20. Échocardiographie en préopératoire de chirurgie non cardiaque
B. Cholley and C. Chauvel
Les complications cardiaques sont de loin la première source de morbidité et mortalité postopératoire, touchant environ 5 % des sujets opérés dans les pays occidentaux [1, 2 and 3]. Elles constituent par conséquent une des préoccupations majeures de tous les anesthésistes, mais aussi des cardiologues dont les patients sont amenés à subir une chirurgie non cardiaque. L’évaluation préopératoire des patients est donc un temps fondamental qui a pour but de déceler les sujets « à risque » de telles complications :1) afin de les informer ; 2) afin d’adapter la stratégie de prise en charge et de monitorage pendant l’intervention ; 3) voire plus rarement, afin de repousser une intervention pour permettre une prise en charge cardiologique spécifique visant à réduire le risque périopératoire [1, 4].
Dans le cadre de cette évaluation préopératoire, l’échocardiographie de repos a une place restreinte, qui n’est pas encore clairement définie. Le « flou » qui entoure le bon usage de cet examen a une double origine : d’une part la méconnaissance par les anesthésistes des possibilités et surtout des limites de l’écho, et d’autre part l’ignorance par les cardiologues des problèmes rencontrés par les anesthésistes et leurs attentes spécifiques. La conséquence de cette situation se résume à un mauvais usage des ressources avec de nombreux examens inutiles, qui alourdissent le coût de la prise en charge périopératoire sans bénéfice pour le patient. L’échocardiographie de stress, quant à elle, a été largement étudiée dans le cadre de la prédiction du risque d’accident ischémique périopératoire et fait partie des investigations recommandées dans l’algorithme de dépistage d’une cardiopathie ischémique silencieuse [5, 6].
Ce chapitre a pour but de « faire le point » sur la place de l’échocardiographie de repos et de l’échocardiographie de stress dans l’évaluation préopératoire des patients devant subir une chirurgie non cardiaque.
Échocardiographie de repos
▪ Quelles questions poser à l’échocardiographiste ?
Quelle est la fonction systolique du ventricule gauche au repos ?
La fonction systolique du ventricule gauche (VG) est une préoccupation fréquente des anesthésistes, qui redoutent une mauvaise tolérance aux contraintes hémodynamiques et physiologiques liées à l’intervention (variations de retour veineux, anémie, douleur, tachycardie, etc.). Le paramètre de fonction le plus étudié est la fraction d’éjection (FE) du VG, bien que celle-ci ne soit pas exclusivement liée à la performance contractile du VG, étant en grande partie influencée par les conditions de charge. Une FE basse est associée à un risque élevé de décompensation d’insuffisance cardiaque périopératoire. Plusieurs études ont retrouvé une morbimortalité accrue en cas de FE préopératoire inférieure à 35–40 % [7, 8 and 9]. Cependant, la sensibilité (≈ 30 %) [10] et la valeur prédictive positive (27 %) [7] de ce paramètre sont dérisoires. Seule la valeur prédictive négative d’une FE > 50 % (97 %) semble prédire de façon fiable un risque négligeable d’œdème aigu pulmonaire postopératoire [7]. En présence d’un patient insuffisant cardiaque, connaître la valeur exacte de la FE n’améliore pas la prédiction du risque postopératoire et ne change pas la prise en charge anesthésique par rapport à une évaluation clinique simple (classe NYHA, par exemple). Il n’y a donc aucune justification à demander une échocardiographie préopératoire pour obtenir cette information, sauf en cas d’insuffisance cardiaque décompensée à équilibrer ou pour explorer une insuffisance cardiaque non connue auparavant [5, 11]. A fortiori, en cas d’intervention urgente, cette information n’est absolument pas nécessaire et ne doit jamais être recherchée, car elle ne modifiera pas la stratégie de monitorage « agressive » justifiée par ces patients.
Quelle est la fonction diastolique du ventricule gauche ?
