29. Les prescriptions de tâches thérapeutiques
L’objectif de la prescription de tâche est de provoquer un changement dans les interactions bloquées que le client entretient dans son contexte de vie.
Toute prescription de tâche nécessite une alliance forte, un objectif, une connaissance des interactions du client et son contexte de vie. La tâche est comportementale. Elle a comme fonction de remettre le client dans le sens de l’agir. Par son action, le client va découvrir ou redécouvrir de nouvelles possibilités d’interactions avec lui-même, les autres et le monde. Une bonne tâche est une tâche que le client s’imagine déjà réaliser pendant la séance.
La tâche est en lien avec le problème
La traduction du problème, ou comment passer de « Je suis un problème » (autoréférencé) à « J’ai un problème » est :
– comportementale (liée aux tentatives de solution) ;
– cognitive (liée aux origines du problème) ;
– émotionnelle (liée à l’intensité du problème).
La tâche peut se décliner au niveau :
– comportemental : par la prescription d’une action à 180°, à l’opposé du thème des tentatives de solution. Du résultat de la tâche émerge la solution pour le client ;
– émotionnel : plus la perturbation émotionnelle liée à la réalisation de la tâche va être peu intense plus sa probabilité de réalisation sera élevée ;
– cognitif : ou comment « vendre » la tâche ? On s’appuiera sur la vision du monde du client, et on utilisera le questionnement et les recadrages pour amener l’acceptation de la tâche.
Plus la résolution du problème nécessite une modification importante de la vision du monde du client, plus l’objectif doit être minimal, et plus la tâche doit être facilement réalisable.
Les risques de l’intervention : trois façons de provoquer une aggravation
– On choisit une solution qui revient à nier qu’un problème soit un problème et l’intervention qui s’impose n’est pas faite. Par exemple : des parents viennent consulter : ils sont inquiets du comportement de leur fille. Le thérapeute recadre que ce sont les parents qui ont le problème. Par la suite, la jeune fille fait une tentative de suicide.
– On s’efforce de modifier une difficulté qui est soit parfaitement inaltérable, soit inexistante et l’on intervient quand on ne devrait pas. Par exemple : un patient vient consulter pour dépression : il se décrit comme mal dans ce monde et que rien de bien ne peut advenir. Le thérapeute tente de le convaincre du contraire en lui vantant les mérites de la vie.
– On commet une erreur de type logique provoquant un jeu sans fin :
• soit en provoquant un changement de niveau 1 (modifie les interactions dans le contexte sans modifier celui-ci) au lieu d’un changement de niveau 2 (qui modifie le contexte). Par exemple : un patient vient pour des douleurs aux jambes et cela l’empêche de vivre. Le thérapeute essaie de l’aider à supprimer ces douleurs (en utilisant l’hypnoanalgésie par exemple) au lieu de prendre en compte la place de la douleur dans le contexte de vie du patient ;
• soit en provoquant un changement de niveau 2 au lieu de niveau 1. Par exemple : une femme vient se plaindre de l’alcoolisme de son mari. Le thérapeute lui prescrit : « Vous n’avez qu’à le quitter. » Or, ce n’est pas l’objet de sa demande.
Les grands thèmes de tentatives de solution
– Le client tente de se contraindre à faire quelque chose qui ne peut survenir que spontanément.
Stratégie : amener le client à renoncer à ses attitudes autocoercitives : les tâches prescrites ont comme objectif de mettre en place un nouveau comportement qui lui interdise de se comporter comme il le faisait auparavant.
– Évitement. Le client tente de surmonter la crainte d’un événement en le différant. Les processus phobiques, les blocages, les plaintes autoréférentielles en sont l’illustration.
Stratégie : préparer le client à l’événement redouté de manière à le maîtriser par avance. Les tâches vont l’amener à faire face à la situation redoutée.
– Le client tente de parvenir à un accord dans le conflit. Le conflit naît dans une relation interpersonnelle et est centré sur des questions exigeant une coopération mutuelle. Le thème des tentatives de solution du client : n’avoir de cesse que l’autre partie se comporte selon ses désirs.
Stratégie : la tâche va amener le client à adopter la position basse.
