2. Techniques d’enregistrement
L’enregistrement d’un échocardiogramme par la voie transthoracique (ETT) se fait chez un sujet installé en décubitus dorsal, thorax légèrement surélevé ou en décubitus latéral gauche, la main gauche derrière la nuque (voir figure 1.1a). La sonde ultrasonore est appliquée sur le thorax du patient examiné et dirigée vers son cœur selon des règles bien définies. Un gel hydrosoluble appliqué sur la peau facilite la transmission des ultrasons entre la sonde et le patient.
L’examen dure en moyenne de 10 à 30 minutes selon les informations recherchées. Il existe plusieurs techniques d’enregistrement, comportant l’imagerie et le Doppler cardiaque (figure 2.1).
Figure 2.1 |
Techniques classiques
L’examen échographique est réalisé selon trois techniques principales : monodimensionnelle, bidimensionnelle et Doppler, qui sont complémentaires et devraient être utilisées conjointement (figure 2.1).
Échocardiographie monodimensionnelle (TM)
C’est une représentation graphique des mouvements des diverses structures cardiaques rencontrées par le faisceau étroit d’ultrasons, en fonction du temps (Temps-Mouvement : TM). L’exploration se fait selon l’axe du faisceau, donc dans une seule dimension.
Classiquement, la sonde ultrasonore est placée au bord gauche du sternum, le plus souvent dans le 3e ou 4e espace intercostal. En cas de couplage habituel avec une imagerie bidimensionnelle, un faisceau linéaire peut être sélectionné pour l’analyser selon le mode TM. La ligne de tir TM est superposée sur l’image 2D et positionnée sur la zone à étudier.
En effectuant un balayage de l’apex vers la base du cœur, les structures cardiaques peuvent être enregistrées de façon continue et analysées selon trois incidences classiques : transventriculaire, transmitrale et transaortique (figure 2.2). Le tracé TM comporte deux échelles : une échelle verticale en profondeur formée par des points dont l’écartement représente 10 mm, et l’échelle horizontale de temps. En routine, la vitesse d’enregistrement des tracés est de 50 mm/s.
Figure 2.2 |
Incidence transventriculaire
Elle est enregistrée en dessous du bord libre des valves mitrales (figure 2.3a).
Figure 2.3 |
Les structures suivantes sont détectées d’avant en arrière :
• la paroi thoracique antérieure (Th) ;
• la paroi antérieure du ventricule droit ;
• la cavité ventriculaire droite (VD) ;
• le septum interventriculaireSeptuminterventriculaire (SIV) avec son mouvement systolique postérieur ;
• la paroi postérieure du VG (PP) avec son mouvement systolique antérieur ;
• l’épicarde accolé au péricarde qui réfléchit un écho plus fort.
Cette incidence permet de mesurer :
• en télédiastole (début de l’onde Q de QRS) :
– le diamètre du VD (n=7-23 mm) ;
– l’épaisseur du SIV (n=6-11 mm) ;
– le diamètre du VG (n=38-56 mm) ;
– l’épaisseur de la PP (n=6-11 mm) ;
• en télésystole : le diamètre du VG (à l’endroit de la contraction maximale du SIV (n=22-40 mm). Ces valeurs normales concernent le sujet examiné en décubitus dorsal. En décubitus latéral gauche, le diamètre du VD est légèrement majoré (n=9-26 mm).
Les autres mesures possibles sont les suivantes :
• la fraction de raccourcissementFractionde raccourcissement systolique du VG (FR), obtenue par le rapport :
– DTD : diamètre télédiastolique du VG ;
– DTS : diamètre télésystolique du VG.
Cet indice permet d’évaluer la fonction systolique globale ventriculaire gauche, à condition qu’il n’existe pas de trouble localisé segmentaire de la cinétique des parois ou de mouvement anormal paradoxal du septum interventriculaire (bloc de branche gauche, pontage coronarien, remplacement valvulaire, surcharge ventriculaire droite…). Il s’agit d’un paramètre simple à calculer, bien corrélé à la fraction d’éjection angiographique, et utilisé quasi systématiquement. La FE calculée au TM est valable pour le VG se contractant de façon homogène. En tous cas, il faut répéter et moyenner les mesures ;
• le rapport des épaisseurs télédiastoliques des parois du VG : SIV/PP (n=0,9-1,3) ;
• l’épaisseur pariétale relative : EPR (voir p. 185) ;
• les Volumeventriculairevolumes ventriculaires (V), calculés selon deux formules mathématiques :
– Formulede Teicholzformule du cube : le VG est assimilé à un ellipsoïde de révolution dont le grand axe (L) est le double du petit axe (D) :
En pratique, le diamètre du VG mesuré au TM (DTD, DTS) est assimilé au petit axe D.
