Chapitre 8 Théorie des soins de thanatopraxie
Histoire de la thanatopraxie
Le terme embaumement est dérivé de l’expression latine in balsamum qui signifie, déposer dans le baume, c’est-à-dire conserver à l’aide de résine.
Premiers embaumements
C’est aux historiens grecs et en particulier Homère, que nous devons les connaissances sur l’embaumement pratiqué en Égypte. Ceux-ci le pratiquaient probablement pour une raison d’hygiène. Les inondations du Nil ne permettaient pas d’enterrer les corps. Les Égyptiens croyaient aussi que l’âme pouvait être « réhabitée » secondairement par les animaux avant de revenir sous forme humaine. En conséquence, l’enveloppe charnelle devait rester la plus intacte possible. Les animaux, de ce fait, étaient également momifiés et l’on estime à plus de deux millions le nombre de momies retrouvées en Égypte. Momies humaines mais aussi de chiens, chats, chèvres.
Hérodote, Grec du Ve siècle avant J.C., rapporte trois méthodes d’embaumement chez les Égyptiens :
Le natron est un sel, carbonate de sodium naturel extrait à l’ouest du delta du Nil.
Par la suite, le visage est enduit d’une couche de résine qui permet une plus longue préservation. Environ 30 jours seront nécessaires à la préparation de la momie. Le corps desséché est étendu sur la table d’embaumement, il est enduit de résine fondue et brulante, l’abdomen est rempli de toile de lin, de lichen, d’oignons, de sciure et de résine. Les viscères sont lavés et parfumés et souvent déposés dans des canopes. La momie est ensuite imprégnée d’huile de genièvre, de lait de vin, de cire d’abeilles ceci permettant de redonner souplesse à la peau.
Les Juifs avaient une méthode différente et conservaient plutôt les corps dans des draps imbibés d’huile et d’épices. Les pauvres étaient recouverts de bitume avant d’être enveloppés dans un drap. Ce bitume a un important pouvoir conservateur et il est encore possible de découvrir dans des cimetières juifs des momies noires, sèches, sans odeur, que l’on croirait recouvertes de vernis.
Dates clés de la thanatopraxie contemporaine
L’embaumement artériel est assez récent puisqu’il a fallu attendre la découverte du système artériel et veineux par William Harvey en 1628.
L’embaumement pratiqué depuis plus de 5 000 ans se poursuivra sans doute bien loin dans l’avenir.
Physique et chimie de l’embaumement
Les soins de conservation ont pour but de stopper les signes morbides (thanatomorphose) et de restituer au défunt une apparence de repos serein.
Pression atmosphérique
Le liquide artériel de conservation est placé dans un récipient hermétiquement fermé dans lequel, grâce à une pompe à air, l’on exerce une pression entre 0,2 et 0,5 bar. Cette pression et sa durée dépendent de critères d’observation sur le sujet (cf. p. 143).
Comme tous les liquides de conservation transmettent parfaitement les pressions, le liquide de conservation pousse et chasse les différents liquides physiologiques, principalement le sang, que l’on récolte dans un autre récipient. Celui-ci étant hermétiquement fermé, l’on peut, grâce à une autre pompe à air, exercer une dépression afin d’augmenter la vitesse et le volume de ce drainage. Ce dernier s’effectue grâce à un abord veineux (atrium droit ou veine jugulaire). L’injection et le drainage se réalisent ainsi en circuit fermé. Le bon fonctionnement de ce circuit fermé et donc la répartition harmonieuse des pressions intracorporelles dépendent de la qualité des abords artériels et veineux.
La durée optimale de cette injection est de l’ordre d’une vingtaine de minutes.
Le volume et la durée d’injection et de drainage sont variables. Ils dépendent de l’état du sujet et du moment des soins (cf. p 143).
Pression de capillarité
Après l’injection, le liquide de conservation pénètre d’une façon intime les tissus de l’organisme, en remplissant les espaces interstitiels, grâce à la pression dite de « capillarité ».