L’étude de la fonction diastolique est rarement à elle seule un motif de demande d’échocardiographie préopératoire, surtout en l’absence de symptomatologie clinique d’insuffisance cardiaque. Cependant, parmi les patients atteints d’insuffisance cardiaque, on estime que 30 % ont une dysfonction diastolique isolée (FE > 40 %). Celle-ci est une entité dont la prévalence est très importante chez les sujets âgés et qui mérite d’être connue par les anesthésistes [12, 13]. La fonction diastolique s’étudie surtout par l’analyse du remplissage ventriculaire gauche au moyen du Doppler pulsé [13, 14] et du Doppler tissulaire [15, 16], ainsi que par le flux veineux pulmonaire [17]. En cas d’anomalie de la relaxation ventriculaire, la contraction auriculaire peut prendre une importance primordiale pour le remplissage du VG, et sa disparition (à l’occasion d’un passage en fibrillation auriculaire) peut s’accompagner d’un effondrement du débit cardiaque et d’une insuffisance circulatoire. De plus, ces patients sont éminemment sensibles aux variations brutales de retour veineux qui accompagnent les variations aiguës de volémie et sont à haut risque d’œdème pulmonaire postopératoire. Ils justifient donc d’une surveillance peropératoire particulière et d’une grande prudence vis-à-vis du remplissage. Celui-ci sera au mieux guidé par un monitorage intraopératoire du volume d’éjection systolique (voir chapitre 21) pour éviter les excès générateurs de congestion pulmonaire.
Quel est le risque d’insuffisance coronaire ?
L’insuffisance coronaire est une situation très fréquente chez les candidats à la chirurgie, comme dans la population générale [1, 18]. Le problème de l’anesthésiste est de reconnaître ces patients pour les informer de leur risque accru de complication postopératoire et leur proposer un traitement par β-bloquants (si celui-ci n’est pas déjà prescrit) afin de contrôler la fréquence cardiaque, facteur de risque majeur d’événement ischémique. De plus, l’anesthésiste essaie de dépister le sous-groupe chez qui un geste de revascularisation préopératoire pourrait réduire le risque d’infarctus postopératoire, bien que des travaux récents aient jeté un doute sur le bien-fondé de cette attitude [19]. La place de l’échocardiographie de repos dans cette optique est modeste. L’examen incontournable avant toute décision de revascularisation reste, bien sûr, la coronarographie. Du fait de son caractère hautement invasif, la coronarographie n’est proposée en première intention qu’aux patients à très haut risque de coronaropathie (infarctus récent, angor instable). Les patients dont le risque est intermédiaire (présence de facteurs de risque, infarctus ancien) et dont le tableau clinique est moins évocateur (absence de symptomatologie d’effort, impossibilité de faire des efforts) peuvent bénéficier en première intention d’un test dynamique comme l’échocardiographie de stress détaillée ci-après, ou la scintigraphie Thallium-persantine pour déceler le sous-groupe à risque [20].
Existe-t-il une cardiomyopathie hypertrophique ?
Le pronostic médiocre à moyen ou long terme des cardiomyopathies hypertrophiques est bien connu [21], mais l’impact de ces dernières sur les complications périopératoires est moins bien documenté. La découverte fortuite de cette pathologie en consultation d’anesthésie est inhabituelle, car la clinique est souvent peu parlante et atypique (dyspnée d’effort, douleurs précordiales, souffle systolique). Les deux caractéristiques de la physiopathologie de cette affection sont les anomalies de relaxation rencontrées chez la quasi-totalité des patients et l’obstruction de la chambre de chasse du VG par un mouvement systolique antérieur de la mitrale (SAM) qui vient au contact du septum et qui se voit chez au moins un quart d’entre eux [21, 22 and 23]. Les troubles de la relaxation du VG sont responsables d’une dysfonction diastolique avec mauvaise tolérance au remplissage et aux variations de retour veineux, ce qui explique la grande fréquence des œdèmes pulmonaires (16 %) observés en postopératoire chez ces patients [24]. L’obstruction de la chambre de chasse du VG en systole par la grande valve mitrale est responsable d’une symptomatologie d’insuffisance cardiaque et de troubles du rythme. Les troubles du rythme ainsi que l’ischémie myocardique font partie des complications postopératoires fréquemment observées en plus de l’œdème pulmonaire en cas de cardiomyopathie hypertrophique [23, 24]. L’obstruction de la chambre de chasse en systole est due à la combinaison d’anomalies anatomiques (malposition des piliers et appareil sous-valvulaire trop long) et d’un effet Venturi qui aspire la grande valve mitrale contre la paroi septale. Cet effet Venturi est dû au gradient de pression élevé régnant de part et d’autre de l’obstacle intraventriculaire, ce qui entraîne une vitesse circulatoire très accélérée au niveau du rétrécissement de la cavité ventriculaire en systole.
