Échocardiographie peropératoire en chirurgie cardiaque

22. Échocardiographie peropératoire en chirurgie cardiaque

M. Michel-Cherqui and M. Fischler



L’utilisation de l’échocardiographie transœsophagienne (ETO) au bloc opératoire a tout d’abord été considérée comme une technique d’appoint au geste chirurgical, notamment lors des interventions de plastie de la valve mitrale [1], dont elle fait maintenant partie intégrante (voir chapitre 21). Son intérêt diagnostique et thérapeutique a désormais été démontré dans de nombreuses autres indications peropératoires de chirurgie cardiaque.


Indication de l’échocardiographie transœsophagienne peropératoire


Les indications de l’ETO peropératoire ont été précisées en 1996 par un groupe d’experts anesthésistes, cardiologues et échocardiographistes [2] et réactualisées en 2003 sous l’égide de l’American Heart Association, l’American College of Cardiology et l’American Society of Echocardiography [3]. Ces indications sont regroupées en trois classes selon leur degré de pertinence (tableau 22-1). Les indications de classe I sont non discutées car elles reposent sur une évidence scientifique et/ou un agrément général. Les indications de classe II sont discutées, et les indications de classe III ne sont pas retenues (examen inutile).



















Tableau 22-1 Classification des indications de l’échocardiographie transœsophagienne peropératoire
(d’après [
3])
Type d’indications Nature des indications
Classe I


– Évaluation de désordres hémodynamiques aigus, persistants, menaçants et n’ayant pas répondu au traitement chez des patients pour lesquels la fonction ventriculaire et ses déterminants sont mal connus


– Réparation chirurgicale (plastie valvulaire, cardiomyopathie obstructive, dissection aortique avec une implication possible de la valve aortique)


– Évaluation des remplacements valvulaires complexes nécessitant une homogreffe ou une réimplantation coronaire (intervention de Ross par exemple)


– Endocardite si l’évaluation préopératoire est insuffisante ou si une extension aux tissus périvalvulaires est suspectée


– -Mise en place de matériel intracardiaque et surveillance de leur positionnement notamment durant la chirurgie par port-access


– -Surveillance d’un drainage péricardique chirurgical (voie sousxiphoïdienne) chez des patients présentant des épanchements postérieurs ou localisés
Classe lia (favorable)


– Intervention chirurgicale chez des patients à risque élevé d’ischémie myocardique, d’infarctus du myocarde ou de désordres hémodynamiques


– Évaluation des remplacements valvulaires, de la maladie athéromateuse, de la procédure de Maze (technique chirurgicale d’incisions de la paroi auriculaire), du traitement d’un anévrisme ventriculaire, de l’ablation d’une tumeur cardiaque, de l’ablation d’un thrombus intracardiaque, d’une embolectomie pulmonaire


– Détection d’embols gazeux en chirurgie cardiaque, lors des transplantations cardiaques ou des procédures neurochirurgicales
Classe llb (non favorable)


– Évaluation d’une suspicion d’un traumatisme cardiaque, cure d’une dissection de l’aorte sans implication de la valve aortique, visualisation des anastomoses en transplantation pulmonaire et cardiaque


– Évaluation de la cinétique segmentaire durant et après des pontages coronaires à cœur battant


– Évaluation d’une péricardectomie, d’un épanchement péricardique, d’une chirurgie du péricarde


– Évaluation de la perfusion myocardique, de l’anatomie coronaire et de la perméabilité des greffons coronaires


– Échographie de stress à la dobutamine pour évaluer une ischémie induite ou pour prédire des modifications fonctionnelles après revascularisation myocardique


– -Vérification de l’absence de flux résiduel après fermeture d’un canal artériel
Classe III


– Réparation chirurgicale d’une communication interauriculaire type ostium secondum non compliquée

Le tableau 22-2 regroupe certaines études prospectives qui ont précisé le rôle de l’ETO peropératoire (modification du diagnostic préalable, modification de la prise en charge chirurgicale initialement prévue, correction d’une malfaçon chirurgicale ou d’une complication précoce, apport à la prise en charge hémodynamique) dans les principaux groupes d’opérés et ayant cherché à quantifier le gain économique de la technique [4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 and 16]. Le « rendement » diagnostique de l’ETO est meilleur si on ne retient que les indications de classe I ou que l’on utilise l’examen chez les patients valvulaires et coronariens à haut risque. Cependant, les études concernant des opérés toutes pathologies confondues et les études de coût plaident pour une utilisation systématique de l’ETO en peropératoire de chirurgie cardiaque. La diffusion de plus en plus importante de cette technique permet d’accroître les possibilités d’apprentissage, aboutissant ainsi à ce que la plupart des médecins anesthésistes-réanimateurs en formation en connaissent l’intérêt et les indications. Une telle politique ne se conçoit que si l’enseignement et la pratique de l’ETO au bloc opératoire sont formalisés [17].


















































































































Tableau 22-2 Apport de l’échocardiographie transœsophagienne peropératoire (analyse non exhaustive de la littérature)

Type d’étude Nombre de patients et typologie Modification du diagnostic établi en préopératoire Modification du geste chirurgical prévu Reprise chirurgicale immédiate Modification de la prise en charge hémodynamique
Sheikh et al. [4] Prospectif 154 mitraux 19 % 6 %
Sousa et al. [5] Prospectif 128 patients non sélectionnés 8,5 % 5,4 % 10,9 % 17 %
Savage et al. [6] Prospectif 82
coronariens à risque
33 % 51 %
Mishra et al. [7] Prospectif 5 016 patients non sélectionnés 22 % 1 % 21 %
Sutton et al. [8] Prospectif 184 patients non sélectionnés 21 % 6 %
Click et al. [9] Prospectif 3 245 valvulaires 15 % 14 %
Couture et al. [10] Prospectif 851 patients 4 %
Michel- Cherqui et al. [11] Prospectif 230 patients non sélectionnés 12,8 % 10,8 % 2,5 %
lonescu et al. [12] Prospectif 300 valvulaires 1 % 0,6 %
Fanshawe et al. [13] Rétrospectif 430 patients non sélectionnés 5,6 %
Qaddoura et al. [14] Prospectif 474 coronariens 10 % 3,4 % 2 %
Shapira et al. [15] Prospectif 417 valvulaires 3,6 % 11 %
Gurbuz et al. [16] Prospectif 744 coronariens (pontages à cœur battant)
26 % (dont 16 % de modifications majeures) 5 %


