Ces médicaments peuvent être séparés en deux grandes catégories : les antiactivateurs et les inhibiteurs de l’agrégation proprement dits. Les indications reposent en général sur les résultats de plusieurs essais thérapeutiques, récapitulés de manière exhaustive et englobante (toutes indications et critères d’inclusion jusqu’en mars 1990) dans le gigantesque travail collaboratif de méta-analyse. De nombreuses méta-analyses thématiques ont été publiées depuis (voir notamment Cochrane et al., et la validation des doses faibles – 50 à 100mg/j – par rapport à 300mg d’aspirine en prévention secondaire sur une durée de 2 ans), ainsi que des recommandations en cardiologie (européennes et nord-américaines), en prévention primaire. Les sites de l’HAS (artériopathie athéroscléreuse des membres inférieurs, diabète, neurovasculaire) et le consensus d’experts nord-américains Chest Physicians régulièrement actualisé (focalisé sur des traitements antithrombotiques) sont à consulter.
Les deux principaux IFP administrés per os comme traitement au long cours sont aspirine et clopidogrel. Dans certains cas une association susceptible de renforcer la protection antithrombotique est utilisée : aspirine + dipyridamole et aspirine + clopidogrel. Dans des cas particuliers et selectionnés, un traitement antiplaquettaire est associé à un traitement anticoagulant oral. Aux phases critiques de la pathologie coronaire, le traitement antithrombotique, qui comporte au moins anticoagulant + aspirine, voire en plus clopidogrel, peut être renforcé par l’administration intraveineuse d’un inhibiteur du complexe glycoprotéique (GP) IIb/IIIa, souvent appelé anti-IIb/IIIa.
La surveillance clinique vise à détecter aussi tôt que possible les effets indésirables, notamment hémorragiques et les échecs (survenue d’une thrombose). La surveillance biologique systématiquement requise se limite à la vérification de la numération plaquettaire lors des traitements par inhibiteurs du complexe GPIIb/IIIa.
Médicaments disponibles et leur mode d’action
(tableaux 8.I et 8.II)
*sel composé de deux molécules d’AAS réunies par un atome de calcium et stabilisées par une molécule d’urée. Mis en solution aqueuse, il se dissout très rapidement et libère des ions acétylsalicylate, du calcium et de l’urée | ||||
AIC : accident ischémique cérébral, IDM : infarctus du myocarde | ||||
Molécule(s) | Galénique | Nom de spécialité (et quantité d’AAS) | AMM | Posologie |
Acétylsalicylate de lysine | Poudre (sel de lysine) pour solution buvable | Kardégic 75, 160, 300mg | – Prévention secondaire après un AIM ou un AIC lié à l’athérosclérose – Réduction de l’occlusion des greffons veineux de pontage aortocoronaire – Pour 75m : en dehors du contexte de l’urgence | 75,160, 300mg en 1 prise/j |
AAS | Gélules, AAS microencapsulé à l’éthylcellulose | Aspirine UPS A 325mg | – Prévention secondaire après un AIM ou un AIC lié à l’athérosclérose – Réduction de l’occlusion des greffons veineux de pontage aortocoronaire | 1 prise/j |
AAS + dipyridamole | AAS en comprimé et microgranules de dipyridamole, dans 1 gélule | Asasantine dans chaque gélule 25mg AAS + 200mg dipyridamole | – Prévention de l’AlC après un AIC transitoire ou constitué, lié à l’athérosclérose, et datant de moins de 3 mois | 1 gélule matin et soir |
AAS + pravastatine (40mg) | Comprimé | Pravadual 81mg | Prévention secondaire : réduction de la mortalité et de la morbidité cardio-vasculaires chez les patients ayant un antécédent d’IDM ou d’angor instable et une concentration de cholestérol normale ou élevée lorsque l’association de pravastatine et d’une faible dose d’AAS est considérée comme appropriée |
AVC : accident vasculaire cérébral, IDM : infarctus du myocarde | ||||
Molécule | Galénique | Nom de spécialité | AMM | Posologie |
Dipyridamole | Comprimé | Persantine 75 plusieurs génériques | – Prothèses valvulaires mécaniques, en association avec les anticoagulants oraux | 3 comprimés/j |
Flurbiprofène | Comprimé | Cébutid 50 | – Prévention secondaire dans les suites d’un IDM et après désobstruction, quand un traitement par aspirine est temporairement contre-indiqué | 1 comprimé de 50mg matin et soir |
Clopidogrel | Comprimé | Plavix | – Prévention des événements liés à l’athérosclérose chez les patients souffrant d’un IDM (datant de quelques jours à moins de 35 j), d’un AVC ischémique (datant de plus de 7j et de moins de 6 mois), ou d’une artériopathie oblitérante de membres inférieurs établie; chez les patients souffrant d’un SCA, en association à AAS | 1 comprimé de 75mg/j |
Inhibiteurs de l’activation plaquettaire
L’aspirine (acide acétylsalicylique) et flurbiprofène inhibent à plus de 90 % entre deux prises la capacité plaquettaire de synthèse de thromboxane (Tx), le premier de manière irréversible, le second de manière réversible. À noter que beaucoup d’AINS réversibles administrés à doses thérapeutiques à visée antalgique et/ou anti-inflammatoire ne sont inhibiteurs qu’à 70–90 %; les exceptions documentées étant l’indométacine, l’ibuprofène et le naproxène, qui logiquement interfèrent avec l’effet durable de l’aspirine sur les plaquettes; les coxibs (inhibiteurs préférentiels de l’isoforme 2 de la PGH synthase) n’ont pas d’effet inhibiteur plaquettaire. L’inhibition massive de la synthèse plaquettaire de Tx s’accompagne d’une diminution des réponses fonctionnelles plaquettaires (dont l’agrégation) à différents agonistes, mais elle n’est que partielle.
