Radiologie et imagerie
Introduction
De nombreux paramètres angulaires ou de longueur ont été proposés dans la littérature. Cependant, la reproductibilité intra- et interobservateur des mesures manuelles [1, 2] engendrerait des erreurs de 6 à 20 %, soit 4 à 6° et 1 à 2 mm. De plus, les repères pour tracer les axes sont souvent non précisés dans les travaux cliniques.
Au cours de ces dernières années, des logiciels de mesure semi-automatisée des radiographies se sont développés [3], qui permettent d’en améliorer la reproductibilité. Cependant, il restera toujours des erreurs liées au repérage de certains points sur les clichés, mais également à la réalisation technique des radiographies et à la position du patient ; aussi ces mesures radiographiques doivent-elles toujours être confrontées aux données de l’examen clinique.
Peu de travaux ont rapporté simultanément l’ensemble des paramètres radiologiques des pieds normaux, aussi bien chez l’adulte [4, 5] que chez l’enfant [6, 7].
Radiographies des pieds en charge (adulte, adolescent et grand enfant)
Incidence dorsoplantaire des deux pieds en charge (figures 1 et 2)
Figure 1 Mesures de base sur la radiographie de face dorsoplantaire des deux pieds en charge.
a. Divergence talocalcanéenne. b. Angle talus M1. c. Angle calcaneus M5.
Protocole
Le protocole radiographique doit être strict : face dorsoplantaire en charge, distance source-plaque de 1 m, rayon incident incliné de 15 à 20°. Le plus souvent, les tibias doivent être verticaux ; mais si on veut que la charge soit plus importante sur l’avant-pied, on choisit la position « schuss ». Toutefois, lors des études de reproductibilité de cette incidence, nous avons montré avec FootLog™ (logiciel de mesure semi-automatisée des radiographies du pied [8]) que les variations de l’angle du rayon incident de 0 à 20° (0°–10°– 20°) sur la prise de radiographie de face dorsoplantaire d’un pied donné entraînaient des variations nettes de la longueur de M1 et de l’angle C1M1.
Mesures radiographiques
Angle talus-1er métatarsien (figure 1)
Cet angle mesuré entre l’axe longitudinal du talus et l’axe longitudinal du 1er métatarsien est voisin de 0° mais, normalement, l’axe longitudinal du 1er métatarsien passe un peu en dehors de celui du talus, la valeur pouvant aller jusqu’à 10° chez le grand enfant et un peu moins chez l’adulte. Dans la littérature, cet angle est considéré comme l’élément de référence principal pour apprécier une adduction ou une abduction médiotarsienne [6,7]. En réalité, cet angle peut être modifié à plusieurs niveaux, non seulement médiotarsien mais aussi naviculocunéen, cunéométatarsien et sous-talien (voir le chapitre 1.4). Cet angle a donc une valeur de débrouillage tout à fait fondamentale, mais n’a aucune valeur localisatrice pour savoir où est le défaut, qui peut d’ailleurs siéger à plusieurs niveaux différents selon des modalités qui varient d’un cas à l’autre [9]. Le paramètre suivant permet mieux d’apprécier la responsabilité du médio-pied et de l’avant-pied ainsi que la localisation exacte du trouble.
Angle calcaneus-5e métatarsien (figure 1)
Cet angle est évalué entre l’axe longitudinal du calcaneus et l’axe longitudinal du 5e métatarsien : il est normalement voisin de 0°, car il y a un alignement souvent parfait entre le calcaneus, le cuboïde et le 5e métatarsien. En cas de modification en abduction ou en adduction, le défaut peut être situé seulement à deux niveaux, cuboïdométatarsien et/ou calcanéocuboïdien. Plus l’enfant est âgé, et s’il s’agit d’un adolescent ou d’un adulte, il est assez facile de voir exactement où siège le défaut du fait de l’avancée de la maturation osseuse [9].
Angle de couverture talonaviculaire (figure 2)
Cet angle est évalué entre l’axe longitudinal médian du talus et la perpendiculaire au milieu de la ligne unissant les deux extrémités postéromédiale et postérolatérale de l’os naviculaire [7]. Contrairement à l’opinion de Davids [7], cet angle n’évalue pas seulement les défauts du médio-pied mais aussi les défauts de rotation du bloc calcanéopédieux sous le talus (donc, des défauts dans l’arrière-pied).
Angle cunéo-1er métatarsien (figure 2)
Cet angle est mesuré entre une perpendiculaire au bord médial de l’os cunéiforme médial et l’interligne articulaire entre la base du 1er métatarsien et le cunéiforme médial. Sa valeur normale est de 10 à 20°. En cas d’augmentation, il traduit un metatarsus varus. En réalité, il est très influencé par l’orientation du rayon incident [10] : élevé lorsque l’inclinaison est nulle (rayon perpendiculaire au pied), il diminue lorsque le rayon est incliné de 20°.
Longueur des deux colonnes (voir la figure 5 du chapitre « Analyse segmentaire des déformations », à la page 77)
Contrairement à certains travaux qui évaluent la longueur respective des deux colonnes sur une incidence de profil [7], il est préférable de faire cette évaluation sur la radiographie de face, car il n’y a pas de superposition radiologique et la distance entre la plaque et chacune des colonnes n’est guère différente (ce qui n’est pas le cas sur la radiographie de profil). L’évaluation se fait d’une extrémité distale du 1er métatarsien au bord postérieur du calcaneus comparé à la distance entre l’extrémité distale du 5e métatarsien et le bord postérieur du calcaneus. En réalité, aucune mesure n’est nécessaire, car c’est l’évaluation d’une coudure de la colonne externe et son sens qui permettent de repérer une dysharmonie de croissance des deux colonnes. Si la colonne latérale est convexe en dehors, elle est plus longue que la colonne médiale. Si, au contraire, elle est concave en dehors, c’est la colonne médiale qui est la plus longue. Cela aura donc une conséquence directe sur le choix d’une intervention chirurgicale correctrice pour allonger ou raccourcir une colonne par rapport à l’autre.
Incidence de profil du pied en charge (figures 3 à 6)
Mesures radiographiques
Les radiomensurations ne sont exactes que si l’ensemble du pied est strictement de profil, condition difficile à réaliser s’il existe un adductus ou un abductus très prononcé de l’avant-pied par rapport à l’arrière-pied. La plupart des mensurations sont complexes [4] et peu utilisées. Nous ne détaillerons que les plus utilisées, en particulier dans le bilan d’un pied plat ou creux.
Projection de la malléole fibulaire par rapport au tibia
Il faut s’attacher à évaluer une éventuelle rétroposition et une éventuelle ascension de la malléole fibulaire. Normalement, il y a un empiètement de la malléole fibulaire qui peut déborder de quelques millimètres en arrière du bord postérieur du tibia. Si le débord est plus important, cela signifie, alors que la technique radiologique de profil est correctement faite, que la cheville est vue de trois quarts et qu’il y a donc une adduction, en général dans le complexe articulaire sous-talien. Contrairement à une opinion trop répandue, cela ne signifie pas qu’il s’agit d’une torsion latérale du squelette jambier (qui, cependant, peut être associée au trouble rotatoire sous-talien) [9].