Les conséquences pratiques de la découverte d’une cardiomyopathie hypertrophique sur la prise en charge périopératoire sont de deux ordres.
– Le risque principal d’œdème pulmonaire postopératoire impose une gestion prudente du remplissage, laquelle se fera au mieux sous monitorage du débit cardiaque et de ses variations en réponse aux apports liquidiens et aux pertes peropératoires. Une absence d’augmentation du débit en réponse à des tests de remplissage prudents (de 100 ou 150ml) doit faire craindre que le patient « travaille » sur le plateau de sa courbe de fonction cardiaque et qu’il est à risque de congestion (Figure 20-1). À l’inverse, toute baisse de débit doit entraîner un remplissage compensateur immédiat, car les réductions de retour veineux sont mal tolérées en raison de la dépendance à la précharge de ces ventricules hypertrophiques et de l’aggravation de l’obstruction intraventriculaire du fait de la majoration de l’hypercinésie systolique. Le monitorage des pressions de remplissage n’a strictement aucun intérêt pour guider les apports liquidiens puisqu’il n’y a aucune corrélation entre le niveau de pression d’oreillette droite (ou pression d’artère pulmonaire occluse) et l’augmentation de débit en réponse au remplissage [25, 26]. De plus, chez ces patients, la pression d’artère pulmonaire occluse est habituellement très élevée du fait de la dysfonction diastolique du VG, ce qui rend sa valeur excessivement difficile à interpréter.
Figure 20-1 |
– Il paraît raisonnable, même si cela n’est pas démontré par des données cliniques, d’éviter les techniques anesthésiques qui risquent d’accentuer le gradient de pression intraventriculaire gauche et donc l’effet Venturi qui déclenche l’obstruction de la chambre de chasse. Cela revient à déconseiller les substances les plus vasodilatatrices lors d’anesthésies générales et les anesthésies rachidiennes en raison de la vasoplégie brutale qu’elles entraînent.
Quelle est la sévérité d’une valvulopathie ?
L’échocardiographie est indiscutablement l’outil de choix pour l’étude des valves cardiaques. Cependant, dans le contexte d’une évaluation préopératoire, celle-ci ne se conçoit que si l’on suspecte une valvulopathie sévère non suivie au préalable ou bien si le patient présente des signes d’aggravation récents. Les lésions sténotiques (aortiques ou mitrales) symptomatiques sont les plus susceptibles d’entraîner une décompensation d’insuffisance cardiaque en période postopératoire et peuvent justifier d’une prise en charge spécifique (valvuloplastie ou remplacement valvulaire) avant un geste de chirurgie réglée [5, 11]. Le rétrécissement aortique calcifié serré a été autrefois considéré comme facteur de risque indépendant de surmortalité périopératoire [27], notion qui reste d’actualité mais est plus controversée [28, 29]. Une valvulopathie équilibrée et suivie par un cardiologue ou encore une valve mécanique en place ne justifient aucun examen échographique. La tâche de l’anesthésiste consiste alors à choisir le monitorage qu’il juge le plus adapté pour surveiller et corriger l’état cardiocirculatoire du patient et à administrer une antibioprophylaxie adaptée.
Existe-t-il une altération de la fonction systolique du ventricule droit ?