Cette pression dépend de deux facteurs : la tension de surface et la qualité hydrophile.
Pression osmotique
Le liquide de conservation doit pénétrer dans les cellules de l’organisme afin d’arrêter les phénomènes d’autolyse (autodestruction cellulaire). Cette pénétration cellulaire des agents conservateurs s’effectue grâce au phénomène physique dit de « pression osmotique ». La cellule baignant dans un liquide interstitiel saturé de produit conservateur (donc de concentration supérieure) a son liquide intracellulaire qui s’échappe à travers sa membrane semi-perméable jusqu’à l’équilibre osmotique des solutions extra- et intracellulaires. Ce phénomène d’osmose a pour conséquence de déshydrater et donc de fixer l’ensemble des cellules de l’organisme.
Les fluides
Définition et rappels historiques
La conservation des pièces anatomiques par injection dans le circuit vasculaire date du XVIIe siècle. Diverses substances et produits ont été utilisés, souvent de façon empirique. C’est au milieu du XIXe siècle que les constituants des fluides actuellement employés sont définis. Avant la découverte du formaldéhyde en 1859, l’on utilisait des sels métalliques, en particulier des sels d’arsenic. Compte tenu de son extrême toxicité, l’usage de l’arsenic a été interdit pour la fabrication des fluides de conservation, et les fluides de thanatopraxie d’aujourd’hui ont tous pour composant principal le formaldéhyde.
Qualités chimiques du liquide de conservation
Le liquide de conservation utilisé doit présenter les qualités chimiques suivantes :
Produits chimiques et thanatopraxie
On entend par produits chimiques les substances élémentaires et leurs combinaisons présentes dans la nature ou obtenues industriellement. Ils peuvent être des produits minéraux ou organiques.
Ces produits sont caractérisés par un certain nombre de propriétés physiques et chimiques, dont les principales sont détaillées dans le tableau 8-1.
Exemples de produits minéraux utilisés dans les formulations
En raison de leurs caractéristiques, les produits minéraux suivants peuvent être utilisés :
Exemples de produits organiques utilisés dans les formulations
En raison de leurs caractéristiques, les produits organiques suivants peuvent être utilisés :
Exemples de colorants
En raison de leurs caractéristiques, les colorants suivants peuvent être utilisés :
Liquide ou fluide artériel
Il est peu concentré en formol et a principalement des qualités de diffusion. Cette faible concentration permet, en ne précipitant pas la masse sanguine, un bon drainage veineux. Ce fluide fixe lentement et progressivement l’ensemble des tissus d’une façon très intime.
Selon les fabricants, les fluides sont disponibles sous des concentrations de 6 à 30 % en formaldéhyde. Les indices de concentration figurent obligatoirement sur l’étiquette du flacon dans lequel le fluide est conditionné (no de lot).
Lorsque le thanatopracteur prépare le liquide qu’il injecte dans le circuit vasculaire, il dilue ce fluide avec de l’eau afin d’obtenir une concentration adaptée au traitement du corps.
Liquide ou fluide de cavités
Il est très concentré en formol. Sa diffusion dans les cavités thoracique et abdominale se fait à l’aide d’un tube de drainage, après aspiration des cavités. Ses propriétés bactéricides sont très importantes et très rapides. Ce fluide est très déshydratant et donne une coloration grisâtre aux tissus ainsi qu’aux parois des cavités (fig. 8-1).
Produits complémentaires
Fluides de pré- ou co-injection
Il existe des fluides utilisés en thanatopraxie qui ne contiennent pas de formaldéhyde. Ils n’ont pas d’effet conservateur, mais ils sont employés pour augmenter la qualité de pénétration car ils sont riches en glycérol. Ils peuvent être utilisés en co-injection avec des fluides conservateurs ou en pré-injection afin de préparer le circuit vasculaire et faciliter le traitement conservateur, en dissolvant les caillots sanguins ou encore en diluant les substances présentes dans le sang (comme les sels biliaires en cas d’ictère).
