Testing musculaire du pied
L’évaluation musculaire (testing) est essentielle pour le clinicien afin de préciser les capacités musculaires présentes d’un patient. Le testing est différent suivant le type de lésion neurologique, périphérique ou centrale, évolutive ou non [1]. Il doit permettre de préciser le niveau lésionnel et de suivre l’évolution d’une atteinte paralytique du pied ou, plus largement, du membre inférieur. Pour être interprétable, ce testing nécessite une réalisation rigoureuse, méthodique et formalisée. Il requiert donc une bonne connaissance de la systématisation nerveuse (radiculaire, plexique et tronculaire), des possibilités de compensation et des modalités d’expression des muscles. Nous décrirons le testing dans le cadre d’une paralysie périphérique et les spécificités d’un déficit d’origine centrale.
Réalisation du testing
L’évaluation de la force musculaire se fait selon la cotation en six stades de la MRC (Medical Research Council), de 0 (aucune contraction) à 5 (force musculaire normale). Elle dépend des capacités cognitives des patients et de la présence de troubles de la commande motrice, qui peuvent se rencontrer dans les pathologies neurologiques centrales. Le testing est, dans ces cas, plus difficile. Chez les jeunes enfants, le testing n’est possible que de 0 à 3, car les cotations 4 et 5 requièrent la participation active du patient [2,3].
Il est impératif d’évaluer l’ensemble des muscles à la fois proximaux et distaux en cotant ceux-ci suivant la cotation habituelle de 0 à 5 (tableau 1). L’examen bilatéral et comparatif et la consignation datée dans le dossier médical sont des éléments essentiels pour l’explication des déformations et de leur évolutivité.
0 | Aucune contraction |
1 | Une contraction musculaire est palpable sous les doigts, mais aucun mouvement n’est possible |
2 | La contraction musculaire permet un mouvement de l’articulation sur toute son amplitude, le membre étant sur un plan horizontal sans effet majeur de la pesanteur |
3 | Le mouvement est possible dans toute son amplitude et contre la pesanteur |
4 | Le mouvement est possible dans toute son amplitude, contre l’action de la pesanteur et contre une résistance manuelle de moyenne importance |
5 | La résistance manuelle est maximale |
La cotation est affinée par l’adjonction de signes plus (+) et moins (−). Ces signes sont utilisés quand l’amplitude n’est pas complète (−) ou quand un muscle a plus d’efficacité que la définition ne lui en accorde (+). Seules les cotations 4 et 5 sont impossibles chez l’enfant jeune.
Groupe des muscles releveurs
Il regroupe les muscles tibial antérieur, long extenseur des orteils, long extenseur de l’hallux, troisième fibulaire (inconstant mais très fréquent), court extenseur des orteils. Ces muscles sont innervés par le nerf fibulaire profond, branche du nerf fibulaire commun et sous la dépendance des racines L5, mais aussi L4 et S1. À noter que l’action de flexion dorsale par les releveurs n’est possible que si les muscles interosseux et lombricaux sont présents et efficaces pour stabiliser les articulations métatarsophalangiennes (MP) [3].
- • Le tibial antérieur est fléchisseur dorsal de la cheville avec une composante de supination-adduction du pied. Son tendon est le plus médial au cou-de-pied. Le déficit du tibial antérieur s’accompagne d’un steppage qui dépend de la présence des autres releveurs, modéré en cas de déficit isolé. Il provoque un défaut de contrôle de l’abattement du pied lors de l’attaque du pas par le talon. En cas d’hypertonie, qui se déclenche le plus souvent en syncinésie de flexion du genou, au passage du pas, il positionne le pied en inversion, favorisant un appui sur le bord latéral du pied. L’effet de l’inversion est majoré par l’équin.
- • Le long extenseur des orteils étend les articulations MP et interphalangiennes (IP) des quatre derniers orteils. Il est également fléchisseur dorsal, abducteur et pronateur du pied. Son tendon est le plus latéral au cou-de-pied (en l’absence du troisième fibulaire).
- • Le long extenseur de l’hallux étend l’articulation IP du gros orteil, participe à l’extension de l’articulation MP et contribue aussi à la flexion dorsale de la cheville ainsi qu’à la supination et à l’adduction du pied. Il favorise la verticalisation du premier métatarsien. Son tendon est palpé entre les tendons du tibial antérieur en dedans et du long extenseur des orteils en dehors.