La bronchopneumopathie chronique obstructive, l’emphysème, les antécédents d’embolie pulmonaire sont des pathologies bien connues pour augmenter les résistances vasculaires pulmonaires et réduire la « réserve » ventriculaire droite (Figure 20-2). Le syndrome d’apnée obstructive du sommeil, fréquemment détecté en consultation d’anesthésie, peut lui aussi s’accompagner d’un retentissement sur la fonction ventriculaire droite [30, 31]. Chez de tels patients, la notion d’une hypertension artérielle pulmonaire ou d’une dilatation des cavités droites dont la fonction systolique est altérée sont des notions capitales pour la conduite de l’anesthésie. Un ventricule droit (VD) pathologique sera en effet beaucoup plus sensible qu’un VD normal à une augmentation aiguë de sa postcharge associée à une baisse prolongée de sa pression de perfusion coronaire. Or, ces deux facteurs de risque se rencontrent couramment en situation chirurgicale. La baisse de la pression de perfusion coronaire droite est quasi constante lors de toute anesthésie puisque la pression artérielle systémique est presque toujours réduite. L’augmentation aiguë de postcharge est le fait des chirurgies qui s’accompagnent de ligature de vaisseaux pulmonaires (lobectomies, pneumonectomies) ou d’embolies par voie veineuse. Parmi les chirurgies emboligènes plus fréquemment en cause, citons la chirurgie sous cœlioscopie qui injecte du CO2 sous pression dans l’abdomen afin de permettre l’exposition des organes. En cas de plaie veineuse chirurgicale, cela peut entraîner des embolies de gaz malgré la très grande solubilité du CO2. Citons aussi la chirurgie orthopédique des os longs, notamment le scellement d’une prothèse fémorale, qui s’accompagne souvent d’emboles mixtes comportant de l’air, des éléments cruoriques et de la moelle osseuse injectés dans les veines osseuses par la pression générée lors de l’impaction de la prothèse [32]. Ces emboles ont été bien mis en évidence par échocardiographie transœsophagienne peropératoire [33] et s’accompagnent de défaillance circulatoire aiguë s’ils sont trop abondants ou si la réserve systolique du VD est insuffisante pour supporter l’augmentation de postcharge qu’ils entraînent. La réponse thérapeutique adaptée lorsque l’on suspecte une défaillance VD aiguë peropératoire consiste : 1) à ventiler en oxygène pur (sans protoxyde d’azote) pour favoriser la réduction de taille d’éventuels emboles gazeux tout en maximalisant le contenu artériel en oxygène, et 2) à restaurer une pression de perfusion coronaire droite suffisante en utilisant les vasoconstricteurs (éphédrine, voire noradrénaline). En cas de défaillance persistante, l’usage du monoxyde d’azote (NO) inhalé qui vasodilate spécifiquement les vaisseaux pulmonaires et réduit la postcharge du VD est un recours plus sûr que la dobutamine, dont les effets vasodilatateurs et tachycardisants peuvent se révéler délétères.
Figure 20-2 |
Existe-t-il un foramen ovale perméable ?
Cette question intéresse les anesthésistes qui ont à prendre en charge les patients exposés à un risque majeur d’embolie par voie veineuse, chez qui un passage systémique « paradoxal » est particulièrement redoutable. En pratique, il s’agit des interventions emboligènes (arthroplastie des os longs), de la cœlioscopie, et des actes de neurochirurgie réalisés en position assise (certains gestes sur la fosse postérieure). Dans cette position, la pression veineuse cérébrale est physiologiquement inférieure à la pression atmosphérique, ce qui permet l’entrée d’air en cas de plaie des sinus cérébraux qui, contrairement aux autres veines, ne se collabent pas quand leur pression intraluminale diminue. L’existence d’un foramen ovale perméable (FOP) représente un accès direct à la circulation systémique pour les bulles de gaz ou les emboles solides, si le gradient de pression le permet (ce qui est souvent le cas en situation d’embolies). L’échocardiographie par voie transœsophagienne est l’examen de référence pour rechercher les FOP, même si, dans des mains expertes, un examen Doppler transcrânien permet de détecter les FOP avec de très bonnes sensibilité et spécificité et moins d’inconfort pour le patient [34, 35]. Cette recherche est systématique avant neurochirurgie en position assise du fait du risque majeur d’embolie gazeuse importante. Elle devrait l’être aussi chez les patients aux antécédents d’accident ischémique cérébral non élucidé avant toute chirurgie emboligène.
▪ Au total
Les indications reconnues de l’échocardiographie de repos dans l’évaluation préopératoire des patients cardiaques pour une chirurgie non cardiaque sont finalement assez restreintes. Cet examen est prescrit excessivement par les anesthésistes qui se sentent peutêtre rassurés par le sentiment d’avoir fait participer un cardiologue à leur évaluation du risque cardiovasculaire. Il faut sans aucun doute s’abstenir de prescrire des échocardiographies qui n’ont aucune chance d’aboutir à une modification de la prise en charge des patients avant intervention chirurgicale. De plus, il faut poser les « bonnes » questions au cardiologue qui peut ignorer les contraintes et les risques cardiovasculaires qui accompagnent certains gestes chirurgicaux. À l’anesthésiste d’expliciter ses attentes spécifiques en rédigeant sa demande d’examen, afin que le compte rendu du cardiologue lui fournisse bien toutes les informations utiles pour sa gouverne.