– Le client confirme les soupçons de l’accusateur en se défendant.
Stratégie : valider les assertions de l’accusateur comme étant ses convictions, c’est-à-dire en allant dans son sens pour casser le risque d’escalade symétrique.
– Le client tente d’obtenir l’acquiescement par le volontarisme. Son discours est ainsi centré autour du thème : « sois spontané ».
Stratégie : la personne qui attend quelque chose le demande directement, même si cette demande est arbitraire.
Les pièges de l’intervention
Ces pièges sont les suivants :
– Objectif mal défini (peu ou pas concret).
– Perdre l’objectif en cours de route.
– La thérapie est centrée sur les objectifs du thérapeute et non ceux du patient.
– Refaire ce qui n’a pas marché auparavant (tentatives d’intervention). Il faut toujours valider ce qui a été fait.
– Aller dans le sens des tentatives de solution du patient.
– Aller vers des tentatives de solution de la famille de l’enfant.
– Tenir compte d’un modèle, d’un cadre et non pas du patient (feed-back pour des affirmations, comportements, attitudes allant dans le sens de la solution).
– Se laisser envahir par les propos du patient.
– Faire marche arrière (une fois une tâche exprimée, si elle n’est pas faite, reprendre l’évaluation à la séance suivante).
Les trois temps de l’intervention
Les tâches qui aident à la définition du problème
Ces tâches vont aider à déconstruire la plainte en la recadrant en une situation problème entretenue par des tentatives de solution inefficaces.
TÂCHES D’OBSERVATION
– Observation des exceptions au problème : « Jusqu’à notre prochain entretien, je vous demande d’observer, de telle façon que vous puissiez en parler, ce qui se passe dans votre vie et que vous souhaitez voir continuer. »
– Observation de la situation problème : pour des parents consultant pour leur adolescent décrit comme opposant : « Jusqu’à la prochaine fois, j’aimerais que vous observiez les échanges entre votre enfant et vous-même de telle sorte que nous puissions voir et entendre ce qui se passe comme sur une bande vidéo. »
TÂCHES D’INFORMATION SUR L’OBJECTIF
Lorsque le patient se présente en touriste, lorsqu’il s’agit d’interventions sous contrainte, nous centrons l’intervention sur : « Qu’est-ce qu’attend le demandeur de votre présence ici ? » Par exemple : un patient consulte pour comportement agressif à l’égard de sa conjointe. Celle-ci le menace de le quitter s’il ne se fait pas soigner. La tâche est la suivante : « Demandez à votre conjointe : “À quels changements dans votre comportement pourrat-elle vous dire que votre présence ici n’est plus nécessaire ?” »
TÂCHES DE RECADRAGE
Par exemple, pour un patient demandant de l’aide lors de ses attaques de panique, le thérapeute peut donner comme tâche : « Je voudrais que vous pensiez, d’ici à la prochaine séance, que chaque fois que vous demandez de l’aide et que vous la recevez, vous recevez en même temps deux messages. L’un, évident, est : “Je t’aime, je t’aide et je te protège.” Le second, plus subtil et plus fort, dit : “Je t’aide parce que tout seul tu ne peux pas le faire, parce que tu es malade.” Je ne vous demande pas de ne pas demander de l’aide parce que vous n’êtes pas en mesure de ne pas demander de l’aide. Je vous demande seulement de penser que chaque fois que vous demandez de l’aide et la recevez, vous contribuez à ce que persistent et s’aggravent vos problèmes. » (Watzlawick et Nardone, 1997).
DANGERS DE L’AMÉLIORATION
Par exemple, une cliente « dépressive » dit ne plus avoir de sentiments pour son mari, mais elle ne peut pas le quitter car elle n’a pas de travail. Les tâches vont porter sur la réflexion sur les risques de l’amélioration (peur de ne pas avoir de ressources) pour l’aider à évaluer sa demande.
ÉVALUATION DE LA TÂCHE
Les conséquences de la réalisation ou non de la tâche sont évaluées à la séance suivante. Si le client a effectué la tâche : « Qu’est-ce que vous avez observé de nouveau ou de différent ? » Nous poursuivons à partir de ces informations.