Règles d’utilisation de l’échocardiographie transœsophagienne en chirurgie cardiaque


L’élargissement des indications de l’ETO en peropératoire de chirurgie cardiaque est conforté par la faible morbidité de l’examen : dysphagie dans 0,2 à 0,4 % des cas [18]. Toutefois, cela ne doit pas faire oublier les rares cas de perforation œsophagienne qui imposent le respect de ses contre-indications, la prudence lors de la mise en place de la sonde dans l’œsophage et le dépistage d’une complication de survenue précoce ou tardive [19]. L’existence d’une pathologie œsophagienne (diverticule œsophagien, tumeur, varices œsophagiennes) ou médiastinale contre-indique la mise en place d’une sonde œsophagienne. Cela peut cependant être discuté dans les cas où le bénéfice de l’examen échographique paraît supérieur au risque encouru. La technique d’insertion de la sonde dans l’œsophage qui est préconisée est la suivante : mise en place d’une sonde gastrique permettant d’aspirer air et sécrétions tout au long de l’intervention, installation du patient tête surélevée et sans billot sous les épaules pour obtenir une courbure oropharynx/œsophage favorable, utilisation d’une gaine protectrice, introduction de la sonde sous contrôle laryngoscopique sans insister si la sonde ne progresse pas facilement.

L’utilisation du bistouri électrique parasite l’image, sans risque pour le patient. Les chocs électriques cardiaques peuvent être à l’origine de brûlures œsophagiennes si le revêtement de la sonde est altéré (érosion, perforation). Il est donc nécessaire de contrôler régulièrement l’isolement électrique du matériel. Il est recommandé de déconnecter la sonde de l’échographe avant tout choc électrique de forte puissance (choc électrique externe).

L’énergie émise par le capteur est faible et n’a pas d’effet biologique sur les tissus quelle que soit la durée d’utilisation. L’utilisation du Doppler pulsé et couleur augmente cette énergie. Ces modes ne doivent pas être utilisés en continu. Durant la plus grande partie de la circulation extracorporelle, la sonde peut être déconnectée du moniteur, l’image gelée.


Évaluation hémodynamique peropératoire


L’utilisation peropératoire de l’ETO, le plus souvent par le médecin anesthésiste-réanimateur en charge du patient, impose de recourir à des indices reproductibles et simples à obtenir. L’ETO permet de porter un « diagnostic minute » devant une défaillance circulatoire en évaluant le remplissage ventriculaire gauche, la fonction systolique des ventricules, le débit cardiaque. Ces éléments sont confrontés aux données enregistrées en période basale (examen de référence), avant la survenue de la défaillance circulatoire. La diminution de la précharge est en pratique la cause la plus fréquente d’hypotension en chirurgie cardiaque. La restauration d’une précharge adaptée doit précéder l’introduction de médicaments vasoactifs ou inotropes.


▪ Précharge


La précharge du ventricule gauche est approchée par la mesure de sa surface télédiastolique en incidence petit axe transgastrique et par celle de son volume en incidence 2 cavités à 90° (méthode de Simpson). Les valeurs de référence sont comprises entre 5,5 et 11,9 cm2/m2 pour la surface télédiastolique et 63 ± 13ml/m2 pour le volume télédiastolique [20]. Les premières mesures effectuées après l’induction anesthésique servent de valeurs de référence, mais c’est surtout leur évolution qui est prise en compte, de même que la réponse à une épreuve de remplissage. L’évaluation des pressions de remplissage à partir des indices Doppler n’a qu’un rôle limité [21] (voir chapitre 5).


▪ Fonction systolique globale et segmentaire du ventricule gauche


La fonction systolique globale du ventricule gauche s’évalue par la mesure de la fraction de raccourcissement de surface à partir d’une coupe transverse petit axe transgastrique passant par les piliers mitraux et par la mesure de la fraction d’éjection sur une incidence 4 ou 2 cavités à 90° (méthode de Simpson).

L’ETO était considérée à la fin des années 1980 comme la méthode de référence pour la détection de l’ischémie myocardique peropératoire du fait de sa sensibilité et de sa forte valeur prédictive de complications ischémiques postopératoires [22, 23]. Une analyse précise de la fonction systolique régionale du ventricule gauche est difficile, voire impossible à réaliser en peropératoire. Elle nécessite en effet l’évaluation de l’épaississement systolique de la paroi myocardique et de la course systolique de l’endocarde sur 16 segments à partir de trois coupes transverses petit axe transgastrique (base, piliers mitraux, pointe), et de quatre coupes grand axe (0°, 60°, 90° et 120°) du ventricule gauche [24]. L’attitude de nombreux praticiens consistant à ne réaliser que l’analyse de la coupe petit axe transgastrique, du fait de sa simplicité d’acquisition et de sa bonne reproductibilité, est erronée, puisque seulement 17 % des anomalies de contraction segmentaire apparaissent dans ce plan [25]. En pratique, il faut s’astreindre à analyser la coupe petit axe passant au niveau des piliers mitraux et quatre coupes grand axe longitudinales (0°, 60°, 90° et 120°) à chacun des temps importants : après induction de l’anesthésie et avant l’incision chirurgicale, après la fin de la circulation extracorporelle (CEC) ou après réalisation de pontage à cœur battant, après la fermeture du sternum et bien sûr lors de toute anomalie hémodynamique. Ces coupes permettent d’évaluer rapidement la cinétique des parois vascularisées par les trois troncs coronaires, tout en ayant à l’esprit la possibilité de variations anatomiques et de circulation collatérale [26] (figure 22-1).








