Chapitre 1 Bases techniques de la mammographie
Les performances des détecteurs peuvent être caractérisées à partir de mesures souvent réalisées dans des conditions de laboratoire. Elles s’expriment à partir de la fonction de transfert de modulation (FTM), du spectre de bruit (NPS) et de l’efficacité quantique de détection (EQD). Il est difficile d’établir un lien direct entre ces descripteurs de performances et la qualité clinique de l’image telle qu’elle peut être perçue par un observateur. Pour cette raison, la qualité globale de l’image est souvent évaluée au travers d’images d’objets tests contraste–détail ou de fantômes anthropomorphiques en utilisant des paramètres techniques d’acquisition proches de ceux utilisés en clinique et permettant une tâche d’interprétation identique à celle rencontrée en situation clinique. La qualité de l’image ne doit pas être évaluée seule mais en fonction de la dose délivrée. En effet, si la qualité de l’image est améliorée en fonction de la dose du fait de l’augmentation du rapport signal à bruit, elle doit être maîtrisée à un niveau aussi faible que possible pour garantir sa qualité diagnostique et limiter les risques stochastiques de cancers radio-induits, liés à l’utilisation des rayonnements ionisants. L’optimisation est de ce fait une exigence absolue d’autant plus que la mammographie est utilisée dans le cadre du dépistage ce qui requiert une attention particulière.
Constitution d’une chaîne de mammographie
Mammographe
Un mammographe moderne (fig. 1.1) est constitué d’un statif autorisant le déplacement vertical et la rotation du bras de l’appareil pour s’adapter à la morphologie de la patiente et réaliser les différentes incidences mammographiques. Le bras est lui-même composé du tube RX, de la pelle de compression motorisée et du potter renfermant la grille anti-diffusante, le récepteur et l’exposeur automatique.
Géométrie
Les mouvements, de translation et de rotation du bras, doivent assurer une grande maniabilité de l’ensemble et l’ergonomie nécessaire pour maintenir un positionnement correct du sein pour les différentes incidences.
Faisceau
Du fait du faible contraste objet présenté par le sein, il est nécessaire de rechercher le contraste image maximum en utilisant un faisceau de RX de basse énergie. Celui-ci est généré par un tube RX composé de deux foyers (un gros foyer de taille nominale ≤ 0,4 et un foyer fin de taille nominale ≤ 0,15 utilisé pour les clichés en agrandissement) et d’une ou deux pistes d’anode. L’anode est généralement en molybdène (Mo) ou en rhodium (Rh) ou encore en tungstène (W) avec des filtrations permettant d’adapter la qualité du faisceau (fig. 1.2).
Récepteur
Mammographie analogique
En mammographie analogique, l’acquisition de l’image se fait à l’aide d’un couple écran–film contenu dans une cassette aux dimensions standard, 18 cm × 24 cm ou 24 cm × 30 cm, choisie en fonction du volume mammaire. Après la génération du faisceau de RX, les photons X transmis à la sortie du sein sont convertis en photons lumineux par les écrans renforçateurs des récepteurs. Cette information est enregistrée dans la couche d’émulsion du film ce qui constitue l’image latente. Le film est ensuite développé et interprété sur un négatoscope.
Mammographie numérique
Les définitions des principaux termes techniques concernant la mammographie numérique sont présentées dans l’annexe 1.1.
En mammographie numérique, le processus complet est plus complexe et fait appel à un détecteur numérique [1]. L’obtention d’une image numérique peut être décrite en cinq étapes :
• génération du faisceau de RX ;
• transmission du faisceau à travers le sein ;
• détection des photons transmis et codage numérique de l’information ;
• traitement post-acquisition des données ;
• détection : le détecteur doit avoir une large gamme dynamique et une efficacité d’absorption des RX aussi élevée que possible afin de produire des images de grande qualité quel que soit le niveau de dose ;
• codage numérique des données : après l’acquisition, résolution et contraste sont généralement adaptés dans le processeur afin d’améliorer la qualité de l’image numérique produite et par conséquent leur acceptation clinique ;
• affichage : finalement le post-traitement de l’image numérique prend place juste avant que les informations ne soient présentées au radiologue. Cependant, le diagnostic n’est pas effectué à partir des données numériques mais sur une image analogique imprimée sur un reprographe laser ou directement affichée sur une console d’interprétation.