Un antagoniste du Tx (teruban, S18886) est en développement avancé.
Le clopidogrel agit au niveau de l’un des trois récepteurs plaquettaires à l’ADP, P2Y12, couplé à l’adénylcyclase. Un métabolite actif responsable de l’inactivation irréversible du récepteur est formé au niveau du foie, sous l’action d’un ou plusieurs composants du système cytochrome P450. Il a une durée de vie brève et n’est pas facilement détectable dans la circulation systémique. Le profil fonctionnel plaquettaire observé après administration de clopidogrel est identique à celui observé sous ticlopidine, à savoir altération prédominante de l’agrégation induite par l’ADP. Il existe une variabilité de réponse de paramètres biologiques ex vivo au traitement par thiénopyridines. Cette variabilité pourrait être essentiellement en rapport avec l’activité du cytochrome P450, qui a un déterminisme génétique et qui est influencée par des médicaments : certaines statines et certains inhibiteurs de la pompe à protons, des macrolides inhibiteurs sont susceptibles de réduire l’effet antiplaquettaire du clopidogrel. Le prasugrel est une nouvelle thiénopyridine dont le métabolisme hépatique est plus simple, ce qui expliquerait l’effet inhibiteur plaquettaire plus important et plus constant que celui du clopidogrel.
L’association aspirine + anti-ADP est logique : deux systèmes d’amplification de l’activation plaquettaire sont atteints.
Le dipyridamole ralentit la recapture de l’adénosine par les globules rouges, les plaquettes et les cellules endothéliales. Il est décrit comme pouvant inhiber aussi la phosphodiestérase de l’AMPc (AMP cyclique). Ces actions contribuent à une modeste élévation de la concentration intracellulaire d’AMPc, second messager anti-activateur. Dipyridamole est maintenant disponible sous une forme galénique particulière et un plus fort dosage unitaire (200mg) et quotidien (2 prises) qui permet une absorption digestive prolongée avec des concentrations plasmatiques élevées et durables. Cette molécule est associée à un comprimé de 25mg d’aspirine dans une gélule. La forme à libération modifiée et prolongée a été étudiée en prévention de la récidive des accidents ischémiques cérébraux présumés d’origine artérielle.
Les prostaglandines anti-activatrices plaquettaires sont la prostacycline (prostaglandine I2, époprosténol) et ses analogues (comme iloprost) qui stimulent la production plaquettaire d’AMPc. Ces produits doivent s’administrer par voie parentérale et leur perfusion s’accompagne d’un effet vasodilatateur pouvant être bénéfique dans certaines situations, mais susceptible aussi de compliquer leur utilisation.
Inhibiteurs du complexe GPIIb/IIIa
Abciximab, fragment Fab chimérique murin-humain d’un anticorps monoclonal murin, inhibe l’interaction fibrinogène-complexe GPIIb-IIIa, mécanisme moléculaire de l’agrégation. Abciximab se fixe également à d’autres intégrines présentes à la surface de leucocytes et de cellules de la paroi vasculaire, mais la signification clinique de ces propriétés reste hypothétique.
Des anticorps anti-immunoglobuline de souris peuvent apparaître mais aucune signification clinique n’a pu leur être trouvée. Un registre indique qu’une réadministration d’abciximab est possible, le produit paraissant aussi efficace et sûr qu’en cas de première utilisation (avec peut-être plus de thrombopénies toutefois).