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Figure 22-1
Schématisation de la vascularisation myocardique par les trois principaux troncs coronaires. CD : artère coronaire droite ; CX : artère circonflexe ; IVA : artère interventriculaire antérieure.


La contractilité de la paroi du ventricule gauche est appréciée de façon qualitative : paroi normale, hypokinétique, akinétique ou dyskinétique. Enfin, les anomalies de la cinétique segmentaire du ventricule gauche ne sont pas spécifiques d’une ischémie myocardique. Elles peuvent être secondaires à une hypovolémie aiguë, à l’ouverture du péricarde (asynergie de contraction du septum interventriculaire), à l’apparition d’un bloc de branche ou à un entraînement électrosystolique.


▪ Fonction ventriculaire droite


La dysfonction systolique du ventricule droit est parfois évidente lors de l’analyse de la coupe 4 cavités, et de la coupe transgastrique : dilatation du ventricule droit, rapport des surfaces télédiastoliques ventriculaires droite/gauche supérieur à 1, diminution de l’épaississement systolique du bord libre, diminution de la fraction de réduction de surface, existence d’une insuffisance tricuspide, dilatation de la veine cave inférieure. Une approche plus précise de la fonction systolique du ventricule droit est nécessaire dans de nombreux cas du fait de l’enjeu diagnostique et thérapeutique. Deux indices quantifient le mouvement de l’anneau tricuspide en systole : l’excursion systolique du plancher de l’anneau tricuspidien (mode temps-mouvement) et l’amplitude de l’onde S (Doppler tissulaire). Une excursion systolique du bord latéral de l’anneau tricuspide inférieure à 12mm serait associée à une dysfonction ventriculaire droite [27]. Une vitesse maximale de l’onde S du bord latéral de l’anneau tricuspide mesurée en Doppler tissulaire inférieure à 11,5cm/s témoignerait d’une dysfonction ventriculaire droite [28].

L’interaction ventriculaire dans le sac péricardique inextensible est évaluée par la mesure de l’index d’excentricité du ventricule gauche sur une coupe petit axe transverse transgastrique passant par les piliers mitraux [29]. Le rapport diamètre antéropostérieur/ diamètre latéroseptal est normalement égal à 1, car la cavité ventriculaire est circulaire (figure 22-2). L’aplatissement du septum et a fortiori son déplacement vers le ventricule gauche augmentent ce rapport [29]. Schématiquement, un rapport augmenté en systole témoigne d’une surcharge en pression (hypertension artérielle pulmonaire par exemple), un rapport augmenté en diastole d’une surcharge en volume (défaillance du ventricule droit lors d’une transplantation par exemple).








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Figure 22-2
Représentation schématique de l’index d’excentricité mesuré sur une coupe transverse petit axe transgastrique passant par les piliers mitraux. Normalement, la cavité du ventricule gauche est circulaire et le rapport du diamètre antéropostérieur/diamètre latéroseptal est proche de 1 (A, a/b). En présence d’une augmentation de postcharge du ventricule droit, l’index d’excentricité augmente en raison du bombement du septum interventriculaire vers le ventricule gauche en systole (a’/b’ > 1). VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche.



▪ Débit cardiaque


Le débit cardiaque peut être mesuré au niveau de la valve aortique (voir chapitre 6). La méthode la plus courante est d’utiliser le Doppler pulsé au niveau de la chambre de chasse du ventricule gauche. Une alternative est d’utiliser le Doppler continu et la mesure de surface de l’orifice valvulaire aortique en considérant qu’elle a une forme de triangle équilatéral en mésosystole [30].


Circulation extracorporelle


Les données échocardiographiques contribuent à améliorer la sécurité de la CEC, essentiellement lors des canulations et de la purge des cavités. Elles orientent le traitement lors du sevrage de la CEC (tableau 22-3).










Tableau 22-3 Informations fournies par l’échocardiographie transœsophagienne peropératoire concernant la circulation extracorporelle
Informations
Que dire au chirurgien avant la circulation extracorporelle ?



– athérome aortique sévère


– foramen ovale perméable


– anomalie du sinus coronaire


– insuffisance aortique


– mise en place et positionnement des canules
Que dire au chirurgien après la circulation extracorporelle ?



– air intracardiaque


– intégrité de l’aorte au site de canulation


– intégrité du sinus coronaire


– analyse hémodynamique


▪ Examen échocardiographique peropératoire initial



Examen de l’aorte ascendante


Dans une étude multicentrique qui regroupe 2 108 patients ayant bénéficié d’une chirurgie coronaire, Roach et al. [31] trouvent 3,1 % d’accidents neurologiques graves avec une mortalité hospitalière de 21 %. Ces complications sont dues essentiellement aux manipulations de l’aorte ascendante (canulation, clampage et déclampage, implantation d’un greffon) qui favorisent la fragmentation et l’embolisation de lésions athéromateuses, calcifications ou thrombus muraux développés sur des plaques athéromateuses ulcérées. L’atteinte athéromateuse aortique est classée en cinq grades (figure 22-3). Hartman et al. [32] ont retrouvé, dans une population de 189 patients bénéficiant d’une chirurgie coronaire, 19 % de lésions de grade III, 10 % de lésions de grade IV et 6 % de lésions de grade V [32]. La fréquence des accidents vasculaires cérébraux ischémiques postopératoires augmente avec la sévérité de l’athérome aortique : 5,5 %, 10,5 % et 45,5 % pour les lésions de grades III, IV et V, respectivement [32]. En revanche, aucun accident vasculaire cérébral postopératoire n’est décrit en cas de lésions athéromateuses de l’aorte descendante correspondant à un grade I ou II.








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Figure 22-3
Représentation schématique des cinq grades d’athérome aortique (coupe longitudinale de l’aorte thoracique descendante). Le grade I correspond à une paroi normale, le grade II à un épaississement pariétal athéromateux < 2,5mm, le grade III à un épaississement pariétal athéromateux compris entre 2,5 et 5mm, le grade IV à un épaississement pariétal athéromateux > 5mm, et le grade V à un épaississement pariétal athéromateux > 5mm avec des éléments mobiles.

