Pied du spina bifida
Parmi toutes les causes de paralysie qui peuvent toucher le pied, la myéloméningocèle est certainement celle qui engendre les déformations les plus complexes, les plus variées et souvent les plus difficiles à traiter [1,2]. On en rapprochera les dysraphismes spinaux occultes, dont les conséquences sur les pieds sont similaires.
- • c’est une paralysie congénitale. Il n’y a jamais eu de fonction normale précédant la paralysie, d’où l’importance des déformations ostéoarticulaires. Celles-ci peuvent être aggravées du fait des contraintes intra-utérines ;
- • le déséquilibre musculaire est difficile à apprécier et on peut le qualifier de « déséquilibre à pièges ». Les muscles inactifs peuvent être soit rétractés, soit distendus, exposant au pied ballant. Les muscles qui fonctionnent peuvent être de trois types différents : soit actif volontaire et de force variable, soit actif involontaire (par automatisme médullaire sous-jacent à la malformation), soit enfin spastique volontaire (c’est le rare spina chez un enfant infirme moteur cérébral) ;
- • le syndrome neurologique n’est pas toujours stable, comme on l’a cru autrefois, et une évolutivité est toujours possible, notamment dans la période pubertaire, avec une aggravation des déficits et des possibilités fonctionnelles ;
- • enfin, les troubles sensitifs et trophiques associés rendent beaucoup plus difficile l’adaptation fonctionnelle aux paralysies.
- • le déséquilibre musculaire est difficile à apprécier et on peut le qualifier de « déséquilibre à pièges ». Les muscles inactifs peuvent être soit rétractés, soit distendus, exposant au pied ballant. Les muscles qui fonctionnent peuvent être de trois types différents : soit actif volontaire et de force variable, soit actif involontaire (par automatisme médullaire sous-jacent à la malformation), soit enfin spastique volontaire (c’est le rare spina chez un enfant infirme moteur cérébral) ;
Classification métamérique de Sharrard
Pour les raisons qui viennent d’être mentionnées, les déformations des pieds du spina sont d’une très grande variété et il est difficile de trouver deux pieds réellement identiques, même chez le même patient. Classer les déformations devient alors malaisé. C’est pourquoi la classification de Sharrard [1], basée sur le niveau métamérique de l’atteinte médullaire, ne nous a pas paru satisfaisante. En effet, il n’y a pas toujours de parallélisme entre le type de déséquilibre musculaire et la déformation observée. Cela est illustré par notre étude de 124 pieds chez 62 enfants spina (dans un travail réalisé à Saint-Vincent-de-Paul mais non publié) :
- • pour 56 pieds, l’atteinte métamérique se situait au-dessus ou au niveau de L4 (pieds totalement paralysés) ; nous avons retrouvé toutes sortes de déformation : 11 équins, 18 varus équins, 2 varus, 4 calcaneus, 11 calcanéovalgus, 3 valgus et 7 pieds d’aspect normal ;
- • pour 21 pieds de niveau L5, c’est-à-dire animés par un seul muscle, le tibial antérieur, nous avons constaté que seulement 10 pieds étaient en calcanéovarus, comme le voudrait la classification métamérique, et 11 pieds présentaient des déformations variées : 2 varus équins, 3 calcaneus, 4 calcanéo-valgus, et 2 valgus ;
- • pour 18 pieds de niveau S1, la déformation était assez stéréotypée, puisque 9 pieds étaient en calcaneus direct, 7 en calcanéovalgus et 2 en creux ;
- • pour les spina bas, 25 pieds de niveau S2 et S3, nous avons trouvé 11 pieds creux, 14 déformations variées : 3 varus équins, 2 calcaneus, 3 calcanéovalgus, 3 valgus et 3 pieds d’aspect normal.
- • pour 21 pieds de niveau L5, c’est-à-dire animés par un seul muscle, le tibial antérieur, nous avons constaté que seulement 10 pieds étaient en calcanéovarus, comme le voudrait la classification métamérique, et 11 pieds présentaient des déformations variées : 2 varus équins, 3 calcaneus, 4 calcanéo-valgus, et 2 valgus ;
Ainsi, la classification métamérique de Sharrard reste valable pour situer de façon globale le déficit moteur de l’enfant atteint de spina bifida, mais est insuffisante pour classer les déformations des pieds ou leur opposer un traitement adapté. Nos constatations sont en accord avec les publications de Menelaus [3,4].
Analyse des déformations du pied
C’est le préalable à toute classification à visée thérapeutique. L’étude de 124 pieds montre qu’en dehors des pieds non déformés, des pieds creux médiaux, il existe huit catégories possibles de déformation selon une analyse tridimensionnelle (figure 1). Il nous semble important de ne rien négliger dans cette étude et de ne plus croire que tout peut se résumer à trois ou quatre catégories seulement. Une vision trop schématique et trop simpliste des déformations serait source de déboires thérapeutiques. Cette analyse est d’abord clinique par l’examen du pied, au repos, debout, en charge et à la marche, puis radiographique. Des photographies sont indispensables.