L’eptifibatide (heptapeptide cyclique) et le tirofiban (peptidomimétique) sont des inhibiteurs compétitifs de la liaison du fibrinogène aux plaquettes. Ils sont en général décrits comme étant sélectifs du complexe GPIIb-IIIa.
L’administration de ces trois médicaments entraîne l’apparition d’un phénotype qui ressemble à celui d’une thrombopathie constitutionnelle liée à un défaut de GPIIb/IIIa (thrombasthénie de Glanzmann), c’est-à-dire que l’agrégation est inhibée quel que soit l’inducteur.
Il existe une relation entre degré d’occupation du récepteur et inhibition du fonctionnement plaquettaire, avec un seuil, car si l’occupation des récepteurs n’est que de 50 %, l’agrégation n’est aucunement affectée. Une occupation supérieure à 80 %, voire 95 %, est visée. Un test simple et dédié à l’étude de la capacité de liaison du fibrinogène aux plaquettes activées permet de détecter facilement le niveau d’inhibition. Il a été rapporté une association significative entre ce retentissement biologique et l’évolution clinique.
Cinétique de l’effet
La connaissance de la cinétique de l’effet des antiplaquettaires est cruciale pour la compréhension des modalités de l’obtention rapide du plein effet et la gestion de leur interruption lors d’un acte chirurgical avec effraction vasculaire et risque hémorragique considéré comme élevé.
Aspirine et flurbiprofène
L’administration d’aspirine entraîne une inhibition irréversible de l’isoforme 1 de la prostaglandine H (PGH) synthase. En conséquence, la perturbation de la synthèse de Tx n’est complètement corrigée que lorsque toutes les plaquettes circulantes ont été renouvelées, c’est-à-dire normalement en 7 jours au moins, puisque les plaquettes, dépourvues de noyau, peuvent être considérées comme incapables de synthèse protéique.
Quand un plein effet doit être obtenu rapidement (en moins d’une heure), il faut administrer plus de 100mg d’une formulation à absorption digestive non contrôlée. L’administration d’une posologie quotidienne aussi faible que 0,5mg/kg est suffisante pour maintenir une inhibition proche de 100 % de la capacité plaquettaire de synthèse de Tx chez la plupart des patients.
L’effet de flurbiprofène sur les plaquettes est rapide et réversible. il s’estompe au fur et à mesure que la concentration plasmatique diminue. La demi-vie d’élimination est d’environ 5h et son effet a été rapporté avoir disparu 24h après la dernière prise.
Thiénopyridines
Le plein effet de ticlopidine n’est obtenu qu’après quelques jours de traitement. Il en va de même avec clopidogrel même si son effet commence plus rapidement. Dans le contexte des prothèses endocoronaires non programmées, une dose de charge (clopidogrel : 300mg) est souvent utilisée, qui permet de raccourcir ce délai. Si l’implantation est programmée, un prétraitement de 5 à 7 jours est envisageable, voire souhaitable.
L’effet inhibiteur plaquettaire des thiénopyridines est irréversible. Il est donc attendu que l’effet ait totalement disparu lorsque les plaquettes ont été complètement renouvelées dans la circulation, voire un peu avant (5 jours), car comme avec aspirine il n’est très probablement pas nécessaire que toutes les plaquettes soient renouvelées pour obtenir cette récupération fonctionnelle.
Dipyridamole
La pharmacocinétique de ce médicament (forme standard avec libération immédiate, et forme galénique à libération contrôlée et prolongée) est bien décrite. Il est hautement vraisemblable que l’effet du produit soit en stricte relation avec sa concentration plasmatique.
Inhibiteurs des GPIIb/IIIa
Le schéma d’administration de ces trois médicaments comporte un bolus suivi d’une perfusion d’au moins 12h. Le bolus permet immédiatement l’obtention d’un important effet inhibiteur plaquettaire. L’abciximab se distingue des deux autres molécules, car il a un effet persistant sur les plaquettes du fait de sa forte affinité pour le complexe GPIIb/IIIa et d’une redistribution de plaquette à plaquette, voire d’une internalisation, y compris dans les mégacaryocytes. La récupération de 50 % de l’agrégation induite par une forte concentration d’ADP nécessite 24h environ après l’arrêt de la perfusion avec une certaine variabilité interindividuelle. L’effet sur les plaquettes des petites molécules eptifibatide et tirofiban est strictement relié à leur concentration plasmatique, et leur demi-vie d’élimination est de l’ordre de 1h 30. Leur élimination est exclusivement rénale. L’effet sur les plaquettes disparaît donc en quelques heures, avec une certaine variabilité interindividuelle.