Modifié d’après [32].

Ces lésions athéromateuses échappent aux explorations habituellement réalisées avant l’intervention. Il a été proposé de réaliser un scanner non injecté chez les patients à risque, ce qui permettrait un dépistage de ces lésions et une modification de la stratégie chirurgicale [33]. Toutefois, en pratique, le dépistage de ces lésions est réalisé en peropératoire. Compte tenu de sa faible sensibilité, la détection chirurgicale par palpation doit être complétée par une approche échographique. L’examen épicardique, à l’aide d’une sonde pédiatrique de 7MHz enveloppée dans une housse stérile et manipulée par le chirurgien, est la technique de référence [34]. Elle permet de visualiser toute l’aorte ascendante et d’identifier les zones indemnes de lésions athéromateuses où pourront être réalisés avec plus de sécurité la canulation et le clampage. L’interruption temporaire du cours de l’intervention et les manipulations requises expliquent que peu d’équipes utilisent l’échographie épicardique. L’ETO est une alternative séduisante car sa sensibilité pour détecter les plaques d’athérome est excellente [35]. L’ETO permet de bien visualiser l’aorte ascendante sur environ 8cm dans une incidence à 120°. Il existe ensuite une zone d’ombre due à l’interposition de la carène et de la bronche souche gauche qui empêche l’examen de la partie distale de l’aorte ascendante. La crosse aortique est visualisée sur des coupes longitudinale et transverse (voir chapitre 3). L’aorte descendante est parfaitement visualisée (figure 22-4). La présence de lésions athéromateuses de l’aorte thoracique descendante est associée dans un tiers des cas à des lésions de l’aorte ascendante. Plus importante est la valeur prédictive négative : l’absence de lésions athéromateuses de l’aorte descendante est généralement associée à une aorte ascendante et une crosse normales [35].








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Figure 22-4
Lésion athéromateuse exubérante au niveau de l’aorte thoracique descendante identifiée en échocardiographie transœsophagienne. Dans la vue transversale à 0°, on visualise une volumineuse lésion athéromateuse bourgeonnante (A, flèche). Dans la vue longitudinale, la lésion athéromateuse se prolonge par une plaque beaucoup plus étendue sur la paroi de l’aorte thoracique descendante (B, flèches). Ao : aorte thoracique descendante.


La découverte de lésions athéromateuses doit faire modifier la stratégie chirurgicale : choix des sites de clampage, de canulation aortique et d’implantation des greffons veineux [36], intervention à cœur battant (no-touch) évitant la canulation et le clampage de l’aorte ascendante [37]. Cette attitude permet de diminuer la morbimortalité [36, 37].


Examen de la valve aortique


Une insuffisance aortique méconnue fait courir le risque d’une protection myocardique incomplète lorsque la cardioplégie est administrée dans la racine de l’aorte ascendante.


Examen du sinus coronaire


La cardioplégie par voie rétrograde est réalisée le plus souvent à l’aveugle par canulation du sinus coronaire avec une sonde à ballonnet. La coupe transœsophagienne 4 cavités, en imprimant une rétroflexion à la sonde, permet de visualiser le sinus coronaire dans le sillon auriculoventriculaire. Sur une coupe 2 cavités, le sinus apparaît en coupe transversale au niveau de la face postérieure du ventricule gauche. L’examen permet de prévoir une éventuelle difficulté technique : petite taille ou orientation inhabituelle du sinus coronaire, présence d’une valve de Thébésius (devant le sinus) ou d’Eustachi (devant la veine cave inférieure) obstruant son entrée, dilatation du sinus coronaire. Cette dernière est la conséquence d’une dilatation des cavités droites ou s’intègre dans certaines pathologies malformatives (retour veineux pulmonaire anormal ou, plus souvent, veine cave supérieure gauche). La présence d’une veine cave supérieure gauche (0,5 % de la population) est confirmée par l’injection de microbulles dans une veine du bras gauche. Elle contre-indique alors formellement la réalisation d’une protection myocardique rétrograde. L’ETO permet de suivre, voire de guider l’introduction de la canule dans le sinus coronaire, la position de l’extrémité de la canule pouvant être vérifiée sur la coupe 2 cavités (figure 22-5).








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Figure 22-5
Représentation schématique de la visualisation de la mise en place d’une canule dans le sinus coronaire et de la vérification de son positionnement correct en échocardiographie transœsophagienne. On utilise pour cela la vue transœsophagienne 4 cavités (A, flèche) et 2 cavités repérée sur la présence de l’auricule gauche (B, flèche). Au : auricule gauche ; OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche.



Examen des cavités droites et de la cloison interauriculaire avant canulation veineuse



Recherche d’un foramen ovale perméable


Dans des études nécropsiques, la fréquence du foramen ovale perméable (FOP) peut atteindre 25 % des cas et il est fréquemment associé à un anévrisme du septum interauriculaire. La recherche d’un FOP par échocardiographie Doppler a été détaillée par ailleurs (voir chapitre 18). Un FOP expose durant la CEC au passage d’air dans les cavités cardiaques droites si l’acte comprend une ouverture des cavités gauches, et en postopératoire au risque de shunt droit-gauche et d’embolie paradoxale. Il n’existe pas d’études randomisées qui permettraient de guider la décision de fermer un FOP découvert fortuitement en peropératoire. La décision doit s’appuyer sur l’analyse des bénéfices attendus et des risques encourus, cette discussion devant avoir lieu au cas par cas [38]. Le risque de la fermeture du FOP dans le même temps opératoire est presque nul lorsqu’il s’agit d’une chirurgie sous CEC avec canulation des deux veines caves (chirurgie tricuspide ou mitrale) et négligeable pour les interventions réalisées sous CEC qui n’auraient pas nécessité une telle canulation. En revanche, le risque est augmenté chez les patients pour lesquels on aurait voulu éviter une CEC (pontage à cœur battant, calcifications aortiques, allergie à l’héparine, etc.). Le bénéfice potentiel est évident dans les situations où il existe un fort risque d’hypoxémie postopératoire : transplantation cardiaque, pose d’une assistance gauche, hypertension artérielle pulmonaire. La prévention des embolies systémiques intéresse essentiellement les patients de moins de 55 ans, car le risque de survenue d’un accident vasculaire cérébral est trois fois plus fréquent chez les patients ayant un FOP, un anévrisme du septum interauriculaire associé ou chez les patients ayant présenté un accident vasculaire cérébral d’origine indéterminée.