Quelle que soit la formule utilisée, elle n’est fiable qu’en cas d’homogénéité de la contraction globale du VG ;
• la Fractiond’éjectionfraction d’éjection (FE) calculée à partir des volumes télédiastoliqueVolumetélédiastolique (VTD) et télésystoliqueVolumetélésystolique (VTS) du VG, obtenus par les formules décrites ci-dessus :
• la Massemyocardiquemasse myocardique du VG (voir p. 184).
La technique TM anatomiqueTM anatomique (voir p. 210) est particulièrement intéressante dans le cas de l’incidence TM transventriculaire oblique. Elle permet de corriger la surestimation des mesures TM du VG (figure 2.4).
Figure 2.4 |
Incidence transmitrale
Le faisceau d’ultrasons traverse les deux valves mitrales. On enregistre les mêmes structures cardiaques que dans l’incidence transventriculaire avec, en plus, les valves mitrales qui apparaissent comme des structures fines intraventriculaires gauches, présentant un mouvement caractéristique pendant le cycle cardiaque (figure 2.3b).
Cinétique mitrale diastolique
La grande valve mitrale (gvm) se déplace vers l’avant et s’inscrit selon une courbe en forme de M avec deux ondes :
• l’onde E d’ouverture protodiastolique de la gvm synchrone avec le remplissage rapide protodiastolique du VG ;
• l’onde A (atriale) de réouverture télédiastolique de la gvm lors de la systole auriculaire, synchrone avec le remplissage présystolique du VG.
Généralement, l’onde A est de moindre amplitude que l’onde E. La pente EF correspond à un mouvement postérieur plus lent de la gvm qui est dû à l’élévation de la pression de remplissagePressionde remplissage du VG et à la chute de la pression de l’OG, qui tendent à refermer la valve mitrale. Lorsque la diastole est longue, la valve reste en position de fermeture partielle mésodiastolique.
La petite valve mitrale (pvm) se déplace vers l’arrière et dessine un aspect en W (mouvement en miroir). L’amplitude de déplacement de la pvm est inférieure à celle de la gvm.
Cinétique mitrale systolique
Pendant la systole ventriculaire, les valves sont accolées et suivent le mouvement antérieur de l’anneau mitral (segment CD légèrement ascendant).
Mesures
Ces mesures réalisées autrefois ont perdu leur utilité pratique avec l’introduction du mode Doppler :
• amplitude DE d’ouverture protodiastolique de la gvm (n=17-30 mm) ;
• amplitude EE′ d’écartement maximal des valves (n=35-55 mm) ;
• vitesse de la pente EF (n=70-l50 mm/s) ;
• distance E-SIV (n=4-8 mm).
Incidence transaortique
On enregistre d’avant en arrière (figure 2.5a) :
• la paroi thoracique antérieure ;
• la paroi antérieure du VD ;
• la chambre de chasse du VD ;
• les valves sigmoïdiennes aortiques ;
• la paroi postérieure de l’aorte qui fait suite à la grande valve mitrale (continuité mitro-aortique) ;
• la cavité auriculaire gauche (OG) ;
• la paroi postérieure de l’oreillette gauche.
Figure 2.5 |
Les deux échos des parois aortiques sont parallèles ; le tracé est ascendant en systole et descendant en diastole. Seules deux des trois sigmoïdes sont enregistrées au sein de la lumière aortique. Le plus souvent, il s’agit de la sigmoïde antéro-droite (sad) (écho antérieur) et de la sigmoïde postérieure non coronaire (spnc) (écho postérieur).
Cinétique sigmoïdienne
En systole, les sigmoïdes s’écartent l’une de l’autre pour dessiner un aspect rectangulaire « en boîte ». L’écart intersigmoïdien varie peu pendant toute la durée de la systole.
Mesures
• Diamètre télédiastolique de l’aorte (n=20-37 mm).
• Écartement protosystolique des sigmoïdes aortiques (ouverture sigmoïdienne) (n=16-25 mm).
• Diamètre télésystolique (antéropostérieur) de l’OG (n=18-40 mm).
Les incidences appropriées du faisceau ultrasonore permettent d’étudier les valves tricuspide et pulmonaire :
• le tracé tricuspidien est comparable au tracé mitral (figure 2.5b) ;
• le tracé de la valve pulmonaire (figure 2.5c) concerne habituellement la sigmoïde postérieure :
– en diastole, elle dessine un écho légèrement descendant (pente e-f), traduisant le déplacement postérieur de la valve et de l’anneau pulmonaire lors du remplissage du VD. En télédiastole, l’onde a (encoche convexe vers le bas de 3 à 6 mm d’amplitude) est due au bombement de la valve pulmonaire lors de la systole auriculaire droite ;
– en systole, la valve s’ouvre rapidement (segment b-c), reste ouverte pendant l’éjection (segment c-d) et puis se ferme (segment d-e).
L’enregistrement de la valve pulmonaire est le plus souvent incomplet et limité à la phase diastolique.
Échocardiographie bidimensionnelle (2D)
Cette technique permet d’explorer le cœur en deux dimensions (2D) et en temps réel (fréquence d’images : environ 50/s). Elle fournit une coupe anatomique du cœur en mouvement dans un plan donné.