Échocardiographie de stress
▪ Rappel méthodologique
L’échocardiographie de stress a été introduite il y a plus de 20 ans dans le diagnostic de l’ischémie myocardique [36]. Il s’agit d’étudier en échocardiographie la cinétique ventriculaire gauche au cours d’une épreuve dynamique (effort physique ou agent pharmacologique) afin de rechercher une éventuelle dégradation de celle-ci qui témoigne d’une ischémie. Les avantages de cette technique par rapport à l’électrocardiogramme (ECG) d’effort conventionnel sont doubles : amélioration des performances diagnostiques du test (meilleures sensibilité et spécificité) et précision topographique de l’ischémie (artère coronaire impliquée et étendue de la zone ischémique) [37, 38, 39, 40, 41, 42, 43 and 44].
Pour effectuer le « stress » myocardique, dont le but essentiel est d’augmenter la consommation d’oxygène myocardique, deux moyens sont à notre disposition : l’effort physique ou un agent pharmacologique. Le premier est certainement le plus physiologique, le mieux toléré et doit donc être privilégié. Cependant, il nécessite une logistique spécifi que non disponible dans tous les centres (table d’examen basculante équipée d’un pédalier) (Figure 20-3) ainsi qu’une courbe d’apprentissage. De plus, dans le contexte préopératoire, il est fréquent que le patient ne soit pas valide, empêchant la réalisation de l’effort. C’est donc l’échocardiographie sous dobutamine qui a été étudiée dans les séries de la littérature. Le protocole est maintenant bien établi et plusieurs larges études ont montré une tolérance tout à fait satisfaisante de l’examen [45]. La dobutamine est administrée en injection continue par paliers de 2 à 3min suivant les équipes, en commençant par une dose de 5μg/kg/min et jusqu’à un maximum de 40μg/kg/min. Des injections de 0,25mg d’atropine toutes les minutes sont réalisées, en général à partir de la dose de 20μg/kg/min si la fréquence cardiaque (FC) cible n’est pas atteinte (85 % de la FC maximale théorique [FMT]). L’ECG est surveillé en continu sur un écran (12 dérivations) et des tracés sur papier sont obtenus à chaque palier. Enfin, la pression artérielle et la FC sont notées toutes les 2min.
Figure 20-3 |
Lorsque l’effort physique est possible, il est réalisé par palier de 2min dans les conditions habituelles d’un test d’effort, mais en plus de l’ECG, la fonction VG est surveillée en permanence par échocardiographie. Outre son caractère physiologique, cette méthode a montré une performance diagnostique supérieure à l’échocardiographie sous dobutamine, essentiellement en terme de sensibilité [46, 47, 48 and 49].
▪ Apports diagnostiques et pronostiques de l’échocardiographie de stress
L’échocardiographie de stress a fait l’objet de très nombreux travaux dans le diagnostic des lésions coronaires. Sa sensibilité et sa spécificité pour détecter une sténose coronaire significative (> 50 ou 70 % selon les auteurs) sont de l’ordre de 85 % [37, 38, 39, 40, 41, 42, 43 and 44, 46, 47, 48 and 49]. L’échocardiographie d’effort apparaît plus sensible que l’échocardiographie sous dobutamine [46, 47, 48 and 49], très probablement en raison de la pression artérielle (PA) qui s’élève plus au cours du test (double produit FC × PA plus élevé). Au-delà de la valeur diagnostique, plusieurs larges séries ont montré que le résultat de l’échocardiographie de stress est un facteur prédictif d’événements cardiovasculaires lors du suivi des patients examinés pour suspicion de coronaropathie ou coronariens connus [50, 51, 52, 53 and 54]. L’extension de l’ischémie apparaît comme un élément très important du risque d’événement [50]. Ces données apportent une aide précieuse pour la gestion des patients au quotidien, en particulier pour poser les indications de coronarographie et de revascularisation coronaire.
Échocardiographie de stress et pronostic périopératoire
Les patients devant bénéficier d’une chirurgie non cardiaque sont très nombreux, de plus en plus âgés, et souvent porteurs de facteurs de risque de la maladie coronaire. Leur évaluation représente donc une tâche quotidienne qui implique une lourde responsabilité pour tous les acteurs de la prise en charge. C’est en effet la notion d’équipe pluridisciplinaire qui est fondamentale pour gérer de manière optimale ces patients, chaque praticien détenant une partie des informations indispensables pour évaluer le rapport bénéfice/risque de la chirurgie prévue. L’évaluation clinique, étape préliminaire essentielle, permet parfois de classer directement le patient dans un groupe à faible ou à haut risque cardiaque. Malheureusement, dans environ deux tiers des cas [55], cette étape ne permet pas de trancher et les patients sont classés en « risque intermédiaire », justifiant une étape fonctionnelle complémentaire. L’échocardiographie de stress (particulièrement sous dobutamine) a été étudiée pour prédire les événements ischémiques périopératoires et apporte une aide quotidienne dans cette indication.