Canulation cave inférieure


En cas de canulation des deux veines caves, l’extrémité de la canule cave inférieure doit être placée au-dessus des veines sus-hépatiques. L’abouchement des veines sus-hépatiques dans la veine cave inférieure est bien visualisé sur une coupe longitudinale basse centrée sur la veine cave inférieure rétrohépatique. L’utilisation d’une canule veineuse fémorale impose de vérifier que son extrémité est au centre de l’oreillette droite afin qu’elle ne bute pas contre une paroi. Cette position doit être vérifiée sur plusieurs plans de coupes, au besoin après injection de microbulles par la canule.



▪ Examen échographique en fin de circulation extracorporelle



Présence d’air dans les cavités cardiaques


L’air intracardiaque provient essentiellement de l’ouverture des cavités cardiaques et plus accessoirement des différentes manœuvres de canulation artérielle et veineuse [40]. Bien que les études cliniques soient rares et discordantes [41, 42], il est généralement admis que les embolies gazeuses peuvent être à l’origine d’épisodes d’ischémie myocardique et cérébrale. L’embolie gazeuse coronaire concerne le plus souvent l’artère coronaire droite en raison de la situation anatomique de son ostium (apex des sinus de Valsalva), et plus rarement les greffons veineux implantés sur la partie antérieure de l’aorte. Elle se manifeste par des anomalies de la cinétique segmentaire et des altérations hémodynamiques parfois majeures. Ces anomalies sont le plus souvent transitoires (purge des greffons, augmentation de la pression de perfusion coronaire). Le risque d’embolie gazeuse cérébrale est beaucoup plus rare du fait des améliorations techniques de la CEC, des techniques de purge et de la surveillance échocardiographique, mais leur pronostic est potentiellement sévère. Ce risque vient s’ajouter au risque lié à l’athérome aortique. Ainsi, il a été rapporté 4,2 à 13 % d’accidents neurologiques graves après un remplacement valvulaire, 0,6 à 5,2 % après un pontage coronarien, et une diminution des fonctions cognitives encore présente plusieurs mois après l’intervention dans 25 % des cas [43, 44].

L’ETO permet de détecter des bulles d’air d’un diamètre minimal de 2 à 5μm. Schématiquement, deux types de bulles de tailles différentes peuvent être visualisés au sein des cavités cardiaques en ETO peropératoire. Les microbulles sont très mobiles et apparaissent dès la reprise de la ventilation mécanique et lors des premières manœuvres de purge en fin de CEC. Il existe un nouveau relargage de ces microbulles lorsque le cœur est remis en charge et qu’un débit transpulmonaire est réinstauré. Les macrobulles sont peu mobiles, trappées à l’apex des cavités (figure 22-6), très échogènes, et créent des artefacts latéraux (side-lobes) ainsi que des cônes d’ombre. Elles correspondent peut-être à l’agrégation de microbulles [45]. On les retrouve parfois dans les cavités cardiaques plus d’une heure après l’arrêt de la CEC. L’ETO oriente les manœuvres chirurgicales : purge de l’oreillette gauche, du ventricule gauche et de la racine aortique par aspiration ou à l’aiguille, fragmentation par manipulation du cœur (figure 22-7).








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Figure 22-6
Représentation schématique de la localisation habituelle des grosses bulles qui sont enclavées à la partie supérieure des cavités cardiaques (flèches).









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Figure 22-7
Purge des cavités cardiaques à l’issue de la circulation extracorporelle guidée par échocardiographie transœsophagienne. Chez un premier patient examiné en vue transœsophagienne 4 cavités, des microbulles sont visibles dans toute l’oreillette gauche et le ventricule gauche (A). Chez un deuxième patient examiné en vue transœsophagienne à 120°, on visualise une macrobulle hyperbrillante qui est enchâssée au niveau du toit de l’oreillette gauche (B, flèche ouverte). Celle-ci produit des artefacts latéraux et surtout un volumineux cône d’ombre acoustique (B, flèches). Chez un troisième patient, on met en évidence une macrobulle enchâssée dans le ventricule gauche (C, flèche ouverte) qui est repérée par les artefacts latéraux (C, flèche pointillée) et par le cône d’ombre et qu’elle produit (C, flèches pleines). Chez le même malade, une aiguille est introduite par le chirurgien pour assurer la purge convenable du ventricule gauche (D, flèche). OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche.



Sevrage de la circulation extracorporelle




L’ETO permet d’identifier rapidement la cause d’une difficulté de sevrage de la CEC, oriente le traitement et vérifie son efficacité. Une dysfonction ventriculaire gauche doit être recherchée en premier lieu. Hormis les causes liées au type d’acte chirurgical (voir infra), elle peut être liée à un défaut de protection myocardique qui crée une ischémie prolongée ou sidération myocardique. Ce phénomène est potentiellement réversible après plusieurs heures ou jours [47]. L’échec du traitement médical conduit à mettre en place une assistance circulatoire temporaire. Une dysfonction ventriculaire droite isolée peut être également liée à un défaut de protection myocardique, le territoire coronaire droit étant parfois mal protégé par voie rétrograde.

