux sont inefficaces et mal organisés, 30 à 40 minutes supplémentaires peuvent être passées sur les lieux. Avec ce temps passé sur les lieux auquel s’ajoute le délai de transport, l’heure d’or s’est déjà écoulée avant même que le patient ne soit arrivé à l’hôpital, où les meilleures ressources d’un service d’urgence bien préparé sont disponibles pour le patient. Des études commencent à valider ce concept [16,17]. Une de ces études a montré que des patients dont l’état est critique ont un taux de mortalité significativement plus bas (17,9 % contre 28,2 %) lorsqu’ils sont transportés par un véhicule privé plutôt que par une ambulance [16]. Ce résultat inattendu était plus particulièrement dû au fait que les intervenants préhospitaliers passaient trop de temps sur les lieux. Dans les années 1980 et 1990, un trauma center a montré que, pour les victimes d’un accident de la circulation ou d’une plaie pénétrante, les services de secours passaient en moyenne 20 à 30 minutes sur les lieux.


Cela doit amener tous les intervenants à se poser les questions suivantes : « Est-ce que ce que je fais va être bénéfique pour le patient ? Est-ce que ce bénéfice justifie le risque de retarder le transport ? » Une des plus importantes responsabilités d’un intervenant préhospitalier est d’essayer de rester le moins longtemps possible sur les lieux. Durant les précieuses premières minutes, l’intervenant doit rapidement évaluer le patient, réaliser les manœuvres vitales et préparer le patient pour le transport. Depuis les années 2000, l’impulsion donnée par le PHTLS a permis de diminuer le temps passé sur les lieux et d’augmenter le taux de survie.


Une seconde responsabilité est de transporter le patient vers une structure appropriée. Le facteur le plus important pour la survie de tout patient est le temps qui s’écoule entre l’accident et les soins définitifs. Pour un patient en arrêt cardiaque, les soins définitifs sont la restauration d’un rythme cardiaque normal et d’une perfusion adéquate. Une réanimation cardiopulmonaire (RCP) ne constitue qu’une mesure transitoire. Pour un patient dont les voies aériennes sont obstruées, les soins définitifs sont la libération des voies aériennes et la restauration d’une ventilation adéquate. Le rétablissement d’une ventilation ou d’un rythme cardiaque normal par défibrillation est assez facilement obtenu sur le terrain. Cependant, avec le développement de programmes de types STEMI (prise en charge des infarctus du myocarde avec élévation du segment ST), le délai pour obtenir la dilatation des vaisseaux cardiaques impliqués est devenu plus important [1821].


La prise en charge de patients traumatisés est différente, mais le facteur temps est tout aussi essentiel, peut être même plus. Les soins définitifs sont habituellement le contrôle de l’hémorragie et la restauration d’une perfusion adéquate par remplacement de liquides aussi proches du sang que possible. L’administration de concentrés de globules rouges plasmatiques, à un ratio de 1 : 1 pour remplacer le sang perdu a produit des résultats impressionnants chez les militaires soignés en Irak et en Afghanistan, et maintenant dans le secteur civil. Ces solutés ne sont pas disponibles pour l’emploi sur le terrain, et constituent une autre raison de transporter rapidement vers un hôpital adapté. Le concept de réanimation contrôlée en route pour l’hôpital (voir le chapitre sur l’état de choc) a prouvé son utilité. L’hémostase (contrôle de l’hémorragie) ne peut pas toujours être réalisée sur le terrain ou au service des urgences; elle doit souvent être réalisée au bloc opératoire. Il est donc important de prendre en compte la durée du transport et les ressources humaines et techniques de l’hôpital receveur lors du choix de la destination du patient.


Un trauma center avec un chirurgien disponible soit avant soit peu de temps après l’arrivée du patient, une équipe bien formée et habituée à la prise en charge de patients traumatisés, et un bloc opératoire immédiatement disponible peuvent permettre qu’un patient ayant une hémorragie menaçant le pronostic vital soit pris en charge dans le quart d’heure suivant son arrivée à l’hôpital; cela peut faire la différence entre la vie et la mort.


Un hôpital sans ressources chirurgicales à demeure doit attendre l’arrivée du chirurgien et de son équipe avant de transférer le patient des urgences vers le bloc opératoire. Du temps peut alors être perdu avant que l’hémorragie ne puisse être contrôlée, entraînant de fait une augmentation de la mortalité (figure 1-6). Une augmentation significative de la survie se produit lorsque les patients traumatisés graves sont directement adressés dans un hôpital de type trauma center, plutôt que dans un hôpital de proximité [2229].


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May 27, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 1: Le PHTLS: hier, aujourd’hui et demain

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