12. Les formes pharmaceutiques destinées à la voie cutanée
Il est d’ailleurs très difficile de délimiter la frontière entre médicaments de la peau et produits cosmétologiques, car leurs formulations et méthodes d’études sont très voisines, ce qui a poussé certains industriels à parler de « dermopharmacie ».
En effet, la formulation des préparations destinées à la voie cutanée doit tenir compte des caractères propres de la peau (épiderme, derme, hypoderme) et de ses annexes (glandes sébacées et sudoripares, follicules pileux), ainsi que des caractères physico-chimiques de la substance active qui lui permettront ou non de franchir la barrière cutanée afin d’exercer une action générale.
I. Préparations semi-solides pour application cutanée
A. Définition60
« Les préparations semi-solides pour application cutanée sont formulées en vue d’une libération locale ou transdermique de substances actives, ou pour leur action émolliente ou protectrice. Elles présentent un aspect homogène. »
Plusieurs catégories de préparations semi-solides pour application cutanée peuvent être distinguées :
• les pommades (hydrophobes, absorbant l’eau ou hydrophiles) ;
• les crèmes lipophiles ou hydrophiles ;
• les gels lipophiles ou hydrophiles ;
• les pâtes ;
• les cataplasmes ;
• les emplâtres médicamenteux ;
• les dispositifs cutanés.
Les excipients pour pommades peuvent être des substances d’origine naturelle ou synthétique et être constitués par un système monophase ou multiphase, et selon leur nature, la préparation peut avoir des propriétés hydrophiles ou hydrophobes (lipophiles). Les excipients seront étudiés avec chaque forme. La préparation peut contenir d’autres excipients appropriés tels que des agents antimicrobiens, des antioxydants, des agents stabilisants, des émulsifiants, des épaississants et des agents de pénétration.
Les préparations semi-solides pour application cutanée destinées à être appliquées sur une peau gravement lésée sont stériles.
B. Préparation
Selon la définition de la Pharmacopée, les préparations semi-solides pour application cutanée doivent être homogènes : il faut donc préparer un mélange onctueux facilement applicable (non abrasif), dans lequel les composants solubles ou insolubles sont parfaitement dispersés et non visibles à l’application.
Le mélange des différents composants est réalisé en fonction du lieu de préparation (officine ou industrie) et des quantités à préparer.
À l’officine, on utilisera des mortiers, pilons, spatules, porphyres, et en industrie, des mélangeurs-malaxeurs, émulsionneurs, broyeurs à cylindres, homogénéisateurs à filières, broyeurs colloïdaux, pour laminer et lisser les pommades.
La préparation des pommades s’effectue en deux temps :
• mélange des excipients pâteux : il s’effectue le plus souvent, après liquéfaction des excipients en commençant soit par celui qui a le point de fusion le plus élevé, soit dans l’ordre des quantités croissantes ;
• addition des substances actives solides ou liquides qui s’effectue en fonction :
– de la solubilité de la substance active dans l’eau et dans les huiles : on peut alors l’incorporer dans l’une des phases,
– de l’insolubilité de la substance active : si elle est liquide, on pourra l’émulsionner ; si elle est solide, on la dispersera dans une suspension (après l’avoir réduite en poudre fine et tamisée pour éviter tout effet abrasif)
C. Types de préparations semi-solides pour application cutanée
1. Pommades61
On trouve les pommades suivantes.
a. Pommades hydrophobes61
« Les pommades hydrophobes (lipophiles) ne peuvent absorber que de petites quantités d’eau. Les excipients le plus communément employés pour la formulation de telles pommades sont la paraffine solide, la paraffine liquide, la paraffine liquide légère, les huiles végétales, les graisses animales, les glycérides synthétiques, les cires et les polyalkylsiloxanes liquides. »
Les vaselines blanche et jaune sont aussi très utilisées comme excipients de ces pommades.
Exemple
Pommade à l’oxyde de zinc :
– oxyde de zinc 10 g
– huile de vaseline 10 g
– vaseline 80 g
Elle est cicatrisante, antiseptique et sédative.
Les pommades hydrophobes qui renferment une proportion importante d’huiles et de cire blanche éventuellement associée à d’autres cires sont appelées cérats. Elles peuvent servir elles-mêmes d’excipients à d’autres substances actives. Elles sont à la base de préparations cosmétiques comme par exemple les rouges à lèvres.
