23. Le travail avec le temps en hypnose
Prédominance du travail sur le futur
Une des caractéristiques de l’approche éricksonienne concernant le temps est d’être centrée sur le futur afin de permettre au sujet d’interagir avec les autres et d’agir dans le monde, de telle manière que cette action puisse signifier pour lui la fin de la plainte. Ainsi, il prend en compte une nouvelle réalité lui permettant de développer ses différentes potentialités en utilisant ses ressources et ses valeurs. Cette focalisation sur l’avenir est directement liée à la conviction d’Erickson que l’étiologie est une question complexe, n’ayant parfois pas de rapport avec la solution du problème. Il s’agit, par l’utilisation de techniques spécifiques, d’amener le sujet à se projeter dans l’avenir sans son problème afin d’expérimenter une solution adaptée qui lui serve d’attracteur et le guide vers un monde dans lequel il a le pouvoir d’agir en utilisant ses compétences.
Il est possible de travailler directement sur l’avenir par des techniques de progression en âge, à partir du présent ou à partir du passé. Ainsi, même lorsque le thérapeute propose un travail sur le passé, ce travail est intégré dans un processus dont le point d’arrivée est dans le futur. L’accentuation dans l’approche éricksonienne d’une orientation vers le futur permettant de nouveaux contextes d’apprentissage crée, au cours de la séance d’hypnose, l’expérimentation de solutions.
La régression en âge et les techniques sur le passé
Parallèlement, le travail effectué spécifiquement sur le passé vise à permettre au sujet d’avoir accès aux ressources qui lui permettront de réaliser cet objectif dans un avenir proche.
Il est très important pour l’hypnothérapeute d’avoir ce cadre en tête afin de permettre au sujet de retrouver un processus créatif lui permettant de retrouver en lui-même les capacités de changement qu’il n’arrivait pas jusque-là à utiliser.
Il est fréquent que des demandes de régression en âge soient adressées à l’hypnothérapeute afin de réparer un hypothétique trauma. Ce type de demande doit rapidement être recadré, en permettant au sujet de percevoir que ce travail sur les éléments douloureux et traumatiques du passé sera d’autant plus efficace qu’un certain nombre de changements auront déjà commencé à se mettre en place dans le présent. Il est important, également, de différencier les situations traumatiques dont le sujet se rappelle, des souvenirs hypothétiques que le sujet recherche afin de trouver une cause à son mal-être présent.
Sur les situations traumatiques réelles, la technique la plus adaptée est la HTSMA (hypnose, thérapie stratégique et mouvements alternatifs ; voir, plus loin, le chapitre 34) développée par Éric Bardot, associant une hypnose fractionnée, une restructuration cognitive, et des mouvements alternatifs visuels, auditifs ou kinesthésiques.
En dehors de ses souvenirs trop présents, dont le sujet voudrait se détacher, il est fortement recommandé de ne pas partir à la recherche d’un hypothétique trauma sous peine de le créer. Cela est d’autant plus important que nous savons aujourd’hui comment la mémoire reconstruit le passé et comment la manière de poser des questions sur les souvenirs les modifie. Le travail d’Élisabeth Loftus (1994) est là pour nous rappeler la prudence que doit garder tout thérapeute lorsqu’il questionne sur des événements douloureux du passé. En effet, les questions posées construisent de nouvelles perspectives qui s’incorporent aux souvenirs passés. N’oublions pas que toute question à visée descriptive possède une dimension de suggestion indirecte, amenant le sujet à construire une réponse appartenant au jeu de langage de son thérapeute. Ainsi, si ce dernier pose des questions laissant entendre l’existence d’une agression sexuelle passée, tout en distillant l’idée que cette expérience douloureuse a été « oubliée » par un processus de refoulement, l’oubli sera la preuve de la réalité de ce faux souvenir. Et il y a de grandes chances que ce faux souvenir, construit par le questionnement, bloque le sujet dans un rôle de victime revendicatrice.
C’est pourquoi l’hypnothérapeute ne doit jamais poser de questions visant à faire émerger des événements traumatiques oubliés. Si le thérapeute est amené à modifier les perceptions du passé, il est préférable que cela soit pour faire émerger une ressource oubliée, des compétences négligées, un souvenir heureux, un moment au cours duquel le sujet s’est senti reconnu par un tiers comme dans « L’Homme de février » de M. Erickson (1976).
Le but du travail sur le passé en hypnose est de permettre au sujet, d’une part, de reprendre contact avec ses capacités d’apprentissage afin de les réutiliser dans le présent et l’avenir, d’autre part, de revivre les moments d’exception antérieurs, c’est-à-dire des moments où la plainte présente était moindre ou absente.