Les ultrasons émis par la sonde balayent les structures cardiaques dans un secteur angulaire choisi (de 30 à 110°), d’où une image bidimensionnelle en forme d’arc de cercle. Ce balayage sectoriel est réalisé grâce à la technique dite sector scan électronique à décalage de phase : l’image 2D résulte de l’activation électronique décalée à grande vitesse de nombreux cristaux piézoélectriques les uns après les autres. Ce système permet l’utilisation simultanée de l’écho TM en conservant l’imagerie dynamique 2D.
Une technique innovante d’acquisition parallèle multifaisceaux numérique du signal ultrasonore permet d’obtenir une cadence image et résolution élevée pour une meilleure visualisation des mouvements des valves et des parois.
La mise au point de l’imagerie d’harmonique constitue un progrès technologique considérable dans l’obtention d’images de qualité (voir p. 209).
L’examen échographique en mode 2D consiste à appliquer la sonde ultrasonore en différents endroits de la poitrine du patient examiné.
Il existe 4 voies d’abord principales en échographie 2D : parasternale gauche, apicale, sous-costale et sus-sternale, permettant d’obtenir les diverses coupes du cœur (Figure 2.6 and Figure 2.7).
Figure 2.6 |
Figure 2.7 |
Voie parasternale gauche
La sonde est placée au bord gauche du sternum (4e ou 5e espace intercostal) chez un patient allongé en décubitus latéral gauche. Par cette voie, les structures cardiaques peuvent être explorées suivant deux axes du cœur : le grand axe (coupe longitudinale) et le petit axe (coupes transversales).
Coupe longitudinale
Le plan de la coupe orienté vers l’épaule droite est aligné avec le grand axe du cœur (figure 2.8).
Figure 2.8 |
Cette coupe permet d’étudier :
• la chambre de chasse du ventricule droit ;
• la racine de l’aorte ascendante avec deux sigmoïdes aortiques : antéro-droite (sad) et postérieure non coronaire (spnc), qui sont visibles en diastole sous forme d’un écho médian, fin et unique ; elles s’ouvrent largement en systole sans s’accoler cependant aux parois aortiques ;
• le septum interventriculaire en continuité avec la paroi antérieure de l’aorte ;
• le ventricule gauche ;
• la valve mitrale, avec la grande valve (gvm) en continuité avec la paroi postérieure de l’aorte, et la petite valve (pvm) en continuité avec la paroi postérieure de l’oreillette gauche. L’anneau mitralAnneaumitral est défini par un plan passant par la racine de la gvm et l’insertion de la pvm sur la paroi postérieure du VG :
– en diastole, la gvm s’ouvre largement en direction du septum et la pvm en direction de la paroi postérieure du VG ;
– en systole, la valve mitrale se ferme, entraînant la coaptation de ses valvules en avant du plan de l’anneau mitral ;
• les cordages de la mitrale émanant du muscle papillaire postéro-médian (PPM) ;
• l’oreillette gauche en arrière de l’aorte ;
• la paroi postérieure du ventricule gauche tapissée de son péricarde ;
• l’aorte thoracique descendante en section transverse.
Coupes transversales
Elles sont obtenues par une rotation horaire de la sonde de 90° par rapport à la coupe longitudinale. Trois coupes sont réalisées par une inclinaison successive de la sonde de la base vers l’apex du cœur (figure 2.9) : transaortique, transmitrale, transventriculaire.
Figure 2.9 |
Coupe transaortique
Elle est centrée par la racine aortique et ses trois sigmoïdes (figure 2.9a). Les commissures sigmoïdiennes dessinent, en diastole un aspect caractéristique en Y, qui s’efface en systole. En avant, l’aorte est croisée par le ventricule droit, limité à gauche par la valve tricuspide et à droite par la valve pulmonaire. En arrière de l’aorte, on voit l’oreillette gauche et l’oreillette droite séparées par le septum interauriculaireSeptuminterauriculaire (SIA).
L’angulation appropriée de la sonde permet d’étudier, en outre, le tronc de l’artère pulmonaire (TAP) avec ses branches (voir figure 2.13). L’origine de l’artère coronaireArtère coronaire gauche est parfois également visible.
Figure 2.10 |
Figure 2.11 |
Figure 2.12 |
Figure 2.13 |
Coupe transmitrale
Cette coupe visualise les deux valves mitrales au centre de la cavité ventriculaire gauche, la grande valve (gvm) en avant et la petite (pvm) en arrière (figure 2.9 b).
En diastole, les valves s’écartent largement l’une de l’autre, la grande se rapproche du septum interventriculaireSeptuminterventriculaire, et la petite valve de la paroi postérieure du VG. L’image obtenue de l’orifice mitral est ovalaire : les deux commissures, antérolatérale (CAL) et postéromédiane (CPM), forment les deux extrémités de cette ellipse.