Détecteurs
Récepteur analogique
La formation de l’image analogique requiert l’utilisation d’un couple écran–film adapté à l’examen réalisé (fig. 1.3). Le choix du couple écran–film et les conditions de développement déterminent a priori les caractéristiques de l’image. Le film est constitué d’un support recouvert sur ses faces d’une couche d’émulsion argentique composée essentiellement de bromure d’argent. Cette émulsion étant très peu sensible aux RX, on met au contact des couches d’émulsion des écrans renforçateurs qui vont convertir les RX incidents en lumière et impressionner le film. Une cassette, contenant le couple écran–film, permet de protéger le film de la lumière ambiante et d’assurer la mise en contact intime des écrans avec l’émulsion. Le film, monocouche, est couplé à un écran renforçateur postérieur (voir fig. 1.3) qui permet d’obtenir la résolution spatiale suffisante pour visualiser des petites microcalcifications. Dans cette disposition, l’interaction des photons incidents se produit dans les couches superficielles de l’écran postérieur limitant la dispersion de la lumière émise avant l’impression de l’émulsion située au contact de l’écran.
Toutefois, la sensibilité du récepteur diminue et il peut y avoir des artéfacts d’arrachement liés au développement. Les conditions de développement du film sont critiques pour la qualité de l’image obtenue. Le couple écran–film a longtemps été considéré comme le récepteur de référence en mammographie et seuls les détecteurs numériques les plus récents le concurrencent aujourd’hui [2].
Détecteurs numériques
Deux technologies de détections numériques sont disponibles (fig. 1.4) : la technologie CR (computed radiography) qui utilise des détecteurs amovibles, les écrans radioluminescents à mémoire (ERLM), et la technologie DR (direct radiography) qui utilise des détecteurs numériques constitués de pixels. La technologie DR englobe plusieurs types de détecteurs dédiés qui peuvent être classés en fonction du processus d’obtention du signal électrique soit par conversion indirecte soit par conversion directe. De plus, pour chaque catégorie de conversion, il existe des détecteurs plans plein champ ou des systèmes à balayage (fig. 1.5).
Écrans radioluminescents à mémoire (ERLM)
Un système CR est composé d’une cassette acceptant un écran ERLM, d’un lecteur, d’une station informatique, d’une console de diagnostic pour l’interprétation et d’un reprographe laser permettant l’impression sur film. Ce détecteur est produit dans les formats standard des cassettes utilisées en mammographie. Il est donc compatible avec tous les mammographes analogiques.
Le principe physique de base utilisé est l’émission lumineuse photo-stimulée. Au cours de l’irradiation (fig. 1.6), en chaque point de l’écran, les électrons, créés en quantité proportionnelle à l’exposition dans la couche de phosphore, sont piégés dans les défauts de la structure cristalline où ils demeurent dans un état stable constituant ainsi une image latente. De ce point de vue et par analogie avec les films, les écrans ERLM enregistrant une image latente peuvent être qualifiés de détecteurs passifs. La lecture se fait à l’aide d’un faisceau laser : en chaque point de l’écran, la quantité de lumière émise, proportionnelle à l’exposition, est recueillie grâce à un guide de lumière avant d’être transformée en signal électrique par un photomultiplicateur pour être finalement convertie en signal numérique. La taille de chaque plage d’échantillonnage (sampling aperture) dépend de la finesse du faisceau laser employé. Suite à sa lecture, l’écran ERLM est réutilisable après avoir été exposé à un éclairement lumineux intense d’initialisation qui supprime toute information résiduelle restée stockée au sein de la structure cristalline après la lecture.
Récemment, les plaques ont été améliorées grâce à l’utilisation de cristaux structurés en aiguille.