▪ Échocardiographie sous dobutamine
Complications cardiovasculaires précoces
La plupart des séries rapportées se sont intéressées à la chirurgie vasculaire. Il s’agit, en effet, de patients présentant une incidence élevée de coronaropathie et dont l’évolution postopératoire est souvent grevée par la survenue d’une complication ischémique myocardique. Le tableau 20-1 résume les principaux travaux [56, 57, 58, 59, 60, 61 and 62]. La valeur prédictive négative du test est excellente. Ainsi, un test mené à 85 % de la FMT sans ischémie documentée en échocardiographie permet d’envisager l’intervention avec un risque très faible de complications cardiovasculaires périopératoires. Un test positif prédit la survenue d’un événement ischémique chez 19 à 38 % des patients (faible valeur prédictive positive). Il est donc souhaitable de stratifier plus précisément le risque parmi ces patients ayant une ischémie au cours du test. Poldermans [61], dans son importante série ayant inclus plus de 300 patients, a montré que le seuil de fréquence cardiaque auquel survenait l’ischémie était un déterminant important du pronostic périopératoire. En effet, seuls les patients ayant une ischémie apparaissant pour une FC inférieure à 70 % de la FMT ont présenté un événement cardiovasculaire grave (infarctus ou décès), les autres n’ayant eu « que » des épisodes d’angor instable. En revanche, l’étendue de l’ischémie lors de l’échocardiographie sous dobutamine n’était pas un facteur prédictif indépendant d’événement coronaire pendant la période périopératoire. L’équipe de la Mayo Clinic [55] a rapporté une série de 530 patients évalués de façon systématique par échocardiographie sous dobutamine avant une intervention orthopédique (50 %), abdominale (15 %), de la tête ou du cou (15 %), pelvienne (13 %) ou thoracique (7 %). Un infarctus non mortel est survenu chez 32 patients (6 %) et un patient est décédé d’infarctus myocardique. Une ischémie lors de l’échocardiographie sous dobutamine était présente chez tous les patients ayant présenté un événement cardiovasculaire grave (sensibilité : 100 %, spécificité : 63 %, valeur prédictive positive : 15 %, valeur prédictive négative : 100 %). Les paramètres cliniques et échographiques au repos prédictifs d’événement ischémique en analyse multivariée étaient : les antécédents d’insuffisance cardiaque et une FC basse au repos. L’élément tiré de l’échocardiographie sous dobutamine apportant une valeur prédictive supplémentaire était : un seuil d’apparition de l’ischémie inférieur à 60 % de la FMT. Dans ce groupe de patients, 40 % ont présenté un événement ischémique périopératoire. Dans la méta-analyse de Poldermans [63], l’échocardiographie sous dobutamine a une excellente sensibilité pour prédire les complications cardiovasculaires périopératoires (98 %), la spécificité étant de 75 %. L’analyse multivariée isole les facteurs suivants comme prédicteurs du risque de décès ou d’infarctus du myocarde dans la période périopératoire : asynergie nouvelle (hazard ratio 3,3), asynergie segmentaire étendue (hazard ratio 1,9), âge > 70 ans (hazard ratio 1,1), bloc de branche gauche sur le tracé électrocardiographique préopératoire (hazard ratio 1,8) et diabète (hazard ratio 1,6).
Auteur | n (événement cardiovasculaire) | Sensibilité | Spécificité | Valeur prédictive positive | Valeur prédictive négative |
---|---|---|---|---|---|
Lane [59] | 57 (14 %) | 100 | 56 | 21 | 100 |
Lalka [58] | 60 (20 %) | 85 | 44 | 29 | 95 |
Langan [60] | 74 (4 %) | 100 | 79 | 17 | 100 |
Poldermans [62] | 131 (11 %) | 100 | 83 | 42 | 100 |
Eichelberg [57] | 75 (7 %) | 100 | 66 | 19 | 100 |
Davila-Roman [56] | 91 (4 %) | 100 | 78 | 17 | 100 |
Poldermans [61] | 300 (9 %) | 100 | 84 | 38 | 100 |