Toutes les « psychoses aiguës » que nous venons de décrire s’ordonnent relativement à une hiérarchie des structures du champ de la conscience dont elles représentent les « niveaux de déstructuration ».
La conscience, en effet (cf. Henri Ey, La Conscience, Presses Universitaires de France, Paris, 1968), est l’ordre même que le sujet en tant que Moi instaure dans sa propre expérience et dans sa propre existence. L’être conscient pour autant qu’il se constitue comme sujet de sa propre expérience organise son champ d’actualité en expériences successives qu’il vit ; le champ de la conscience apparaît, en effet, à travers l’analyse spectrale de sa pathologie comme une résultante des activités qui règlent l’actualisation du vécu et composent l’organisation temporo-spatiale de l’expérience immédiate de l’ « être-au-monde-là-maintenant ». Mais l’être conscient en tant qu’il se constitue comme sujet transcendental, ou si l’on veut transactuel de son existence, c’est-à-dire en Moi (ou en Personne), organise le système de ses relations, de ses fins et de ses valeurs propres. Ces deux structures « synchronique » et « diachronique » complémentaires de l’être conscient (champ de la conscience et trajectoire de la personnalité) sont elles-mêmes dans un rapport naturel de subordination tel que l’organisation du champ de la conscience constitue le socle de l’organisation de la Personne qui à son tour d’ailleurs se réfléchit dans chacune de ses expériences.
L’organisation du champ de la conscience…
Dans une telle perspective on comprend bien que à la déstructuration du champ de la conscience correspondent des « expériences » qui, sur le chemin qui va de la pensée vigile (et raisonnablement ordonnée par rapport au système du Moi) à la pensée du dormeur qui rêve, constituent des modalités d’imaginaire échappant au principe de réalité pour se soumettre davantage au principe de plaisir. C’est en ce sens que la théorie psychanalytique du rêve s’applique non seulement au rêve du sommeil, mais aux formes de rêves ou de rêveries vécues sur un mode pathologique. Cette modalité de délire (de delirium au sens large du terme) qui englobe toutes ces formes et niveaux de psychoses aiguës, diffère (sans s’en séparer radicalement) des modalités de délire manifestant l’altération de la personnalité (les formes d’ « aliénation » que nous étudierons plus loin et qui forment le gros contingent des psychoses chroniques, et à un degré moins marqué d’aliénation bien sûr, les névroses).
… permet de comprendre les formes variées de sa désorgaisation…
… comme le démontrent l’action progressive des toxiques et léchelle régressive des effets dus aux « poisons de la conscience ».
Il est vrai, en effet, que les affections comitiales (dont nous venons de rappeler les multiples variétés psychopathologiques) se caractérisent sous leur aspect psychiatrique (confusion, état crépusculaire, état dépressif ou de dépersonnalisation, etc.) et sous leur aspect paroxystique ou intercritique, par toute une gamme d’états allant de la confusion jusqu’aux troubles thymiques de type maniaco-dépressif en passant par tous les états de délire hallucinatoire ou de dépersonnalisation de type crépusculaire ou oniroïde. Et ceci constitue une démonstration expérimentale de l’unité de cette pathologie de la déstructuration du champ de la conscience.