- • Le court extenseur des orteils assure l’extension de l’articulation des quatre premiers orteils ; le corps musculaire est palpé dans la région médiotarsienne latérale.
- • Le troisième fibulaire (anciennement muscle péronier antérieur) est un petit muscle inconstant et distal de la partie antérolatérale de la jambe. Il est parfois considéré comme étant une partie du long extenseur des orteils. Il s’insère en distal sur la face dorsale de la base du cinquième métatarsien, il est releveur du pied et rotateur latéral. Il est innervé par le nerf fibulaire profond.
- • Le long extenseur des orteils étend les articulations MP et interphalangiennes (IP) des quatre derniers orteils. Il est également fléchisseur dorsal, abducteur et pronateur du pied. Son tendon est le plus latéral au cou-de-pied (en l’absence du troisième fibulaire).
Groupe des muscles fléchisseurs plantaires
- • Le triceps sural est fléchisseur plantaire du pied ; le testing analytique sur le plan du lit doit toujours être complété par une évaluation fonctionnelle en demandant au sujet de marcher sur la pointe des pieds. On évalue la force 0/1/2 en décubitus ventral en demandant une flexion plantaire du pied sans et avec résistance. Pour 3/4/5, le patient est debout, sur la pointe des pieds (3), avec une résistance sur les épaules (4/5). La marche sur la pointe des pieds (figure 1) permet aussi de mesurer l’angle mort, qui est la différence entre l’angle de flexion plantaire maximal et l’angle de flexion plantaire réellement utilisé par le patient au cours de cet exercice s’il existe une faiblesse surale, surtout si elle est unilatérale. L’épreuve du saut monopode sur la pointe et du saut comparatif n’évalue pas seulement la force du triceps, mais montre bien l’aisance avec laquelle le patient peut utiliser son triceps sural (figure 2). Pour évaluer surtout le soléaire, l’évaluation de la flexion se fait genou fléchi, c’est le test de Silferskiöld (qui détend les gastrocnémiens) [figure 3].
- • Le long fléchisseur des orteils, et le long fléchisseur de l’hallux fléchissent les IP distales des orteils, participent par le mouvement d’enroulement à la flexion de l’articulation interphalangienne proximale (IPP) et de l’articulation MP. Ils sont aussi fléchisseurs plantaires de la cheville, et plus accessoirement supinateurs et adducteurs du pied. Le long fléchisseur de l’hallux a un attelage à la plante avec le long fléchisseur des orteils; la flexion de l’hallux peut entraîner ainsi une flexion des deuxième et troisième orteils. Par ailleurs, le muscle carré plantaire s’insère sur les tendons distaux du long fléchisseur des orteils et provoque exactement le même mouvement. La distinction entre une flexion des IPP des quatre orteils latéraux, d’origine intrinsèque ou extrinsèque, est très difficile à réaliser. La comparaison du testing au maximum de l’équin (pour détendre les extrinsèques) et en position neutre peut orienter. En cas de doute, il faut faire un testing avant et après un bloc anesthésique sélectif de la partie terminale du nerf tibial, réalisé en arrière de la malléole médiale.
- • Les muscles intrinsèques de la plante sont difficiles à évaluer. Le testing porte sur le court fléchisseur des orteils, qui fléchit l’articulation IPP des quatre derniers orteils, et le court fléchisseur de l’hallux, qui fléchit l’articulation MP du gros orteil. Lors d’une paralysie du long fléchisseur de l’hallux, le court fléchisseur des orteils fléchit l’articulation IPP mais la phalange terminale reste en extension.
- • Les muscles abducteurs et adducteurs du gros orteil, les lombricaux et interosseux sont testés en demandant au sujet un écartement et un rapprochement des orteils ainsi qu’une flexion des articulations MP. Les interosseux et les lombricaux peuvent aussi être testés en faisant une épreuve de marche sur les talons. La dorsiflexion active de la cheville est impossible si ces muscles sont lésés, même si les releveurs sont très puissants.
- • Les muscles intrinsèques de la plante sont difficiles à évaluer. Le testing porte sur le court fléchisseur des orteils, qui fléchit l’articulation IPP des quatre derniers orteils, et le court fléchisseur de l’hallux, qui fléchit l’articulation MP du gros orteil. Lors d’une paralysie du long fléchisseur de l’hallux, le court fléchisseur des orteils fléchit l’articulation IPP mais la phalange terminale reste en extension.