Retentissement sur l’hémostase, évalué biologiquement
Aucune étude clinique n’a encore formellement démontré que le fait de disposer d’un quelconque paramètre biologique, et de s’en servir pour déterminer une attitude clinique particulière (choix du médicament, modification de la posologie par exemple), changeait le résultat clinique. Dans le contexte d’un traitement préventif par aspirine chez des femmes enceintes à risque de pré-éclampsie, il convient toutefois de signaler deux études d’observation (rétrospective et prospective respectivement). Elles suggèrent que la titration de la dose, en partant d’une faible dose de 75–100mg quotidiens, pourrait être cliniquement bénéfique sur l’évolution soit du temps de saignement (TS), soit du volume plaquettaire moyen (VPM). Il n’y a pas d’intérêt démontré à étudier les fonctions plaquettaires dans le contexte d’un acte avec effraction vasculaire chez un malade recevant un traitement IFP.
Nous allons brièvement mentionner les effets qui peuvent être observés avec des tests de biologie clinique. La mesure du TS in vivo tend à être de moins en moins pratiquée. Des données existent aussi concernant le retentissement sur un dispositif de maniement simple (l’automate PFA-100) d’exploration in vitro de certains aspects de l’hémostase primaire. Dans ce système, l’effet des anti-ADP est faible. Des dispositifs dédiés de maniement simple ont également été mis au point. Des synthèses récentes suggèrent une association du retentissement biologique aux événements cliniques (aspirine, clopidogrel en bithérapie pour revascularisations endocoronaires), mais l’intérêt de l’utilisation de l’un ou l’autre de ces nouveaux tests en pratique clinique n’est pas encore démontré. Il n’y a pas d’intérêt démontré à étudier les fonctions plaquettaires dans le contexte d’un acte avec effraction vasculaire chez un patient recevant un traitement IFP.
Temps de saignement (TS)
Avec la technique à l’avant-bras dite d’Ivy et une incision horizontale, le facteur moyen d’allongement après administration d’aspirine est de 1,5 à 2. Il existe une importante variabilité interindividuelle de sensibilité, attribuée au moins en partie à des déficiences constitutionnelles mineures de l’hémostase. L’allongement du TS est plus important avec les thiénopyridines qu’avec l’aspirine et plus important avec l’association qu’avec chacun des traitements utilisés isolément. Le clopidogrel à la dose quotidienne de 75mg allonge autant le TS (Ivy-points) que la ticlopidine 250mg × 2. Dans les conditions de la pratique clinique, un TS (Ivy-incision horizontale) long (au-dessus d’un seuil supérieur possible à 8min) est plus fréquemment observé avec la ticlopidine qu’avec l’aspirine.
La variation du TS après administration de flurbiprofène paraît comparable à celle obtenue après administration d’aspirine.
L’administration des inhibiteurs de GPIIb/IIIa, en combinaison avec l’aspirine, s’accompagne d’un allongement marqué du TS.
Agrégation plaquettaire photométrique
Dans les laboratoires spécialisés, le fonctionnement plaquettaire est habituellement exploré par la méthode photométrique (variation de transmission lumineuse) avec un plasma anticoagulé avec du citrate et riche en plaquettes (centrifugation différentielle permettant de séparer les globules, rouges et blancs, des plaquettes). Les principaux IFP induisent une thrombopathie caractéristique. Les coxibs n’ont pas d’effet sur les plaquettes.
Il existe donc un profil typique pour la plupart des médicaments utilisés, mais son absence peut suggérer, dans les 24h après la dernière prise prescrite pour les traitements par voie orale, une mauvaise observance – ou, sinon, une résistance.
Aucun retentissement n’est décrit pour dipyridamole, utilisé seul, dans ces conditions expérimentales précises, c’est-à-dire en l’absence d’autres cellules que les plaquettes.
Tests de coagulation
Aucun des tests de coagulation effectués avec un plasma pauvre en plaquettes au laboratoire (avec ajout de phospholipides : les temps de prothrombine (TP) et temps de céphaline avec activateur [TCA]) n’est évidemment modifié par un traitement IFP.
Les inhibiteurs de GPIIb/IIIa retentissent sur les activités procoagulantes plaquettaires et peuvent donc sensibiliser des tests globaux en sang total (utilisés en chirurgie cardiaque et en salle de cathétérisme artériel interventionnel) à l’effet anticoagulant de l’héparine non fractionnée (HNF).