Systèmes à conversion indirecte
Dans la technologie DR à conversion indirecte, l’étage d’entrée du détecteur est composé par un scintillateur (fig. 1.7) qui va permettre la conversion des photons X incidents en photons lumineux qui seront ensuite convertis en charge électrique grâce à l’utilisation de photodiodes sur une matrice TFT ou d’éléments CCD [3]. La charge électrique de chaque pixel est ensuite numérisée par un convertisseur analogique–numérique pour constituer l’image numérique. En raison de la construction, chaque pixel de la matrice TFT présente une sensibilité individuelle avec un certain taux de pixels muets, ce qui constitue un inconvénient lié à ce type de technologie. De plus, l’électronique est sensible à l’irradiation qui va créer des défauts supplémentaires au cours du temps, donc un taux de pixels muets qui va augmenter progressivement avec le vieillissement du détecteur.
Détecteurs plans plein champ à lecture électronique
La partie active du pixel est composée d’une photodiode, convertissant la lumière en charges électriques, et de l’électronique à transistor en couche mince (TFT) permettant la lecture de la charge stockée. Chaque ligne de la matrice active peut être adressée individuellement autorisant de collecter la charge électrique stockée sur chaque pixel pour obtenir ainsi une image numérique après l’étape de conversion analogique–numérique.
Systèmes à balayage
Dans cette approche, l’acquisition est réalisée par le balayage synchronisé d’un faisceau RX fortement collimaté en éventail et du détecteur couvrant la région à explorer [3, 4].
Si l’utilisation d’un faisceau collimaté par une fente permet de réduire de façon drastique les photons diffusés atteignant le détecteur et ainsi d’éviter l’utilisation d’une grille anti-diffusante procurant potentiellement une réduction significative de la dose absorbée, ce système a l’inconvénient de nécessiter une charge très importante sur le tube du fait de la faible proportion utilisée du faisceau de RX généré.
En collimatant le faisceau par une fente large (slot) [4], il est possible d’acquérir un grand nombre de lignes simultanément (par exemple, 200 lignes de 50 μm) et ainsi de faire une meilleure utilisation du faisceau RX. Dans ce cas, le scintillateur se présente sous la forme d’une bande couplée optiquement au détecteur matriciel 2D à CCD. Grâce à un couplage optique sans réduction, la lumière émise par le scintillateur est collectée sur les éléments CDD aboutés. La durée complète du balayage, généralement de 4 à 5 secondes, pourrait affecter le confort de la patiente et résulter en un flou cinétique mais il faut considérer que le risque de flou cinétique est plutôt lié au bref temps de passage (200 ms environ) du détecteur au-dessus de chaque point.
Systèmes à conversion directe
Contrairement à la technologie à conversion indirecte, la radiographie numérique à conversion directe (fig. 1.8) ne nécessite pas l’étape intermédiaire de conversion du faisceau de photons X en lumière.
Détecteurs plans plein champ à lecture électronique
Le détecteur est composé généralement d’un matériau photoconducteur de sélénium amorphe (aSe) [5, 6]. La couche sensible du détecteur est soumise à une haute tension qui la polarise créant l’apparition d’un champ électrique intense au sein du milieu de détection. L’irradiation crée des paires électrons–trous par ionisation au sein de la couche sensible. Les électrons créés sont collectés sur une électrode, sans dispersion latérale sous l’action du champ électrique généré. Ainsi de principe, la conversion directe garantie une résolution spatiale élevée. Ces charges sont directement stockées dans chaque pixel agissant comme un condensateur pour être ensuite converties en signal électrique, lors du cycle de lecture, par une couche électronique (TFT) avant d’être numérisées par un convertisseur analogique–numérique.
Détecteurs plans plein champ à commutation optique
Un nouveau type de détecteur à conversion directe et à lecture par commutation optique (fig. 1.9) a récemment été développé [6, 7].
Après l’irradiation, le champ électrique régnant au sein de la couche épaisse PCL est supprimé. Il en résulte (fig. 1.10) l’apparition de charges électriques positives sur l’électrode de polarisation de la couche épaisse PCL et sur les électrodes transparentes et opaques créant ainsi l’apparition d’un champ électrique au sein de la couche mince PCL de lecture.