Poudres
Ces mélanges contiennent du paraformaldéhyde qui se présente sous la forme d’une poudre blanche, obtenue par cristallisation d’une solution aqueuse de formaldéhyde avec de l’acide sulfurique. D’autres substances aux propriétés absorbantes (kaolin) et désinfectantes y sont associées. Ces poudres sont utilisées généralement lors du traitement des corps autopsiés pour la cavité thoraco-abdominale.
Gels
Il existe des gels ou des pommades à base de formaldéhyde qui peuvent être utilisés pour le traitement externe de zones, peu ou pas irriguées par l’injection artérielle. L’avantage de ces produits réside dans leur adhérence qui permet de les appliquer sur des tissus ou les zones ne retiennent pasla poudre. On peut ainsi traiter des plaies, telles que les escarres ou les brûlures.
Toxicité des produits d’embaumement
Alcool méthylique
C’est le méthanol (CH3OH). L’inhalation de méthanol prolongée à forte concentration peut provoquer un tableau d’ébriété voisin de celui de l’alcool éthylique. En cas d’exposition chronique majeure, des atteintes visuelles (névrite optique) peuvent être observées.
Accidents liés à la manipulation des produits
Angers | 02 41 48 21 21 |
Bordeaux | 05 56 96 40 80 |
Lille | 0825 812 822 |
Lyon | 04 72 11 69 11 |
Marseille | 04 91 75 25 25 |
Nancy | 03 83 32 36 36 |
Paris | 01 40 05 48 48 |
Rennes | 02 99 59 22 22 |
Strasbourg | 03 88 37 37 37 |
Toulouse | 05 61 77 74 47 |
http://www.centres-antipoison.net |
Toxiques à risque en thanatopraxie
Peu de produits peuvent être responsables d’une intoxication du thanatopracteur qui prend en charge le défunt mort d’intoxication. Le risque n’existerait en théorie qu’à l’ouverture du cadavre par le dégagement de vapeurs irritantes (trichloréthylène, solvant des pesticides, ammoniaque…). En pratique, ces accidents sont mineurs et rares.
Risques théoriques des produits radioactifs
En cas de décès par irradiation, les services spécialisés dans la décontamination des substances radioactives ont déjà été alertés par les équipes médicales. Les substances radioactives encore présentes sur les cadavres peuvent poser des problèmes spécifiques de prise en charge, en particulier une dosimétrie de la radioactivité, la détection de l’élément radioactif et la connaissance de sa durée d’action (ou demi-vie). La coordination de la prise en charge relève de l’Institut national de protection nucléaire et d’organismes d’intervention (SCPRI, Institut Curie).
Symboles
Les symboles présents sur les produits utilisés pour l’embaumement sont détaillés dans le tableau 8-2.
Symboles utilisés pour l’étiquetage des produits nocifs et toxiques | |
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Xn nocif | |
T toxique | |
T + très toxique |
Symboles utilisés pour l’étiquetage des produits corrosifs et irritants | |
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C corrosif | Ils rongent la peau ou les yeux en cas de contact ou de projection. Ils rongent les muqueuses nasales, de la gorge, des bronches, lorsqu’on les respire. |
XI irritant |
Ne pas confondre | |
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XI irritant | Xn nocif |
Symboles utilisés pour l’étiquetage des substances et préparations dangereuses (CEE) | |
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E explosif | C comburant |
F facilement inflammable | F + extrêmement inflammable |
T toxique | T + très toxique |
C corrosif |
Les différentes étapes d’un soin de conservation
Identification du corps
Mise en tenue du thanatopracteur (fig. 8-2)
Préparation du matériel
Mise en place et préparation du corps
Préparation du fluide d’injection
Il est défini en fonction de l’état du corps.