La thromboélastographie est un test de coagulation qui explore les qualités mécaniques du caillot; elle peut être réalisée avec du sang total, donc en présence des plaquettes. Il a été proposé des variantes permettant de discerner l’effet antiplaquettaire via l’étude du paramètre «amplitude maximale».
Posologie d’aspirine : la plus petite possible? Résistance?
L’intérêt d’utiliser la dose minimale d’aspirine n’est pas uniquement académique. Il s’agit d’avoir l’efficacité antithrombotique (sous l’hypothèse qu’une certaine préservation de la synthèse de PGI2 vasculaire peut avoir un rôle clinique) et la tolérance digestive maximales. La méta-analyse actualisée est favorable aux doses faibles mais avec une réserve toutefois pour 50mg quotidiens. Les plus petites doses (50, 75, 160mg) s’étant révélées cliniquement efficaces selon les contextes cliniques dans un ou des essais contre placebo sont indiquées dans le tableau 8.III. Même à ces doses, il persiste un surcroît de risque hémorragique et de lésions digestives.
IDM : infarctus du myocarde | ||
*Attention! Cette dose n’est pas nécessairement optimale; il est recommandé d’administrer une dose de charge en cas de syndrome coronaire aigu | ||
Situation clinique | Essai | Dose quotidienne minimale cliniquement efficace (mg) * |
Hypertension artérielle systémique | HOT | 75 |
Angor stable | SAPAT | 75 |
Angor instable | RISC | 75 |
Phase aiguë de l’IDM | ISIS-2 | 160 |
AIT et AIC | ESPS-2 | 50 |
Phase aiguë de l’ischémie cérébrale | CAST | 160 |
Des états de moindre sensibilité plaquettaire ont été décrits chez certains patients (sur la base de tests fonctionnels ex vivo dits d’agrégation plaquettaire). Le fait de ne pas trouver l’effet biologique attendu (agrégation plaquettaire et autres moyens d’étude du fonctionnement plaquettaire comme le dispositif PFA-100 [automate platelet function analyser], synthèse de Tx in vivo ou in vitro au cours de la coagulation de sang total) peut recevoir plusieurs explications : mauvaise compliance, interférence avec un AINS qui a un effet réversible et qui prévient l’acétylation irréversible en cas de prise simultanée ou préalable, renouvellement plaquettaire accéléré (diminution de la durée de vie plaquettaire par consommation), présence dans certains cas de l’isoforme 2 de la PGH-synthase dans les plaquettes (point controversé), rôle particulièrement mineur du Tx dans le fonctionnement plaquettaire chez certains malades, autres sources cellulaires de Tx moins ou non sensibles à un traitement par aspirine, à petites doses du moins. L’éventuelle pharmacogénomique de la variabilité de la réponse n’a pas été établie.
Le point le plus important en pratique est le risque d’interaction négative entre aspirine et autres AINS, ou du moins certains d’entre eux comme indométacine et ibuprofène. Une étude épidémiologique suggère que la mortalité globale est accrue chez les malades cardiovasculaires traités par aspirine et ibuprofène par rapport aux malades traités par aspirine seulement. L’association d’un coxib à un traitement par aspirine ne peut pas interférer avec l’effet antiplaquettaire du second, mais alors le gain possible en terme de tolérance digestive du traitement coxib par rapport à un AINS traditionnel risque d’être perdu.
Modifications de l’hémogramme (effets indésirables)
Thiénopyridines
Les neutropénies et agranulocytoses constatées avec ticlopidine ne sont plus un problème avec clopidogrel. La pharmacovigilance a suggéré pour ticlopidine d’autres effets indésirables comme aplasie et purpura thrombotique thrombopénique. Quelques cas ont été aussi rapportés chez des malades traités par clopidogrel. Des cas de thrombopénie ont été rapportés comme pouvant être isolés lors de traitements avec ticlopidine.
Thrombopénies des traitements par inhibiteurs du complexe GPIIb/IIIa
Des thrombopénies, notamment majeures (< 50G/l) et suraiguës, peuvent survenir lors des traitements par inhibiteurs des GPIIb/IIIa. Elles peuvent être détectées dans les toutes premières heures du traitement. Il y a deux diagnostics différentiels d’importance capitale :
– le premier concerne la survenue de fausses thrombopénies par agglutination en acide édétique (EDTA) qui a été signalée à plusieurs reprises en présence du médicament (2,1 % des traités par abciximab);
– le second diagnostic différentiel est constitué par les thrombopénies induites par l’héparine (TIH).