Figure 1 Pied bot varus équin congénital paralytique lié à un spina avec lipome (dysraphisme spinal).
Le pied varus équin
C’est la même déformation que celle du pied bot varus équin congénital idiopathique, avec trois attitudes vicieuses élémentaires : l’équinisme déjà analysé, l’adduction et la supination (voir le chapitre « Pied bot varus équin congénital », page 93) [figure 1].
Pied calcaneus direct (anciennement « pied talus direct »)
Il s’agit d’une hyperflexion dorsale du talus dans la mortaise tibiofibulaire associée à une déformation du calcaneus dont la tubérosité postérieure se verticalise vers le bas du fait de la paralysie du triceps (figure 2). Il peut s’y associer une hyperflexion dorsale dans l’articulation médiotarsienne. L’évolution de ce pied calcaneus direct peut se faire vers le pied calcanéocavus s’il existe des muscles courts plantaires actifs, ce qui est assez rare dans ce contexte étiologique.
Indications thérapeutiques chez l’enfant et l’adolescent
Pieds totalement paralysés
Pieds déformés et enraidis en équin ou en varus équin [5,6]
La méthode thérapeutique va dépendre essentiellement de l’âge de l’enfant :
- • chez le nouveau-né et le nourrisson, on peut utiliser les procédés orthopédiques doux et progressifs : kinésithérapie pour étirer les structures musculaires et capsuloligamentaires rétractées, immobilisation sur des plaquettes et sparadrap ou plâtres correcteurs en prenant soin de protéger la peau pour éviter les escarres. La chirurgie de libération des parties molles doit être repoussée jusqu’à l’âge de la marche. Cependant, des gestes chirurgicaux mineurs comme de simples ténotomies du tendon d’Achille ou du tendon du tibial postérieur peuvent être des adjuvants au traitement orthopédique ;
- • à l’âge de la marche et jusque vers l’âge de 10 ans, les déformations requièrent une chirurgie de libération des parties molles. Il s’agit d’une chirurgie difficile qui ne donne pas que de bons résultats. On oscille entre deux complications : l’hypercorrection avec passage du pied en calcanéovalgus, et l’hypocorrection, source de récidive conduisant à une chirurgie itérative de plus en plus difficile. Il ne semble pas que la talectomie, opération d’ailleurs illogique, puisse apporter un bénéfice quelconque malgré des publications favorables [7,8]. En revanche, une chirurgie de libération des parties molles comme dans le pied bot varus équin congénital est susceptible d’aboutir à des résultats relativement stables dans le temps (voir le chapitre « Pied bot varus équin congénital », page 93). Pour proposer cette chirurgie, il faut être certain que la déformation était bien congénitale, c’est-à-dire présente à la naissance. En effet, si la déformation s’est installée progressivement pendant les premières années, il faut faire une chirurgie extrêmement limitée pour éviter l’hypercorrection ;
- • à partir de l’âge de 10 à 12 ans, on peut encore proposer des interventions de libération des parties molles adaptées aux déformations, mais il faut bien souvent y ajouter des ostéotomies pour corriger les défauts ostéoarticulaires, qui sont prépondérants. Une place à part est réservée à l’ostéotomie supramalléolaire si l’on veut corriger simplement un équinisme résiduel, un varus résiduel ou un varus équin sur un pied déjà bien enraidi et multiopéré. La désorientation de l’articulation tibiotarsienne que crée cette opération est sans grand inconvénient étant donné les faibles capacités fonctionnelles de ce pied entièrement paralysé ou très enraidi. Cette ostéotomie supramalléolaire est préférable à une arthrodèse talocrurale qui priverait le pied de quelques degrés de mobilité passive cependant bien utile à l’amortissement.
- • à l’âge de la marche et jusque vers l’âge de 10 ans, les déformations requièrent une chirurgie de libération des parties molles. Il s’agit d’une chirurgie difficile qui ne donne pas que de bons résultats. On oscille entre deux complications : l’hypercorrection avec passage du pied en calcanéovalgus, et l’hypocorrection, source de récidive conduisant à une chirurgie itérative de plus en plus difficile. Il ne semble pas que la talectomie, opération d’ailleurs illogique, puisse apporter un bénéfice quelconque malgré des publications favorables [7,8]. En revanche, une chirurgie de libération des parties molles comme dans le pied bot varus équin congénital est susceptible d’aboutir à des résultats relativement stables dans le temps (voir le chapitre « Pied bot varus équin congénital », page 93). Pour proposer cette chirurgie, il faut être certain que la déformation était bien congénitale, c’est-à-dire présente à la naissance. En effet, si la déformation s’est installée progressivement pendant les premières années, il faut faire une chirurgie extrêmement limitée pour éviter l’hypercorrection ;