Présentation théorico-clinique du modèle de Palo Alto

26. Présentation théorico-clinique du modèle de Palo Alto



Les origines


Issu d’une famille anglaise cultivée d’une lignée de scientifiques, Gregory Bateson se démarque un peu de la tradition familiale en orientant ses études vers l’anthropologie. Il effectue plusieurs voyages entre autres vers les Galápagos et la Nouvelle-Guinée. C’est dans ce dernier pays qu’il observe et étudie une tribu, les Iatmul, au travers d’une cérémonie initiatique, le « Naven », qui a fait l’objet de son premier ouvrage de recherche. Il découvre que le comportement d’un individu est déterminé par les réactions de l’entourage et n’est donc pas seulement lié à la sphère intrapsychique. Il appelle schismogenèse ce mode d’adaptation et de régulation relationnelle. À partir de ce concept, Paul Watzlawick développe plus tard les notions de relations de type complémentaire ou symétrique.

Par la suite, Gregory Bateson participe aux conférences Macy qui rassemblent des spécialistes de diverses disciplines. C’est lors de ces échanges que s’élabore une nouvelle science : la cybernétique, avec les notions de feed-back et d’autorégulation.

Il élabore une théorie de l’apprentissage (à quatre niveaux) à partir de laquelle on peut comprendre les types de changement à opérer.

Il étudie aussi la communication, c’est-à-dire la façon dont l’individu traite l’information, s’intéressant entre autres à la notion de redondance. Il observe qu’il existe plusieurs niveaux d’abstraction différents dans un message (et certains messages qualifient d’autres messages). Or, le mélange de deux niveaux d’abstraction engendre une situation paradoxale (Épiménide le Crétois dit : « Tous les Crétois sont des menteurs »). Se référant alors à la théorie des types logiques (Russell et Whitehead), il l’applique à la communication qui comprend elle aussi un mélange de niveaux logiques dans certains cas (humour, etc.) qui crée des paradoxes.

La théorie générale des systèmes vient étayer les prémisses réflexives de Bateson sur l’importance de l’interaction (on comprend un système non à partir de ses éléments constitutifs, mais plutôt grâce à la manière dont ces éléments s’agencent entre eux et interagissent).

Les principes des systèmes ouverts (totalité, rétroaction, équifinalité, homéostasie) sont appliqués à la famille vue comme un système régi par des règles qui sont le fondement des interactions familiales.

Au début des années 1950, il peut mettre en œuvre un projet de recherche.


Projet de recherche : « Étude du rôle des paradoxes et de l’abstraction dans la communication humaine »


Les premiers objets d’étude ont entre autres concerné l’humour ainsi que les relations des schizophrènes et de leurs familles. Bateson constitue une équipe avec John Weakland (ingénieur chimiste), Jay Haley (communication) et William Fry (interne en psychiatrie) à laquelle vient se joindre Donald Jackson (psychiatre). Leur recherche aboutit à l’élaboration de la théorie de la double contrainte, qui a eu un grand retentissement, et qui élabore une vision systémique de la maladie mentale (schizophrénie), perçue comme un trouble de la communication. À partir de 1956, la recherche s’élabore autour de la communication dans la famille et de la thérapie. Haley et Weakland vont s’initier et observer les approches thérapeutiques d’Erickson, que Bateson avait rencontré précédemment. Les techniques d’Erickson, souvent paradoxales en hypnose, cadrent bien avec l’approche conceptuelle développée par les systémiciens. Les chercheurs deviennent thérapeutes et créent le Mental Research Institute.


Le Mental Research Institute (MRI, 1959)


Jules Riskin (psychiatre) et Virginia Satir (assistante sociale) se joignent à l’équipe qui, sous la houlette de Don Jackson, observe et enregistre des séances de thérapie durant lesquelles le thérapeute adopte délibérément une attitude interventionniste. En 1960, l’arrivée de Paul Watzlawick donne un élan au groupe qui favorise les publications et la vulgarisation des recherches et découvertes.

Pourtant, peu à peu, les membres du MRI se séparent :




– Haley rejoint Minuchin à Philadelphie et développe une approche thérapeutique stratégique sur un modèle structural ;


– Jackson décède en 1968 ;


– Satir devient directrice de l’institut d’Esalem ;


– Bateson s’éloigne vers d’autres projets de recherche.

Mais parallèlement, à partir du MRI, se crée le BTC.


Le Brief Therapy Center (BTC)


Le BTC est beaucoup plus axé sur l’approche thérapeutique. Dick Fish, Arthur Bodin et Paul Watzlawick s’emploient à définir des modèles de changement. Si l’homéostasie (règle de stabilité) donne une approche étiologique, il reste à trouver des transitions entre des états stables et ce qui peut faciliter la transition. Comment produire le changement ?

Le groupe adopte un cadre de recherche :




– nombre de séances défini (10 au maximum) ;


– thérapeute interventionniste, actif ;


– abandon d’une vision normative ou pathologisante (il n’y a plus de diagnostic ou d’étiquette) ;


– vision interactionnelle du problème, ce qui n’implique pas de voir tout le monde ensemble (à la différence d’autres modèles de thérapie familiale) ;


– définition d’un objectif minimal par et avec le patient (client) ;


– le problème est celui perçu par le client (le demandeur) ;


– le cadre et les moyens mis en œuvre restent l’affaire du thérapeute ;


– on s’intéresse au demandeur, qui est le meilleur levier de changement, et non au « porteur du problème » ;


– les informations doivent être concrètes, actuelles, interactionnelles ;


– il s’agit plus d’amener le sujet à faire une nouvelle expérience hors séance qu’à créer une prise de conscience pendant la séance.

C’est dans ce cadre que l’équipe fait la découverte du principe : la tentative de solution crée ou devient le problème. Bloquer les tentatives de solution devient le moyen d’atteindre l’objectif thérapeutique.


Modèle d’intervention



Trois postulats ou prémisses



PRÉMISSE ÉTIOLOGIQUE


Le changement est continuel. Il expose à des difficultés passagères habituellement résolutives. En cas d’absence de résolution, c’est la répétition de la même solution qui crée le problème.


PRÉMISSE CYBERNÉTIQUE


Ce qui fait persister le problème, quelles que soient sa durée, sa nature, son origine, etc., ce sont le comportement du sujet et les interactions entre celui-ci et son entourage. On recherche donc ce qui alimente (ou maintient) le problème.


PARADIGME THÉRAPEUTIQUE


Si le comportement qui alimente le problème est modifié ou éliminé, le problème disparaît ou devient une difficulté résolutive.


Genèse et maintien du problème psychologique


Le maintien de l’équilibre peut se figurer ainsi :





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– Le problème existe si l’ensemble des actions a1, a2, a3 est inefficace.


– La répétition de comportements du même ordre a1, a2, a3 ne fait qu’amplifier le problème, repérable par l’effet X.


Intervention thérapeutique


L’intervention thérapeutique se fait à l’aide d’une boucle de régulation entre le thérapeute et le système interactionnel mettant en jeu le problème, objet de la plainte :

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Jun 20, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Présentation théorico-clinique du modèle de Palo Alto

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