Seule l’ETO peut diagnostiquer une obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule gauche à l’origine de la difficulté de sevrage de la CEC (figure 22-8). Celle-ci est due à l’association d’une hypovolémie et d’une hypertrophie concentrique du ventricule gauche (hypertension artérielle, rétrécissement aortique, cardiomyopathie hypertrophique) ou d’une hypertrophie localisée au septum interventriculaire [48]. Plus rarement, l’obstruction de la chambre de chasse du ventricule gauche est due au mouvement systolique antérieur mitral, ou systolic anterior motion (SAM). Ce phénomène se rencontre chez des patients qui ont un excès de tissu de la valve mitrale ou qui viennent de bénéficier d’une plastie mitrale (voir chapitre 21). L’ETO permet de vérifier la régression des signes sous traitement médical (remplissage vasculaire, arrêt des inotropes positifs et administration éventuelle d’un β-bloquant ou d’un inhibiteur calcique). La reprise chirurgicale d’une valvuloplastie ou la réalisation d’une myotomie peuvent être discutées.








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Figure 22-8
Obstruction dynamique à l’éjection du ventricule gauche responsable d’un collapsus majeur chez un patient opéré d’un pontage coronaire. En vue transœsophagienne 4 cavités, la grande valve mitrale obstrue la chambre de chasse du ventricule gauche en raison d’une hypertrophie du septum interventriculaire (A, flèche). Le Doppler continu enregistre une accélération des vitesses maximales à plus de 5m/s, correspondant à un gradient maximal de pression à l’éjection ventriculaire gauche de plus de 110mmHg (B, flèche). OG : oreillette gauche ; VG : ventricule gauche.


Enfin, l’ETO peut mettre en évidence les effets d’agents utilisés fréquemment en chirurgie cardiaque sur la fonction ventriculaire gauche : protamine [49], calcium [50], etc.


Recherche de lésions en rapport avec les canulations


L’ETO permet de vérifier l’intégrité de l’aorte ascendante après la décanulation, celle-ci pouvant exceptionnellement être responsable d’une dissection [12]. Des dissections sont également décrites, de manière non exceptionnelle, après canulation axillaire. L’intégrité du sinus coronaire doit être vérifiée : risque d’hématome siégeant au niveau du sillon auriculoventriculaire et plus rarement dans la paroi de l’oreillette gauche. Celui-ci peut exceptionnellement comprimer les cavités cardiaques [51].


Chirurgie coronaire


L’ETO est également pertinente dans la chirurgie coronaire (tableau 22-4).










Tableau 22-4 Informations fournies par l’échocardiographie transœsophagienne peropératoire concernant la chirurgie coronaire
Informations
Que dire au chirurgien avant la réalisation des pontages aortocoronaires ?



– sévérité de l’athérome aortique imposant un pontage sans circulation extracorporelle


– lésions associées
Que dire au chirurgien après la réalisation des pontages aortocoronaires ?



– cinétique segmentaire du ventricule gauche




▪ Examen après pontages aortocoronaires


L’examen s’attache à détecter des anomalies de la cinétique segmentaire du ventricule gauche liées à une revascularisation incomplète, à une anomalie technique de réalisation d’une anastomose ou à la mauvaise perméabilité d’un greffon (coudure, compression, spasme). Il doit être réalisé sur les coupes longitudinales et transgastriques et tenir compte de la pression artérielle systémique. En effet, la fonction systolique régionale du ventricule gauche peut parfois être améliorée par l’augmentation de la pression artérielle diastolique (perfusion d’agents inotropes positifs, ballon de contre-pulsion intra-aortique, voire assistance ventriculaire).

En cas de doute sur la perméabilité des pontages, la mesure du débit ou l’analyse de leur flux en Doppler couleur (sondes épicardiques de haute fréquence) [53, 54] peut aider au diagnostic. Cela amènera à reprendre le pontage ou à en réaliser un supplémentaire [7, 12].


Chirurgie valvulaire mitrale


L’analyse fonctionnelle et anatomique de la valve mitrale a largement profité des interventions de plastie développées par Carpentier [55]. Les feuillets de la valve mitrale peuvent être subdivisés en trois parties qui correspondent aux segments antérieur, moyen et postérieur : A1, A2 et A3 pour le feuillet antérieur, et P1, P2 et P3 pour le feuillet postérieur. On décrit également une commissure antérieure (ou antérolatérale) et une commissure postérieure (ou postéroseptale) (voir chapitre 21). L’ETO peropératoire a un rôle majeur comme guide à la stratégie chirurgicale de la valve mitrale (tableau 22-5).












Tableau 22-5 Informations fournies par l’échocardiographie transœsophagienne peropératoire concernant la chirurgie valvulaire mitrale
Informations
Que dire au chirurgien avant la circulation extracorporelle pour cure d’insuffisance mitrale ?



– qualité du tissu valvulaire : redondant, myxoïde, épaissi, calcifié, présence d’une endocardite


– taille de l’anneau mitral


– prolapsus de la petite valve et/ou de la grande valve, segments impliqués


– appareil sous-valvulaire, rupture de cordage


– existence d’un mouvement systolique antérieur


– insuffisance tricuspide
Que dire au chirurgien avant la circulation extracorporelle pour cure de rétrécissement mitral ?



– qualité du tissu valvulaire et calcifications


– appareil sous-valvulaire


– taille de l’oreillette gauche


– présence de thrombus


– insuffisance tricuspide
Que dire au chirurgien après la circulation extracorporelle pour cure de valvulopathie mitrale ?



– morphologie et coaptation des valves


– insuffisance mitrale résiduelle > grade I


– existence d’un mouvement systolique antérieur


– fonctionnement normal de la prothèse


– complications de la réparation (anomalie de la cinétique segmentaire du ventricule gauche, insuffisance aortique)


▪ Examen initial


L’examen initial analyse la morphologie et la fonction de la valve mitrale : texture et mouvements des différents segments, zones de prolapsus, commissures, calcifications annulaire, valvulaire et de l’appareil sous-valvulaire. Plusieurs approches permettent l’analyse en imagerie 2D et en Doppler couleur [56, 57] : la coupe 4 cavités avec orientation du capteur en position antérieure (analyse de A1 et P1), en position intermédiaire (A2 et P2) et en position postérieure (A3 et P3) (figure 22-9A), la coupe petit axe transgastrique qui passe à l’extrémité des feuillets mitraux, et les coupes longitudinales entre 0° et 120° (figure 22-9B).








