21. Présentation du courant systémique et stratégique
A. Vallée
L’hypnose, les thérapies familiales, la thérapie brève orientée vers la résolution de problèmes, la thérapie brève orientée solution, l’EMDR (eyes movement desensitization and reprocessing ; désensibilisation et réassociation par les mouvements oculaires), les thérapies narratives, les thérapies provocatives semblent faire, à première vue, un ensemble extrêmement disparate. En fait, ces thérapies reposent toutes sur un fond commun. Elles sont nées dans une mouvance qui a relié, géographiquement et historiquement, l’hypnose, les techniques de communication, les thérapies familiales et les thérapies brèves. Voilà pourquoi, en guise d’introduction, nous avons eu l’idée de vous proposer ce guide alphabétique du voyageur en pays systémique et stratégique qui, à défaut d’être exhaustif et complet, aura, nous l’espérons, la possibilité d’ouvrir le lecteur au style et à l’ambiance de ces thérapies.
Anticipation
L’anticipation est une des valeurs fondamentales de ce type de pratique, même si les exégètes d’Erickson l’ont souvent oubliée.
Permettre à une personne, et par là même, au thérapeute de se représenter ce que sera le changement donne un éclairage extraordinaire sur l’avenir, permet de découvrir de nouveaux cadres de référence et de construire ainsi le changement.
Apprendre
La personne qui vient en thérapie souhaite faire un changement, c’est-à-dire substituer un nouvel apprentissage à un ancien devenu inadapté et source de gêne : le symptôme.
L’hypnose est souvent lue comme un contexte particulièrement favorable à de nouveaux apprentissages, étant donné l’effet de surprise qui accompagne généralement la découverte des manifestations hypnotiques.
Il en est de même des situations de surprise créées par l’humour, la confusion ou les paradoxes, entre autres.
Axiomes
Voici quelques axiomes liés au courant systémique et stratégique.
– Le changement est un processus complexe.
– Plus un système est simple, plus il est difficile d’y provoquer un changement.
– Plus un système est complexe, plus il est facile d’y provoquer un changement.
– Ce n’est pas tant le changement du symptôme qui compte que les changements qui vont en résulter.
– Le patient ne vient pas auprès du thérapeute pour qu’il indique des solutions, mais pour pouvoir utiliser celle qu’il possède déjà sans le savoir ou sans oser l’utiliser.
– Il n’est pas de changement pertinent qui ne soit spontané, c’est-à-dire que le travail du thérapeute consiste à apprendre au patient à devenir spontané dans la contrainte.
– La compréhension du passé ne permet pas de changer le présent ; tout au plus permet-elle des changements de niveau 1 (voir ci-après).
– L’ensemble des solutions est disjoint de l’ensemble des problèmes quand il ne s’agit pas de simples problèmes techniques.
Changement
Plutôt que de guérison, on préfère parler de changement, terme plus prudent.
Il existe des changements :
– de niveau 1 dans un même contexte ; par exemple travailler plus pour mieux retenir ce que vous avez noté en cours ;
– de niveau 2 qui supposent un changement de contexte.
Par exemple, vous remarquez que vous vous concentrez mieux si vous planifiez les temps de repos et, dans ce but, au lieu de travailler plus longuement, vous planifiez paradoxalement les temps libres. Remarquez que, maintenant que vous l’avez entendu, le faire ne sera plus qu’un changement de niveau 1 puisqu’il ne mettra pas en marche votre propre créativité.
Construire
Une thérapie est comparable à un système « problème – client – thérapeute » qui doit arriver à son autodestruction. Pour construire une telle situation qu’on considérera fonctionner comme un système, il faudra construire un problème, l’objet de la plainte n’étant pas toujours de nature à constituer un problème (voir « Recadrage »). Il faudra aussi que la personne en face de vous soit cliente pour quelque chose, d’où la nécessité de construire des objectifs minimaux, simples et concrets. Il faudra aussi se construire comme thérapeute, c’est-à-dire être capable de nouer avec le client une relation que celui-ci pensera être vectrice de changement. De la même façon, il faudra construire certains comportements comme ressources et comme solutions. Cette co-construction autodégradable est une représentation possible de ce jeu de langage nommé psychothérapie.
Empirisme
Toutes ces techniques, toutes ces façons de faire reposent sur des faits d’expérience. De nombreux concepts ont été validés par des travaux scientifiques, mais la validation n’est qu’empirique, c’est-à-dire qu’elle ne permet pas de construire une théorie qui prétendrait à être un reflet de la « réalité » du « psychisme ». Bref, toutes ces techniques ne permettent pas à un thérapeute d’être « intelligent », puisque les modèles d’essence empirique sont toujours simples et pragmatiques. Pour construire une représentation de l’esprit humain, il faudra se tourner vers des systèmes théoriques philosophiques, psychanalytiques, spirituels qui sont nécessaires pour donner du sens à notre pratique, mais qui resteront toujours hétérogènes à ce type de pratique.
Éthique
Même un simple tournevis peut devenir une arme mortelle. Il en est de même de toutes ces techniques que vous avez choisi d’apprendre. Seule votre morale, complétée d’une réflexion éthique avec vos pairs, éventuellement confortée par un code de déontologie, vous permettra de garder votre pratique dans les limites du Bien.