Épidémiologie des Conduites

4. Épidémiologie des Conduites



Concernant l’épidémiologie descriptive, l’intérêt de ces études en termes de santé publique et de besoin communautaire ne se discute pas (par exemple: l’expertise de l’Inserm, 2002), mais pour le clinicien dont la démarche reste singulière, centrée sur le sujet, leur utilité est plus discutable. Cependant ce point de vue, justifié en position de thérapeute, l’est moins en position de consultant, en particulier dans le cadre d’un travail institutionnel public: les propositions de soin doivent évidemment tenir compte de l’intensité des perturbations et du risque évolutif ultérieur. Sur ce point les études épidémiologique analytiques apportent des renseignements pertinents.

Il convient donc de bien différencier l’épidémiologie descriptive de l’épidémiologie analytique et aussi de ne pas faire de confusion de plan: santé publique et santé individuelle ne participent pas de la même logique. Ce qui est pertinent pour les uns peut ne pas l’être pour les autres. Faute d’avoir été suffisamment vigilente à ces différences de plan, l’enquête française Inserm (2005) fut l’objet d’une intense polémique et d’un relatif rejet par les professionnels de santé.


ÉPIDÉMIOLOGIE ET SANTÉ PUBLIQUE



CONDUITES PATHOLOGIQUES ET MALADIES






prévalence: nombre de cas de maladies ou de malades ou de tout autre événement dans une population donnée sans distinction entre les cas nouveaux et les cas anciens. Exprimée en proportion par rapport au nombre d’individus, elle doit toujours être précisée dans le temps;


incidence: nombre de cas nouveaux de maladies ou de traits qui sont apparus pendant une période donnée dans une population définie;


morbidité: sommes des maladies ou des traits qui concernent un individu ou un groupe d’individus dans un temps donné;


mortalité: taux de mortalité: rapport qui existe entre le nombre de décès et le chiffre de la population où ils se sont produits pendant un temps déterminé.

Ces renseignements sont nécessaires pour connaître les besoins sanitaires d’une population particulière mais aussi pour apprécier l’évolution naturelle d’une pathologie et affiner les connaissances catamnestiques. On retrouvera ces données pour telle ou telle conduite en début de chacun des chapitres suivants.




Prévalence toute pathologie confondue: les taux de prévalence pour l’ensemble des troubles psychiatriques de l’enfant et de l’adolescent oscillent autour de 12,3% (F. Verhulst, 1995; Inserm, 2002), taux retrouvé dans l’étude française de E. Fonbonne (1994: 12,4%). Ces taux seraient légèrement plus élevés au moment de l’adolescence mais les études épidémiologiques distinguent rarement enfance et adolescence de façon stricte. Certains troubles apparaissent ou augmentent franchement à l’adolescence (trouble du comportement alimentaire, dépression et tentatives de suicide), d’autres évoluent entre l’enfance et l’adolescence, tels les troubles anxieux avec la diminution relative de l’angoisse de séparation chez l’adolescent et l’apparition d’attaque de panique dont la prévalence semble corrélée au stade de Tanner (Hayward et coll., 1992).


FACTEURS DE RISQUE


À côté de ces renseigements descriptifs, les enquêtes épidémiologiques dites analytiques cherchent aussi à cerner les caractéristiques de sous-populations plus précises. Ceci permet de repérer des corrélations (odd ratio) ou des «facteur de risque» dont la présence accroît la probabilité de survenue d’une conduite ou d’un état pathologique. Ces facteurs de risque ne sont pas des facteurs de causalité. Ils doivent par conséquent être distingués des mécanismes explicatifs mais ils permettent de repérer des «groupes à risque» au sein de la population. Un «groupe à risque» constitue un sousensemble de la population qui partage un certain nombre de caractéristiques, de traits ou de comportements similaires. Par rapport à une conduite pathologique particulière ce «groupe à risque» ainsi défini connaît un taux d’incidence, de prévalence et de morbidité augmenté de façon statistiquement significative par rapport à la population normale. À l’opposé, on peut définir des «groupes résistants» avec des «mécanismes protecteurs» mais ces derniers sont difficiles à isoler en dehors des conditions inverses de celles qui mènent à la pathologie: si l’on sait à peu près ce qui peut conduire à la pathologie, on est loin de savoir ce qui est nécessaire à la santé mentale!


La reconnaissance de «groupe à risque» devrait, dans l’idéal, avoir pour objectif de mieux préciser une politique sanitaire de prévention et d’utiliser de façon plus pertinente les moyens disponibles.

Cependant, la définition de «groupe à risque» présente aussi un danger: celui d’une désignation pathologique potentielle avec pour effet négatif un processus de stigmatisation et de «mise à l’index» ce que, en sociologie, on appelle une «prophétie autocréatrice». L’identification d’un «groupe à risque» devrait assurément impliquer des actions de prévention communautaire (cf. chap. 21). En revanche, cela ne doit pas conduire à stigmatiser un individu ou une famille par une prédiction négative, ce qui risquerait d’aboutir à l’effet inverse, les individus ainsi désignés/stigmatisés développant une véritable «prévention» à l’égard des systèmes de soins. Dans le cadre d’une démarche individuelle, l’alliance de soin et l’alliance thérapeutique représentent l’indispensable socle à une intervention efficace.


ÉPIDÉMIOLOGIE ET SOIN INDIVIDUEL


Pour le clinicien l’évaluation psychopathologique individuelle, en particulier le point de vue psychodynamique, doit être pondéré à la lumière des connaissances épidémiologiques actualisées. Il ne s’agit pas d’effectuer un «étiquetage pathologique» supplémentaire mais bien plutôt, alors que les facteurs psychologiques individuels, la qualité du contact avec l’adolescent lui-même peuvent apparaître rassurants, de savoir que d’autres facteurs peuvent peser d’un poids tel que cet adolescent ne pourra se dégager des contraintes imposées.


Autre exemple: des épisodes d’allure boulimique sont assez fréquents entre 14 et 16 ans (28, 2% des filles, 20,5% des garçons ont au moins un épisode boulimique dans l’année). Chez les garçons la fréquence de ces épisodes tend à diminuer avec l’âge. Chez les filles, l’association de ces crises avec des stratégies de contrôle de poids (vomissements, régime, médicaments) qui augmentent régulièrement avec l’âge, risque de fixer la pathologie. Autant les accès boulimiques intermittents du garçon peuvent être banalisés, autant les accès boulimiques chez la fille justifient un suivi attentif.

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Jun 22, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Épidémiologie des Conduites

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