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Figure 22-9
Schéma représentant la segmentation de la valve mitrale telle qu’elle peut être analysée en échocardiographie transœsophagienne. En vue transversale (0°), on visualise les 6 segments des feuillets mitraux (A). À l’aide de trois plans de coupe obtenus avec une sonde multiplan (0°, 60 à 90° et 110°), on visualise A1, A2, A3 (portions antérieure, moyenne et postérieure du feuillet mitral antérieur) et P1, P2, P3 (portions antérieure, moyenne et postérieure du feuillet mitral postérieur) (B).




Insuffisance mitrale


Cette indication fondamentale de l’ETO peropératoire de chirurgie cardiaque a été détaillée par ailleurs (voir chapitre 21). La quantification de l’insuffisance mitrale est malaisée en peropératoire du fait des modifications de charge induites par l’anesthésie, ce qui pose un problème difficile lors de la découverte peropératoire d’une insuffisance mitrale méconnue. L’insuffisance mitrale peut être très excentrée et modifier les enveloppes spectrales de façon discordante [58]. L’analyse fonctionnelle et anatomique doit permettre d’évaluer avec l’opérateur la faisabilité d’une plastie mitrale et d’en préciser le type [59].


Rétrécissement mitral


Outre la qualité des tissus valvulaires et de l’appareil sous-valvulaire, ainsi que l’appréciation des calcifications, l’examen apprécie la taille de l’oreillette gauche et recherche des thrombus intracavitaires. Il s’attache à évaluer une régurgitation associée et étudie la fonction ventriculaire droite ainsi qu’une éventuelle insuffisance tricuspide.


▪ Examen après la circulation extracorporelle



Après plastie mitrale


Cette indication fondamentale de l’ETO peropératoire a été développée par ailleurs (voir chapitre 21). Le prolapsus isolé de la petite valve, lésion la plus fréquente, est traité par une résection quadrangulaire de la petite valve qui est rarement responsable d’une fuite résiduelle [60]. Les autres cas nécessitent des plasties plus complexes. La qualité de la plastie ne peut être jugée en peropératoire par l’ETO que si les conditions hémodynamiques sont proches des conditions « normales » de pression et de géométrie du ventricule gauche [61]. La reconstruction est jugée satisfaisante s’il n’existe pas de fuite résiduelle, si on visualise une coaptation des deux feuillets d’au moins 3mm, située 2 à 3mm sous le plan de l’anneau (incidences transverses et longitudinales de 0° à 120°) et si le gradient de pression transvalvulaire maximal mesuré en Doppler pulsé est inférieur à 5mmHg. Une insuffisance mitrale résiduelle d’un grade supérieur à I impose une correction immédiate, l’abstention grevant le pronostic vital [62]. L’interprétation est compliquée en cas d’hypovolémie, d’entraînement électrosystolique, de bloc de branche, de modification de la postcharge et de la fonction ventriculaire. Ces situations étant fréquentes, il est nécessaire de demander à l’opérateur d’attendre le traitement de ces anomalies ou de lui expliquer l’impossibilité d’un diagnostic formel.

Par ailleurs, l’ETO permet le dépistage d’une obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule gauche, complication classique des plasties mitrales [63]. L’hypovolémie, qui réduit la taille du ventricule gauche, et l’administration d’agents inotropes positifs, qui accentue le gradient de pression intraventriculaire, aggravent ce phénomène. Le traitement préventif consiste à réduire la hauteur du feuillet postérieur de la valve mitrale par une plastie de glissement [64???]. Le traitement curatif associe le remplissage vasculaire, l’arrêt des inotropes positifs, éventuellement l’administration de β-bloquants et, si nécessaire, la reprise chirurgicale pour une plastie du feuillet postérieur.


Après remplacement valvulaire mitral


Une bioprothèse ou une valve mécanique sont implantées lorsque la valve mitrale native ne peut pas être conservée en raison d’un tissu valvulaire trop réduit, de calcifications importantes ou après échec de plastie. Le fonctionnement correct de la prothèse valvulaire doit être vérifié et une fuite paraprothétique doit être cherchée (figure 22-10).








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Figure 22-10
Fuite paraprothétique sur une prothèse mécanique en position mitrale. Dans cette vue transœsophagienne 2 cavités (102°), on visualise en Doppler couleur un jet régurgitant entre l’anneau de la prothèse valvulaire et l’anneau mitral natif (flèche). OG : oreillette gauche ; VG : ventricule gauche.


Deux complications qui se rencontrent essentiellement lors de réinterventions sur la valve mitrale doivent être dépistées dès le sevrage de la CEC pour permettre leur correction immédiate. Il s’agit de la ligature accidentelle de l’artère circonflexe lors de la suture de la valve ou de l’anneau mitral et de la création d’une insuffisance aortique par déformation de l’anneau aortique ou par suture de la sigmoïde aortique non coronaire.


Chirurgie de la valve aortique et de l’aorte ascendante


Sur le plan fonctionnel, il est intéressant d’associer l’étude de la chambre de chasse ventriculaire gauche, de la valve aortique et de l’aorte ascendante. En effet, la pathologie de l’aorte ascendante (maladie de Marfan, anévrisme, dissection) est souvent responsable d’insuffisance aortique. De même, un rétrécissement aortique peut être responsable d’une dilatation poststénotique. Les informations apportées par l’ETO peropératoire dans la chirurgie de la valve aortique et de l’aorte ascendante sont résumées dans le tableau 22-6.












Tableau 22-6 Informations fournies par l’échocardiographie transœsophagienne peropératoire concernant la chirurgie de la valve aortique et de l’aorte ascendante
Informations
Que dire au chirurgien avant la circulation extracorporelle pour cure d’insuffisance aortique ?



– pathologie de la valve et/ou de l’aorte ascendante, dimensions de la racine aortique


– nombre, morphologie et coaptation des sigmoïdes, calcifications


– localisation de la régurgitation aortique, sévérité
Que dire au chirurgien avant la circulation extracorporelle pour cure de rétrécissement aortique ?