La conduite pratique généralement recommandée est :
– d’interrompre immédiatement la perfusion de l’anti-IIb/IIIa, après confirmation en urgence de l’authenticité de la thrombopénie;
– d’estimer le risque hémorragique sur la base et de la numération plaquettaire (avec les seuils traditionnels) et des signes cliniques de saignement, de manière analogue à ce qui est recommandé pour les thrombopénies de mécanisme périphérique;
– de modifier les traitements antithrombotiques associés (de la simple suspension du traitement par héparine, à l’interruption de tous les traitements avec neutralisation par protamine de l’héparine);
– de réserver la transfusion de plaquettes (posologie recommandée par les experts : 0,5.1011 par 7kg de poids) aux rares cas avec très haut risque hémorragique, et en essayant alors, pour les deux petites molécules, de la différer de quelques heures (1 à 4h) après l’arrêt de la perfusion, les plaquettes transfusées étant sinon inhibées par leurs grandes concentrations plasmatiques. Le même raisonnement vaut pour la transfusion plaquettaire en cas de saignement grave, avec la particularité pour l’abciximab qu’une redistribution de plaquette à plaquette, alors que la concentration plasmatique devient vite très faible, permet la récupération d’une fonctionnalité dès lors que l’occupation des GPIIb/IIIa est de l’ordre de 50 % ou moins.
BIBLIOGRAPHIE
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Traitement Anticoagulant Oral : Antivitamines K (AVK)
Gérard Potron and Pierre Sié
Les AVK, utilisés depuis 60 ans, restent actuellement le seul traitement anticoagulant utilisé sur le long cours (1,5 % de la population française). C’est aussi l’un des traitements les plus dangereux et les plus difficiles à suivre : un surdosage entraîne un risque hémorragique parfois mortel, un sous-dosage fait apparaître un risque thrombotique. En France, le coût des accidents iatrogènes qu’ils induisent est probablement > 760 millions d’euros par an. La prescription (souvent effectuée par des spécialistes et surtout les cardiologues) et la surveillance de ces traitements (réalisée, pour 92 % d’entre eux, par les médecins généralistes) nécessitent donc une parfaite connaissance de leur maniement.
Mécanisme d’action
Les AVK empêchent indirectement l’action de la vitamine K qui est nécessaire à l’activité d’une carboxylase indispensable à la synthèse hépatique de certains facteurs (FVII, FX, FII, FIX), mais également de deux inhibiteurs de la coagulation (protéines C [PC] et S [PS]) ainsi que la protéine Z (PZ) et l’ostéocalcine. Les AVK inhibent la vitamine K oxydoréductase (VKOR CI) responsable de la transformation de la forme oxydée en forme réduite de la vitamine K.
La vitamine K réduite est nécessaire à la transformation de la forme à un seul groupement COOH des précurseurs des facteurs de la coagulation à synthèse vitamine K-dépendante en une forme gamma carboxyglutamique qui comporte deux groupements COOH nécessaires à la fixation des ions calcium bivalents. Ces précurseurs des facteurs de la coagulation sont nommés PIVKA, pour protein induced vitamine K antagonist or absence (fig. 8.1).
![]() |
Fig. 8.1 Cycle de la vitamine K. (Kereveur A, Samama MM et al., Haemostasis 1997) |
La recherche des polymorphismes de la CYP2C9 du système cytochrome P450 et de ceux de l’enzyme VKOR CI est parfois utile pour comprendre une sensibilité exagérée ou plus rarement une résistance au traitement. Elle ne doit cependant pas être utilisée de façon routinière ou systématique.
Molécules : leur choix en thérapeutique
L’activité des AVK est très dépendante de leur pharmacocinétique qui constitue le critère à prendre en compte lors du choix d’une molécule :
DcP | Spécialités | 1/2 vie (en heures) |
Acénacoumarol | Sintrom | 8-9 |
Sintrom 4mg et mini-sintrom 1mg | ||
Fluindione | Préviscan | 31 |
Warfarine | Coumadine 5 et 2mg | 35-45 |
Les molécules à longue durée de vie sont les seules à permettre une bonne couverture du nycthémère et donc une stabilité de l’effet biologique. La crainte d’un effet trop prolongé en cas de surdosage est théorique si l’attitude de correction est bien adaptée. La warfarine est, à juste titre, l’AVK de référence utilisé dans tous les essais cliniques. Elle a en outre l’avantage d’être présentée en comprimés de 2 et 5mg facilitant l’adaptation de la posologie (posologie moyenne 6–8mg/j, plus faible chez le sujet âgé). L’acénocoumarol existe également sous deux formes : comprimés à 4 et 1mg (Mini-Sintrom).