Exemples
Cérat cosmétique ou cold-cream :
– cire blanche d’abeille 8 g
– huile d’amande douce 55 g
– eau distillée de rose 16 g
– teinture de Benjoin 4 g
– essence de rose 2 gouttes
– borate de sodium 0,50 g
Pour le préparer, on fait liquéfier le blanc de baleine et la cire d’abeille dans l’huile, au bain-marie. On coule dans un récipient chauffé puis on remue jusqu’à refroidissement et on ajoute l’essence de rose. Par ailleurs, on dissout le borate de sodium dans l’eau distillée de rose, on ajoute la teinture de benjoin ; on passe sur coton et on incorpore le filtrat par petites portions au mélange précédent, en battant énergiquement.
– cire blanche d’abeille 130 g
– huile d’amande douce 535 g
– eau distillée de rose 330 g
– borate de sodium 5 g
Pour le préparer, on fait fondre la cire dans l’huile au bain-marie ; on coule dans un récipient chauffé. On remue sans interruption jusqu’à refroidissement presque complet. Par ailleurs, on fait dissoudre le borate de sodium dans l’eau distillée de rose et on ajoute ce soluté par petites portions au mélange précédent, sans cesser de battre la masse.
Cérat à la rose ou pommade rosat ou pommade pour les lèvres :
– cire blanche d’abeille 7 g
– cire de cachalot 30 g
– acide stéarique 10 g
– vaseline 53 g
– essence de rose 0,20 g
On fait fondre à une chaleur douce la cire d’abeille, la cire de cachalot, l’acide stéarique et la vaseline ; on ajoute l’essence de rose, on mélange soigneusement et on coule la masse dans des moules appropriés de façon à obtenir des bâtons de 5 cm de long et de 1 cm de diamètre.
Cette dernière préparation est utilisée pour la prévention et le traitement des gerçures des lèvres.
b. Pommades absorbant l’eau63
« Ces pommades peuvent absorber des quantités plus importantes d’eau et conduire par conséquent à l’obtention d’émulsions eau-dans-huile ou huile-dans-eau selon la nature des agents émulsifiants. »
Des agents émulsifiants H/L (hydrophile dans lipophile ou eau dans l’huile) tels que des alcools de graisse de laine, des esters de sorbitan, des monoglycérides, des alcools gras, ou des agents émulsifiants L/H (lipophile dans hydrophile ou huile dans l’eau) tels que des alcools gras sulfatés, des polysorbates, l’éther cétostéarylique de macrogols ou des esters d’acide gras et de macrogols peuvent être utilisés dans ce but. Les excipients utilisés sont ceux d’une pommade hydrophobe.
Exemple
Pommade à l’argent colloïdal :
– argent colloïdal par voie chimique 15 g
– eau 15 g
– lanoline 35 g
– vaseline 35 g
Cette préparation est obtenue par mise en pseudo-solution de l’argent colloïdal dans l’eau, puis incorporation de cette pseudo-solution au mélange préalablement fondu et homogénéisé de vaseline et de lanoline.
c. Pommades hydrophiles63
« Les pommades hydrophiles sont des préparations dont l’excipient est miscible à l’eau. Cet excipient est habituellement constitué de mélanges de macrogols (polyéthylène glycols) liquides et solides. Il peut contenir des quantités appropriées d’eau. »
2. Crèmes64
C’est le type même de l’émulsion dont il faut rappeler qu’il en existe deux types L/H ou H/L. On peut ainsi associer, dans la même préparation, des produits solubles dans l’eau et dans l’huile. Cette double polarité favorise la pénétration dans les tissus cutanés.
a. Crèmes lipophiles
« Dans les crèmes lipophiles, la phase externe est la phase lipophile. Ces préparations contiennent des agents émulsifiants eau-dans-huile tels que des alcools de graisse de laine, des esters de sorbitan, et des monoglycérides. »
b. Crèmes hydrophiles 64
« Dans les crèmes hydrophiles, la phase externe est la phase aqueuse. Ces préparations contiennent des agents émulsifiants huile-dans-eau tels que des savons de sodium ou de trolamine, des alcools gras sulfatés et des polysorbates et des esters d’acides et d’alcools gras polyoxyéthylénés, éventuellement en combinaison avec des agents émulsifiants eau-dans-huile. »
Exemple
Crème au stéarate de sodium :
– acide stéarique 140 g
– soluté d’hydroxyde de sodium officinal 30 g
– glycérine 280 g
– eau 550 g
On chauffe au bain-marie l’acide stéarique, la glycérine et l’eau. Lorsque l’acide stéarique est fondu, on agite le mélange et on ajoute doucement le soluté d’hydroxyde de sodium. On laisse refroidir en agitant constamment.
■ L’acide stéarique est un acide gras, solide et insoluble dans l’eau. Il a la propriété de se combiner à l’hydroxyde de sodium pour donner du stéarate de sodium soluble, qui est un savon émulsionnant.