– qualité du tissu valvulaire et calcifications


– taille de l’anneau


– sévérité du rétrécissement aortique


– diamètre de la chambre de chasse, systolic anterior motion (SAM), hypertrophie septale


– dilatation poststénotique de la racine aortique
Que dire au chirurgien après la circulation extracorporelle pour chirurgie de la valve aortique et de l’aorte ascendante ?



– fonctionnement normal d’une prothèse, absence de fuite paraprothétique


– morphologie et coaptation des valves natives


– insuffisance aortique résiduelle de grade ≤ 1


– ostiums coronaires et fonction systolique régionale


– existence d’un mouvement systolique antérieur de la valve mitrale


– complications de la réparation


▪ Examen initial


L’examen initial analyse la morphologie et la fonction des différentes structures de cette région anatomique. L’ETO permet la mesure du diamètre de la chambre de chasse du ventricule gauche, l’identification d’une hypertrophie septale, d’un mouvement systolique antérieur de la valve mitrale, voire d’une membrane sous-aortique. L’anneau aortique est également mesuré et on cherche systématiquement des calcifications voire un abcès dans un contexte d’endocardite (figure 22-11). La mesure du diamètre de l’anneau aortique par ETO permet de prévoir le diamètre d’une homogreffe, ce qui réduit le temps de sa préparation et donc d’ischémie [65, 66]. Les abcès de l’anneau aortique sont le plus souvent situés à sa face postérieure et donc difficiles à visualiser par voie transthoracique, surtout s’il existe une valve mécanique (cône d’ombre acoustique).








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Figure 22-11
Découverte peropératoire de logettes évocatrices d’un abcès de l’anneau aortique chez un patient porteur d’une endocardite aortique. Dans cette vue transœsophagienne haute centrée sur l’anneau aortique aux alentours de 40°, on visualise un abcès hétérogène (astérisque) et la lésion d’endocardite (flèche). Ao : valve aortique ; IP : infundibulum pulmonaire ; OG : oreillette gauche.


L’ETO permet d’examiner la valve aortique et ses sigmoïdes, dont l’appellation dépend de leur situation vis-à-vis des ostiums coronaires : sigmoïde coronaire droite, coronaire gauche et non coronaire. Pour chacune, on observe la texture, le mouvement et la coaptation, et on cherche d’éventuels bicuspidie, fusion, prolapsus, calcification, etc.

Au niveau de l’aorte ascendante, on mesure le diamètre de l’anneau aortique, des sinus de Valsalva, de la jonction sinotubulaire aortique et de l’aorte ascendante 2cm au-dessus de cette jonction (figure 22-12A). La continence valvulaire aortique est liée à des rapports fixes entre les différents diamètres de la racine aortique (figure 22-12B). Ces rapports permettent de définir différentes situations pathologiques : dilatation de l’anneau aortique, dilatation isolée des sinus de Valsalva, dilatation isolée de l’aorte ascendante, ou leur association [67, 68].








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Figure 22-12
Examen de l’aorte ascendante en échocardiographie transœsophagienne et représentation schématique des mesures réalisées. Cette vue transœsophagienne longitudinale de l’aorte ascendante (environ 120°) d’un culot aortique normal montre les mesures réalisées habituellement pour étudier les apports entre les différents diamètres du culot aortique (A ; 1, anneau aortique ; 2, sinus de Valsalva ; 3, jonction sinotubulaire ; 4, aorte ascendante). La représentation schématique du culot aortique rapporte des mesures réalisées ex vivo, les chiffres étant sans unité car rapportés à la dimension de référence (= 1) qui est constituée par le diamètre du sinus de Valsalva (B, d’après [67]). OG : oreillette gauche ; VG : ventricule gauche.


Plusieurs vues en ETO permettent l’analyse de la valve aortique (figure 22-13). La coupe transœsophagienne moyenne des 5 cavités (0°) permet l’évaluation rapide de la sévérité d’une insuffisance aortique. La coupe transœsophagienne moyenne aux alentours de 30 à 40° permet d’examiner l’anneau aortique et les trois sigmoïdes. La surface fonctionnelle de la valve en systole peut être mesurée par planimétrie. Le Doppler couleur permet de préciser si une fuite aortique est centrale, commissurale ou se fait aux dépens d’une des sigmoïdes aortiques, orientant alors le diagnostic vers un prolapsus de cette sigmoïde. Le retrait de quelques millimètres de la sonde d’ETO permet de visualiser les ostiums coronaires droit et gauche. La coupe transœsophagienne moyenne longitudinale aux alentours de 120° analyse la région sous-valvulaire, l’anneau aortique et l’aorte ascendante. Les mesures des diamètres sont comparées aux modèles décrits (figure 22-12). La sigmoïde coronaire droite est toujours visualisée au bord inférieur de l’anneau aortique. La sigmoïde visualisée au bord supérieur de l’anneau aortique est la sigmoïde gauche, si le capteur est orienté en arrière, ou la sigmoïde non coronaire si le capteur est orienté vers l’avant. La direction et l’importance d’une insuffisance aortique peuvent être estimées en Doppler couleur. La coupe transgastrique aux alentours de 120° ou transgastrique profonde à 0° permet l’examen d’une valve mécanique, la recherche d’une fuite paraprothétique et la visualisation de l’aorte ascendante sans interruption jusqu’à la crosse. Du fait de l’excellent alignement, les mesures Doppler sont effectuées dans ces vues.








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Figure 22-13
Visualisation sur trois plans de coupe (0°, 30° et 120°) des trois sigmoïdes aortiques. Sur la coupe à 120°, la sigmoïde aortique droite est toujours visualisée au bord inférieur de l’anneau aortique. La sigmoïde visualisée au bord supérieur de l’anneau aortique est la sigmoïde gauche si le capteur est orienté en arrière, la sigmoïde non coronaire si le capteur est orienté vers l’avant. CCVG : chambre de chasse du ventricule gauche ; CD : coronaire droite ; CG : coronaire gauche ; NC : non coronaire ; VD : ventricule droit.

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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on Échocardiographie peropératoire en chirurgie cardiaque

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