Mécanismes interférant sur l’action des AVK
Sensibilités individuelles
Des facteurs génétiques partiellement connus expliquent en partie les réponses individuelles variables. Le métabolisme hépatique des AVK fait intervenir le système des cytochromes P450 dont certains polymorphismes peuvent expliquer une sensibilité exagérée au traitement. La sensibilité de l’enzyme VKORCI à l’anticoagulant oral joue un rôle dans la variabilité interindividuelle de la réponse des patients.
Interférences médicamenteuses
Le nombre de molécules capables d’interférer sur les AVK est élevé. Toute association médicamenteuse doit donc faire l’objet d’une documentation et, même si aucune information n’est retrouvée, entraîner un suivi biologique plus rapproché au départ.
Médicaments potentialiseurs
Leurs mécanismes sont variables :
– déplacement de la fixation protéique des AVK qui augmente la concentration de la fraction libre seule active;
– destruction de la flore intestinale synthétisant la vitamine K2;
– inhibition de l’absorption de la vitamine K alimentaire.
Acide nalidixique, amiodarone, aspirine, cimétidine, ciprofloxacine, clofibrate, cotrimazol, textropropoxyfène, disopyramide, disulfirame, érythromycine, fluconazole, huile de paraffine, isofosfamide, ketoprofène, métozolone, métronidazole, miconazole, norfloxacine, ofloxacine, oméprazole, phénylbutazone, piroxicam, propafénone, propranolol, quinidine, stéroïdes anabolisants, sulindac, thyroxine, tolmétine, tétracycline par exemple.
Il faut noter que des molécules anticoagulantes (héparine, nouveaux anticoagulants fibrinolytiques), les antiagrégants plaquettaires (aspirine, ticlopidine, clopidogrel, AINS) majorent le risque hémorragique en raison des perturbations de la coagulation et/ou de l’hémostase primaire qu’elles causent.
Médicaments inhibiteurs
Parmi eux : aziothioprine, barbituriques, carbamazépine, chlordiazépoxide, cholestyramine, ciclosporine, dicloxacilline, etretivate, griséofulvine, rifampicine, sucralfate.
La prise régulière d’un médicament interférant ne pose que le problème de l’adaptation de posologie de l’AVK. Un exemple est celui de l’aspirine qui augmente l’efficacité des AVK dans un très petit nombre d’indications. Toutefois, surtout chez un patient mal équilibré, cette association augmente le risque hémorragique. Mais l’aspirine est surtout dangereuse dans le cadre d’automédication sporadique chez un patient non informé.
L’alcool, en qualité d’inducteur enzymatique hépatique, est plutôt un inhibiteur des AVK sauf en cas de toxicité hépatocellulaire. En pratique, à dose modérée, il a peu d’influence.
Interférences alimentaires
L’apport alimentaire en vitamine K peut varier considérablement et influencer l’action des AVK. Ce sont surtout les végétaux verts qui apportent beaucoup de vitamine K. Il est impératif que le patient en soit informé. Ceci ne doit pas aboutir à un régime déséquilibré mais à une constance des apports quotidiens en particulier en végétaux verts (tableau 8.IV).
Médiane yg/100g | Médiane yg/100g | ||
Légumes | Légumes secs | ||
Bette ou blette | 830 | Fève | 19 |
Brocoli | 180 | Lentille | 22 |
Chicorée frisée | 230 | Soja | 40 |
Choux (Bruxelles) | 280 | Huiles | |
Chou | 170 | Pépins de raisin | 280 |
Choucroute | 25 | Soja | 150 |
Chou frisé | 770 | Colza | 140 |
Cresson | 280 | Noix | |
Épinards | 380 | Pistache | 70 |
Fenouil (feuilles) | 240 | Herbes aromatiques | |
Laitue | 150 | Ciboulette | |
Asperge | 60 | Menthe | 270 |
Chou-fleur | 20 | Persil | 230-860 |
Haricot vert | 36 | Fruits | 550 |
Poireau | 14 | Kiwi | |
Pois | 30 | Cassis | 27 |
Tomate | 6 | 30 |
Contre-indications des AVK
Elles sont absolues dans les cas suivants :
– accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique;
– AVC thromboembolique récent;
– neurochirurgie, traumatisme crânien récent (moins d’une semaine) (sauf scanner normal ou simple image hypodense);
– hypertension non contrôlée (PA systolique > 120mmHg);
– varices œsophagiennes;
– diabète avec rétinopathie;
– 1er et 3e trimestre de la grossesse;
– trouble grave de la synthèse hépatique;
– insuffisance rénale grave (clairance à la créatinine < 20ml/mn);
– syndromes hémorragiques;
– troubles psychiques graves.
Elles sont relatives dans les cas suivants :
– chirurgie récente;
– sujets âgés ou misère physiologique;
– pathologie biliaire;
– infection intestinale avec destruction de la flore intestinale;
– insuffisance rénale et hépatique modérée.
Warfarine et acénocoumarol ne sont pas contre-indiqués chez la mère allaitante.
Suivi biologique des AVK
INR = (temps patient/temps témoin) ISI = coefficient de correction du réactif Malheureusement, l’INR laisse persister de nombreux problèmes pratiques. Le choix d’un réactif à ISI proche de 1 améliore les résultats. Il est recommandé que le patient soit, si possible, suivi par le même laboratoire.
Les zones thérapeutiques recommandées sont :
L’efficacité antithrombotique se réduit nettement pour un INR < 2,0. Des essais, en cours, démontreront peut-être qu’il est possible, dans des indications très précises, d’effectuer des traitements à INR de 1,5 à 2,0. Mais en 2008, le choix d’un traitement avec un INR < 2,0 n’est pas validé (une étude pour, une étude contre). Un essai lors de traitement de thrombose veineuse profonde (TVP) montre une efficacité moindre quand l’INR (INR = temps patient/temps témoin à la puissance ISI) est < 2.
– prophylaxie primaire des thromboses veineuses (TV) et embolie pulmonaire (EP) | ![]() |
– prévention secondaire des TV et EP | |
– traitement EP | |
– prévention embolies systémiques | |
– valves cardiaques tissulaires (pendant les 3 mois suivant leur mise en place) | |
– infarctus myocarde (réduction embolie systémique) | |
– maladie valvulaire cardiaque | |
– FA | |
– valves mécaniques prosthétiques | 2,5-3,5 |
– bivalves mécaniques en position aortique | 2,0-3,0 |
– prévention récidive infarctus myocarde (recommandation FDA : 2,5-3,5) |
Complications des traitements par AVK
Hémorragies
Les risques sont appréciés de façon variable selon les études et semblent dépendre du type de pathologie traitée. Ainsi les hémorragies fatales exprimées en % par an sont de 1,2 à 5,6 pour les valves mécaniques, 0,3 à 1,3 pour les fibrillations auriculaires. La fréquence des hémorragies intracrâniennes (exprimé pour 100 patients/année) pour les traitements au long cours est de 0,1 à 1,8.
Le risque hémorragique est en partie lié à l’INR et apparaît à INR > 3,0 avec un accroissement important à INR > 4,0. L’influence péjorative de l’âge est inconstamment retrouvée. Elle est peut-être due aux comorbidités, excepté le risque d’hémorragies intracrâniennes après 75 ans.
Le risque hémorragique augmente chez les patients traités pour hypertension, affection cérébrovasculaire, affection cardiaque sérieuse, insuffisance rénale et cancer.
Enfin, en toute logique, une hémorragie pourra survenir sur une lésion (connue ou non) telle qu’une affection digestive ou génito-urinaire même chez un patient ayant un INR < 3,0.
Quelques études ont démontré que le risque semblait plus élevé en début de traitement mais le risque cumulé est directement lié à la durée du traitement.
Traitement des surdosages aux AVK
Sans hémorragie clinique
En cas d’INR légèrement > 4,0 ou 5,0 selon les écoles et d’absence de risque hémorragique, l’arrêt du traitement est recommandé jusqu’au retour dans la zone thérapeutique. La longue durée d’efficacité de la warfarine fait actuellement préférer l’apport oral de 1 à 2,5mg (dose unique) de vitamine K. Une étude récente montre que l’apport de 1mg de vitamine K chez les patients traités par acénocoumarol n’est pas satisfaisant (accroissement de la normalisation de l’INR et risque thrombotique).
En cas d’INR fortement augmenté sans hémorragie, l’apport de vitamine Ks’impose avec un bon suivi clinique. L’apport de vitamine K doit toujours être faible (< 2,5mg par voie orale ou 0,5 à 1mg par voie veineuse) pour éviter l’apparition d’une résistance au traitement AVK pendant plusieurs semaines.
Avec hémorragies
L’hospitalisation s’impose et une substitution par le PPSB (Kaskadil) administré à raison de 20 à 30 UI/kg de poids corporel, exprimées en unités de FIX, pour obtenir un TP proche de 30 %. L’octaplex a été récemment proposé. Comme précédemment, l’apport de vitamine K permet une stabilisation plus longue. Des posologies abusives de substitution peuvent faire réapparaître un risque thrombotique.

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